AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de René Char (125)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Dans l'atelier du poète

Aujourd'hui je brandis cette poésie flamboyante et pourtant René Char, ce n'était pas un coup de foudre. Sa poésie était pour moi comme une personne dont la première impression repousse. Parce que je me suis sentie d'abord idiote en sa compagnie. Je pensais il y a quelques années : jamais je n'ai ouvert quelque chose d'aussi sorcier et fumeux que René Char ! Ce n'est décidément pas pour moi ! Mais je ne me suis pas fiée aux apparences, la couverture et l'épaisseur du livre continuaient à m'attirer. D'habitude je ne manquais pas de clés pour des oeuvres difficiles…

Aujourd'hui je pense que René Char c'est un esprit supérieur qui ne cherchait pas à plaire. Il était à la poursuite de la beauté du verbe, beauté solitaire. « Il faut peu pour plaire et beaucoup pour faire beau » disais Max Jacob…

J'ai déjà remarqué plusieurs fois chez moi : ce qui choque finit par plaire comme ce qui plaît soudain déplaît. René Char en est un exemple. Il a ses portes et moi j'ai fini par les repérer. Enfin, j'espère !

Ce matin je me suis encore promenée dans son labyrinthe. Je sens que je reviendrai à lui comme à une bible car il en a toutes les qualités : une beauté lumineuse, une perfection intimidante et une profondeur inaccessible… Dans l'atelier du poète est une oeuvre où le raffinement est poussé à l'extrême.

René Char m'a fait réfléchir. J'ai réalisé qu'il y a deux sortes de poésie un peu comme deux sortes de musique (la musique savante et la variété). Effectivement René Char me fait penser plutôt à Boulez qu'aux chansons de Léo Ferré tout comme il est plus proche du peintre Fernand Léger que du dessin humoristique de Sempé !

Oui, il y a des poètes, les « tombés du ciel » qui vous tiennent par la main comme Prévert ou Trenet et les autres poètes qui vous sourient depuis le ciel. René Char appartient à ces derniers. René Char c'est une poésie qui me rend muette tellement elle est recherchée, recherchée jusqu'à l'impossible !

Moins d'un pour cent de la population regarde les émissions consacrées à la musique ou à la danse contemporaines. Mais combien de pour cent des gens lisent la poésie contemporaine, la poésie pure qui n'est pas habillée de chanson ? De mon côté, j'ai besoin de me tirer vers le haut pour être capable d'apprécier les merveilles de la production artistique contemporaine quel que soit le domaine.

Pour revenir à Dans l'atelier du poète, j'ajoute quand même que René Char, tout en étant un être, un génie à part, avait beaucoup d'amis, artistes peintres, compositeurs de musique, qui partageaient ses valeurs esthétiques et qui créaient avec lui des oeuvres en commun. Ce livre témoigne de ces rencontres, et il est si bien documenté qu'après l'avoir refermé j'ai le sentiment de sortir d'une exposition. Dans l'atelier du poète est magnifiquement illustré en noir et blanc et accompagné de photos en abondance.

Commenter  J’apprécie          862
Char : Oeuvres complètes

J'avais reçu en cadeau de ma mère le recueil de poèmes choisis paru à Bucarest en 1968, traduit en roumain par Gellu Naum, avec une préface de Virgil Teodorescu et mentionné à la page 1440 dans le section traductions de la bibliographie.

J'évoque ce détail anodin en apparence pour attester encore de la qualité de l'appareil critique de la collection La Pléiade. Je ne possède pas beaucoup de livres dans cette collection assez onéreuse, mais je suis particulièrement attachée à celui-ci et aux « alliés substantiels » de René Char parmi lesquels on compte Victor Brauner.

La table des titres et des incipits me semble très utile.

Sinon, il faut lire, même à petites doses, ce poète dont l'hermétisme peut décourager, je vous l'accorde.
Commenter  J’apprécie          541
Fureur et Mystère

Je ne mentirai pas, je suis passée à côté des deux tiers de ce recueil de poèmes. Je les ai lus, tous, ou quasiment, et j'ai essayé de m'abandonner à la sonorité, à la juxtaposition de mots, aux mots eux-mêmes, sans chercher à tout comprendre, comme on le ferait à une exposition d'art contemporain.

Mais en suivant le flux des phrases, on retient plusieurs trames:

-pour commencer, l'action, la poussée vers le but, et parfois la violence de cette dynamique.

