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Critiques de Russell Banks (792)
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Le royaume enchanté

« Magic Kingdom », titre de la v.o. du dernier livre de Russell Banks parle d'une Amérique assez spéciale celle du Sud , celle des Shakers, du début du siècle dernier, en Floride , une région qui accueillie à l'époque tout le détritus humain des États Unis . Aujourd'hui se trouve au même emplacement que celui de la communauté Shaker , le Disney World d'Orlando, d'où le titre, V.o. (Disney's) “Magic Kingdom”, qui se réfère aussi au Royaume Magique que les Shakers promettaient à leurs adeptes. On dirait une plaisanterie du destin.



L'histoire est celle de la famille Mann, de Waycross à Rosewell, racontée 70 ans après les faits , à travers les enregistrements de Harley, un des fils Mann, une famille de Ruskinite , secte basée sur les principes anticapitalistes du philosophe John Ruskin. Cette famille qui se sentait moralement et culturellement supérieur, se retrouve à la mort du père décédé du typhus, à Rosewell, une exploitation aux conditions de travail égalant l'esclavage. Suivra leur migration à New Bethany, une implantation de Shaker, et leur à peu près conversion au shakerisme. D'un camp d'esclavage à un autre, conséquences d'une folle croyance au Ruskinisme et au rêve utopique d'une nouvelle nation…..



Ruskiniste, Shaker…..sectes vampires qui suceront leurs adeptes jusqu'à la moelle en faisant briller l'appât dans la réalité inexistante d'un gain moral et matériel, suscité par la méthode du « carotte et du bâton » et construit sur une base fantoche, qui baigne dans l'illusion mirage d'une vie parfaite d'égalité , d'honnêteté et de pureté, 😊😊😊. Je souris car même dans les rêves ce genre de sociétés utopiques n'existent pas,'elles finissent toutes par devenir des dictatures sous le joug d'un ou plusieurs âmes, emprisonnant leurs membres à vie. C'est ainsi que notre narrateur Harley avec la conversion de sa mère au Shakerisme , à treize ans deviendra automatiquement « la propriété » de la communauté Shaker ( en faites d'un seul homme plus ou moins), jusqu'à ses dix-huit ans….



Cette communauté descendant d' immigrés pauvres venus d'Irlande, les Shakers, se comptera par milliers et continuera à se développer. Leurs recrues étant principalement des orphelins et des enfants nés hors mariage, des nourrissons et des jeunes littéralement laissés à leurs portes, et des hommes et des femmes spirituellement nécessiteux, arrachés aux vagues croissantes et décroissantes d'enthousiasme religieux qui balayaient la nation toutes les quelques années, des âmes perdues au sens figuré. abandonnés par leur religion.Donc pour ces miséreux la communauté était la garantie d'une famille stable et solidaire, une éducation pratique et une religion durable – sécurité physique, mentorat et élévation spirituelle, du moins en apparence, pour qui n'avait nul envie de se perdre dans les dédales de la Vie qu'il ou elle avait déjà très mal initiée. Cette communauté perfectionniste soit disant modèle faisait cependant travailler des enfants de 10-12 ans 6 heures par jours 6 jours par semaine, gratis. Cet îlot de vie artificielle , isolé du reste du Monde frustrera l'ado Harley dont le coeur à treize ans bat déjà pour une jeune femme dans sa vingtaine, et lui fera commettre l'indicible ….

Même si le style Shaker, uniquement le style c'est-à-dire meubles, ustensiles… à une époque m'attirait, les trouvant simple , beau et fonctionnel , ne m'interpelle plus depuis bon temps , surtout ayant pris connaissance de l'idéologie derrière cette pureté, qui aujourd'hui me fait sourire par son ingénuité et m'énerve par ses artifices et ses contraintes . Ces sociétés utopiques qui attiraient souvent des personnes voulant recommencer des vies nouvelles pour divers raisons, nécessitaient en faites les mêmes compétences qui permettaient simplement de survivre en prison, dans l'armée ou à des conditions de travail insensées, similaire à l'esclavage ( Rosewell) .



Ce livre que Russell, décédé au début de cette année, a écrit et publié l'année d'avant est une profonde réflexion sur l'hypocrisie humaine, la vérité , l'éthique et les principes manipulées selon les exigences de chacun. Pourrait-il être considéré comme une sorte de testament vu le sujet abordé et les nombreuses questions qu'ils nous posent à travers cette histoire complexe, particulièrement celle de Harley ? D'autant plus qu'aujourd'hui la manipulation de la vérité et de l'éthique n'a plus besoin de sectes comme les Shakers vu qu'à travers les réseaux sociaux on peut atteindre presque tout le monde et une majorité est facilement manipulable, rien qu'à voir le dernier Zozo élu démocratiquement à la tête de l'Argentine. Je cite cet exemple politique car ce livre est un livre à forte connotation politique. Il sera trés prochainement publié par Actes Sud, je vous conseillerez de ne pas passer à côté !





« We judge and refuse to judge others the same as we judge and refuse to judge ourselves. The liar thinks that everyone lies, and the truth teller believes that everyone is honest. »

On juge et refuse de juger les autres comme on juge et refuse de juger soi-même. le menteur pense que tout le monde ment, et celui qui dit la vérité croit que tout le monde est honnête ».
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Le royaume enchanté

Dans son ultime roman, publié juste avant sa mort en janvier 2023, Russell Banks poursuit son questionnement du rêve américain au travers d’un paradis perdu, domaine d’une modeste communauté shaker en Floride, devenu aujourd’hui miroir aux alouettes de l’industrie du loisir.





L’auteur qui, dans ses livres, a si souvent adopté le point de vue des laissés pour compte en Amérique s’attaque cette fois au mythe du self-made-man au travers d’un récit désespérément nostalgique. Au soir de son existence depuis longtemps solitaire, un homme décide de se confier à des bandes magnétiques. L’on découvre son histoire depuis l’enfance, en une narration sans faux-semblants révélant une âme déchirée et sans plus d’illusions face à son combat d’une vie avec le Bien et le Mal.





