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Citations de René Daumal (312)


Note bien dans ta mémoire les circonstances de ta chute, mais ne permets pas à ton corps d’en remâcher le souvenir. Le corps cherche toujours à se rendre intéressant par ses tremblements, ses essoufflements, ses palpitations, ses grelottements, ses sueurs, ses crampes. Mais il est très sensible au mépris et à l’indifférence que lui témoigne son maître. S’il sent que celui-ci n’est pas dupe de ses jérémiades, s’il comprend qu’il n’y a rien à faire pour l’apitoyer, alors il reprend sa place et accomplit docilement sa tâche.
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[En réaction à l’expression « patrie indestructible »]

Bien sûr, il n’y avait pas « la patrie est indestructible ». Mais la copule est substantielle alors même qu’elle est sous-entendue. Admettre la copulation de ces deux incopulables, la patrie et l’indestructibilité (car, même empiriquement, je veux dire sous la figuration historique, on en a bien vu disparaître, des patries, au cours des siècles !), cela aurait signifié pour moi : « je consens à être avec le même degré de substantialité que la patrie est indestructible », c’était un suicide.
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Croyez-vous aux fantômes ? Eh bien, il a suffi que je pose cette question pour que vous et moi nous fléchissions un peu. A mesure que montent les souvenirs et les craintes, les dos se courbent, les visages se baissent, les yeux se voilent, -ou bien une émotion secrète nous saisit-, nous rengainons tout doucement nos esprits critiques, nous mettons notre raison en veilleuse, et pour un peu, nous allions l’éteindre. C’est alors que seraient apparus les fantômes.
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Une syllabe sur trois tombant, en moyenne, dans le passage du latin au français, ces quinze syllabes [de la versification latine] se sont réduites à douze. Ainsi notre alexandrin et les vers qui en dérivent ne font que répéter le bruit des pas des légions romaines de César.
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« Spectacles », « distractions », « divertissements », honte ! Regarder passivement, s’oublier, s’évader de soi, se détourner de la Grosse Question, voilà l’immonde plaisir de milliers de mes contemporains, chaque jour, collectivement, en matinée et en soirée.
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Forage. Le puits étant polarisé par une intense attention, on en fera jaillir la science en le frappant au bon endroit avec un objet de valeur opposée, retournant violemment l’attention centripète vers la direction centrifuge du sujet. […] Reprenons notre exemple ecclésiasteux. Chaque acolyte, tour à tour, vient se placer dans la sulpiçottière, et, d’une voix vibrante le premier crie : « Simon dit Pierre, un ! », le second : « Jacques ben Zébédée, deux ! » et ainsi jusqu’au onzième. Lorsque les acolytes ont remarqué, sur le mufle du gibier, la terrible et inévitable interrogation, tous éclatent sinistrement de rire et, tendant onze bras accusateurs vers la trogne, crient : « Judas Iscariote, douze ! ». Le renversement attentionnel est accompli. Le puits est foré. Nos gens, qui attendaient, cachés dans le bassin qui orne la place, ce moment décisif, accourent avec des seaux, des cuves, des outres, des hanaps, des bocaux, des fioles, des wagons-citernes, des cruches, des soupières, des tombereaux, des sarcophages, des flûtes, des pipe-lines, des pelles, des écumoires, des pincettes, et tout ce qu’il faut, enfin, pour recueillir la science théologique qui ne cesse de couler par la tonsure béante du prélat. […]
La science ainsi recueillie (le jaillissement peut continuer jusqu’au dimanche suivant) va prendre la place qui lui est due sur les rayons de chair vivante de notre pataplosthèque.
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Puisque je suis bien différent de tous ces hommes, que je suis un ange et que cela seul m’importe, à quoi bon agir autrement que les autres ?
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« Vous riez, vous riez, lui dit-il,
— et les vieux montraient leurs crocs jaunes —
votre rire n'est pas l'aumône
que réclame la Gueule céleste.

Il lui faut vos nourrissons,
vos nez fraichement coupés,
il lui faut une moisson
d'orteils pour son souper. »
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Des tocs, des tics et des trucs, voilà toute notre vie, entre le diaphragme et la voûte crânienne.
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LE SERMENT DE FIDÉLITÉ


J'ai brûlé mes champs de blé,
j'ai affamé ma Babylone,
j'ai mis le feu aux entrepôts
et j'ai coupé les aqueducs.

Si le soleil ne s'éteint pas sur mes États,
c'est que mon règne est d'un seul jour.
L'anti-roi de la nuit d'en-bas,
l'anti-moi de l'autre face,
il pense et meut un ciel noir crevé d'astres.

Il meurt, mon peuple, il se retourne dans sa peau,
il souffle vers le ciel ses bronches,
et ses orteils l'ancrent au sol.
Ses pieds sont les racines et ses poumons les branches
d'une forêt de famine, dès midi.

Mais j'ai tari la pluie et le bois se fait pierre,
les feuilles se font poussière,
mon peuple minéral poudre les grandes routes
et se rend tout entier à la boue, dès le soir.

Celui qui rit à l'opposé, ah! qu'il s'engraisse
de mes débris pulvérisés, qu'il s'illumine
de toute ma vie que j'ai chassée de mon royaume.

