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Citations de René Daumal (312)


[…] fourrez donc seulement la tête dans cette tête en viande d’arbre et en ficelle, pour voir du point de vue des millénaires ici présents, pour voir du point de vue du bout de bois, du dedans du dedans, du dehors du dehors […].
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Alors il s'installa à sa table de travail et se fit apporter tous les documents laissés au cours des siècles par les chercheurs de Sophie.
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Faute de direction, nous étions emportés au gré des mots, des souvenirs, des manies, des rancunes et des sympathies.
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L’ABANDON


Le soleil mou décevait les adieux,
les bateaux partaient comme des mouches,
les oiseaux se plissaient comme des bouches
et tombaient raides morts des cieux.

Quand je fus seul sous le ciel jaune
dont mes yeux secs arrachaient des lambeaux,
je retournai mes poches
dans l’espoir d’y trouver un compagnon d’exil.

Il n’y avait rien,
rien que la poussière des routes,
rien que les routes de misère,
rien que des reines mortes clouées à des poutres.

Des déserts oscillaient sous mes pas ;
ô mon dieu, vous m’avez volé la verticale,
et mes bras tournent fous
dans les cercles blancs de votre œil !

J’étais fou, j’étais fou, vous dis-je,
des draps blancs m’assaillent,
écume amère sur mes lèvres ;
je guérirai tout blanc, je guérirai stupide ;

mais les bateaux ont perdu leurs couleurs,
ils ne reviendront plus ;
j’émiette mes doigts sur des pelouses fanées,
pour attirer les oiseaux morts.

p.124-125
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LA SUEUR PANIQUE

Des barques glissent
dans des cieux liquides
et les gencives des loups saignent
dans la nuit de velours vert.
Des larmes tissent
dans des yeux limpides
la toile où les regards se teignent
du jeune sang des fronts ouverts.
Le soleil crie
et se débat de tous ses rayons,
croyez vous qu'il appelle au secours?
croyez vous que le soleil meurt?
Le sable crisse
au petit jour gelé
sous les pas d'un être invisible,
croyez vous qu'il vienne m'étrangler?
je n'ai que mes mains pour parler,
des oiseaux gris et blancs
ont pris ma voix en s'envolant;
et mes yeux roses sont aveugles,
mes mains s'agitent vers la forêt,
vers la nuit mouillée,
vers le sommeil vert;
le soleil crie, croyez vous qu'il se meure?
j'entends la voix trop pure de l'eau;
le soleil crie, c'est une ruse de guerre;
je lui ai tendu les mains,
ses grands bras dans le bleu vide
qui file vainement vers l'horizon,
ses grands bras frappent, frappent mon front,
mon sang coule rose comme mes yeux,
ô loups, croyez-vous que je meurs?
loups, inondez moi de sang noir.

p.136-137
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La grande erreur, je le répète, est de croire qu'on voyage en regardant une carte.
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LE PROPHÈTE

L'enfant qui parlait au nom du soleil
allait par les rues du village mort,
les rats couraient vers ses pieds nus
lorsqu'il s'arrêtait aux carrefours.

L'enfant appela d'une voix pleine de galères,
de voiles blanches et de poissons volants,
et les hommes changés en pierre
s'éveillèrent en grinçant.

C'était l'aube annoncée par les flèches sifflantes
des joyeux archers du voisinage,
les hommes venaient, chacun portant sa nuit
comme on porte une ombrelle
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j'inventai aussitôt des appareils ahurissants : un stylo qui bavait ou éclaboussait toutes les cinq à dix minutes, à l'usage des écrivains qui ont la plus trop facile ; un minuscule phonographe portatif, muni d'un écouteur semblable à ceux des appareils pour sourds, à conduction osseuse, qui, aux moments les plus imprévus, vous criait : "pour qui te prends-tu ?" ; un coussin pneumatique, que j'appelais "le mol oreiller du doute", et qui se dégonflait à l'improviste sous la tête du dormeur ; un miroir dont la courbure était étudié de telle façon - cela m'en avait donné, un mal ! - que tout visage humain s'y reflétait en tête de porc ; et bien d'autres.
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Un langage clair suppose trois conditions : un parleur sachant ce qu’il veut dire, un auditoire à l’état de veille, et une langue qui leur soit commune.
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René Daumal
Voyant qu’on est rien, on désire devenir,
Désirant devenir, on vit.
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René Daumal
Sous un thorax d'oiseau le vide
sans bornes a cessé de bourdonner.
Mille loups aveugles dans cette soupente !
et moi qui n'ai plus le souffle.
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Mais où sont ses lèvres blondes
et l'odeur d'argile mouillée de ses mains,
et ses yeux bourdonnants d'univers ?
J'ai désappris à le voir,
je vais donner du front dans des faces absurdes,
dans des lilas de peau vivante,
et des instruments ridicules,
je suis affreux.
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« Quand les pieds ne veulent plus vous porter, on marche avec sa tête. » Et c'est vrai. Ce n'est peut-être pas dans l'ordre naturel des choses, mais ne vaut-il pas mieux marcher avec la tête que penser avec les pieds, comme il arrive souvent?
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L'alpinisme est l'art de parcourir les montagnes en affrontant les plus grands dangers avec la plus grande prudence.
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Et tous ces bâtiments abandonnés attendaient tranquillement la pétrification ou la digestion par la flore et la faune marine, la désagrégation et la dispersion de substance qui sont les fins dernières de toutes choses inertes, eussent-elles servi aux plus grands desseins. (p. 114)
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LA GUERRE SAINTE



