Des réflexions esthétiques et critiques à ne pas manquer pour les amoureux « des pieds » (j'ose !).
Une lecture parfois un peu aride, mais aussi passionnante, qui vaut le détour, à mon humble avis.
Remarquable travail éditorial, de composition et d'accompagnement expliqué dans cet « avis au lecteur », par Étienne Alain Hubert :
La composition de ce volume rassemblant les écrits sur la poésie publiée par Pierre Reverdy de 1932 à sa mort obéit au même principe que le recueil d'écrits sur l'art, « Note éternelle du présent ». À une disposition des textes selon l'ordre chronologique de leur publication on a préféré un plan qui fît ressortir leur hiérarchie et qui facilitât au lecteur l'accès du volume.
La section I réunit les trois grands articles parus entre 1946 et 1950 parmi lesquels Cette émotion appelée poésie qui a été choisi pour prêter son titre à l'ensemble. On trouvera dans ces pages figurant en fronton l'expression la plus achevée et la plus complète de la très haute idée que Reverdy se faisait de la poésie.
La section II présente cinq textes des années d'avant-guerre 1935 à 1938, où se développe une réflexion sur le destin de l'œuvre et sur les rapports du poète avec le monde extérieur.
Dans la section III sont regroupées les pages consacrées, à l'occasion d'anniversaires, à des « phares poétiques » : Lautréamont (1946), Apollinaire (1948) et Rimbaud (1954).
Enfin, la section IV fait succéder des textes de nature et de portée diverses : préfaces et réponses à des enquêtes. le volume est complété par des notes indiquant pour chaque texte les circonstances de publications éclairants certaines allusions.
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Une poésie des profondeurs, sombre, dense, où de lourds paquets de désespoir s’écrasent, des mots d’ombre que le poète tire du sous-sol le plus secret de sa détresse. Une poésie qui s’attaque à ce qui nous ronge au plus profond, qui évoque nos intériorités dévastées, cherche une improbable libération.
«Et, ce soir, je voudrais, d’un effort surhumain, secouer toute cette épaisseur de rouille - cette rouille affamée qui déforme mon cœur et me ronge les mains.»
Pourtant, je n’ai pas trouvé ça plombant, j’ai aimé cette intensité, cette «curiosité perçante au fond du cœur», «Et la main dans le dos qui pousse à l’inconnu», qui porte le lecteur, qui a quelque chose d’assez fascinant. On sent que quelque chose de fort se joue dans cette écriture poétique, même si on ne sait pas bien quoi, et on pense à cette lettre où Pierre Reverdy affirmait:
« Écrire m’a sauvé – j’ai sauvé mon âme. Je ne peux pas imaginer ce qu’eût été ma vie si je n’avais pas écrit. Mais je crois que je ne suis ni un poète, ni un écrivain, ni un artiste. Mais un homme qui n’a pas trouvé d’autre moyen de garder le contact avec la vie, de surnager. J’ai écrit comme on s’accroche à une bouée. »
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Ferraille, Plein verre, le chant des morts, Bois vert, suivi de Pierres Blanches
Ce soir, je voudrais vous parler d'un poète méconnu et vous le faire aimer à travers ce recueil de poèmes. Son nom peut-être vous parle très peu, ou un peu, ou pas du tout. Pierre Reverdy demeure invisible dans les ouvrages scolaires, dans les réseaux sociaux, dans la sphère poétique d'une manière générale, où Pierre Reverdy est sans doute inclassable. Cependant sa poésie est somptueuse.
Les vers de Pierre Reverdy sonnent ici comme une musique minérale, épousent les éléments naturels, les paysages, le réel de nos vies, la dimension parfois mystique qui peut nous questionner dans cette existence éphémère...
C'est une poésie que je trouve solaire. Dépouillée. C'est une sève qui se gonfle aussi de mystères.
On pourrait imaginer que le résultat en sera une joie effrénée... Mais une ombre à chaque fois survole ces vers, c'est une angoisse, le doute qui vient comme la porte d'un jardin qui effraie les oiseaux lorsqu'on l'ouvre. Il y a toujours pour Pierre Reverdy quelque chose qui manque au paysage, qui manque au monde, un ciel en attente, une terre fragmentée de douleurs, un coeur nu qui bat seul dans le paysage.