-la nature telle qu'on ne la connaît plus (dans la poésie, dans l'écriture), encore sauvage et si multiple, odorante, rugueuse, si vivante.

-l'amour, parfois dans sa désespérance, l'immédiateté.

-le souvenir, l'enfance, le passé qui n'est plus.

-la guerre, sa violence, sa présence.



Obligé d'écrire dans l'immédiateté, on imagine un carnet abîmé glissé dans sa poche de maquisard qu'il remplit entre deux actions, à l'envolée, et qu'il ne comprend peut-être plus lui-même au moment de les retranscrire. Fugacité du moment.

Coups de colère aussi, et intransigeance, pour ceux qui pourraient être traîtres ou ceux qui ne s'engagent pas vraiment, et pureté de ces hommes encore enfants qui se jettent dans la résistance.

Il m'a fallu énormément de temps pour lire ce recueil, et je ne pense pas en lire d'autres de lui de sitôt, mais comment ne pas reconnaître la profondeur et la richesse de chaque phrase, qu'on pourrait relire de tant de manières différentes?
Commenter  J’apprécie          531
Feuillets d'Hypnos

J'ai toujours un livre de René Char à portée de main, non pas en livre de chevet, mais en livre que l'on emmène même si on n'a pas l'intention de lire. Un livre comme une couverture qui tient chaud. Feuillets d'Hypnos je l'ai tellement emmené partout juste pour l'avoir dans mon sac que je l'ai perdu, en même temps cela m'étonne... Mais je ne le trouve plus, enfin je ne trouve plus l'ancien exemplaire, usé, annoté. Le neuf c'est différent. Voilà ce que résume cette" digression" personnelle sur René Char, l'importance de son écriture....
Commenter  J’apprécie          514
Fureur et Mystère

J'ai un peu de temps, je vais l'utiliser pour vous dire quelques mots sur mon livre de chevet en poésie.

Tout d'abord la forme. Il est écorché vif, écorné, scotché, rafistolé, cautérisé... mais il est toujours gaillard, alerte et prêt à vous offrir à tout instant le meilleur de lui-même... il ne me quitte jamais.

Le fond... je crois qu'en préambule, je vais faire appel à deux spécialistes qui vont vous, nous permettre de régler ( une fois pour toutes ? ) "l'hermétisme" supposé de René char.

Voici ce que dit Valéry à propos de ce que beaucoup s'échinent à vouloir arracher au poème en général :

- “Mes vers ont le sens qu’on leur prête. Celui que je leur donne ne s’ajuste qu’à moi, et n’est opposable à personne. C’est une erreur contraire à la nature de la poésie, et qui lui serait mortelle même, que de prétendre qu’à tout poème correspond un sens véritable, unique, et conforme ou identique à quelque pensée de l’auteur.“

Cette pirouette malicieuse du poète de - Les pas -... "Tes pas enfants de mon silence, Saintement, lentement placés, Vers le lit de ma vigilance, Procèdent muets et glacés...", doivent commencer à "désinhiber certains d'entre vous, d'entre nous.

En seconde instance, ces mots très explicites de Claire Placial :

-"Le billet d’hier avait pour vocation de dire, au fond, une chose: que face à l’oeuvre poétique de Char – du moins Fureur et mystère, la meilleure chose à faire pour « rentrer dedans » est d’abandonner la prétention à tout comprendre. Par tout comprendre, j’entends « tout comprendre du livre de A à Z », mais aussi, voire surtout, « tout comprendre de chaque unité, de chaque mot et groupe de mot ».

Pour reprendre une métaphore fréquente, la meilleure chose à faire en lisant Char n’est pas de lutter contre le courant, mais plutôt de se laisser porter – il y a fort à parier qu’à la fin de la dérive on aura, sans s’en rendre compte, été suffisamment imprégné pour que les choses décantent."

J'ajouterai que René Char est un enfant du Surréalisme... un enfant "prodige"... ceci expliquant (en partie) cela.

Ce procès en je-ne-comprends-pas, en mais-qu'est-ce-qu'il-a-voulu-dire, s'il n'est pas un mauvais procès est en revanche un faux procès.

Ferez-vous le même reproche à Mallarmé lorsqu'il écrit ses vers sublimes..

-"Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx, L'angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore, Maint rêve vespéral brulé par le Phénix, Que ne recueille pas de cinéraire amphore. Sur les crédences au salon vide : nul ptyx, Aboli bibelot d'inanité sonore..."

