Quand un bandeau d'un bouquin me dit que les fans de Gaiman et King vont apprécier, j'ai un peu peur. Parce que j'adore Gaiman, donc il faut que ce soit à la hauteur, et que je n'ai pas lu King depuis 20 ans, pas très fan de cet auteur qui me provoquait des nuits de cauchemars à répétition.
Alors j'ai mis deux ans à me décider de le lire, ce roman.
Et c'était vraiment bien con. Vous allez me dire, un bouquin ça ne se périme pas, mieux vaut tard que jamais. Oui, mais j'ai tellement adoré cette lecture captivante, que franchement, j'aurais dû m'y plonger bien plus tôt - surtout quand je pense au tas de lectures bof que j'ai pu faire ces derniers mois.
Donc, voilà, j'ai adoré ce roman. D'abord, parce que j'adore les romans qui mettent en scène une Amérique profonde, l'Amérique des routes, des plaines, des campagnes, des motels pourris. Et j'aime d'autant plus quand c'est écrit par des auteurs américains - ils ont cette écriture factuelle, instantanée, sans chichis, directe, avec un regard un peu cynique sur leur société, qui va bien avec ce qu'ils décrivent. Il y a toujours une remise en question de cette Amérique, de sa grandeur, de son mode de vie, que j'apprécie - et on retrouve tout à fait cela ici.
American elsewhere commence donc comme cela, avec un panneau de bienvenue à la Twin Peaks. Les clins d'œil sont à peine voilés, et ça m'amuse. Le décor est planté, c'est bon, vous avez toute mon attention.
Alors ensuite, le roman (qui est un beau pavé, il a le temps de poser lentement un cadre "à peu près normal" avant de passer aux choses sérieuses) prend des sentiers hors piste. On s'écarte des grandes routes avec les personnages tous écorchés du roman pour traverser des choses qui deviennent bizarres - étranges - flippantes - surnaturelles ?
Peut-être est-ce là qu'on retrouve le plus de Stephen King : dans la peinture des personnages, leur psychologie complexe et qui évolue tout au long du bouquin, mais aussi dans l'établissement d'un cadre étrange/fantastique, où la peur est instillée petit à petit. Il y a un glissement qui se fait du réel à autre chose, et ce changement est addictif, le roman devient un page turner haletant.
J'ai été complètement scotchée par le récit, qui m'a fait penser à X files (dans le fait de se retrouver dans un patelin paumé pour enquêter des trucs étranges dans un laboratoire scientifique abandonné, vous voyez le genre). J'ai retrouvé des échos à des séries que j'ai adorées, alors évidemment, j'avais l'impression de mettre les pieds dans des chaussons tout chauds. Et la référence à Gaiman est tout aussi pertinente et pour ma part très satisfaisante.
Enfin, l'intrigue prend un tournant résolument horrifique, en s'inspirant de la méthode de suggestion de Lovecraft (dire plutôt que montrer l'horreur).
American Elsewhere c'est donc un roman au croisement de plusieurs œuvres majeures et ce cocktail fonctionne bien. Très bien même. Le roman est une œuvre protéiforme, une sorte de monstre à plusieurs têtes, qui donne lieu à une intrigue éclatée en plusieurs fils, plusieurs points de vue et plusieurs temporalités. Tout ceci s'accorde dans une partition très bien construite.
Si le roman a une intertextualité très riche, pour autant je trouve que l'auteur parvient à en faire une œuvre unique qui se démarque bien de ses inspirations.
Par exemple, le roman s'inspire de Lovecraft dans un certain nombre de points et de procédés, pour autant l'auteur semble s'en amuser, aller jusqu'au grotesque parfois, et même expliquer pendant des tartines assez longues ce qui est en train de se passer.
C'est peut-être là le point qui pourrait le plus déplaire à certains (pour ma part, je salue toujours ce genre de choses parce que comme j'ai toujours du mal à comprendre, ça m'aide beaucoup).
Et puis l'horreur qui se dessine dans ce roman n'est pas gratuite, ce n'est pas un but en soi. Ce qui importe ici, c'est de peindre une Amérique en négatif, d'interroger ce qui fait notre nature humaine, de questionner la capacité de plusieurs espèces à cohabiter, et interroger les limites de la science - jusqu'où aller, quel point de non retour ?
Il y aurait beaucoup à en dire, mais je vais m'arrêter par peur d'en dévoiler trop. Retenez que c'était une excellente lecture pour ma part et que je recommande fortement ce bouquin !
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