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Citations de Sibylle Grimbert (117)


La mort n'est pas magique, elle n'est pas silencieuse : elle est tout à fait ordinaire.
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Son vieil ami le remords s'asseyait près de lui avec son visage gris et ridé, ses épaules courbées, son expression méchante pleine de perversité. De façon sournoise, il prenait sa main maintenant immobile et calme sur son genou, assenait une ou deux vérités d'où il ressortait qu'il était inadapté à la vie en société, payait le prix d'une inexplicable et congénitale agressivité, et surtout n'avait aucun moyen de se justifier ni de rattraper une situation foutue. Vaincu, Benjamin posait alors la tête sur son épaule, car il mesurait combien il n'aurait jamais d'autre compagnon que celui-là, puisque par sa propre faute il était seul.
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Gus [l'homme] se demandait qui de lui ou de Prosp [le pingouin] voyait le monde tel qu'il était. En vérité, chacun le voyait à sa manière tel qu'il était. Prosp par exemple ne semblait pas distinguer certaines couleurs. Les plantes l'attiraient, avec un goût prononcé pour ce qui était vert ou violet, de même que certaines [...] couleurs plus éclatantes. En revanche, tout ce qui était pâle, pastel, gris, marron le laissait indifférent; parfois même il avait paru ne pas voir un chiffon qui traînait au sol et sur lequel il avait trébuché. Mais peut-être que Gus non plus ne voyait pas toutes les couleurs autour de lui, de sorte que le monde alentour n'avait rien de commun avec la description qu'ils auraient pu en faire, lui et Prosp, si Prosp avait su parler. Gus pensait que l'herbe était verte, mais peut-être n'avait-elle pas de couleur du tout. Peut-être les pingouins et les hommes avançaient-ils dans des séries de conventions qui les empêchaient de mesurer le décalage entre ce qu'ils voyaient et la réalité, ou alors la réalité n'existait pas, tout était interprétation. Et ces malentendus entrelacés leur permettaient de se comprendre.
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La nuit, il dormait avec Gus. La cabine était si petite que Gus pouvait allonger le bras pour poser sa main sur le dos de l'animal pendant la nuit, comme s'il vérifiait qu'il n'était pas seul, qu'il avait un ami. Prosp aussitôt envoyait un roucoulement de surprise, vite éteint avant de retomber dans le sommeil. Alors Gus comprenait que leurs présences les réconfortaient mutuellement, et qu'ils partageaient plus de complicité qu'ils n'en auraient eu chacun avec des compagnons de sa propre espèce.
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Évidemment, malgré tout, il s'ennuyait, et l'ennui est un sentiment si inacceptable aujourd'hui, si douteux, que gêné de l'éprouver il ne voulait plus voir personne, ni Fabrice, ni Benoît dans un square ou ailleurs, ni un jour par hasard Olivier Patrick. Il se repliait, se racornissait, se froissait comme une feuille de papier avant d'être jetée dans une corbeille, mais cette corbeille remplie de projets avortés était sa vie.
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Il pouvait décevoir sa mère, il le savait déjà, et il en acceptait I'idée même si elle l'effrayait. Si cela devait avoir lieu un jour, il pourrait aussi essayer de lui expliquer qu'elle avait tort d'être désappointée par un fils marin, par exemple. En revanche, il ne pouvait pas accepter de trahir la confiance d'un animal qui ne pouvait lui répondre ou que, s'il lui répondait, il ne pourrait pas entendre.
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[...] En quoi les grands pingouins, qui vivent loin de nous, nous nuiraient-ils ? Je ne vois pas. Alors, se pourrait-il que nous, êtres humains, ayons commis une erreur ?
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Incipit :
De loin, seule la tache blanche de leur ventre se détachait sur la paroi de la falaise, surmontée d’un bec qui brillait, crochu comme celui d’un rapace, mais beaucoup plus long. Ils avançaient en balançant de droite à gauche ; on avait l’impression qu’ils prenaient leur temps, vérifiaient à chaque pas leur stabilité, et qu’à chaque pas ils rétablissaient leur corps par un roulement du bassin.