Né au tournant du XXe siècle, Harley Mann a connu la misère la plus noire avant de faire fortune dans la spéculation immobilière. Son dernier coup fut la vente à l’empire Disney des terres qui devaient servir à l’implantation du grand parc d’Orlando. Des terres sur lesquelles il avait fait main basse après avoir contribué à la déroute de leurs propriétaires, une communauté utopiste de shakers, proches des quakers, qui l’avait charitablement recueilli avec les siens quand ils étaient littéralement au fond du trou.





Ce n’est qu’après les avoir trahis parce qu'irrésistiblement attiré par l’amour et l’argent, que Harley devait réaliser la bonté des shakers et son bonheur perdu, lui qui par avidité et vanité s’était exclu tout seul de leur « royaume enchanté », ce jardin d’Eden certes régi par des règles austères, entre chasteté, dévotion et communisme, mais pourvoyant simplement aux besoins de chacun.





Une infinie tristesse imprègne le récit de cet homme, enferré par de mauvais choix dans une voie sans retour dont il a pu, depuis, longuement mesurer tout ce qu’elle lui a fait perdre, à lui mais aussi, par sa faute, à d’autres qui ne demandaient rien. A travers cette utopie humaniste détruite au profit d’un matérialisme bassement individualiste, c’est ni plus ni moins ce que nous avons appelé le progrès de la civilisation et qui a abouti à la société de consommation et à ses nouveaux modes d’asservissement, à la disparition de la nature sauvage et à la mise en péril de la planète, que questionne Russell Banks dans ce chant du cygne parabolique.





Écrivain connu pour ses engagements humanistes, Russell Banks nous livre une dernière histoire crépusculaire, à la fois fresque intense et envoûtante traversée par un puissant souffle narratif, et réflexion mélancolique sur ce que nous coûte l’avidité matérielle de notre civilisation. A nous prendre pour des dieux, égoïstes et souverains, nous ne nous contentons pas de nous exclure nous-même du paradis terrestre, nous faisons tout pour le détruire. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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De beaux lendemains

Comme tous les matins depuis une vingtaine d'années, Dolorès Driscoll conduit le car scolaire. Un froid pourtant glacial ne l'empêche guère de démarrer. La neige n'est attendue que pour plus tard. de multiples arrêts ponctuent son parcours. Les enfants se bousculent à l'intérieur pour se protéger du froid. Rien ne présageait ce terrible accident. Sur la route, elle croit apercevoir comme le fantôme d'un chien. Quelque chose de couleur brun roussâtre. Était-ce un chien ou un chevreuil ou une vision d'optique ? Dolorès n'est sûre de rien. Pour l'éviter, elle braque le volant à droite en écrasant du pied la pédale de frein. L'inévitable se produit. le village de Sam Dent compte ses morts, 14 enfants, et les pleure.



Un tragique accident de car de ramassage scolaire va anéantir ce village de Sam Dent. Que ce soit ces parents endeuillés qui ont perdu leur enfant, parfois deux ou trois ; Dolorès, la conductrice qui se sent responsable ou encore les enfants qui ont eu la chance de s'en sortir, certains avec de graves séquelles. L'on cherche un coupable, et cet avocat venu tout droit de New-York compte bien en trouver et amener l'affaire devant les tribunaux. Russell Banks donne la voix à Dolorès, à Billy Ansel, un papa déjà anéanti par le décès de sa femme et qui a perdu ses deux enfants, Mitchell Stephens, l'avocat qui tente de rallier ces parents et enfin Nicole Burnell, une jeune fille promise à une bel avenir et qui en ressortira en chaise roulante. L'on entre alors dans la peau de chacun, l'auteur s'attardant judicieusement sur leur passé et décrivant leurs doutes et leurs failles, et l'on vit ce drame de différents points de vue. Dans cette Amérique profonde, au coeur de cette population frustrée et blessée, l'ambiance se veut parfois lourde, pesante et tragique. Porté par une écriture riche, déchirante et envoûtante, ce roman captive tout autant qu'il étreint.



A noter que ce roman a été adapté au théâtre et au cinéma par Atom Egoyan en 1997 et a obtenu le Grand Prix du jury au festival de Cannes cette même année.



La promesse de beaux lendemains...
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Un membre permanent de la famille

Un ex-marine à la retraite qui a du mal à boucler ses fins de mois, un chien au centre d'un divorce, une fête de Noël chez son ex-femme, un coeur au centre d'une rencontre, une femme fraichement veuve qui reprend goût à la vie, une récompense qui divise, un mec qui entre dans un bar avec un perroquet invisible, un couple et leur chien dans un camping-car, l'achat d'une voiture qui ne se passe pas comme prévu, une rencontre avec un air de déjà-vu, une femme dans un aéroport qui recherche Véronika, un client qui recherche du plaisir...



Autant de héros du quotidien, autant d'histoires, qu'elles soient touchantes, originales, déjantées, entrainantes ou tristes, qui se picorent au gré de l'envie. Russel Banks nous conte, dans ces 12 récits, le destin parfois tragique de personnages le plus souvent esseulés que l'on accompagne le temps du récit et que l'on quitte en douceur. Sans en faire trop, l'auteur nous plonge en toute sincérité et délicatesse dans ces tranches de vie. Telles des sucreries que l'on laisse fondre sous la bouche, ces nouvelles, portées par une écriture riche, dressent avec justesse un tableau des relations humaines, le plus souvent familiales, fussent-elles si fragiles.