Blâmez-vous Éluard pour ses vers devenus une référence poétique incontournable :

-La terre est bleue comme une orange, Jamais une erreur les mots ne mentent pas, Ils ne vous donnent plus à chanter... Les guêpes fleurissent vert, L'aube se passe autour du cou, Un collier de fenêtres..."

Ou bien T.S Eliot ... :

-"Quelles racines s'agrippent, quelles branches croissent parmi les rocailleux débris. Ô fils de l'homme, tu ne peux le dire ni le deviner, ne connaissant qu'un amas d'images brisées sur lesquelles frappe le soleil..."

Et un peu de Dylan Thomas.. :

-"Y eut-il un temps où les danseurs et leurs violons dans les cirques d'enfants pouvaient calmer leur chagrin. Il y eut un temps où ils pouvaient pleurer sur les livres. Mais le temps leur a lancé son asticot aux trousses..."

Je pourrais démultiplier (sourire) les exemples.

Alors lorsque le Capitaine Alexandre du réseau Action nous parle de la liberté, nul besoin d'analyse stylistique ( à moins de le vouloir ou de le devoir )... juste se laisser porter par les mots, qui sont autant de sens olfactif, auditif, tactile... juste veiller à rester ouvert aux sensations, aux émotions.

-"Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l'issue de l'aube que le bougeoir du crépuscule... Prenait fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l'alcool du bourreau..."

Tout est dit. La guerre, la résistance et la liberté sont exprimées avec une force, un souffle qui me bouleversent.

Lorsque l'homme de la Provence nous parle de sa terre :

- "À flancs de côteaux du village bivouaquent des champs fournis de mimosas. À l'époque de la cueillette, il arrive que, loin de leur endroit, on fasse la rencontre extrêmement odorante d'une fille dont les bras se sont occupés durant la journée aux fragiles branches. Pareille à une lampe dont l'auréole de clarté serait de parfum, elle s'en va le dos tourné au soleil couchant. Il serait sacrilège de lui adresser la parole. L'espadrille foulant l'herbe, cédez-lui le pas du chemin. Peut-être aurez-vous la chance de distinguer sur ses lèvres la chimère de l'humidité de la nuit ?

Vous voyagez ? Vous y êtes ? Pas encore ? Alors, écoutez... :

-"Le peuple des près m'enchante. Sa beauté frêle et dépourvue de venin, je ne me lasse pas de me la réciter. Le campagnol, la taupe, sombres enfants perdus dans la chimère de l'herbe, l'orvet, fils du verre, le grillon, moutonnier comme pas un, la sauterelle qui claque et compte son linge, le papillon qui simule l'ivresse et agace les fleurs de ses hoquets silencieux, les fourmis assagies par la grande étendue verte, et immédiatement au-dessus les météores hirondelles. Prairie, vous êtes le boîtier du jour."

Les mots de Char sont tout aussi accessibles à tous les coeurs, à toutes les âmes lorsqu'il évoque l'amour... :

-"Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus qui au juste l'aima ? .... Je vis au fond de lui comme une épave heureuse...."

-"L'été chantait sur son roc préféré quand tu m'es apparue, l'été chantait à l'écart de nous qui étions silence, sympathie, liberté triste, mer plus encore que la mer dont la longue pelle bleue s'amusait à nos pieds... Je t'aimais en mon absence de visage et mon vide de bonheur. Je t'aimais, changeant en tout, fidèle à toi."

-" L'été et notre vie étions d'un seul tenant, La campagne mangeait la couleur de ta jupe odorante...Notre rareté commençait un règne..."

-"Avant de te connaître je mangeais et j'avais faim, je buvais et j'avais soif, bien et mal m'indifféraient..."

-"Mon amour, peu importe que je sois né : tu deviens visible à la place où je disparais."

-"Sur une route de lavande et de vin, nous avons marché côte à côte dans un cadre enfantin de poussière, à gosier de ronces, l'un se sachant aimé de l'autre."

Char embrasse l'universel, et si ce recueil est souvent appréhendé à travers le prisme du résistant, il aborde beaucoup plus de thèmes.

J'en veux pour preuve ces mots célèbres que vous allez tous reconnaître :

-"La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil."

-"Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d'eux."

-"Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience."

Pour terminer ce mini tour d'horizon de ma bible poétique, quatre "citations" que j'aime tout particulièrement :

-"j'ai, captif, épousé le ralenti du lierre à l'assaut de la pierre d'éternité."

-"J'aime cet enfant qui se penche sur l'écriture du soleil, puis s'enfuit vers l'école, balayant de son coquelicot pensums et récompenses."