« le monde est ma prison
Si je suis loin de ce que j'aime
Vous n'êtes pas trop loin des barreaux à l'horizon
L'amour la liberté dans le ciel trop vide »
Ce monde extérieur est sans doute une manière pour le poète de se confronter à son monde intérieur, qui ressemble par moments à de la détresse.
« Et le coeur désuni
Abîme des oiseaux et des jours sans rien faire »
C'est le bruit d'un ruisseau qui secoue les mots. Chaque vers est beau, puissant, il est la rencontre d'une émotion avec la nature. J'ai aimé cette rencontre.
Puis, j'ai senti un drame intérieur peser dans l'envers du décor.
L'océan, le vent, le ciel, les nuages, les étoiles deviennent des itinéraires où le poète dit son inquiétude, son mal-être. Ne connaissant pas l'histoire intime de Pierre Reverdy, je ne saurai pas aller plus loin sur ce chemin, d'ailleurs je pense qu'il ne le faut pas... C'est un chemin qui lui appartient.
Cela fait très longtemps que j'ai découvert la poésie de Pierre Reverdy. Je ne me souviens plus comment, je crois que c'était au hasard de l'étalage d'une librairie... J'avais tout de suite été séduit par sa manière de construire la phrase, la casser, la reconstruire, la redéployer comme une vague plus belle encore, pour la laisser suspendue au bord du vide.
Sa poésie me trotte toujours dans la tête, elle me revient de temps en temps comme le ressac de la mer. Je tente de la comprendre, de comprendre les sentiments qui s'y cachent, ceux d'un poète pudique, des sentiments enfouis dans les mots comme on cache des objets dans le sable.
Je me souviens qu'elle m'avait fait du bien au moment où je l'avais rencontrée. C'étaient les mots que je voulais lire à ce moment-là. Peut-être qu'elle m'a sauvé, qui sait ?
Il y a souvent comme une allusion à des chemins souterrains dans ce qu'il décrit.
Le souvenir d'une femme parfois perce le rideau des pages.
« Je t'aime sans jamais t'avoir vue que dans l'ombre
Dans la nuit de mon rêve où seul je peux y voir
Je t'aime et tu n'es pas encore sortie du nombre
Forme mystérieuse qui bouge dans le soir
Car ce que j'aime au fond c'est ce qui passe
Une fois seulement sur le miroir sans tain
Qui déchire mon coeur et meurt à la surface
Du ciel fermé devant mon désir qui s'éteint »
Un jour, Pierre Reverdy écrivit ses mots : « Il ne faut jamais se fier aux apparences et parler d'un homme sans savoir ce qui se passe dans sa tête quand il se trouve seul, la lumière éteinte, entre ses draps. »
Je vous invite à découvrir la poésie de Pierre Reverdy. Ce recueil est une belle porte d'entrée dans son oeuvre. Même si sa poésie est teintée de tristesse, dans le creux de ses vers, un soleil persiste ou sommeille encore...
« Des fils de souvenirs s'accrochent dans les branches
Des feuilles dans l'air bleu planent à contre vent
Un ruisseau de sang clair se glisse sous la pierre
Les larmes et la pluie sur le même buvard »
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Écrit en pleine guerre de 14, La Lucarne ovale est, avec les Ardoises du toit, un de mes recueils préférés de Reverdy. La guerre est partout , éteint la vie, brouille les relations humaines.
