AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Serge Bramly (225)


Les mauvais garçons ont une aura indéniable; c'est un vice de l'esprit sr quoi les chercheurs devraient se pencher.
Commenter  J’apprécie          220
Lorsqu’on examine les préoccupations des artistes du Quattrocento, toutes extrêmement présentes chez Verrocchio, et par suite chez Léonard, lorsqu’on considère l’incroyable volonté de progrès qui anime ces "artistes-artisans" - qui ont tout à découvrir, qui, en moins d’un siècle découvrent tout par eux-mêmes (les principes de la perspective, la science de l’anatomie, les lois de lumière...) - on comprend en quoi cette époque se distingue des autres, et ce qui la rend unique : c'est un âge héroïque dont les chefs-d’œuvre sont chacun comme un trophée, la marque d’une conquête.
Commenter  J’apprécie          191
C'est au moment où ils travaillent le moins que les esprits élevés en font le plus;ils sont alors mentalement à la recherche de l'inédit et trouvent la forme parfaite des idées qu'ils expriment ensuite en traçant de leurs mains ce qu'ils ont reçu en esprit.
Commenter  J’apprécie          160
La conviction de vivre en propre m’a longtemps fait défaut. Autrefois j’avais l’impression d’appartenir plutôt à l’espèce des «fausses gens» (ces gens qui n’ont que l’apparence de gens) que Carlos Castaneda prétend avoir appris à identifier grâce à l’enseignement d’un sorcier mexicain, don Juan Matus, un Indien Yaqui dont aucun anthropologue sérieux ne pense aujourd’hui qu’il a vraiment existé. Figurant fictif d’une fiction, c’est ainsi que je me vivais. Sans m’alarmer outre mesure. Savoir ce que l’on est ou que l’on n’est pas ne modifie guère le cours des événements. J’habitais une fable cohérente, dont je n’avais pas conscience d’être l’auteur, et m’en accommodais : elle semblait la réalité même.
Commenter  J’apprécie          150
A l’entrée des toilettes une grande Noire dépoitraillée se remettait du rouge aux lèvres. Un vers lui traversa l’esprit : L’élixir de ta bouche où l’amour sa pavane. Il se concentra sur le rythme de sa respiration. Inspirer, expirer. Le poème commençait par ces mots : Bizarre déité, brune comme les nuits, Au parfum mélangé de musc et de havane.
Commenter  J’apprécie          140
Sur leur gauche, une main triturait un mamelon, pinçant le bout entre le pouce et l’index replié, comme on tournait autrefois le bouton de la radio pour régler la fréquence. Sur leur droite, une blondasse quadragénaire aux nattes de gamine gobait à genoux un sexe au pubis glabre émergeant d’une braguette. Elle se balançait d’avant en arrière, tel un rabbin face au Mur des lamentations, et sa joue striée de bave se déformait à chaque va-et-vient. Des voyeurs s’agglutinaient derrière elle et l’encourageaient, une main dans la poche, impatients de se faire pomper à leur tour.
Commenter  J’apprécie          140
Au cours du dîner, je l’avais interrogé sur son métier d’historien d’art. Il m’avait questionné en retour sur ma vie, mes études, mais il n’y avait grand-chose à en dire, je n’ai jamais eu de vocation, de sorte que nous avons poursuivi sur le surréalisme, la littérature, les musées, la culture, moi soutenant de mon mieux qu’il y a des choses plus importantes dans l’existence - une partie de volley-ball sur la plage, au coucher de soleil, ne procure-t-elle pas un plaisir plus vif qu’un roman de Tolstoï ou une toile de Picasso? -, lui évoquant des émotions d’un autre type et me faisant valoir que les plaisirs ne comptaient guère si l’on ne pouvait en fixer le souvenir, que l’art est tout à la fois une loupe, un révélateur, une lanterne magique, un facteur de perturbation et une source d’éternité, une malle au trésor, une passerelle tendue au-dessus du vide, une invitation à sortir de soi-même, une terre d’évasion etc.
Commenter  J’apprécie          140
Personne n’est obligé à rien dans une boite à partouze, mais certains mâles restent persuadés qu’un non féminin n’est jamais définitif, qu’il suffit de persévérer, de montrer du savoir-faire, d’afficher une détermination animale, pour que la proie se sente flattée, pour que ses sens s’enflamment, pour qu’elle perde la tête.
Commenter  J’apprécie          131
Il n'y a pas de hasard, il n' y a que des rendez-vous - Paul Eluard
Commenter  J’apprécie          130
J'ai rejeté la viande depuis très tôt dans mon enfance et le temps viendra où les hommes, comme moi, regarderont le meurtre des animaux comme ils regardent maintenant le meurtre de leurs semblables." (...) Tu as défini l'homme comme le Roi des Animaux ; moi par contre, je dirai que l'homme est le roi des fauves féroces parmi lesquels tu es le plus grand. N'as-tu pas effectivement tué et mangé les animaux pour satisfaire les plaisirs de ton palais, te transformant toi-même en tombe pour tous ces animaux ? La nature ne produit-elle pas de la nourriture végétale en quantité suffisante pour te rassasier ?
Commenter  J’apprécie          121
J’entre en jachère, en hibernation tel le loir dont la neige ensevelit le territoire. Entretenus par des bourrasques de pensées désagréables, torpeur et désarroi vont durer de trois à six mois, je le sais ; quelquefois davantage : le temps qu’un nouveau livre se mette en place, qu’il m’échauffe, m’emplisse, gonfle la baudruche de mon esprit et m’occupe en entier.
Commenter  J’apprécie          110
Savoir écouter c'est posséder, outre le sien,
le cerveau des autres.
Commenter  J’apprécie          100
" Ne finirai-je pas ? Où voulez-vous encor que je porte mes pas ? Je vivrai donc toujours puissant et solitaire ? Laissez-moi m'endormir du sommeil de la terre."