Un membre permanent de la famille... si attachant !
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American Darling

Installée depuis des années dans les Adirondaks et à la tête d'une ferme écologique qu'elle fait tourner avec trois autres femmes, Hannah Musgrave, à bientôt 60 ans, se réveille un matin avec des images de l'Afrique, plus précisément du Liberia, pleins la tête. Plus tard dans la journée, à la place du rêve, la certitude qu'elle allait bientôt y retourner. Un retour dans son passé qu'elle avait fui ou effacé. Un retour sur des terres d'exil, des terres qui ont fait d'elle une épouse puis une mère. Des terres empreintes de chaos et de souvenirs inoubliables...



Quel destin que celui d'Hannah Musgrave ! Fille unique d'un médecin réputé, elle choisira une toute autre vie que celle tracée par ses parents. Activiste engagée, exilée au Liberia pour fuir les autorités, Hannah épouse Woodrow Sundiata, un médecin bureaucrate membre du gouvernement, et se prend d'affection pour les chimpanzés, qu'elle appelle ses « rêveurs ». De sa ferme de Keene Valley jusqu'au Liberia, la presque sexagénaire nous raconte son histoire, son parcours mouvementé, ses failles, ses rêves déchus, ses espoirs... Avec "American darling", Russel Banks nous livre un roman fort et fascinant. Outre cette femme presque inaccessible, qui se cache derrière de fausses identités, quitte, parfois, à se perdre elle-même, l'auteur dépeint un contexte historique passionnant : un pays tourmenté par les guerres et par la violence et les atrocités qu'elle engendre, par des dictatures, par des détournements...

Un roman poignant, saisissant et fascinant, porté par une plume puissante et intelligente...
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Un membre permanent de la famille

Russell Banks est un très grand romancier. Son dernier livre “Un membre permanent de la famille” montre qu'il est aussi un sacré nouvelliste. En douze nouvelles et douze instantanés de vie, il réussit une radiographie de l'Amérique moyenne absolument remarquable. On rentre dans chacune des histoires avec le sentiment de suivre ces personnages depuis longtemps alors qu'on vient de les découvrir depuis quelques lignes, avec l'idée aussi de laisser le lecteur imaginer l'après. Comme un grand photographe le fait avec ces clichés. C'est formidablement conté comme toujours chez Banks et le seul regret c'est que son recueil ne soit pas plus épais.

Forcément conseiller pour agrandir votre PAL.
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De beaux lendemains

Il est des livres dont vous savez qu'ils vous accrocheront, vous emmèneront et vous nourriront: C'est le cas de ces Beaux lendemains de Russel Banks.

J'avais vu l'adaptation cinématographique d'Atom Egoyan, inoubliable et inoubliée d 'Horusfonck... Le livre, trouvé en fin d'année dernière, était donc une évidente priorité de lecture pour moi.

Comme j'ai gardé très peu d'images du film en mémoire, je me suis reconstruit le paysage du drame, complétement.

Que faire, et comment retrouver une vie, après le décès tragique de quatorze enfants de la ville de Sam Dent? Est-ce seulement possible?

Qui ou que va-t-il falloir sacrifier?

C'est par les récits de quatre personnages, que Russel Banks va offrir au lecteur une réponse intrigante et qui laissera dubitatif plus d'un lecteur !

L’auteur nous donne à voir les deuils impossibles et la colère qui ne sait qui attraper, qui rendre responsable.

Il visite les âmes droites et les consciences noires ou salies. Il creuse les caractères, les alibis et les culpabilités de chacun, leurs vies d’avant l’accident.

L’avocat de New-York, empli de sa colère-propre et fort de son expérience, parviendra-t-il à rassembler les parents des jeunes victimes pour faire payer les supposés responsables ?

Nicole, désormais clouée dans son fauteuil roulant, témoignera-t-elle ?

À la fin du livre, tout sera dit et l’on mesurera la profondeur et l’intelligence d’un roman d’exception.

Merci à vous, Russel Banks, pour cette magistrale visite.

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Le royaume enchanté

La famille Mann n'avait pas atterri par hasard en Floride. Soixante-dix ans auparavant, ses ancêtres s'étaient installés en Géorgie dans la colonie utopiste de Waycross fondée par des adeptes radicaux de la doctrine anticapitaliste de John Ruskin. Une colonie que la famille avait quittée, en raison des conditions communautaires devenues sordides, pour pire encore, la plantation Rosewell, où elle avait fort heureusement fini par entrer en relation avec les shakers.



Ces shakers étaient les membres d'une branche du protestantisme, issue des quakers, née au début du XVIIIe siècle, qui en raison de la persécution dont ils avaient fait l'objet en Angleterre avaient émigré aux États-Unis. Si leurs moeurs particulièrement austères (célibat obligatoire, propriété privée interdite, frugalité, chasteté, égalitarisme) n'avaient pas empêché leur mouvement de connaître un succès assez rapide, le renouvellement biologique impossible serait à l'origine de leur déclin inexorable.



Pourtant après leur expérience désastreuse à la plantation de Rosewell, cette organisation n'était pas pour déplaire à la famille Mann, désormais composée de la mère et de ses cinq enfants, le père étant mort peu de temps avant leur installation à Rosewell. Toutefois au fil du temps l'aîné des garçons en s'enticheant d'une jeune femme allait braver l'interdit absolu des shakers...



À la lecture de ce récit de Russel Banks écrit au crépuscule de sa vie, inspiré de la véritable histoire d'une colonie shaker installée en Floride il y a presque un siècle, on peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles les communautés religieuses ou séculières séduisent autant d'Américains, et ce malgré leur caractère utopique, leurs contraintes et pour certaines, qui s'apparentent franchement à des sectes, leurs manipulations évidentes. Peut-être est-ce une recherche de valeurs et d'idéaux auxquels se raccrocher dans une société tournée vers le dieu argent, ou qui sait ? pour certains est-ce un reste du Pacte du Mayflower et du puritanisme des Pilgrims Fathers. En tous les cas un questionnement pour moi qui ne suis pas américaine et qui suis attachée à ma liberté 😊

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Oh, Canada

Russell Banks nous propose un roman où, comme souvent dans les romans américains, la destinée personnelle du héros est intimement liée à l’histoire du pays.