-"Il en va de certaines femmes comme des vagues de la mer. En s'élançant de toute leur jeunesse, elles franchissent un rocher trop élevé pour leur retour. Cette flaque désormais croupira là, prisonnière, belle par éclairs, à cause des cristaux de sel qu'elle renferme et qui lentement se substituent à son vivant."

-"L'homme est capable de faire ce qu'il est incapable d'imaginer. Sa tête sillonne la galaxie de l'absurde."

Voilà, j'ai essayé de vous parler, maladroitement je le sais, de celui que je considère comme l'un des plus grands poètes du XXème siècle.

Lisez-le... en vous laissant porter par la beauté de la langue, une langue qui n'appartient qu'à lui, reconnaissable entre toutes et dont la magie opère de plus en plus au fur et à mesure "que vous lui laissez le soin de dénouer vos orages avec docilité."

PS : je vous demande un peu d'indulgence concernant l'orthographe et la ponctuation. Sans forfanterie aucune, tous les extraits choisis de poésies l'ont été de mémoire.













Commenter  J’apprécie          487
La parole en archipel

C'est beau comme un rivière qui coule, fougueux comme un torrent, frais comme comme une journée d'hiver, odorant comme le printemps, chaud comme un après-midi d'été, coloré comme un sous-bois l'automne ... C'est ce qu'il est possible de faire avec des mots, un archipel où se repose l'esprit, où la pensée s'envole. C'est Noël tous les jours.

C'est beau comme du René Char.
Commenter  J’apprécie          461
Feuillets d'Hypnos

Feuillets d’Hypnos est un recueil poétique constitué de 237 fragments numérotés. Ils ont été écrits entre 1943 et 1944, lorsque René Char, entré dans la Résistance, était surnommé le Capitaine Alexandre. Ils reflètent l’horreur des combats, la souffrance mais aussi le courage et la solidarité des combattants. Et ils sont aussi porteurs de beauté, celle que la nature délivre sans cesse malgré les souillures de la guerre. Et bien sûr celle de l’art face à la barbarie.



Ce recueil ne sera publié qu’après la Libération, en 1946. C’était une volonté de l’auteur de ne rien faire paraître pendant la guerre car il considérait que se battre était plus urgent.

Le style peut sembler parfois hermétique mais on peut comprendre la difficulté de s'exprimer face à l'horreur nazie, face à la guerre.

Ces fragments sont surtout des aphorismes, des poèmes-instants ou des poèmes-traces, ils sont des actualités du moment présent, des instantanés saisis sur le vif, dans l’urgence de la guerre.




Lien : http://mespetitesboites.net
Commenter  J’apprécie          440
Feuillets d'Hypnos

Travaillant dans un service d'Archives et ayant un directeur passionné d'Histoire et surtout l'histoire du XXème siècle et plus principalement encore, la guerre, c'est ce dernier qui, a l'occasion des Journées du Patrimoine, m'a conseillé de lire cet ouvrage de René Char. Pour une fois qu'il me conseille un ouvrage (susceptible de m'intéresser), je ne pouvais que sauter sur l'occasion, surtout lorsque j'ai vu que la médiathèque l'avait dans son fonds.



Ce qui devait à l'origine être un carnet de guerre, de's réflexions philosophiques ou de simples pensées ou réflexions sur ce que le poète, Résistant et maquisard, voyait devant lui, s'est plus tard transformé en recueil de poésie. Voilà d'ailleurs la raison pour laquelle mon directeur connaissait bien cet ouvrage, c'est tout simplement parce qu'il est question principalement de guerre ici, la Seconde Guerre mondiale, mais vu sous les yeux d'un homme engagé dans le FFL mais poète avant tout. C'est là où cet ouvrage est extraordinaire car le lecteur peut à la fois y puiser des sources historiques, philosophiques mais aussi poétiques tout simplement. Je ne vous cacherai pas que ces vers sont très sombres, engagé envers l'absurdité de l'homme, la cruauté de la vie mais se terminent cependant sur une note d'espoir avec un quelques vers consacrés à "La Beauté" !



Des vers qui ont été composés sur le vif, à savoir durant l'engagement de René Char dans la Résistance mais d'autres bien après, ce qui permet au poète de prendre un peu de recul...quoique ! Bref, un ouvrage que je ne peux que vous recommander et qui mériterait d'être étudié en toute fin de collège ou au lycée car il permettrai à la fois de mêler les cours d'Histoire et de Littérature et puis, surtout, l'avantage à étudier René Char, est que l'on peut y passer des heures sans jamais s'en lasser ni même épuiser le sujet. A découvrir et à faire découvrir !
Commenter  J’apprécie          431
Feuillets d'Hypnos

Un ensemble de textes courts et poétiques, plus que de véritables poèmes, écrits par René Char en 1943-1944, alors qu'il était officier dans la résistance française.



