Sébastien Bohler semble être un auteur à part. Avec Neuroland, j’accède à une masse de connaissance dont je n’avais que très peu perçu l’existence d’une manière si académique. Le fonctionnement de certains récepteurs neuronaux. Le garçon tient son sujet. Multi casquettes, il maitrise les neurosciences et la psychologie. Il est l’auteur d’une thèse de neurobiologie moléculaire et s’il donne parfois l’impression nous noyer sous les descriptions scientifiques, c’est uniquement pour mieux les vulgariser. Là où Olivier Bal met nos rêves en scène, Sébastien Bohler travaille nos pensées.
Donc :
Pas de panique ! C’est ni une thèse, ni un traité.
Ce thriller est digne d’intérêt.
J’ai appris au fil des pages. Je me suis gavé de connaissances dans un domaine qui me paraissait à des années lumières de mes capacités.
J’en ressors surpris et avide d’en apprendre encore davantage sur le sujet.
Cela reste avant tout un roman. Comme quoi, ce que je raconte depuis des mois reste exact. Le Noir n’est jamais aussi passionnant que lorsqu’il se bâtit sur des hypothèses vraisemblables et nous donne le sentiment de plonger dans la réalité.
Neuroland date de 2015. On le replace dans le contexte. Cette période est, en France, synonyme d’années de terrorisme. C’est d’ailleurs par ce biais que Bohler nous enchaine à cet ambitieux thriller qui mélange politique et science. Trois attentats en plein Paris, 53 morts qui auraient pu être évités si le droit français n’avait pas protégé un jeune djihadiste été arrêté par la police quelques heures auparavant. L’officier de Police Melvin n’a pu le faire parler. Il porte le poids des victimes sur lui. En parallèle, il y a Neuroland, un centre de recherches sur Saclay en région parisienne où deux jeunes chercheurs, Carat et Corsa, travaillent sur un projet révolutionnaire qui permettra de décoder les activités du cerveau de chaque homme à travers un code neural. Celui qui possédera la capacité technologique de lire dans les pensées, possédera le pouvoir absolu. Voilà pour le résumé.
Alors oui, j’avoue, j’ai trouvé quelques faiblesses dans ce thriller.
Sébastien Bohler tire parfois des ficelles un peu grosses.
Le suivi temporel du roman parait parfois hâtif voire un poil brouillon (dans tous les cas, l’échelle de temps aurait pu mieux dessinée) mais cela ne porte pas préjudice à la lecture.
Les personnages sont nombreux et quelques-uns sont oubliés une fois qu’ils ont servi le propos de l’auteur.
Enfin, certains personnages peuvent se révéler très manichéens. J’écris bien très et non pas trop !
Question personnages, il me faut te parler de de Vincent Carat. C’est un élève moyen de master sous la tutelle de son responsable, Serge Larcher, un homme bon, passionné de savoir. Vincent est 19ème au classement de son école, il est motivé par la recherche sur la maladie d’Alzheimer dont sa mère est atteinte. Vincent a un avantage sur tous les autres élèves, il a des idées brillantes. C’est un petit génie. Second personnage pour qui on ne peut avoir que de l’empathie, Maria Svetkova. Elle a fui la Russie avec son jeune fils. Elle reprend ses études sur Paris soutenue par Larcher. C’est une jeune femme belle et talentueuse. Mais voilà, ces personnages, Carat, Maria, Melvin, Larcher, suffisent-ils à contrebalancer l’odieux, que dis-je, l’abject de l’histoire ?
Car là, Sébastien Bohler se déchaine !
Il campe un psychopathe de très haut vol. Franck Corsa est brillant. Il est major de sa promo et ne supporte pas que quiconque entrave sa route. J’ai rarement été poussé à détester à ce point le personnage central d’un roman. Car pour traiter de la manipulation et de la corruption, Bohler nous offre un être porté par sa propre ambition, prêt à tout pour assouvir sa soif de puissance. Totalement amoral, d’une intelligence rare, sachant séduire et manipuler les autres, il n’a pour but que de se placer en maitre incontesté de son univers et de soumettre ceux qui gravitent autour de lui. Corsa est un homme effrayant, antipathique, exécrable. Je limite les synonymes car nombreux sont ceux qui me viennent à l’esprit.
Honnêtement, j’ai dévoré ce thriller, mais il m’a fallu faire des pauses. La tension imposée par Corsa fut d’une rare intensité. Rien que pour cela, ce thriller vaut le coup.
Corsa est un individu haïssable au plus haut point. Il est démoniaque. En faire le centre d’un roman de 600 pages, où la neurologie et la neurobiologie se présentent comme une alternative technologique potentielle à la torture, où la vision d’un futur technologique viendrait percer nos secrets les plus intimes, était un pari. En cela, Neuroland est réussi. On attend les switches et le climax avec impatience. On avale les procédés et les formules en se demandant si le mal va prendre fin. On prend une respiration de temps à autre pour souffler.
Ce thriller porte en parallèle une vision du monde de la recherche et une critique du monde politique. J’avoue, ce n’est pas très glorieux. L’intelligence et la soif de pouvoir et de reconnaissance, ne font pas bon ménage quand elles croisent les ambitions personnelles. Pour finir, c’est également, une référence directe au centre d’imagerie cérébrale Neurospin de Saclay qui travaille sur la recherche de ce fameux code neural qui permettrait de relier les pensées d’un individu à l’activité de ses neurones. (http://www.cea.fr/Pages/actualites/sante-sciences-du-vivant/semaine-du-cerveau-2018.aspx).
Tu l’auras compris, lecteur de cette chronique, Neuroland, sous couvert de roman, nous parle aussi de notre avenir et donne à réfléchir.
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