(Moïse, d'Alfred de Vigny - Poèmes antiques et modernes)
Commenter  J’apprécie          90
Le peintre Cennino Cennini, dans son célèbre Livre de l’art ou Traité de la peinture, conseille au "jeune homme que l’amour de l’art enflamme" d’obéir totalement au maître choisi : il parle sans ambages "de se mettre en servitude" pour le plus long temps possible.
Treize ans lui semblent une durée convenable pour passer d’apprenti (discepolo) à compagnon (garzone), puis de compagnon à maître (maestro) : un an consacré au "dessin sur tablette", puis six pour se familiariser avec le matériel qui ne s’achète pas tout prêt, qu’il faut confectionner soi-même - pour apprendre à fabriquer les brosses, cuire les enduits, à maroufler les toiles sur panneau de bois de tilleul ou de saule, à reconnaitre et à préparer les couleurs, qui sont broyées presque quotidiennement parce que l’on n’a pas les tubes ni les liants qui permettraient de les conserver en pâte, à appliquer l’or des fonds, épousseter, gratter, égrener, retailler" ; puis six encore pour apprendre à colorier, à "orner de mordants", à faire les draperies d’or, à œuvrer sur mur — et cela "en dessinant toujours, en n’abandonnant jamais le travail, ni jour ouvrable ni jour férié »...
Commenter  J’apprécie          90
Duchamp rend fou.
Commenter  J’apprécie          90

Découvrez un extrait d'Orchidée fixe :

Une prodigieuse envie de fuir, dès la première seconde. Il se sentait en prison alors qu’aucune porte ne fermait à clef, que les petites portes latérales ne possédaient même pas de serrure.

La promiscuité l’oppressait : ces femmes, ces hommes étendus à touche-touche, certains tout habillés sous la fine couverture. Il ne dormait pas. Il y avait des enfants, des bébés, peu par bonheur, et installés loin de lui, derrière des remparts de bagages, mais l’un d’eux, que sa mère berçait en marchant de long en large comme une somnambule, pleurait avec véhémence.

Tels des rats... La phrase le rongeait, lui remettant en mémoire les jeunes gens menottés, ce couple qu’avaient arrêté les gendarmes. Où les a-t-on conduits ? se demandait Duchamp. Que va-t-on leur faire ? Il était difficile de ne pas y songer (quel sera leur sort ?), de ne pas éprouver cette culpabilité particulière que donne l’impuissance, de ne pas être assailli de doutes, de ne pas remettre ses propres choix en question.

Les heures passant, cela tournait au cauchemar. Tels des rats : il se figurait un troupeau de rongeurs dans des ténèbres d’égout.

Des ronflements s’élevaient. Le bébé hurlait. Le vent sifflait sous la voûte.

De cette mauvaise nuit, il devait garder au réveil, dans la pâleur vaporeuse du matin, un arrière-goût d’incerti­tude et presque d’échec personnel.