L'horreur de la guerre y côtoie l'amitié, la fraternité, la beauté, mais aussi, parfois, le désenchantement.



René Char porte un regard lucide sur le monde qui est le sien, où la violence est une nécessité pour la survie et l'intégrité.



Une belle lecture !
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
Commenter  J’apprécie          400
Fureur et Mystère

Il paraît qu'on adore ou qu'on déteste la poésie de René Char, rarement entre les deux, dans la nuance. Je dois être une exception : j'ai lu récemment, et plutôt aimé, Feuillets d'Hypnos (qui est d'ailleurs inclus dans Fureur et mystère) ; j'ai beaucoup moins aimé le présent recueil.

A quoi cela tient-il ? À mon avis, mais cela n'engage que moi, à ce que si la forme d'écriture de R. Char, précise et ciselée, un peu comme un mécanisme d'horlogerie, et délivrant une pensée aiguisée, convient aux textes courts, elle n'est pas adaptée aux textes plus longs, au partage de sentiments plus complexes.

Dans Feuillets d'Hypnos, pour l'immense majorité des textes, en une ou deux phrases tout est dit ; c'est percutant !

Fureur et mystère est composé en partie de poèmes très courts, mais aussi, en nombre important, de textes plus longs. La mécanique intellectuelle devient alors très alambiquée : suivre la pensée de l'auteur demande une grande concentration, nécessite de relire un passage deux ou trois fois... De percutant, cela devient pénible !

Il ne me viendrait pas à l'idée de nier les qualités d'écriture de l'auteur : il sait utiliser le mot et la forme juste, avec la précision d'un horloger suisse. Mais en lisant Fureur et mystère, une pensée est venue parasiter mon cerveau : "N'oublie pas que tu n'écris pas que pour toi, mais aussi pour être lu !"

C'est un peu comme un site touristique recommandé par tous les guides mais réservé aux personnes en excellente condition physique : accès difficile !
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
Commenter  J’apprécie          380
Eloge d'une soupçonnée

C'est un magnifique (petit) recueil de poésie (et de mini récits) et la dernière oeuvre de René Char. Un peu compliqué, certes, mais derrière ces difficultés on trouve une profonde sensibilité de l'auteur qui éveille la nôtre. À découvrir pour les amoureux de jolis textes.
Commenter  J’apprécie          382
La Nuit talismanique

Un poète nous parle de la création artistique ? Bien sûr, mais disons aussi, disons plutôt : un poète nous parle de notre rapport au monde, nous fait prendre conscience de notre brutalité, de notre manque originel (irrémédiable ?) de respect face au miracle chaque jour renouvelé (pour combien de temps ?) de la création du monde, du monde se créant lui-même chaque jour.

Amis Verts, avocats de la décroissance, contempteurs de cette ère mortifère que l'on nomme depuis peu "anthropocène", lisez René Char !

Tenez, au hasard (et je pourrais en citer mille, mais allez-y voir par vous même, ce voyage ne vous décevra pas) : "On a jeté de la vitesse dans quelque chose qui ne le supportait pas."

Tout est dit. Nature est lente, et ce singe dégénéré qui se prétend homme est rapide, c'est-à-dire brutal, c'est-à-dire violent. Ce viol que l'on nomme Progrès...
Commenter  J’apprécie          372
Correspondance (1946-1959) : Albert Camus /..

Une correspondance qui témoigne d'une véritable amitié, fervente, respectueuse, indéfectible, une fraternité profonde celle deux hommes Camus et Char , deux êtres à la fois engagés mais épris de liberté, jamais résignés, complices « Je le rencontrai , je sus que nous aurions un chemin à faire ensemble » dira Char (Naissance d'une amitié Gallimard 1965) , deux résistants.

Une amitié enrichie par les promenades communes sur les sentiers du Luberon, nourrie de la beauté de la nature, la lumière provençale, qui rappelait à Camus celle de son Algérie natale, illuminée par la couleur des mots échangés. Deux être solitaires aimant et pratiquant la solidarité.

