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Citations de Rainer Maria Rilke (1497)


XV

Tout ici chante la vie de naguère,
non pas dans un sens qui détruit le demain ;
on devine, vaillants, dans leur force première
le ciel et le vent, et la main et le pain.

Ce n'est point un hier qui partout se propage
arrêtant à jamais ces anciens contours ;
c'est la terre contente de son image
et qui consent à son premier jour.
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Rainer Maria Rilke
Mais écoute le souffle de l'espace,
le message incessant qui est fait de silence.
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Laissez vos jugements suivre leur cours sans se laisser déranger : leur développement tranquille comme tout progrès, doit venir du plus profond de vous, et rien ne saurait le brusquer ni hâter son mouvement. Porter à terme et enfanter, tout est là. Laisser en soi chaque impression, chaque germe de sentiment s’accomplir jusqu’au bout, dans l’obscurité, l’indicible, l’inconscient, là où l’entendement ne pénètre pas, et attendre avec une humilité et une patience profondes l’heure de l’accouchement d’une clarté nouvelle : vivre en artiste ne signifie rien d’autre - pour celui qui comprend comme pour celui qui crée.
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Car celui qui crée doit être pour lui-même un monde et tout trouver en lui-même et dans la nature à laquelle il s’est joint.
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Rainer Maria Rilke
Après une journée de vent,
dans une paix infinie,
le soir se réconcilie comme un docile amant.
Tout devient calme, clarté...
Mais à l'horizon s'étage, éclairé et doré,
un beau bas-relief de nuages.
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C'était à la fin de l'automne 1902 - j'étais assis dans le parc de l'Académie militaire de Wiener Neustadt, à l'ombre d'antiques châtaigniers, et je lisais un livre.
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Nous sommes les abeilles de l'Invisible. Nous butinons éperdument le miel du visible, pour l'accumuler dans la grande ruche d'or de l'Invisible.
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...une année ne compte pas et dix ans ne sont rien, être artiste signifie : ne point calculer ni compter; mûrir comme l'arbre, qui ne fait pas monter sa sève plus vite qu'elle ne va et se dresse avec confiance au milieu des tempêtes du printemps sans avoir peur que ne vienne aucun été. Il viendra. Mais il ne viendra que pour ceux qui sont patients, qui sont là comme S'ils avaient l'éternité devant eux, dans l'insouciance de son calme et de son immensité. Je l'apprends tous les jours, je l'apprends dans la douleur, à qui j'en ai la gratitude : la patience est tout.
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Si vous vous en tenez à la nature, à ce qu'elle a de simple, à ce qui est petit, que presque personne ne voit, et qui peut justement se transformer à l'improviste en quelque chose de grand, d'incommensurable; si vous avez cet amour pour l'infime et cherchez fort simplement, en serviteur, à gagner la confiance de ce qui paraît pauvre - alors tout deviendra pour vous plus léger, plus homogène
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La solitude qui enveloppe les œuvres d’arts est infinie.
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Il vous faudra simplement faire preuve d’indulgence à l’égard de la réponse qui souvent vous laissera peut-être les mains vides; car, au fond, et précisément pour les choses les plus profondes et les plus importantes, nous sommes inqualifiablement seuls.
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Votre regard est tourné vers l’extérieur, et c’est d’abord cela que vous ne devriez désormais plus faire. Personne ne peut vous conseiller ni vous aider, personne. Il n’existe qu’un seul moyen : plonger en vous-même.
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Et, pour en revenir à la solitude, il apparaît toujours plus clairement que ce n'est aucunement une chose à prendre ou à laisser. Nous sommes solitaires. on peut s'illusionner à ce sujet et faire comme s'il n'en était rien, c'est tout. Mais il est bien préférable de comprendre que nous le sommes et même de tout faire pour partir de là. Il pourra alors évidemment se faire que nous soyons pris de vertige ; car tous les points sur lesquels notre regard se posait d'ordinaire nous sont retirés ; il n'y a plus rien de proche et le lointain recule jusqu'à l'infini. Quiconque, sortant de sa chambre, serait transporté sans préparation et sans transition au sommet d'une haute montagne devrait éprouver un sentiment semblable : une insécurité sans pareille, le sentiment d'être entièrement livré à des forces anonymes, le mènerait presque au bord de l'anéantissement. Il penserait tomber dans l'espace ou y être projeté comme avec une fronde ou éclater en mille morceaux : quel gigantesque mensonge son cerveau ne devrait-il pas inventer pour rejoindre l'état où se trouveraient ses sens et y apporter quelque clarté.