Léonard Fife est un documentariste célèbre et engagé, il est en fin de vie, hospitalisé chez lui et dépendant d'aides pour toutes ses fonctions vitales.

Malcolm, un de ses élèves, vient l'interviewer et le filmer pour un bilan de sa vie et un ultime témoignage sur ses engagements et ses inspirations.

Pour Léo, cette interview se transforme en confession où il explore les moments de sa vie les plus intimes et les moins connues, une manière pour lui de se montrer à sa femme dans toute sa nudité (oui ça rappelle Rousseau dans "Les Confessions"...)

Ses choix artistiques et personnels n'ont pas toujours été glorieux et il a souvent fait preuve de lâcheté, sous couvert d'autres raisons...

Et sa notoriété due à son engagement pendant la guerre du Vietnam où il a déserté pour partir au Canada, et à son premier documentaire sur des activités cachées de l'armée, a été davantage le fruit du hasard qu'une conscience politique aigüe.



Russell Banks brosse un portrait fouillé, dense et intelligent d'un homme en fin de vie qui tente de faire un bilan sans concessions de cette existence.

Si la vérité semble travestie, c'est peut-être parce ses médicaments apportent un peu de confusion dans son esprit, c'est sans doute aussi parce que ce sont ses souvenirs à lui, et personne d'autre ne peut avoir cette vision de sa vie.

C'est un portrait sans compromis d'un homme et d'une époque, et aussi une plongée dans l'univers d'un créateur grâce à cet mise en abîme d'un documentariste interviewé et filmé par un autre documentariste.

Russel Banks fait ici un récit très fort, auquel j'ai quand même trouvé quelques longueurs, d'un homme au crépuscule de sa vie.



Merci à Babelio/Masse critique et à Actes sud.



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La Réserve

1936. Dans le cadre majestueux des Adirondacks, une réserve naturelle préservée aux seuls bénéfices de riches new-yorkais, le célèbre peintre Jordan Groves, invité à une petite fête donnée par un éminent neurochirurgien, rencontre la fille de ce dernier, la troublante et énigmatique Vanessa Cole.

La beauté sulfureuse, l’aura de mystère et d’indécence qui émane de la jeune femme, ne tardent pas dérouter l’artiste.

Bien que rejetant ce monde de privilégiés auquel elle appartient, le peintre «gauchisant », marié et père de deux enfants, se sent irrésistiblement attiré par celle dont les tumultes sentimentaux et les excès en tout genre font régulièrement la Une des journaux à scandale.

Les déboires matrimoniaux de Jordan et la mort prématurée du père de Vanessa vont bientôt précipiter leurs existences dans les tourments du doute, de la folie et du mensonge tandis qu’en écho à leurs univers vacillants, résonnent de part le monde les premiers coups de tonnerre annonçant la Seconde Guerre Mondiale.



Il y a du Fitzgerald dans ce beau roman, il y a de l’Hemingway, il y a cette influence des grands auteurs américains qui ont marqué l’Entre-deux Guerre et dont Russell Banks peut se flatter d’être le digne héritier.

Il fallait tout le talent de l’auteur d’ « American Darling » et de « Pourfendeur de nuages » pour réussir à envoûter son lecteur tout en mettant en scène des personnages comblant par la fascination qu’ils inspirent leur manque manifeste de sympathie.

Vanessa Cole, sorte de Zelda Fitzgerald névrosée et hautaine, pathétique « pauvre » petite fille riche ; Jordan Groves, artiste imbu de lui-même, petit Hemingway séducteur, vaniteux, égocentrique et macho ; deux personnages qu’on ne sait si l’on doit les aimer ou les détester et pourtant, la magie opère irrésistiblement…Comme deux aimants aux pôles opposés s’attirent inéluctablement, ces ceux-là créent une alchimie captivante que vient renforcer la maîtrise narrative d’un auteur qui ne signe peut-être pas ici son meilleur texte mais réussit néanmoins à nous ouvrir un horizon où la majesté du cadre naturel scelle à jamais l’insignifiance des individus.



Et là, dans l’environnement imposant de la Réserve où règnent en majesté les forêts et les lacs, l’humaine tragédie va se jouer irrémédiablement, les destins se croiser, les vies se faire et se défaire dans la beauté ensorcelante des grands espaces.

Là aussi, la splendeur de la nature renforce encore la petitesse des hommes interprétant leur dérisoire comédie humaine.

Et ces vies qui basculent sont à l’image même de ce monde qui sombre, la déroute de ces existences devenant le signal du déséquilibre mondial dans l’imminence de la guerre.

Et puis, figée dans l’éternité, à la fois témoin et rempart de la folie des hommes, la Réserve des Adirondacks, nature sauvage et grandiose, affiche imperturbablement sa beauté immuable et sacrée…

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Oh, Canada

Leonard Fife est un cinéaste engagé, aujourd'hui à la retraite, qui a fui les États-Unis au moment de la guerre du Vietnam pour se réfugier au Canada, comme des milliers d'Américains d'alors qui bénéficieront du statut de réfugiés politiques.

Leonard Fife a soixante-dix-sept ans, il est en fin de vie, rattrapé par un cancer en phase terminale, il sait tout comme ses proches qu'il n'a plus que quelques jours à vivre. Ce qu'il a sur le coeur, ce qui est encore là à portée de sa mémoire, il doit se dépêcher de le confier, de le délivrer.

Hospitalisé chez lui, il accepte de recevoir Malcolm, un de ses anciens élèves et toute son équipe de tournage afin de réaliser un documentaire pour la télévision.

Leonard Fife que tout le monde appelle Leo bénéfice d'un prestige national, son engagement lui a permis de réaliser des investigations de fond sur des sujets brûlants qui se sont transformés en véritables scandales politiques.