Les mouvements sont hasardeux, la vie hasardée, faite d'incertitudes:
"Il faut passer un espace infernal
Risquer plus que l'on n'a
Et partir revenir s'en aller"
Une grande impression de solitude émane de ce recueil :
"Peu à peu je m'habituais ainsi à marcher seul"
La page blanche du poème est sillonnée, comme d'autant de traits et de lignes de fuite, de trains en partance , de quais poussiéreux, et de ponts jetés sur le vide. Le poète, entre ces traits et ces vides, semble tourner comme un scarabée perdu :
"J'ai couru comme un fou et je me suis perdu
Les rues désertes tournent
Les maisons sont fermées
Je ne peux plus sortir
Et personne pourtant ne m'avait enfermé"
La présence humaine est anonyme: ce sont "des gens en habits noirs, en habits gris" ou alors "une procession" funèbre. - une présence asexuée:
"Homme et femme ils se ressemblaient"
Quand, rarement, une présence individuelle se manifeste, elle est indéfinie -"quelqu'un"- ou fragmentaire... et même fragmentée, éclatée par la violence de la guerre. Les êtres sont mutilés :
"Plus rien ne tient
C'est un homme sans pieds qui voudrait courir
Une femme sans tête qui voudrait parler
Un enfant qui n'a guère que ses yeux pour pleurer"
Tout est plein de ruines- et la disposition graphique, pleine de ces "blancs" que le poète affectionne, s'ouvre à cet espace déconstruit et donne au poème la forme d'une ébauche, d'une trace timide sur le blanc du papier. Une attente s'y creuse:
"On s'attend l'espoir veille sur la route et dans le foyer"
Dans ce monde en guerre, La Lucarne ovale ouvre une trouée sur le ciel, comme un œil, une ouverture :
"Les yeux au ciel l'oubli vient le silence est berceur
Ah le calme et la paix voilà
Des tas de souvenirs reviennent"
Et c'est alors un chant , un peu fêlé, un rire, un peu fou qui ramènent la vie, pour un court instant :
"Je chante faux
Ah que c'est drôle
Ma bouche ouverte à tous les vents
Lance partout des notes folles
Qui sortent je ne sais comment
Pour voler vers d'autres oreilles
Entendez je ne suis pas fou
Je ris au bas de l'escalier
Devant la porte grande ouverte
Dans le soleil éparpillé
Au mur parmi la vigne verte
Et mes bras sont tendus vers vous
C'est aujourd'hui que je vous aime."
Merveilleux Reverdy, toujours à l'écoute, qui chante l'espoir comme il peint le désordre: par petites touches juxtaposées et subtiles, avec la palette délicate d'un Georges Braque, avec les notes détachées d'un Erik Satie...
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Pourquoi chaque recueil de Pierre Reverdy me bouleverse t-il autant ? Je sais en tout cas que ses images fulgurantes, si intenses, ses mots de prédilection comme le vent, les étoiles, la fenêtre me parlent. Je sais que je suis touchée par ses angoisses existentielles, son attrait pour les maisons ouvertes sur la nature, le monde, sa quête personnelle.
Ce recueil regroupe la production poétique de sa première période , le sous -titre l'indique, de 1915 à 1922. Des poèmes en prose, tout d'abord, puis différentes publications. Ma partie préférée, la plus longue d'ailleurs, s'intitule:" Les ardoises du toit":
" Sur chaque ardoise
qui glissait du toit
on
avait écrit
un poème
La gouttière est bordée de diamants
les oiseaux les boivent "....
Les textes de " La lucarne ovale" sont très beaux aussi, vibrants de lumière et d'espoir, malgré les ombres et les pleurs intérieurs. Notamment dans le magnifique poème d'amour " Pour l'instant", cher à mon coeur, que j'ai déjà cité, dont je ne peux m'empêcher d'écrire à nouveau les derniers vers, pour conclure ce ressenti:
" Je ris au bas de l'escalier
Devant la porte grande ouverte
Dans le soleil éparpillé
Au mur parmi la vigne verte
Et mes bras sont tendus vers vous
C'est aujourd'hui que je vous aime"....
Que dire de plus? Je suis envoûtée, frissonnante...
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Même si on lui attribue certains traits communs avec celle De Lautréamont, des surréalistes ou encore d'Apollinaire, la poésie de Pierre Reverdy reste à part. dans un registre qui lui est particulier, il s'est démarqué des courants littéraires de son époque.
Témoignage de la singularité de l'écriture de Pierre Reverdy, son recueil Les flaques de verre, publié en 1929 à la Nrf. Cet ouvrage regroupe des textes en prose écrits entre 1919 et 1928, textes qui avaient figuré auparavant dans diverses revues et catalogues. Ces poèmes ont été le fruit d'un travail étroit avec de nombreux artistes peintres et amis du poète qui en ont assuré les illustrations (malheureusement absentes dans le présent recueil) : Juan Gris, Pablo Picasso, Georges Braque, Henri Matisse ou encore Henri Laurens.
La poésie de Pierre Reverdy définit en creux un espace, celui d'une autre réalité qui n'est pas celle qui nous est familière, visible, tangible. C'est une réalité autre, qui reste à la lisière des choses, se déplace le long des apparences, une réalité tout imaginaire qui fonde son écriture poétique. Reverdy intériorise la réalité, la métamorphose, la transforme sans toutefois l'imiter ou la caricaturer, ni la déposséder de la perception que nous en avons, comme l'on fait les surréalistes.