Commenter  J’apprécie          363
Fureur et Mystère

Je me suis toujours tenue à l'écart de la poésie de René Char, que je sentais complexe, assez hermétique. Je me suis enfin décidée à l'aborder...mais malgré mes efforts et ma bonne volonté, je suis définitivement restée sur le bord du chemin poétique de cet auteur!



Oui, je sais, il n'est pas nécessaire de tout comprendre, pour apprécier des poèmes, certains textes me plaisent sans que je puisse définir vraiment pourquoi. Je pense notamment à des poèmes de Paul Eluard, de Pierre Reverdy, qui se révèlent peu accessibles et qui pourtant me parlent, me touchent, ont un écho en moi. Mais ici, rien ou si peu! Certains aphorismes, par leur fulgurante et étrange beauté , un ou deux poèmes en prose ( très peu de poèmes en vers dans ce recueil). Le reste m'est resté assez étranger, un buisson de mots inextricable...



Cela me déçoit mais je ne peux que formuler ce constat: la rage du poète, ses visions d'apocalypse ( les textes sont écrits avant et pendant la deuxième guerre mondiale), sa fureur, le mystère de sa poésie ne m'ont pas du tout atteinte...



En poésie, plus encore qu'en tout autre genre littéraire, il faut entrer en résonance avec le poète , pour moi le rendez-vous n'aura pas eu lieu...
Commenter  J’apprécie          362
Feuillets d'Hypnos

Feuillets d'Hypnos de René Char est à la fois un remarquable ouvrage littéraire et un document d’une signification unique dans l’histoire de la Résistance française. Basé sur un journal tenu par Char pendant son séjour dans le Maquis, il s’inscrit dans le style de reflets abrupts et parfois énigmatiques, dans lesquels le poète cherche à établir des repères compas dans l’obscurité de la France occupée, aux descriptions narratives qui mettent en évidence la nature dramatique et souvent tragique des problèmes auxquels il a dû faire face en tant que chef de son réseau de résistance. Hommage aux hommes et aux femmes qui ont combattu à ses côtés, ce volume est aussi une méditation sur la magie blanche de la poésie et une célébration du pouvoir de la beauté pour combattre la terreur et transformer nos vies.



Fragmenté, oblique et puissant, ce journal conserve l’intégrité de Char en tant que poète — son engagement à l’égard de l'aléatoire, du surréaliste et du symbolique — et pourtant il transmet l’immédiateté de la guerre, le danger, le frisson et la gloire de tout cela. Je ne connais pas de livres semblables à celui-ci. Ce n’est peut-être pas pour tous les lecteurs — ce n’est ni une histoire ni un mémoire conventionnel —, mais cela apporte un langage, dans toute sa force brute, à l’insupportable, et dans le moins de mots possible, il transmet ce que des chapitres entiers de l’histoire conventionnelle ont du mal à dépeindre.
Commenter  J’apprécie          351
Lettera amorosa (suivi de) Guirlande terres..

Hymne à l'amour adressé à l'absente nous dit Marie-Claude char, voilà qui a le don d'attiser ma curiosité et mon attente.



illustrée par Georges Braque et jean Arp, une présente édition au format poche de 2007 nous révélant l'original de 1952 inaccessible pour, au sens premier, nos pauvres petits yeux.



« Amant qui n'êtes qu'à vous-même, aux rues, au bois et à la poésie ; couples aux prises avec tout le risque, dans l'absence, dans le retour, mais aussi dans le temps brutal; dans ce poème il n'est question que de vous ».



Voici l’introduction de René Char, le seul texte que j’aurais compris car je suis vraiment désolé pour moi d'avoir à reconnaître que la poésie de René Char ne m'a absolument pas touché.

Désolé car j'ai le sentiment d'être insensible à ce que tout le monde considère comme un immense poète

Quant aux illustrations de Georges Braque et de Jean Arp, elles m'ont emballé. C'est déjà ça.



Je ne garderai donc, paradoxalement, de cette "lecture" qu'une douce impression visuelle.



Commenter  J’apprécie          3410
Lettera amorosa (suivi de) Guirlande terres..

Ce recueil comporte deux versions : d’abord la seconde version, Lettera amorosa illustrée par Georges Braque, puis la première version manuscrite intitulée Guirlande terrestre, qui est une ébauche de Lettera amorosa, illustrée par Jean Arp.



Le texte est un pur bonheur, un véritable hymne à l’amour et à la nature. C’est tout simplement sublime !