C'est l'ultime occasion pour Malcolm d'interroger son vieux mentor, peut-être d'obtenir de lui d'autres révélations sensationnelles.

Le temps presse, les fonctions vitales de Leo lâchent les unes après les autres, qu'en sera-t-il de sa mémoire ? C'est un récit crépusculaire qui commence...

L'équipe s'installe dans le luxueux appartement du cinéaste à Montréal. Leo insiste pour que son épouse soit présente. Il veut être filmé quasiment dans le noir. Il a en effet des choses importantes à révéler mais contre toute attente, il balaie d'un revers de main les questions que Malcolm avait soigneusement préparées. Cela ne concerne pas la sphère géopolitique, mais sa propre histoire intime, son parcours, les véritables raisons qui l'ont amené à quitter les États-Unis, fuir au Canada...

Alors un autre récit, un discours édifiant pour ses proches, s'invite dans ce reportage, l'envers du décor, derrière l'histoire officielle d'un cinéaste engagé, il y a peut-être un autre homme, avec ses erreurs, ses errances, ses mensonges, ses petites lâchetés, ses arrangements avec son propre récit de vie...

Emma est présente à côté de son mari presque agonisant et se demande alors brusquement si elle connaît l'homme qui parle et qui va mourir, celui qui est son époux depuis quarante ans...

Dans cette interview qui se transforme peu à peu en confession intime voire impudique pour ses proches, la force du récit tisse un entrelacement de faits dans cette quête ultime de soi, jetant un trouble, un doute, est-ce la mémoire d'un imposteur qui vient remettre la vérité en place ou est-ce celle d'un malade en fin de vie qui mélange vérité et mensonges, ne se souvient peut-être plus, invente un parcours jalonné de ronces dans une mémoire trouée comme une passoire... ?

Doit-on respecter Leonard Fife parce qu'il ose se confesser, faire tomber les digues ? Doit-on lui en vouloir parce que cette confession est jalonnée de douleurs et de blessures ? Une lâcheté de plus, si facile, à quelques heures de mourir, une lâcheté pour soulager une conscience à géométrie variable ?

Russell Banks dresse avec intelligence et justesse un portrait sans concession d'un homme qui se retourne sur le parcours de son existence. La force de son écriture est de réussir à nous immerger dans la tête de Leonard Fife, ce qui n'est pas forcément un endroit très confortable, je vous l'assure.

C'est un voyage à la fois intérieur mais qui traverse un pan de l'Histoire des États-Unis. Nous sommes plusieurs ici à admirer la littérature américaine pour sa capacité à savoir poser des passerelles entre récit intime et dimension universelle... C'est un peu sa marque de fabrique, son ADN... Russell Banks le fait ici avec brio.

Confession ? Imagination ? Affabulation ? Est-ce que Leonard Fife nous mène en bateau ? Est-ce qu'il le sait lui-même ? Tout l'intérêt du récit est d'osciller avec subtilité dans cette ambiguïté...

Oh, Canada est un roman insolite, inclassable, exigeant aussi, que j'ai beaucoup aimé. Un récit tout en tension, tendu comme un arc jusqu'au dénouement final, un récit oppressant parfois, parmi cette pénombre dans laquelle nous plonge Russell Banks, mais un récit d'une écriture lumineuse, ciselée, démontrant à chaque page qu'il est un grand écrivain.

Et puis, et puis, j'allais oublier de parler d'elle puisqu'elle est présente dans le roman, celle qui a bousculé mon coeur de jeune homme lorsque je l'ai vue la première fois en concert à Brest seule sur scène avec sa guitare et une voix d'un timbre éblouissant, j'avais vingt-deux ans, Joan Baez, oui la grande Joan Baez...



♫ Well, I'll be damned

Here comes your ghost again ♬

♫ But that's not unusual

It's just that the moon is full

And you happened to call ♬

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Le royaume enchanté

Un grand merci à Babelio et aux éditions Actes Sud...



En 1971, alors âgé de 81 ans, Harley Mann décide non pas d'écrire mais de raconter sa vie sur des bandes magnétiques. Quinze bobines que Russell Banks a, par un heureux hasard, récupéré des années plus tard... Né en 1890, Harley Mann passe ses premières années, avec ses frères, son père et sa mère, dans la colonie originelle des Ruskinites, celle de Graylag, avant de partir pour Waycross. Si les conditions de vie sont parfois difficiles, entre liberté et ordre, jeu et travail, l'enfant s'épanouit et n'aura jamais été aussi heureux. Mais la colonie de Waycross se vide peu à peu, notamment à cause d'une épidémie de typhus, appauvrissant les colons. Son père, malade lui aussi, veut emmener sa famille à la plantation Rosewell. Malheureusement, il en mourra et, pour respecter ses dernières volontés, toute la famille s'en va. Traitée tels des esclaves, exploitée et brutalisée, elle n'y restera que quelques mois avant de s'installer chez les Shakers de la Nouvelle-Béthanie, en 1902. Une communauté pieuse et abstinente, avec mise en commun des biens et séparation des genres, gérée par l'Aîné John Bennett et l'Aînée Mary Glynn. Si Harley s'y sent comme au paradis, sa rencontre avec Sadie Pratt va bouleverser ses projets et ses ambitions...