« J'interroge le silence et l'erreur ; j'interroge la fatalité de la marche, le pêle-mêle du malheur. Chaque mot qui sort et s'aligne doit être un chaînon de la liberté luisante que je gagne. » *
La poésie de Pierre Reverdy est comme une fabrique d'images, par laquelle le poète contient, met à distance les revendications, les instances du réel. Selon lui, la poésie ne réside pas dans les objets, les êtres ou l'étendue d'un paysage, elle se niche tout entière dans l'esprit, dans la réserve d'imaginaire que chacun porte en soi. La réalité est la source, la condition de notre imaginaire, mais elle n'est pas en soi porteuse d'imaginaire. Seul le langage est en mesure de faire naître en nous la parole poétique.
La poésie de Pierre Reverdy a tout à voir avec la réalité, même si elle s'en démarque avec précaution. Son écriture est faite de nuances, où les images portent en elles une résonnance, un rythme, un accord secret qui la rend mystérieuse et belle.
« LES IMAGES DU VENT
D'un bout à l'autre, la ligne s'assouplit et se retire- les landes délavées repliant leurs miroirs et les buissons noircis agitant des images - des gestes indécis et de larges grimaces, loin du ciel. Il est à peine l'heure de sortir sous la pluie les routes sont perdues entre les - quatre points et l'air venu de haut et de toutes les sources plane entre les tournants, aux marges des poteaux. L'âne court dans le champ désert et sans abri. La voix qui roule dort dans un repli du vent aucune tête ne dépasse l'herbe rase, liée de ruisseaux creux et secs qu'il faut sauter. Au tranchant lumineux luit la crête des vagues. Un mouvement discret, direct vient au passage où les mains détachées flottent sur le courant sous le regard aigu, la pointe fixe d'un feu rouge vivant et calme dans la nuit. »
(*) extrait de la Porte à portée – p. 167
.
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Je constate avec étonnement, regret et même tristesse que je suis la première à faire une critique de ce magnifique recueil de poèmes. J'aimerais vous donner l'envie de (re)découvrir ce poète, dont j'apprécie l'authenticité, l'aspect angoissé et torturé mais aussi l'attraction inspirée pour la nature, l'univers.
Pierre Reverdy : voilà un prénom et un nom merveilleusement appropriés pour un poète qui fusionne avec les éléments naturels, minéraux ! A l'époque de la publication de ce recueil, en 1937, il a la quarantaine.Retraite intérieure, désolation, peur du vide le rongent.Élans cosmiques,chant du mouvement, feu intime le sauvent.
Le lien tendre avec la nature, lieu de l'exaltation,s'exprime souvent dans ses poèmes :
" A tous les tournants de la terre
A tous les vertiges du vent
Une colonne de velours dans la clairière
Oú les branches sont des limailles de soleil"
Mais la nature peut aussi être source de souffrances, elle lui échappe, s'enfuit ,se dilue , il ne l'atteint plus:
" Des images
Des images
Sans aucune réalité pour se nourrir"
Un poème en particulier me bouleverse toujours, quand je le relis. Je ne saurais dire exactement pourquoi. C'est pour moi le cri déchirant d'un homme en proie à ses démons intimes, qui s'interroge sur l'impermanence des êtres et des choses, sur sa propre existence. C'est "Coeur à la roue", dont je vous cite quelques vers:
" Il suffirait d'un geste à peine dessiné
D'un mouvement de lèvres sans murmure
D'un regard sans intention trop arrêtée
Il suffirait de rien
Mais rien ne suffira
Dans la nuit de velours
Masque du vide"
J'espère avoir réveillé vos fibres poétiques. Allez à la rencontre dePierre Reverdy , entre désespoir et passion, obscurité et fulgurances. A chaque relecture, les frissons m'envahissent,l'éclat pourtant noir de ce poète reverdit mon coeur...
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Sources du vent...un appel pour moi irrésistible, une invite si magnifiquement formulée à découvrir un autre recueil de Pierre Reverdy, dont j'aime tant " Ferraille, Plein verre" et " Plupart du temps". Cette oeuvre a été publiée en 1929, ce sont des poèmes écrits à la quarantaine.
J'y retrouve le sens inné des associations de mots qui créent un univers riche et très évocateur, le rythme irrégulier provoquant des ruptures textuelles et sémantiques symboliques, j'y retrouve surtout l'angoisse humaine, ses interrogations existentielles qui nous touchent car ce sont aussi les nôtres...