Un extrait : « Qui n’a pas rêvé, en flânant sur le boulevard des villes, d’un monde qui, au lieu de commencer avec la parole, débuterait avec les intentions »



Une phrase indémodable qui résonne fortement en moi ; j’ai bien envie de l’envoyer à pas mal de monde (je la vois bien en ouverture de la prochaine cop…)



Sinon, à part le texte qui se lit et se relit avec un immense plaisir, il y a les dessins, Braque d’abord puis Arp ; ce qui rajoute au bonheur de lire cette poésie.



Cerise sur le gâteau, voir reproduite l’écriture de l’auteur, avec ses doutes et ses ratures, c’est vraiment émouvant et merveilleux !



Bref, un recueil de poésie magnifique dont on ne se lasse pas, à lire, à contempler et à garder dans sa bibliothèque. Une bonne idée de cadeau à glisser sous le sapin.



À lire sous une lumière tamisée, confortablement installé(e) dans un fauteuil (éventuellement à bascule), en sirotant un verre de Prosecco blanc et en grignotant quelques biscuits de Noël (pourquoi pas des mannele). Bonne lecture !





Mon compte Instagram : @la_cath_a_strophes



La_cath_a_strophes est également sur Facebook
Commenter  J’apprécie          330
Fureur et Mystère

Fureur et Mystère regroupe plusieurs recueils publiés entre 1938 et 1944, temps d'écriture fécond pour René Char malgré les évènements qui entourent cette période. Dès les premières pages, l'auteur ancre sa pensée en décrivant le rôle de la poésie qui doit être, selon lui, comme une force agissante, un instinct de vie qui puisse permettre de "déborder l'économie de la création, agrandir le sang des gestes, devoir de toute lumière".



Toute l'écriture de René Char agit comme une déflagration, celle d'une insurrection, d'une colère, d'un engagement (on oublie pas le contexte de la seconde Guerre mondiale durant lequel sont écrits les textes. le poète s'engagera activement dans la Résistance), d'une impatience. On sent le coeur du poète en constant souci du présent, le coeur partagé face au destin de l'homme dont il loue la grandeur mais dont il fustige aussi la petitesse. Rien n'insupporte autant René Char que l'immobilisme, que la résignation. Tout son être s'acharne "à tromper son destin avec son contraire indomptable - l'espérance."



Fureur d'un monde contre le Mystère de la poésie, contre cette grâce trop délaissée par les hommes et l'époque, voilà sans doute toute la pensée de René Char. Celle-ci jaillit et se répand dans toutes les pages de ce recueil à cinq temps (Seuls demeurent, Feuillets d'Hypnos, Les Loyaux adversaires, le Poème pulvérisé et La Fontaine narrative). le style du poète n'est pas, c'est vrai, simple d'accès. Abrupt, austère, sans concessions, il est soustrait à tout lyrisme, à toute exaltation. Mais il possède en lui une générosité sans failles, un besoin essentiel qui permet de décrocher les mots de leur fatalité, de leur nature pour faire naître un nouveau soleil en poésie. Sous une apparente rigidité, la prose de René Char laisse pourtant apparaître la bonté et la chaleur d'un coeur entier, à l'unisson avec la nature, avec les hommes et les femmes de son temps.



Serait-ce trop de dire que Fureur et Mystère, comme toute la poésie de René Char, est une oeuvre essentielle en soi et pour notre époque qui s'accommode, qui se résigne et qui oublie facilement que la Beauté est à simple portée de regard et au plus près du coeur ? Sans doute pas.
Commenter  J’apprécie          334
Lettera amorosa (suivi de) Guirlande terres..

Quelle belle réédition, et peu onéreuse en plus! S'offrent à nous deux versions, la plus récente illustrée ( superbement) par Georges Braque, la plus ancienne, première ébauche, annotée et corrigée par le poète est accompagnée de collages de Jean Arp. En comparant les deux, il est intéressant de voir les changements apportés par René Char, surtout dans la présentation des textes.



Mon premier contact avec le poète, à travers le recueil " Fureur et mystère "avait été difficile, je n'avais pas vraiment réussi à entrer dans son univers. Très différente a été ma découverte de "Lettera amorosa", titre faisant écho à un des "Madrigaux" de Monteverdi.



Des textes clairs et puissants, adressés à la femme aimée , nommée à la fin du recueil, Yvonne. Des textes en prose , certes, mais imprégnés d'une poésie évidente, en mots simples et subtils à la fois. Des élans amoureux qui touchent en plein coeur.



Certains phrases, déclarations si vives, sont connues, comme:



" Je ris merveilleusement avec toi.