C'est ainsi que se transforment, pour celui qui devient solitaire, toutes les distances, toutes les dimensions ; parmi ces changements il en est de soudains et, comme pour cet homme au sommet de la montagne, naissent alors des imaginations insolites, des sensations étranges, qui semblent dépasser le supportable. Mais il est nécessaire de vivre cela également. Nous devons assumer notre existence aussi loin qu'il est possible ; il faut que tout y soit possible, même ce qui paraît inouï. C'est au fond le seul courage qu'on attend de nous : le courage d'être ouvert à ce qui peut nous arriver de plus bizarre, de plus étonnant, de moins explicable. C'est la lâcheté des hommes en ce domaine qui a fait subir à la vie les plus grands dommages ; les expériences vécues qu'on dénomme " apparitions ", ce qu'on appelle "le monde des esprits", la mort , toutes ces choses qui nous sont si étroitement apparentées, ont été à ce point écartées de la vie par le refus que nous leur opposons journellement que les sens qui nous permettraient de les saisir se sont atrophiés. Pour ne rien dire de Dieu. Mais la peur de l'inexplicable n'a pas seulement appauvri l'existence de l'individu, elle a aussi limité les relations entre les êtres, en les retirant, en quelque sorte, du fleuve des possibilités infinies pour les déposer sur un coin du rivage en jachère, ou rien ne se passe.



Car ce n'est pas seulement l'indolence qui rend les rapports humains si indiciblement monotones et qui les fait se répéter sans changement d'un cas à un autre, c'est la peur de quelque expérience nouvelle et imprévisible, qu'on ne se croit pas capable d'affronter. Mais seul celui qui est préparé à tout ce qui n'exclut rien, pas même les événements les plus énigmatiques, vivra la relation à autrui comme quelque chose de vivant et sera capable d'épuiser toutes les ressources de sa propre existence. Car, en comparant cette expérience de l'individu à un espace plus ou moins grand, il apparaît que la plupart ne connaissent jamais qu'un recoin du leur, une place près de la fenêtre, une étroite bande pour aller et venir. Ils acquièrent ainsi une certaine sécurité. Et, pourtant , la dangereuse insécurité qui poussent les prisonniers dans les récits d'Edgar Poe à reconnaître à tâtons les contours de leur épouvantable prison et à ne pas ignorer les terreurs de leur captivité, est tellement plus humaine. Mais nous ne sommes pas prisonniers. On n'a tendu autour de nous ni trappe ni nœud coulant et il n'existe rien qui doive provoquer en nous angoisse ou tourment. On nous a placé dans la vie comme dans l'élément auquel nous correspondons le mieux et une adaptation millénaire nous a en outre rendus si semblables à cette vie que, pourvu que nous restions immobiles, nous sommes, grâce à un heureux mimétisme, à peine discernables de tout ce qui nous entoure.



Nous n'avons aucune raison de nous méfier de notre monde, car il ne nous est pas hostile. S'il recèle des frayeurs, c'est que ce sont nos propres frayeurs ; s'il a des abîmes, ces abîmes nous appartiennent et, s'il y a des périls, nous devons essayer de les aimer. Et pourvu que nous organisions notre vie selon ce principe qui nous conseille de nous en tenir toujours au plus difficile, ce qui nous apparaît encore aujourd'hui comme le plus étranger deviendra notre élément le plus intime et le plus fidèle. Comment pourrions-nous oublier ces vieux mythes qu'on trouve à l'origine de tous les peuples, les mythes des dragons qui, à l'ultime instant, se changent en princesses ? Peut-être tous les dragons de notre vie sont-ils des princesses qui attendent seulement de nous trouver un jour vaillant et beaux. Peut-être tous ce êtres qui nous épouvantent ne sont-ils au fond que des êtres dans le désarroi, qui attendent que nous leur portions secours.
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"Je viens vers toi en état de disette mon précieux coeur, avec tout mon Hier, tout cet impénétrable, toute cette défaite attachée à mes basques. Je vais donc te voir Magda,avec ces yeux qui n'y sont pas préparés; mes mains , mes mains d'hier vont chercher un refuge dans les tiennes... Dis-moi, que fait-on le jour qui précède un tel jour. "
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Rainer Maria Rilke
Entrez de temps à autre, ô vous les tendres,
dans ce souffle d'air qui ne vous veut rien,
laissez-le se fendre au long de vos joues,
derrière vous il tremble, à nouveau un.

Ô vous les heureux, ô vous les indemnes,
vous qu'on dirait commencement des coeurs,
votre sourire, arc et cible des flèches,
plus éternel est son éclat en pleurs.

Ne craignez pas de souffrir, ce qui pèse,
rendez-le à la terre, au poids qu'elle a ;
pesants sont les monts, pesantes les mers.