Au crépuscule de sa vie, Harley Mann, cet homme solitaire, décide de raconter ses premières années sur des bandes magnétiques. Quinze bobines que Russell Banks transpose au coeur de ce roman, le dernier publié avant sa mort en janvier 2023. Un groupe de Shakers, à la fin du 19ième siècle, fonde la colonie de la Nouvelle-Béthanie, en Floride, là où, quelques années plus tard, s'érigera Disney World, des terres que Harley, devenu spéculateur immobilier, leur vendra. Des colons utopistes vivant à l'écart du Monde, croyant en la réincarnation de Jésus en Mère Ann Lee, et prônant l'abstinence sexuelle. Installé parmi eux avec sa mère, son jumeau et ses frères également jumeaux, le jeune Harley, s'il s'épanouit les premières années, va, peu à peu, penser par lui-même et voir autrement la vie proposée par les Shakers. Cette confession, empreinte de regrets, de remords parfois, d'excuses murmurées, déroule la vie d'un homme, d'un pays en proie à ses travers, ses manquements, son racisme, son individualisme, son matérialisme, son avidité, son hypocrisie... En conteur engagé, si le personnage d'Harley reste fictif, Russell Banks s'est basé sur des faits historiques réels. Une confession, dense, fouillée, mélancolique qui, bien que passionnante, manque parfois de rythme, de dynamisme et d'émotion...
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Un membre permanent de la famille

Je voudrais pour entamer cette critique citer Hervé Bazin :

« On peut faiblir sur 1000 m et se reprendre. Sur 100 m, non.

En face du roman, la nouvelle est dans le même cas : elle n'a pas droit à la moindre erreur. »



Pour m’intéresser à des nouvelles, j’ai besoin d’être intriguée dès les premières lignes, captivée tout au long de l’histoire et « scotchée » par la fin.

Peu d’écrivains ont réussi à y parvenir.

J’avais donc quelques inquiétudes en ouvrant « Un membre permanent de la famille », Russell Banks que je considère comme l’un des meilleurs auteurs Américains, réussirai-t-il à faire passer l’essentiel en si peu de pages ?

Eh bien oui ! Je referme ce livre totalement conquise.

Dans ces douze nouvelles, l’auteur met en scène des personnages émouvants, drôles parfois, il nous parle d’échecs amoureux et de frustrations affectives, au sein de familles brisées par des divorces. On s’arrange alors pour se partager les enfants et le dernier lien conjugal est parfois un animal, comme cette chienne qu’un couple finira par se disputer cruellement parce qu’elle est devenue «un membre permanent de la famille».

Quelques pages plus loin, c’est encore du divorce dont il est question à travers l’histoire d’Harold qui accepte le soir de Noël l’invitation de son ex épouse et de son nouveau mari.

J’ai particulièrement aimé « Big Dog » qui raconte avec humour et inquiétude la nuit d’horreur d’une femme oubliée dans un garage alors qu’elle souhaitait acheter une voiture avec pour seul compagnon un Pitbull féroce et menaçant.



Russel Banks peint dans ce magnifique livre des instantanés de vie avec quelques personnages attachants qui bien souvent nous ressemblent.

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American Darling

C'est par un rêve que l'Afrique se rappelle à Hannah Musgrave. A l'approche de la soixantaine, celle qui est désormais à la tête d'une ferme écologique dans les Adirondacks, se retourne sur son passé, de sa jeunesse d'activiste recherchée par le FBI à sa fuite et son installation au Liberia. le moment est venu pour Hannah d'entreprendre un voyage qui la conduira sur les traces de son mari africain, de ses trois fils disparus et de ses ''rêveurs'', les chimpanzés qu'elle avait tenté de sauver de la cruauté humaine.



Curieux destin que celui d'Hannah Musgrave, une jeune américaine issue de la classe favorisée et qui se joint aux protestations étudiantes de la fin des années 60, milite pour les droits civiques et contre la guerre au Vietnam, fabrique des bombes pour la cause et finit par quitter les Etats-Unis pour fuir la justice. Ce choix de vie l'a éloignée de ses parents, un pédiatre renommé et une mère au foyer égocentrique, le mandat d'arrêt contre elle la contraignant à donner peu de nouvelles. Sans attaches, elle arrive en Afrique, la peur au ventre, un peu déboussolée, et se laisse séduire par Woodrow Sundiata, le ministre de la Santé du Liberia. L'activiste pleine de fougue devient une épouse obéissante et la mère un peu distante de trois garçons. Hannah se languit dans cette vie familiale peu gratifiante et trouve refuge auprès des chimpanzés. Elle crée un refuge qui devient sa raison d'être. Les années filent, rythmées par les manoeuvres politiques, les coups d'Etat, les massacres entre factions rivales, les guerres civiles. le jour où elle est sommée par l'ambassade américaine de quitter le pays pour sa propre sécurité, elle abandonne ses fils, Dillon, Paul et William, qui, portés par la violence des évènements sont devenus Pire-que-la-mort, Mouche et Démonologie.

Curieuse femme cette Hannah Musgrave qui passe d'un engagement politique radical aux Etats-Unis à une étrange apathie au Liberia. C'est un personnage de femme comme seule la littérature peut en produire. Forte, froide, tourmentée, elle est parfois spectatrice de sa propre vie, ne semble pas s'attacher aux êtres humains qu'elle rencontre mais peut s'enflammer pour un chimpanzé. Même ses fils lui sont étrangers, plus fils de leur père africain que de leur mère américaine. Hannah n'est pas forcément attachante, faite de contradictions, d'ambiguïtés, mais l'auteur sait nous la rendre proche dans ses convictions, les choix qu'elle fait et ceux qu'elle subit.

Et puis bien sûr, ce destin et cette femme s'inscrivent dans un contexte historique qui fait aussi la force de ce roman. Des heurts anti-guerre du Vietnam en Amérique aux guerres civiles qui ont secoué le Liberia. Ce pays peu connu est ici raconté depuis l'installation des anciens esclaves jusqu'aux despotes qui se sont succédé au pouvoir, dans la fureur et le sang. Fausses promesses, détournement des aides humanitaires, massacres des opposants, enfants soldats sanguinaires, dictateurs hargneux...sous l'oeil goguenard des Etats-Unis qui soutiennent l'un ou l'autre au gré de leurs ambitions dans la région.