Celui qui rit, c'est l'Autre Roi, non, c'est la Reine,
c'est la Reine la Mère, elle règne à l'envers,
c'est pour elle cette dévastation,
pour elle, j'ai laissé retomber à la terre
les dieux qui s'embrassaient dans mes champs et mes
villes...

p.76-77
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En général on parle comme on tirerait des coups de fusil au petit bonheur, entende qui peut.
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Ce qu'il y a de plus mort dans la tête opprime et exploite ce qu'il y a de plus vivant dans les pieds.
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LE SEUL


Dévorées mes filles magiques,
Herbe, Pluie et Chevelure,
en moi vous mourez lumineuses.

Interminable nourriture pour ma faim,
votre chair, car toujours se creuse dans mon ventre
le vide des néants de mondes hors-jetés.

Silencieusement naît un triste royaume
de croulements sans bruits et d'agonies,
toute une humanité de cadavres mobiles
dans le facilité désolante de mort.

(Ces autres, ces rôdeurs, miment encore la ronde
d'une vie qui n'est plus que cendre dans les siècles.)

Rien n'est plus qui parle au nom de soi-même,
mais voici naître, à l'autre face du silence,
ce qui pousse et se sait et se veut pousser Herbe,
qui pleut la Pluie, qui se pleut immoboile,
et qui s'érige en flamme immuable filant
les longues cent mille pensées de la Chevelure.

p.168
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L'ERRANT


Il courait, il courait, le malheureux,
sous la lune et dans les cendres,
son pied glissait sur les plages
et la forêt vierge arrachait ses cheveux.

Il courait, il courait comme un fou,
gesticulant de ses longs membres noirs;
la neige pénétrait son sang,
le sable sa cervelle.

Dans chaque capitale il trouvait des amis
au fond d'un café des faubourgs,
ils l'embrassaient, lui donnaient de l'alcool,
des cigares et des femmes aux yeux bêtes.

Il caressait leurs cheveux,
il mangeait une assiettée de soupe et s'en allait,
ses grands bras ridicules
levés vers un ciel gris et jaune.

Ah! qu'il en avait des amis, des amis,
de vrais amis de par le monde,
il courait, il courait sur les routes et les plages,
parce que ce n'était jamais cela.

Il court encore, mes amis, mes amis,
ne prenez pas cet air stupide,
un œil de trop, un nez de moins,
et chaque fois le tableau est manqué.

Il court, il court, et dans les bars des faubourgs,
on discute de son cas;
les piles d'assiettes tombent des bras des servantes,
chacun rentre chez soi seul, se mordant les lèvres.

Il tourne, il tourne, mes amis,
à s'en rompre les artères.

p.122-123
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LA PEAU DU FANTÔME

Je traîne mon espoir avec mon sac de clous,
je traîne mon espoir étranglé à tes pieds,
toi qui n'est pas encore,
et moi qui ne suis plus.

Je traîne un sac de clous sur la grève de feu
en chantant tous les noms que je te donnerai
et ceux que je n'ai plus.
Dans la barque, elle pourrit, la loque
où ma vie palpitait jadis ;
toutes les planches furent clouées,
il est pourri sur sa paillasse
avec ses yeux qui ne pouvaient te voir,
ses oreilles sourde à ta voix,
sa peau trop lourde pour te sentir
quand tu le frôlais,
quand tu passais en vent de maladie.

Et maintenant j'ai dépouillé la pourriture,
et tout blanc je viens en toi,
ma peau nouvelle de fantôme
frissonne déjà dans ton air.

p.57
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Les chaussures, ce n’est pas comme les pieds : on n’est pas né avec. On peut donc les choisir. Laisse-toi guider pour ce choix par les personnes expérimentées d’abord ; puis par ta propre expérience.
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L’alpinisme est l’art de parcourir les montagnes en affrontant les plus grands dangers avec la plus grande prudence. On appelle ici art l’accomplissement d’un savoir dans une action.
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"Mais voyez l'insondable veulerie de l'homme : tous les moyens qui lui sont donnés pour se tenir éveillé, il finit par en orner son sommeil. On porte le cilice comme on porterait un monocle, on chante les matines comme d'autres vont jouer au golf. Ah ! si les savants d'aujourd'hui, au lieu d'inventer sans cesse de nouveaux moyens de rendre la vie plus facile, mettaient leur ingéniosité à fabriquer des instruments propres à tirer les hommes de leur torpeur ! Il y a bien les mitrailleuses, mais cela dépasse de trop le but..."
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Après

Je vais renaître sans coeur,

toujours dans le même univers,

toujours portant la même tête,

les mêmes mains,

peut-être changées de couleurs,

mais cela même ne me consolerait point.

Je serai cruel et seul

et je mangerai des couleuvres

et des insectes crus.

Je ne parlerai à personne,

sinon en paroles d'insectes

ou de couleuvres nues,

en mots qui vivront et riront malgré moi.
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Y’a des moments où tu n’sais plus,
Tu n’sais plus rien, plus rien du tout.
Le lendemain tu t’aperçois
Qu’à ç’moment-là tu savais tout.
Mais tu n’sais plus,
Plus rien du tout,
Tout est foutu !
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