Ces arbres même, enfants vous les plantiez,
sont depuis longtemps trop lourds à porter.
Mais le monde aérien... mais les espaces...
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Et seulement quand nous étions tout à fait certains de n'être pas dérangés, et que, au dehors, la nuit tombait, il pouvait arriver que nous nous abandonnions à des souvenirs, à des souvenirs communs qui nous paraissaient à tous deux très anciens et dont nous souriions : car depuis lors nous avions tous deux grandi. Nous nous rappelâmes qu'il y avait eu un temps où maman désirait que je fusse une petite fille et non pas ce garçon que, mon Dieu, oui, il fallait bien que je fusse. J'avais deviné cela, je ne sais plus comment, et j'avais eu la pensée de frapper quelquefois l'après-midi à la porte de maman. Quand elle demandait alors qui était là, j'étais tout heureux de répondre du dehors "Sophie", d'une voix que j'amenuisais si bien qu'elle me chatouillait la gorge. Et lorsque j'entrais ensuite (dans mon petit vêtement d'intérieur aux manches relevées qui semblait presque un déshabillé de fillette), j'étais tout simplement Sophie, la petite Sophie de maman qui s'occupait dans le ménage et à laquelle sa maman devait tresser une natte pour qu'il n'y eût pas surtout de confusion avec le vilain Malte, si jamais il revenait. Cela n'était du reste nullement désirable ; il plaisait autant à maman qu'à Sophie que Malte fût absent, et leurs conversations - que Sophie poursuivait toujours de la même voie aiguë - consistaient surtout en énumérations des méfaits de Malte dont ils se plaignaient, "Ah oui, ce Malte", soupirait maman. Et Sophie ne tarissait pas sur la méchanceté des garçons, comme si elle en avait connu un tas.
" Je voudrais bien savoir ce qu'est devenue Sophie", disait alors tout à coup maman au milieu de ces souvenirs. Et là-dessus sans doute Malte ne pouvait pas la renseigner. Mais lorsque maman présumait que certainement Sophie devait être morte, il la contredisait avec entêtement et la conjurait de ne pas croire cela, bien qu'il ne fût nullement capable de prouver le contraire.
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Je sais que si j'étais destiné au pire il ne me servirait à rien de me travestir sous mes meilleurs vêtements. Ne glissa-t-il pas du milieu de sa royauté parmi les derniers? Lui, qui, au lieu de s'élever, tomba jusqu'à ce qu'il touchât le fond. C'est vrai, j'ai cru parfois aux autres rois, bien que les parcs ne prouvent plus rien. Mais il fait nuit, c'est l'hiver, je gèle, je crois en lui. Car la puissance ne dure qu'un instant, et nous n'avons rien vu de plus long que la misère.
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Comment oublier ces mythes antiques que l'on trouve au début de l'histoire de tous les peuples ; les mythes de ces dragons, qui, à la minute suprême, se changent en princesses ? Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours, qui attendent que nous les secourions.
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Sous les buissons partout empoussiérés
c'est un passage d'eaux vivantes
radieuses de répéter
que ce qui passe chante.
     
-
     
ce qui nous abrite à la fin,
c'est l'insécurité de notre être ; et de l'avoir
retournée en Ouvert, quand nous l'avons vue menacer,
pour, dans le cercle le plus vaste, quelque part
où la loi nous atteint, lui dire oui.
     
     
Muzot, 16 & 4 juin 1924
(extraits, pp. 81-82)
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Je suis couché dans mon lit, à mon cinquième étage, et mon jour, que rien n'interrompt, est comme un cadran sans aiguilles. De même qu'une chose qui était longtemps perdue, se retrouve un matin à ma place, ménagée et bonne, presque plus neuve qu'au jour de la perte, comme si elle avait été confiée aux soins de quelqu'un, - de même se retrouvent ça et là sur la couverture de mon lit des choses perdues de mon enfance et qui sont comme neuves. Toutes les peurs oubliées sont de nouveau là.
La peur qu'un petit fil de laine qui sort de l'ourlet de la couverture ne soit dur, dur et aigu comme une aiguille en acier ; la peur que ce petit bouton de ma chemise de nuit ne soit plus gros que ma tête, plus gros et plus lourd, la peur que cette petite miette de pain ne soit en verre lorsqu'elle touchera le sol et qu'elle ne se brise, et le souci pesant qu'en même temps tout ne soit brisé ; qu'à jamais tout ne soit brisé, la peur que ce bord déchiré d'une lettre ouverte ne soit un objet défendu, un objet indiciblement précieux pour lequel nul endroit de la chambre ne serait assez sûr ; la peur d'avaler, si je m'endormais, le morceau de charbon qui est là devant le poêle ; la peur qu'un chiffre quelconque ne puisse commencer à croître dans mon cerveau jusqu'à ce qu'il n'y ait plus place pour lui en moi ; la peur que ma couche ne soit en granit, en granit gris ; la peur de crier et qu'on n'accoure à ma porte et qu'on ne finisse par l'enfoncer ; la peur de me trahir et de dire tout ce dont j'ai peur, et la peur de ne pouvoir rien dire, parce que tout est indicible, et les autres peurs.. les peurs.
J'ai prié pour retrouver mon enfance, et elle est revenue, et je sens qu'elle est toujours dure comme autrefois et qu'il ne m'a servi à rien de vieillir.
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