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Quand il rentrait, Prosp l'attendait. Il avait besoin du pingouin. Le pingouin, croyait-il, avait besoin de lui. Ils étaient comme deux fous qui seraient extraits de la société alentour, deux êtres magiques venus du temps de Merlin l'Enchanteur, reclus au fond d'une forêt dans laquelle personne ne pénétrait ; deux souvenirs d'un temps ancien et disparu où tout ce qui vivait s'équivalait, où Prosp, parce qu'il était vivant, ressemblait à Gus, qui était pareil à l'abeille, elle-même semblable au brin d'herbe et à la neige qui les engourdissait en hiver.
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Aucun animal ne peut être le seul sur terre, un homme non plus ne le pourrait pas, pensait Gus, ou alors il deviendrait comme lui : il dodelinerait de la tête en prononçant des phrases sans suite, puis après quelque temps, il perdrait le langage, émettrait un sifflement pour parler aux feuilles des arbres, à la poussière, aux souris qui grinceraient dans les coins de son habitation. Prosp, qui ne connaissait pas de congénères, et qui s'apercevait qu'aucune créature ne lui ressemblait, était l'être le plus seul qui ait jamais existé. Il n'était pas un homme puisqu'il n'avait pas de mains, pas un torda non plus puisqu'il n'avait pas d'ailes.
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Ils étaient juste tous les deux, sur les cailloux et les prairies, mais c’était normal, ils étaient les seuls et les deux derniers : Gus le dernier homme sur terre qui verrait un pingouin, Prosp le dernier des siens.
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Il avait ramassé le pingouin comme il l'aurait fait d'une fleur rare à classer dans les collections de Jussieu, par exemple.
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À ce moment, quelque chose se répandit en lui, sans doute aidé par des restes d'alcool de la nuit passée. Une émotion fractionnait sa personne tout entière à la manière
d'une arborescence veineuse partant du nombril pour s'étaler à la hauteur des épaules. Il lui voulait du bien, et il
voulait qu'à nouveau, un jour, sans craindre de mourir de faim, l'oiseau l'accueille en frottant son bec contre sa jambe.
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Gus ne vit plus un spécimen de grand pingouin: il vit celui-ci en particulier, celui qu'il avait sauvé; il observait des usages anciens à travers lui, des habitudes apprises, un enseignement, une intelligence manifestés dans cette créature précise.
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C'est alors que je me suis évanoui - je réussis très bien tout ce qui est provisoire.
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Les entourages, hostiles au magique avant de comprendre qu'un des leurs était possédé, perdraient des années chez les psychologues et les psychiatres, essayant tout, la contrainte, l'indulgence, les changements d'école réguliers et les médicaments parfois. A vrai dire, la plupart des parents n'auraient même jamais l'idée de notre présence, ils parleraient d'adolescence précoce ou d'hyperactivité, ils treuilleraient leurs enfants jusqu'à l'âge adulte où ceux-ci commenceraient à mener une existence en apparence ordinaire, insérée en tout cas. Et alors tout serait possible.
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Il avait perdu son sang-froid, puis naturellement ses moyens. Il n'avait cru à rien, et c'est pourquoi, personnage sans conviction, il était trimballé par les évènements, car c'est ainsi que les gens sans foi vivent, balancés à droite, à gauche, au milieu, au gré des circonstances auxquelles ils n'impriment aucune direction, incapables de ténacité parce qu'ils manquent de motivations, ignorent pourquoi ils sont là, et souffrent, souffrent, souffrent comme lui.
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C'était juste une chambre éteinte, avec deux hommes côte à côte, deux hommes qui se lient d'amitié, l'expérience de l'un servant l'inexpérience de l'autre, la fraîcheur de l'un secouant la vieillesse de l'autre, l'envie d'aider accomplissant le rêve d'être soutenu. 
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Toute la succession des générations serait bouleversée à l'avenir, partout sur cette terre plus personne ne grandirait ni ne vieillirait, de sorte que tous ces vieux arriveraient bientôt à nous faire avaler leur maturité sans cesse repoussée, à nous imposer, par mimétisme devant un phénomène majoritaire, leurs traits fatigués comme un critère plastique valable ; le pouvoir ne se transmettrait plus.
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Il fallait s’observer avec le même regard que celui qu’on porte sur un étranger croisé dans la fils d’un bureau de tabac ou sur un passage piétons, avec indifférence, sans intériorité, sans ce ramassis d’espoirs et de déceptions, sans toutes ces histoires particulières qui nous rendent si singulières à nos propres yeux.
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