Quel âge avait mon grand-père en 1942 ?

Il disait tenir les faits de Marcel Duchamp lui-même autant que de son propre père, mon arrière-grand-père Zafrani, et si je buvais ses paroles sur le moment, je me demande avec le recul, aujourd’hui que je reconstitue cette partie de l’histoire, de notre histoire, de mon histoire, pour la coucher noir sur blanc, comment il pouvait se rappeler pareils détails, comment il pouvait connaître les sentiments intimes de Duchamp et les décrire avec un tel luxe de précision, soixante-dix ans plus tard. Il n’en avait jamais fait mention jusque-là. A la maison, personne n’avait jamais parlé de Marcel Duchamp avant que ne nous parvînt d’Amérique la lettre du professeur Tobie Vidal. Marcel Duchamp, je savais à peine qui c’était : un artiste iconoclaste (n’avait-il pas affublé La Joconde de moustaches ?) qu’il était chic de citer à la fac.

Ma mère ouvrait de grands yeux. Enfoncé dans son fauteuil habituel, dos à la fenêtre, mon grand-père débitait son récit avec l’aplomb de ses quatre-vingt-dix ans, alors qu’il brodait sur la trame ténue de souvenirs dont beaucoup, probablement, n’étaient que les vestiges d’impressions que lui avait communiquées son père. Avocat à la retraite, ancien ténor du barreau, il avait toujours été bon orateur, bon conteur, et il voulait se montrer à la hauteur de sa réputation.

Le professeur Vidal, ainsi que nous l’appelions alors, avait traversé l’Atlantique et la Méditerranée dans le seul but de lui poser des questions ; il prenait des notes dans un cahier vert à spirale, l’air aussi concentré que s’il interviewait le premier ministre ; il était descendu au Dan, un cinq étoiles les pieds dans l’eau comme disent les dépliants publicitaires ; il appartenait à la prestigieuse Université du Colorado et avait à son actif quantité d’articles et d’ouvrages sur l’art du xxe siècle ; il allait illustrer le nom des Zafrani dans une publication savante ; alors mon grand-père désirait lui en donner pour son argent, quitte à inventer un peu, je suppose.

Pour sa part, ai-je découvert depuis, Marcel Duchamp ne parlait guère de lui-même. Il avait sûrement ses raisons. C’était son caractère, sa philosophie. Il disait : Il faut prendre les moments difficiles le plus doucement possible.

L’humeur égale, tous ses amis en conviennent dans les textes que j’ai lus. Personne n’a jamais entendu Duchamp s’api­toyer sur son sort, même dans les périodes de dèche, lorsqu’il se nourrissait de miettes, même malade ; pas une plainte, par exemple, lorsqu’il s’est fait opérer de la prostate dans les dernières années de sa vie : le patient idéal ; d’ailleurs il aurait rendu son dernier souffle en lisant aux toilettes quelque loufoquerie d’Alphonse Allais : allègre jusqu’à l’instant du grand départ. Sur la plupart des photos de lui que j’ai pu voir, il affiche un visage lisse, imperméable, empreint d’une légèreté caustique parfaitement contrôlée. Ses angoisses, ses regrets, s’il en avait, Duchamp les gardait pour lui et je doute qu’il eût jamais ouvert son cœur à mon arrière-grand-père Zafrani, et à plus forte raison à son jeune fils, quelque sympathie qu’il eût éprouvé à leur égard.

Malicieux, l’humeur égale, je dois en tenir compte dans la version que j’élabore à présent grâce à la masse d’informa­tions que j’ai réunie au cours des derniers mois, d’abord à Beth-Ariela, la grande bibliothèque municipale du boulevard Shaul-Hamelech, puis à l’Helena Rubinstein Art Library, un département du musée voisin, et enfin dans des bibliothèques universitaires lorsque mes recherches sont devenues plus pointues.