American Darling est le roman d'une femme dans son époque. Un roman fort, dense, complexe, inoubliable, porté par cette femme, enfant chérie de l'Amérique qui s'est perdue pour mieux se retrouver, et par l'écriture inspirée de Russell Banks. A lire absolument !
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Affliction

"Affliction" est un roman douloureux et magnifique. Russell Banks nous parle du fardeau dont nous héritons à la naissance et de notre capacité de résilience. Son récit oscille sans cesse entre déterminisme familial et liberté pour chacun d'essayer de tracer son propre chemin pour s'accomplir.



Wade est à la fois shérif d'un bled du Wisconsin et ouvrier du potentat local. C'est aussi un homme brisé par la violence paternelle qui tente de canaliser la sienne et de renouer avec sa fille après un douloureux divorce. De sa fratrie il est le seul fils à être resté dans son village natal. Ecrasé par le poids familial et incapable de se projeter ailleurs, il demeure enchaîné à cette terre qu'il aime et hait à la fois.



"Affliction" raconte la fuite en avant de cet homme à l'enfance sacrifiée et en mode survie qu'un drame va obséder et mener au point de non-retour. Après "De beaux lendemains", Russell Banks nous plonge à nouveau au coeur d'une souffrance humaine indicible mais qui ne ferme jamais complètement la porte à une possible rédemption.



Nick Nolte et James Coburn (oscarisé) ont incarné de manière magistrale Wade et son père dans la très belle adaptation de Paul Schrader.



Une livre sombre et touchant à la fois, une lecture intense qui m'a marqué durablement.









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Sous le règne de Bone

Je viens de finir mon premier roman de Russell Banks "sous le règne de bone"

Et j'avoue avoir été séduit par le style de l'écrivain, sa façon plutôt intelligente de faire parler son personnage .

Chappie est un gosse de 14ans, crête iroquoise, piercing, un adolescent comme on en croise en ville, vous savez les "punks à chiens ".

Entre un beau père ignoble et une mère dépassée, Chappie se désocialise peu à peu.

Il abandonne le collège, commet de petits larcins pour payer son herbe.

Il squatte chez son pote Russ guère plus âgé que lui.

Nous entrons dans le milieu de la petite délinquance.

Chappie est un gosse intelligent, il a plus de bon sens que ses affreux parents, il connaît les limites à ne pas dépasser.

L'incendie du squat va obliger Chappie et Russ à faire le mort, ensemble ils vont faire un bout de chemin.

Malgré ces airs de dur et sa répartie on le sent fragile, sa mère lui manque.

Chappie se métamorphose en bone. Un tatouage sur l'avant bras, deux os en croix façon pirate.

Le règne de bone va commencer.

La rencontre de Rose qu'il sauve d'un prédateur sexuel et I-man un vieux rasta philosophe.

Entre la culture de légumes dans un bus et les joints de ganja bone va troquer l'habit punk et choisir d'être un rasta blanc, dread,sandales, bâton de Jah et bien sur marijuana.

La deuxième partie du récit se passe en Jamaïque.

En compagnie de I-man il va connaître l'univers du narco trafic, de gens sans scrupules et la rencontre avec son père biologique.

La partie jamaïcaine du récit ne m'a pas emballé, trop d'invraisemblances.

Malgré cette fin un peu décevante, tout est irie man (tout baigne)
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Oh, Canada

Un. Deux. Trois… J’ai compté, comme dans une fin de vie, d’ailleurs ma vie sent déjà la fin, un parfum de pisse et de mort qui colle à ma peau, le nombre de livres que j’ai lu de Russell Banks. Ce « Oh, Canada » fut donc mon dixième roman de cet auteur, à noter dans mon testament, au cas où, je les lègue à qui de droit ou à qui en veut, d’ailleurs j’ai déjà commencé le legs de certains d’entre eux. Le testament de la rue Sherbrooke.



Il est encore beau, ce roman pas moi, d’une profonde tristesse, ce roman et moi, tout de même, mais c’est que je dois aimer profondément les romans tristes. Ils se conjuguent parfaitement avec mon regard, avec ma vie, avec mon verre vide. Fife, une perfusion dans le bras, est sur le point de passer l’arme à gauche. Grand documentariste au Canada, c’est dans son appartement de la rue Sherbrooke, avec un verre de rhum des Caraïbes et des pancakes au sirop d’érable, qu’il se confie à une équipe de tournage venu réalisé un documentaire sur sa vie. L’occasion de jouer cartes sur table avec sa femme ou avec Dieu. Les rideaux du salon sont tirés, Fife parle dans le noir, d’une voix tremblotante, même le liquide brun qui s’écoule de son verre tremble dangereusement au-dessus du canapé. Il s’est endormi ? Il est déjà mort ? Non, il respire, il fait une pause. Il souffle sa peine, son chagrin, ses remords. Dans cette pénombre, il se confie ouvertement à l’œil de la caméra, à l’ouïe du magnétophone. Façon d’absoudre ses péchés. Ou de raconter à sa femme, son amour, le passé peu reluisant qui coule au fond de lui et l’a mordu tout au long de ces années. Un passé dont il ne peut être fier, un passé qu’il n’a jamais réussi à évoquer. Jusqu’à ce que cette caméra ne vienne le retrouver avant de s’éteindre et d’entendre du metteur en scène le fameux clap de fin.



On se regarde, tous. Le caméraman, l’assistante, une jolie blonde au passage – d’ailleurs, si j’avais été plus jeune... -, sa femme. On se demande la part de vérité dans ce témoignage. La dose d’affabulations engendrées par la vieillesse, l’oubli ou la fatigue. Mais au final, peu importe, le documentaire sera monté, les gens découvriront peut-être une autre facette de Fife, de son parcours de Virginie jusqu’à la rue Sherbrooke, Montréal. Mais si on parle testament, on en induit souvent un bilan, bilan de carrière, bilan de vie, les mémoires d'un pauvre type ou d'un bison. Et ben, à toé j'vais te l'dire, ce « Oh, Canada », intègre les limites de mon top five de l’auteur et comme ce dernier fait partie de mes auteurs fétiches (encore heureusement avec 10 bouquins, je suis certes maso, mais pas au point de m’infliger à grande échelle des auteurs que je n’apprécie pas), j’en attends beaucoup de lui. Exigence élevée donc, exigence relevée pour ce « Oh, Canada ». Un grand bouquin.
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American Darling

Je viens de finir ce livre et cela fait 3 jours que je n'arrive pas à démarrer le suivant.