Voilà la chance unique."



Il a vraiment l'art de la formule qui claque, nous éblouit. Rien qu'avec des expressions authentiques.



L'ensemble m'a beaucoup plu, et m'a permis de me réconcilier avec l'auteur. Et j'en suis heureuse! De plus, poésie et peinture s'harmonisent à merveille...



Commenter  J’apprécie          322
Poèmes en archipel : Anthologie de textes de ..

Samedi 20 février 1988 - Lycée Porte Océane - Terminale A1 : deux heures de philo m'attendent dés la première heure.

Brouhaha dans la salle, le prof arrive. La tête à l'envers. Sans rien dans les mains, ni livres ni cartable. Le silence s'installe. Il prend la craie et note au tableau :

Les premiers instants

« Nous regardions couler devant nous l'eau grandissante. Elle effaçait d'un coup la montagne, se chassant de ses flancs maternels. Ce n'était pas un torrent qui s'offrait à son destin mais une bête ineffable dont nous devenions la parole et la substance. Elle nous tenait amoureux sur l'arc tout-puissant de son imagination. Quelle intervention eût pu nous contraindre ? La modicité quotidienne avait fui, le sang jeté était rendu à sa chaleur. Adoptés par l'ouvert, poncés jusqu'à l'invisible, nous étions une victoire qui ne prendrait jamais fin. » René Char



- René Char est mort hier. Je ne pourrais pas vous faire cours.

Il s'en va et nous laisse avec ces quelques mots et toute la force de ces lettres blanches posées au milieu.



Depuis ce jour, René Char fait partie de mon univers.

Durant ces heures difficiles, j'ai fini cette anthologie dont je lisais jour après jour, un poème. J'ai lu et relu. J'ai puisé dans la force de ce poète exceptionnel, dans les traces de ses luttes, de ses amours, de sa Sorgue, de ses amis de cœur et de combat, avec en tête la puissance de sa voix, de cet accent chantant et de son rythme traînant, un réconfort.



J'ai rajouté cette introduction, personnelle et dont on peut me faire reproche car elle n'a rien de « critique », en pensant à tous ces professeurs, dans toute la France et ailleurs, qui ont transmis à leurs élèves ce respect dû à ceux et celles qui sont tombés, ce mercredi 7 janvier 2015. Je veux imaginer un « Je suis Charlie » sur tous les tableaux qui ne sont maintenant plus noirs de France et quelques bons mots et dessins bien sentis tout droits sortis de Charlie Hebdo...

Et dans 20 ou 30 ans, un ou une se souviendra et viendra ici même porter témoignage, remonter à l'origine de la trace indélébile que rien n'aura effacée : « Poncés jusqu'à l'invisible ... » 



Voici la critique telle qu'elle aurait dû être :



Cette anthologie avec photos, dessins et extraits manuscrits est un vrai régal. Elle ouvre, à qui ne connaîtrait pas encore le poète, les portes de sa poésie qu'on a souvent tendance à considérer difficile. L'ordre chronologique permet de mesurer l'évolution et la quête du poète. Chaque recueil est présenté et chaque poème sélectionné est accompagné d'un court texte qui nous permet d'en mesurer toute la portée en nous en donnant certaines clefs. Mais le but n'est pas de déchiffrer une poésie qui prend toute son ampleur « à voix haute » et n'a pas vocation à se laisser démembrer. La poésie de René Char est résistance, non par sa difficulté, mais par la liberté qu'elle nous donne, de faire nôtre ses sonorités puissantes, ses « traces de son passage », qui importent tout autant que le sens. « Seules les traces font rêver. »

Edmond Jabès, dans un hommage au poète dans un numéro spécial du « Monde », disait ceci (p423 de Poèmes en Archipel) :

« Entendre le silence intérieur : c'est entendre la voix de René Char, celle de tous les jours et de toutes les nuits. L'engagement de René Char est d'abord l'engagement de sa poésie.

Aujourd'hui, où tant de haine et d'exclusion empoisonnent nos existences, la parole poétique de René Char s'impose plus que jamais. »
Commenter  J’apprécie          3211




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de René Char Voir plus

Quiz Voir plus

Ecrivains américains

Il sait que Paris est une fête, mais se demande Pour qui sonne le glas ?

J. Dos Passos
E. Hemingway
F. Scott Fitzgerald

10 questions
706 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature américaine , roman américain , écrivain , MandragoresCréer un quiz sur cet auteur

{* *}