Une fois encore, les vers du poète m'ont cueillie au vol, m'ont fait vibrer, et ces vibrations me traversent, infiniment...
Écoutez cette " voix dans l'oreille":
" Le temps est clair comme une goutte d'eau
Des oiseaux migrateurs passent dans mes rideaux
La plaine est entraînée par le souffle des ailes
Et la fumée des champs est pleine d'étincelles"...
Écoutez le chant profond et aérien du poète, plongez-vous dans les sources mouvantes du vent..Ecoutez ces mots, brises ou rafales, qui s'engouffrent dans le coeur...
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J'avoue que je connaissais absolument pas Pierre Reverdy jusqu'à présent et c'est donc grâce à ces quelques poèmes réédités par Télérama que je l'ai découvert. Il faudra que je pousse un peu plus pour savoir ce qu'il a écrit exactement car ici, le moins que l'on puisse dire est que les textes représentés ici sont loin d'être gais. Certes, Reverdy chante l'amour, mais un amour absent, celle qui n'est pas là et qu'il tend désespéramment à trouver. Oui, le Toi existe dans ces poèmes mais un toi quasi inexistant puisqu'il n'a pas de visage ni même de forme. Le poète célèbre aussi les beautés de la nature mais qui sont malheureusement éphémères et enfin, surtout, ce dernier s'attriste sur le temps qui passe sans que nous puissions l'arrêter et ce vers quoi toute chose vivante doit immanquablement se tourner un jour ou l'autre, à savoir la fin de tout.
Un ouvrage magnifique, que je vous déconseille de lire quand vous êtes déprimé mais que je vous recommande néanmoins vivement !
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Un recueil unique, insolite.
Il est déjà difficile de parler de poésie, mais alors cet objet-là, il faut l'avoir eu en mains, parcouru, contemplé, médité.
Par où commencer?
Le texte d'abord. L'écriture en a été achevée le 5 janvier 1945. Tout n'était pas encore connu de l'enfer dont on sortait.
Ce sont des chants funèbres, de mémoire, de deuil, de ténèbres, de souvenir, d'hommage, de tristesse, mais aussi de vie, de résistance, de rayons de clarté qui aident à tenir, à ne pas désespérer.
Pour ces textes, Reverdy est revenu à l'écriture manuscrite comme à quelque chose de primordial, d'intime.
Et enfin, il a proposé à son vieux compagnon Pablo Picasso d'y mettre sa main.
Et voilà cette écriture ornée de traits, de points, de courbes, de ronds, dans une constante couleur rouge, comme une scansion supplémentaire, un enrichissement, une enluminure.
Le tout a paru à très peu d'exemplaires en 1949. Et finalement a été réédité en Poésie Gallimard en 2016, en respectant la disposition, mais pas les dimensions, de l'original.
Il vaut la peine de se plonger posément dans ce profond dialogue du mot et du trait.
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Main d’œuvre regroupe plusieurs des recueils de Pierre Reverdy publiés entre 1925 et 1949 et de nombreux poèmes inédits écrits à partir de 1913.
Lié à l’essor du surréalisme sans qu’il ne fasse partie du mouvement, l’image de Pierre Reverdy restera longtemps celle d’un libre penseur mais aussi d’un théoricien de la poésie.
" Y-a-t-il au monde un mot plus chargé de sens et de prestige que celui de poésie ? En est-il un autre qui soit plus que celui-ci aisément tourné en dérision et méconnu, si souvent employé et si mal défini ? " demandait Pierre Reverdy dans sa célèbre conférence radiodiffusée en 1948 intitulée " La fonction poétique ".
Comme un préalable à la création poétique, Pierre Reverdy entend définir les contours, les conditions de l’acte d’écrire. Revendication personnelle qui transparaît beaucoup dans les nombreux poèmes qui composent Main d’œuvre.
La lecture des poèmes de Reverdy est en elle assez exigeante. Non que les textes soient dépourvus de sens, de pouvoir d’évocation ou de lyrisme, ils restent pour la plupart chargés d’une vérité qui est à chercher dans un rapport direct au langage.
Pierre Reverdy veut faire déborder la conscience hors d’une servitude fonctionnelle, faire se rapprocher ce qui ne saurait l’être à priori.