J 'ai besoin de digérer un contenu dense, fort, où les thématiques abordées sont si nombreuses. Le thème principal est le Libéria et son histoire politique, empreinte de cynisme et de violence, mais c'est aussi le parcours de vie de Hannah, personnage insaisissable,qui se raconte à l'aube de la soixantaine: ses engagements militants, voire terroristes, son incapacité à aimer réellement son mari libérien et les trois fils issus de cette union, la distance qu'elle a posé avec ses parents.

En effet elle reste sans voir pendant de longues années ceux qu'elle nomme Mère et Papa: un père, célèbre pédiatre très pris par son métier mais néanmoins aimant et une mère femme au foyer, tellement centrée sur elle même qu'à la mort de son époux « elle était en colère parce que la mort de Papa était la mort de Papa et pas la sienne», une mère qui n' a jamais su voir sa fille. Banks nous délivre là sans doute, une des clés pour comprendre le personnage d'Hannah: Comme sa mère, elle ne voit ni son mari, ni ses enfants.

La question du regard, regard sur l'autre, sur soi, sur le monde revient tout au long du récit. Et si les relations humaines restent difficiles pour Hannah, sa rencontre avec les chimpanzés la révèle davantage à elle même. Sans doute sont ils les seuls à la voir vraiment et à lui renvoyer la réalité de son existence.

Cette quête d'identité qui a menée Hannah au Libéria, son pays d'adoption nous tient tout au long du livre et j'ai lu le dernier quart d'une traite emportée par le désir d'en connaître l'issue.

Pour ce qui est de la page historique du Libéria, ce déchaînement de violence et de cruauté me rappelle le terrible roman de Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages.

Les tragédies d'un continent qui n'en finit pas de se remettre des conséquences de la décolonisation, colonisation, nous laissent ébranlés et interrogatifs: jusqu'où l'homme peut il aller pour conquérir un territoire, le pouvoir, la liberté...?

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Continents à la dérive

Dans une petite ville du New Hampshire, Bob Dubois répare des chaudières pour une centaine de dollars par semaine. Une vie de famille simple, plutôt tranquille, pas misérable mais pas folichon non plus, l'attend chaque soir sur son canapé en cuir usagé et taché de vieilles traces de bières. Jusqu'au jour où Bob pète les plombs, envoie tout valdingué y compris son vieux break rouillé. Il vend son misérable appartement aux bruits incessants de tuyaux, et part avec femme et enfants, sa vie dans une remorque, rejoindre son frère sous le soleil de Floride. Parce qu'en Amérique, il est facile de refaire sa vie. American Dream.



Encore plus aussi sud, Vanice survit au milieu de sa famille et des ouragans. Proche de la misère, une vie à Haïti ne permet que peu d'espoir, de réussite ou d'émancipation. Avec d'autres noirs, elle décide de quitter l'île natale, un passeur aux rapports douteux, marchands d'espoir et de misère comme il y en a tant dans ces pays nourris de pauvreté et de poussière. Destination la plage. Mais comme toutes les plages se ressemblent, de Floride ou d'ailleurs. Là-bas, en Haïti, il y a des rêves aussi, ceux d'un monde meilleur que l'Amérique peut procurer. American Dream.



Mais le rêve américain n'est plus ce qu'il pouvait être. Il génère toujours autant d'espoir et d'envie. Se dire que l'on peut remettre les compteurs de la vie à zéro. Tout plaquer, tout recommencer. Imaginer que l'herbe à bison est plus verte ailleurs, d'autres prairies à brouter. En Floride par exemple. Mais la chute devient alors encore plus brutale. Sombre. Triste. La mal du pays - ou de l'état. La violence devenue urbaine. Le racisme, la pauvreté, les préjugés. C'est ça maintenant l'Amérique. Un pays, un continent qui part à la dérive. American Dream. L'Amérique de Russell Banks, teintée de vaudou, de misère et de voyage initiatique à tout âge. Que je m'appelle Bob Dubois ou Vanice, des âmes à la dérive. Magnifiquement Mélancolique.
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Un membre permanent de la famille

Russel Banks ne raconte pas des histoires mais plutôt des instants bien précis de la vie.



Il se glisse au milieu d'une situation et pose le scénario en quelques lignes.

Juste de quoi situer les personnages et surtout préparer le lecteur à l'action qui déclenchera ce moment qu'il veut nous raconter.



On ne sait pas exactement où cela commence et cela peut tout aussi bien se finir au beau milieu d'une phrase.

Pas d'importance si parfois ça finit en queue de poisson, car l'essentiel c'est qu'il réussit à nous faire immortaliser exactement la teneur de ces moments si particuliers qu'il a décidé d'aborder et il fait germer en nous une réflexion qui se poursuivra une fois la nouvelle terminée.



Il retranscrit des moments de grâce, d'horreur, de drame, tous suspendus dans le temps.

Des moments incongrus, ou profonds, des tournants qui changent à jamais une vie.

Il nous fait entrevoir des univers insoupçonnés, et questionne nos actions et nos valeurs.



L'auteur américain met le doigt sur des sentiments refoulés, des non-dits, le courage, la résilience, l'abattement, de tous ces petits riens qui constituent nos êtres trop souvent dépassés par le flot de nos vies.



Le cocktail de nouvelles est bien corsé et à déguster bien frais !!





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