Regardez-le : c’est le matin, il rase les quatre poils qui lui ombrent le visage, maigre et pâle dans son maillot de corps, près des lavabos extérieurs. Le miroir est accroché à un clou. Il s’enduit les joues de savon, dévisse posément son rasoir. Il a acheté à Genève, quelques semaines plus tôt, une machine Siemens pour aiguiser les lames. Il en a même acheté deux, la seconde à l’intention de son ami Henri-Pierre Roché, réfugié dans la Drôme : il la lui a envoyée par la poste peu avant son départ de Marseille. On glisse dans la fente la lame émoussée, puis on tourne la manivelle et l’acier retrouve son tranchant. C’est magique. La machine fait à chaque fois son effet. Les hommes s’extasient, car en France où l’occupant accapare l’acier les lames ne se trouvent qu’au marché noir. On l’observe faire, l’œil brillant, et j’imagine que Duchamp prête volontiers l’ingénieux appareil autour de lui, ne serait-ce que pour éviter d’engager une conversation oiseuse, et que la machine passe ainsi de mains en mains tandis qu’il achève sa toilette.

Ce jour-là, à en croire mon grand-père, il n’a rien fait d’autre que bâiller aux corneilles et se promener sous les arbres poussiéreux du camp. C’est le lendemain, d’après lui, le lendemain seulement, que Duchamp a découvert l’Éden.

Le professeur Vidal a noté la date sur une nouvelle page de son cahier : samedi 23 mai 1942. Puis il a inscrit au milieu de la ligne suivante, en lettres capitales, comme un titre de chapitre : L’EDEN. Ecriture régulière, jolies mains. Des doigts comme on en prête aux pianistes. Grands ongles coupés ras. Les veines saillantes, ai-je remarqué, les articulations striées de plis craquelés, de taille décroissante, tels des ronds dans l’eau. Ni bague ni alliance.
Commenter  J’apprécie          80
Chez nous, les hommes devraient naître plus heureux et joyeux qu'ailleurs, mais je crois que le bonheur vient aux hommes qui naissent là où l'on trouve de bons vins...
Commenter  J’apprécie          80
L'actuelle extinction du sentimental.
Dans les livres, les films. Jusque dans les chansons qui font danser.
Pour obtenir droit de cité, dans une culture dévouée à la glorification de soi (dans une société absorbée par le commerce de l'image de soi), la rétrospection s'exerce aux dépens du rapprochement attendri.
Soit on se drape dans une impudeur souveraine, soit on se pare de son propre dénigrement ...
Comment parler aujourd'hui du vague à l'âme, de morbidezza, du regret de l'autre ? De la nostalgie de la complétude ? De gorge nouée, de l'arme à l'oeil ? Pour les faire passer, de quelle couche d'agressivité revendicatrice les enrober ? De quel vernis de persiflage ?
Commenter  J’apprécie          70
Quand on me demande ce que je fais dans la vie, il m'est toujours pénible de répondre :"J'écris, je suis écrivain". Ca coince, je me ferais l'effet d'un imposteur. Evasif sans être mensonger, "je travaille dans l'édition" me semble plus acceptable, moins tape-à-l'oeil, plus décent. Plus apte à couper court. Plus facile à gober aussi. La personne qui me questionne ne connait ni mon nom ni mon oeuvre (mon oeuvre, syntagme le plus imprononçable) et l'approximation derrière laquelle je me retranche m'évite de subir un interrogatoire démoralisant : "Des romans ? Ah oui...de quel genre ? Un titre en particulier que je pourrais...? Suivi du dubitatif, du mielleux, du condescendant, du mesquin et sempiternel "et vous réussissez à en vivre ?" La question vient toujours; elle conforte mon interlocuteur dans l'idée qu'il ne rate rien à ne pas connaitre un seul de mes ouvrages. Expliquer, se justifier, devoir prouver qu'on existe : écrivain la belle supercherie !
Commenter  J’apprécie          70
Enfant, il avait appris l'Odyssée des lèvres d'un copiste devenu marin, sur le pont d'un navire qui cinglait vers Rhodes. Son père lui lisait les philosophes tandis que l'ennemi incendiait leurs villes. Il maniait toutes les langues connues, le copte, le syriaque, le chaldéen. Oui, il avait touché à tous les ports, il avait parcouru le monde avec des livres pour seul bagage, pour seule monnaie d'échange. L'Italie était le pays où l'on payait le mieux.
Commenter  J’apprécie          70



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Serge Bramly (529)Voir plus

Quiz Voir plus

L'enfant du samedi

Qu'allait chercher Isabella au centre commercial quand elle y découvre Hannah abandonnée

Des pommes de terre
Une plante verte
Une bouteille de vin
Des chocolats

10 questions
3 lecteurs ont répondu
Thème : L'enfant du samedi de Valerie BlumenthalCréer un quiz sur cet auteur

{* *}