extrait 5

     Des autres guerres — de celles que l'on subit — je ne parlerai pas. Si j'en parlais, ce serait de la littérature ordinaire, un substitut, un a-défaut, une excuse. Comme il m'est arrivé d'employer le mot « terrible » alors que je n'avais pas la chair de poule. Comme j'ai employé l'expression « crever de faim » alors que je n'en étais pas arrivé à voler aux étalages. Comme j'ai parlé de folie avant d'avoir tenté de regarder l'infini par le trou de la serrure. Comme j'ai parlé de mort, avant d'avoir senti ma langue prendre le goût de sel de l’irréparable. Comme certains parlent de pureté, qui se sont toujours considérés comme supérieurs au porc domestique. Comme certains parlent de liberté, qui adorent et repeignent leurs chaînes. Comme certains parlent d'amour, qui n'aiment que l'ombre d'eux-mêmes. Ou de sacrifice, qui ne se couperaient pour rien le plus petit doigt. Ou de connaissance, qui se déguisent à leurs propres yeux. Comme c'est notre grande maladie de parler pour ne rien voir.

     Ce serait un substitut impuissant, comme des vieillards et des malades parlent volontiers des coups que donnent ou reçoivent les jeunes gens bien portants.


     Ai-je donc le droit de parler de cette autre guerre — celle que l'on ne subit pas seulement alors qu'elle n'est peut-être pas irrémédiablement allumée en moi ? Alors que j'en suis encore aux escarmouches ? Certes, j'en ai rarement le droit. Mais « rarement le droit », cela veut dire aussi « quelquefois le devoir » — et surtout « le besoin », car je n'aurai jamais trop d'alliés.


     J'essaierai donc de parler de la guerre sainte.



/Prose poétique publiée dans la revue Fontaine n° 11 (1940)
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LA GUERRE SAINTE



extrait 4

     Ce ne sera pas non plus une invocation magique, car le magicien demande à son dieu : « Fais ce qui me plaît », et il refuse de faire la guerre à son pire ennemi, si l'ennemi lui plaît ; et pourtant ce ne sera pas davantage une prière de croyant, car le croyant demande à son mieux : « Fais ce que tu veux », et pour cela il a dû mettre le fer et le feu dans les entrailles de son plus cher ennemi, — ce qui est le fait de la guerre, et la guerre est à peine commencée.

     Ce sera un peu de tout cela, un peu d'espoir et d'effort vers tout cela, et ce sera aussi un peu un appel aux armes. Un appel que le feu des échos pourra me renvoyer, et que peut-être d’autres entendront.


     Vous devinez maintenant de quelle guerre je veux parler.



/Prose poétique publiée dans la revue Fontaine n° 11 (1940)
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LA GUERRE SAINTE



extrait 3

     Et ce ne sera pas non plus œuvre de science. Car pour être un savant, pour voir et aimer les choses telles qu'elles sont, il faut être soi-même, et aimer se voir, tel qu'on est. Il faut avoir brisé les miroirs menteurs, il faut avoir tué d'un regard impitoyable les fantômes insinuants. Et cela, c'est le but et la fin de la guerre, et la guerre est à peine commencée, il y a encore des masques à arracher.

     Et ce ne sera pas non plus un chant enthousiaste. Car l'enthousiasme est stable quand le dieu s'est dressé, quand les ennemis ne sont plus que des forces sans formes, quand le tintamarre de guerre tinte à tout casser, et la guerre est à peine commencée, nous n'avons pas encore jeté au feu notre literie.



/Prose poétique publiée dans la revue Fontaine n° 11 (1940)
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LA GUERRE SAINTE



extrait 2

     Ce que je vais faire ne sera pas un vrai poème poétique de poète, car si le mot « guerre » était dit dans un vrai poème —

     alors la guerre, la vraie guerre dont parlerait le vrai poète, la guerre sans merci, la guerre sans compromis s'allumerait définitivement dans le dedans de nos cœurs.

     Car dans un vrai poème les mots portent leurs choses.

     Mais ce ne sera pas non plus discours philosophique. Car pour être philosophe, pour aimer la vérité plus que soi-même, il faut être mort à l'erreur, il faut avoir tué les traîtres complaisances du rêve et de l'illusion commode. Et cela, c'est le but et la fin de la guerre, et la guerre est à peine commencée, il y a encore des traîtres à démasquer.



/Prose poétique publiée dans la revue Fontaine n° 11 (1940)
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René Daumal
Le prophète



extrait 3

« Vous riez, vous riez, lui dit-il,
– et les vieux montraient leurs crocs jaunes –
votre rire n’est pas l’aumône
que réclame la Gueule céleste.

Il lui faut vos nourrissons,
vos nez fraîchement coupés,
il lui faut une moisson
d’orteils pour son souper.



Elle rit, elle rit, la grande Gueule,
elle brille, elle grésille,
vous riez, vous riez, épouvantable aïeule,
mais bientôt, grand-mère, vos fils et vos filles
ne riront plus, ne riront plus.
Vous riez sous vos parasols de nuit,
ils vont craquer, ils vont craquer,
entendez rire la grande Gueule,
car bientôt vous ne rirez plus. »


/Revue Le grand jeu N° II Printemps 1929
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