" Il y a le merveilleux refrain
D’un timbre dur au dessin clair
Des mains qui volent sans raison
Blanches au revers des pommettes
Le duvet de la poudre
Et la paille du sort
Quand l’or coud fil à fil
Le désastre ou la fête
La trame des regrets dure sous la chanson
Les oreilles flétries sous le vent qui bourdonne
Un pas de plus vers la maison
La raison que le cœur me donne
[…] "*
La poésie de Reverdy naît de la perception des choses, des êtres, de l’instant, mais elle ne saurait s’arrêter à leur seule description. Chaque vers porte en lui une dynamique, un pouvoir d’évocation que le poète met en évidence, une charge de sens très particulière qu’il adjoint et met en contradiction avec les autres. De là, naît une nouvelle parole, un nouveau langage.
Si parfois la lecture de Main d’œuvre m’a semblé un peu éprouvante, un peu trop saturée de sens, la poésie de Pierre Reverdy me paraît plus qu’essentielle. Elle porte en elle toute l’énigme, toute la potentialité du langage qui se renouvelle en lui-même, et pousse plus loin notre rapport au monde et au temps.
(*) extrait de " Le Silence infernal " in " Le chant des morts ", 1944-1948.
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j'ai toujours adoré ce poète: sa simplicité et son sens des images me parlent.
J'aime ses vers aérés, pleins de blancs ouverts à mes rêves.
Son univers est souvent triste, comme abandonné des hommes mais d'une tristesse distinguée, délicate, un camaîeu de teintes claires et fondues, des gris, des beiges, des blancs. Pas de noirs.
Il se découvre comme un tableau de Tanguy, une étude de Cézanne, un pastel de Spilliaert. Structuré dans ses lignes et aérien dans ses mots, esquissé dans ses suggestions et ferme dans son propos.
Il a des antennes pour les choses les plus humbles, et le regard qu'il leur jette sait toujours surprendre leur mystère.
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Pierre Reverdy, une déclaration d'amour.
Il est l'un des inspirateurs du surréalisme et cotoie de nombreux artistes : Braque, Matisse, Appolinaire...
Ami de Picasso, admirateur de son travail mais non de son comportement, Reverdy fuit les mondanités parisiennes. Ne supportant pas l'alliance de l'argent et de l'art, il se réfugie, avec sa femme, près de l'abbaye de Solesmes où il vit dans un grand dénuement.
Il s'affranchit des codes de la poésie (rimes, alexandrins, sonnets) et ses poémes s'allègent de toutes les normes d'alors. Il veut que de sa poésie ne demeure que l'essentiel.
Et c'est vrai que sa poésie ne se donne pas au premier coup d'oeil. C'est grâce à une seconde lecture de cet ouvrage que j'ai pu savourer toute la magnificence de ses écrits. J'adore Prévert et sa simplicité, mais j'aime aussi qu'un auteur se laisse apprivoiser. Petit à petit, j'ai eu l'impression de toucher du doigt un bourgeon et lorsque ce contact avait lieu, un bouquet d'étincelles jaillissait.
Mélancolie, tristesse, noirceur parfois, ces écrits n'ont pas de thème réjouissant ou tapageur. Ils sont le reflet de la réalité. Réalité ? Apparence de la réalité ? Mais leur résonance vous happe, vous bouleverse parfois aux larmes, vous explore l'âme. Vous font vibrer tout simplement.
Et c'est pourquoi, je peux dire maintenant : Monsieur Reverdy, je vous aime...
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Un magnifique livre de Pierre Reverdy, poète surréaliste moins connu qu’Eluard, Aragon ou Breton, et qui se retira rapidement de l’agitation du monde pour faire retraite près de l’abbaye de Solesme.
Plusieurs recueils de poèmes y sont rassemblés autour du long poème Sable mouvant, un des derniers du poète, un merveilleuse métaphore qui évoque, à l’approche de la mort, le regard sur la vie parcourue.
À côté de ces poèmes, on trouve aussi des textes dans lequel le poète nous livre ses réflexions passionnantes sur la matière poétique et ceci dans le recueil « Cette émotion appelée poésie ».
