Citations de Scholastique Mukasonga (396)
Maintenant j'en suis certaine, il y a un monstre qui sommeille en chaque homme.
Pour l'Afrique, il n'y avait pas d'histoire puisque les Africains ne savaient ni lire ni écrire avant que les missionnaires ouvrent leurs écoles. D'ailleurs, c'étaient les européens qui avaient découvert l'Afrique et l'avaient fait entrer dans l'histoire. Et s'il y avait eu des rois au Rwanda, il valait mieux les oublier, à présent, on était en République.
(P42)
Qu’est-ce que tu es venue faire au lycée alors, dit Gloriosa, tu aurais dû rester dans ta cambrousse à manger des bananes dans les champs. Tu aurais laissé ta place pour une vraie Rwandaise du peuple majoritaire.
Je reviendrai quand le soleil de la vie brillera à nouveau sur notre Rwanda. J'espère que je t'y reverrai.
Mais nous, qu'est-ce que nous allons deenir ? Un diplôme tutsi, ce n'est pas comme un diplôme hutu. Ce n'est pas un vrai diplôme. Le diplôme, c'est ta carte d'identité. S'il y a dessus Tutsi, tu ne trouveras jamais de travail, même pas chez les Blancs. C'est le quota.
Ce n'est pas facile de suivre le cours du Nil. D'abord il n'a pas de nom, puis il porte trop de noms. On dirait qu'il sort de partout. Il se cache dans un lac, il en ressort, il est Blanc, il s'embrouille dans les marais, d'un autre côté, il y a son frère qui est Bleu, à la fin, c'est facile, il file droit, de chaque côté c'est le désert, il lèche les pieds des pyramides, les grandes celles-là, après il s'éparpille, il s'emmêle, c'est le delta et tout cela finit dans la mer, qui, à ce qu"on dit, est bien plus grande que le lac.
Il 'y a pas de meilleur lycée que le lycée Notre-Dame-du-Nil. Il n'y en a pas de plu haut non plus. 2500 mètres, annoncent fièrement les professeurs blancs. 2493, corrige soeur Lydwine, la professeur de géographie. "On est si près du ciel", murmure la mère supérieure en joignant les mains.
« J’ai aussi appris que les Tutsi ne sont pas des humains : ici nous sommes des Inyenzi, des cafards, des serpents, des animaux nuisibles ; chez les Blancs, nous sommes les héros de leurs légendes. » (p. 153)
C'était un pays très pur, il n'avait jamais connu l'esclavage. Il avait conservé la race noire telle que le Créateur l'avait modelée dans la glaise originelle.
Il n’y a pas de meilleur lycée que le lycée Notre-Dame-du-Nil.
-Des histoires, il en faut pour toutes les oreilles. Et si les padri m'en demandaient une assaisonnée à leur goût, je leur en servirais tout autant. Ne te fâche pas. Et d'ailleurs, tu ne peux rien contre mes paroles. Elles ne s'envoleront pas comme celles de contes. Elles ne se dissiperont pas dans la mémoire étourdie des enfants. Elles sont déjà loin. Elles traverseront les océans. Elles resteront écrites dans le livre du professeur comme les paroles de Jésus dans ton Evangile.
Alors j’ai pensé à ce que racontait la mère de Gorreti : qu’autrefois les gorilles étaient des hommes Moi, j’ai une autre histoire à proposer : c’est que les gorilles ont refusé d’être des hommes, ils étaient presque des hommes, mais ils ont préféré rester des singes dans leur forêt, tout en haut des volcans. Quand ils ont vu que d’autres singes comme eux étaient devenu humains, mais qu’ils étaient aussi devenus méchants, cruels, qu’ils passaient leur temps à s’entre-tuer, ils ont refusé de se faire hommes. C’est peut-être ça le péché originel dont parle tout le temps le père Herménégilde : quand les singes sont devenus des hommes !
Alors j'ai pensé à ce que racontait la mère de Goretti : qu'autrefois les gorilles étaient des hommes. Moi, j'ai une autre histoire à proposer : c'est que les gorilles ont refusé d'être des hommes, ils étaient presque des hommes, mais ils ont préféré rester des singes dans leur forêt, tout en haut des volcans. Quand ils ont vu que d'autres singes comme eux étaient devenus humains, mais qu'ils étaient aussi devenus méchants, cruels, qu'ils passaient leur temps à s'entre-tuer, ils ont refusé de se faire hommes. C'est peut-être ça le péché originel dont parle tout le temps le père Herménégilde : quand les singes sont devenus des hommes !
Nos nouveaux persécuteurs ne tardèrent pas à se faire connaître: la jeunesse révolutionnaire du parti unique, le MDR-Parmehutu. En fait, c'étaient des voyous qu'on avait ramassés dans les rues de Kigali et qu'on formait à la violence et au meurtre. C'étaient de bons élèves et ils assimilèrent vite l'unique leçon qui leur était dispensée: humilier et terroriser une population sans défense.
Qui aurait le mauvais goût de parler encore des "événements malheureux", comme disent ceux qui nient avoir participé au génocide et refusent de prononcer le mot? Pardonnons-nous les uns les autres, et continuons comme si de rien n'était.
Et tu connais l'histoire de la statue sur le grand rond-point à Kigali ? On avait mis une femme avec son bébé dans le dos. Ça partait d'une bonne iintention : c'était la Mère rwandaise, c'était bien pour nous. Les femmes n'en ont pas voulu : elles ont dit qu'elles n'étaient pas seulement faites pour fabriquer des enfants, que l'unigori, la couronne qu'on leur donnait au septième enfant, c'était d'un autre temps, trois, quatre enfants, c'est déjà bien. Alors tu sais ce qu'on a fait ? Il y a bien un enfant avec la statue, mais il n'est plus dans le dos de sa mère, c'est une petite fille, sa mère la tient par la main. On a dit qu'elle la conduit à l'école.
Hélas, j'ai vite compris que la France des vacances, la France ensoleillée de juillet et août que nous parcourions de la Normandie à la Côte d'Azur, n'était pas la France du quotidien, celle de la recherche d'emploi : je n'avais pas réalisé que ce diplôme qui, au Rwanda et au Burundi, m'avait coûté tant d'efforts n'avait en France aucune valeur. (p. 125)
Pour mon frère André comme pour beaucoup de réfugiés rwandais, l'exil constitua, je ne dirai pas une chance, on ne peut pas parler de chance à propos d'exil, mais l'opportunité d'accéder à des études supérieures qui leur étaient refusées au Rwanda parce que Tutsi. (p. 29)
Candida, l'une de ses filles, était ma meilleure amie, celle qu'une fois qu'on l'aura perdue on appellera une amie d'enfance, sachant que jamais plus on ne retrouvera une telle amitié, celle justement réservée à l'enfance. (p. 164)
La bibliothécaire se souvient encore de ma première entrée : " J'étais en train de remettre des livres dans les rayonnages. Quand je me suis retournée, j'ai vu quelqu'un , visiblement une Africaine, assise derrière mon bureau, sur ma chaise, et qui contemplait tout ébahie les livres comme si elle était éblouie par les diamants des mines du roi Salomon. " (p. 129)