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Il y a une certaine sécheresse dans les poèmes de Reverdy, ses constructions énumératives sont déstabilisantes. Si des images parviennent parfois à surgir de rapprochements inattendus, l’ensemble du recueil semble drapé d’une grosse couche de neige, bloc statique et pesant qui n’invite pas à l’enthousiasme. Mais cette ombre permanente a aussi quelque chose d’émouvant. La forme souvent biaisée des poèmes s’accorde souvent avec la sensation de laisser-aller, de glissade, de chute, offerte par leur lecture. Mais toute monotonie de la linéarité est contrecarrée par la description d’un monde plissé, où le parcours du lecteur se heurte à des sillons, à des interstices et à des failles, nouveaux mondes que la poésie seule est capable de donner à percevoir.
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Pierre Reverdy confiait que le poète pressent au fond de lui une réalité singulière. Ses sentiments sont à peu près ceux de tout le monde mais il voudrait tant donner de lui quelque chose qu'il sent ne pas être de tout le monde.
C'est tout ce que révèle Plupart du temps, recueil qui contient les premières oeuvres publiées par le poète à partir de 1915. L'auteur est dans une période d'écriture très prolifique, en plein épanouissement. Poèmes en prose ou en vers, choix de l'auteur, tous les textes sont défaits de l'usage du vers régulier et de la strophe.
Il n'y a pas d'emphase, pas d'effusion dans la poésie de Pierre Reverdy, seulement des choses vues, entendues comme rapportées dans l'instant par un regard attentif et sensible au présent.
Des images faites de passants traversés de sentiments, des lieux, des paysages composés de couleurs (souvent sombres), de jeux de lumières, de sons, de silences, qui apparaissent tous en mouvement ou immobiles, fugaces ou permanents,… Toute une réalité dispersée que l'auteur veut rassembler dans l'écriture, une réalité à qui il faut (re)donner vie.
La beauté des poèmes de Reverdy n'apparaît pas d'un bout à l'autre du texte, elle n'est pas démonstrative. C'est bien plus une beauté discrète, sous-jacente mais qui reste toujours sensible, sincère. Ce très beau vers tiré de « Sang de ménage » écrit en 1916 suffit à lui seul à dire l'attachement que l'on peut ressentir : « et les cyprès tiennent la lune dans leurs doigts ». Ces quelques mots évoquent tout un monde… Un monde à part, subtile, celui de la poésie de Pierre Reverdy.
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On trouve dans les livres de Pierre Reverdy cette limpidité où chaque vers est imprègné des beautés du monde. Un poète dont l'oeuvre montre que la poésie lui est quelque chose de l'ordre du pain quotidien ou de l'air qu'on respire. L'univers de Reverdy a pour modèle la limpidité hivernale, les merveilles du givre, l'éblouissement des cascades, les voiles de la pluie, les lueurs des vitres.
Pierre Reverdy cherche à aller au coeur des choses plutôt qu'à leur surface ; le poème sera plus une évocation de la réalité par le biais de ce que les images suggèrent qu'une description ou une narration. Il s'agit de rapprocher des mots aux sens éloignés les uns des autres pour créer une sorte de choc visuel.
Un lien charnel avec la nature, une simplicité enchantée .
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Toujours, quelque chose échappe. Il y a une fenêtre, un mur, des gens qui passent, un air de guitare, un toit, peut-être un rayon de soleil. Que se passe-t-il? Rien, et tout. Le poète découpe les mots, les désassemble. Il les dispose, en vrac ou en supplément de sens, sur la page, pleine de prose ou presque vide. On lit ceci sans comprendre, effleuré par des bribes de réalité, quelques mots qui s'envolent, des formule magiques, toujours un entre-deux, le seuil d'une porte fermée, un chemin à côté d'une maison sans habitant, un rêve qui tente de se lever. A la fin, c'est comme si on n'avait pas lu. La vraie poésie ne dit rien, elle murmure.
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Tout son recueil est comme constitué de « cristaux déposés après l'effervescent contact de l'esprit avec la réalité ».
En termes précis, le poète cherche à situer sa relation entre lui-même (ou l'homme, de façon plus générale) et le monde, le rêve et la réalité.
C'est dans cette quête essentielle que se situe, pour Reverdy, la poésie. Elle est absence, elle est « dans ce qui n'est pas », dans ce qui manque.
Le poète recherche, hors de toute rhétorique, un dépouillement extrême de sa poésie.
Sa poésie demande à l'image de préciser la justesse d'un rapport intellectuel.
Reverdy peut être appréhendé comme un poète statique. Mais son immobilité est sillonnée par de grands frémissements d'une sensibilité discrète et réservée.
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