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Critiques de Sue Monk Kidd (119)
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L'invention des ailes

J'ai refermé ce roman emplie d'émotions. La belle surprise de la postface fut de découvrir que les personnages principaux, les soeurs Sarah et Angelina Grimké, ont réellement existé. Des pionnières, militantes féministes et abolitionnistes de la première moitié du XIXème siècle, les femmes les plus célèbres et honnies des Etats-Unis. Leur pamphlet American slavery as it is, qui promeut non seulement l'émancipation immédiate des esclaves et l'égalité raciale ( point de vue radical et rare même chez les abolitionnistes ) a même inspiré Harriet Beecher Stowe pour La Case de l'oncle Tom.



L' intrigue est d'une grande force et promesse de romanesque. Sue Monk Kidd a choisi de centrer sa narration sur Sarah, l'aînée. Née à Charleston, Caroline du Sud, au sein d'une puissante et riche famille de l'aristocratie terrienne, dans un monde où posséder un esclave est aussi naturel que respirer. Sur une trentaine d'années, on suit sa longue métamorphose pour rompre avec sa famille, sa religion, sa terre natale, les injonctions sociales faites aux femmes de son milieu, jusqu'à devenir une paria et s'assumer comme telle.



Le piège avec ce genre de récit est soit de tomber dans le pathos larmoyant, facile, soit dans le récit sentencieux comme un catalogue de faits historiques édifiants. L'auteure ne tombe dans aucun de ces écueils car elle prend le parti de tirer du vaste matériel biographique qu'elle a récolte une histoire impressionniste, interprétant la voix et la vie intérieure d'une femme exceptionnelle.



Elle a inventé un magnifique personnage, celui de Handful, esclave offerte à Sarah pour ses dix ans, emballée dans des rubans violet. Leurs destins sont liés sur la trentaine d'années que couvrent le roman, chacune à la recherche de la liberté, ce qui rend très lisible le parallèle entre la lutte pour égalité raciale et celle pour l'égalité entre les sexes. Comment s'inventer des ailes en se servant des obstacles à surmonter ?



Une amitié fulgurante entre la petite blanche riche et l'esclave élevée par une mère rebelle n'aurait pas été crédible étant donné la dissymétrie des statuts et des vécus. L'auteure préfère proposer quelque chose de beaucoup plus subtil, une amitié qui se construit, parfois dans le malaise ou le ressentiment, sur la compréhension commune des épreuves traversées par l'autre, par les rebellions du quotidien. Les chapitres alternent à la première personne le vécu et le ressenti de chacune, éclairant souvent ce que l'autre a pensé précédemment, complétant et ajustant. Cette juxtaposition de leurs expériences d'oppression est très fort.



J'ai vibré au rythme de leurs espoirs écrasés, de leur solitude, de leurs douleurs à se construire en femmes libres au-delà des limites de leur sexe et de leur couleur de peau. Ce roman éclairant et profondément incarné résonne de mille petits combats individuels qui prennent une dimension universelle et ne peuvent laisser quiconque indifférents. Si l'écriture est fluide et fine pour transmettre les sensations et émotions, elle reste classique, un peu fade, en retrait par rapport à la force du récit, ce qui ne permet pas à ce très beau roman de se hisser à la hauteur de ceux de Tony Morrison, par exemple. Il manque un peu de rage ou de poésie à ses mots.
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Le secret des abeilles

Le secret des abeilles est une claque comme on en prend peu, une mandale qui met au tapis avec violence et qui met du temps à nous empêcher de nous relever de ce grand moment de lecture !



Lily Melissa Owens est une adolescente singulière, marquée par le décès de sa mère lorsqu’elle avait quatre ans, dans des circonstances tragiques dont elle ne garde plus que des souvenirs fragmentaires: l’image de sa mère qui entasse précipitamment des vêtements dans une valise, les pas du père dans l’escalier, leurs voix frémissantes de colère, un revolver sorti de sa cachette dans le placard, un bruit assourdissant… et des blancs. Un secret lourd à porter pour une adolescente solitaire – elle est celle qu’on n’invite pas aux goûters d’anniversaire -, dont son père ne semble se soucier qu’au moment de la punir pour l’une ou l’autre vétille, le plus souvent en la forçant à passer des heures agenouillée sur un tas de gruau de maïs. Lily a reporté toute son affection sur sa gouvernante noire, Rosaleen. Mais nous sommes en Caroline du Sud, à l’été 1964: les mouvements pour les droits civiques des noirs enregistrent leurs premières victoires, le racisme des blancs du Sud se déchaîne en proportions et Rosaleen en fera les frais.



Tel est le tableau qui attend le lecteur au début de ce “Le secret des abeilles”. Mais si vous vous croyez embarqués dans un mélo bien noir, misérabiliste et larmoyant, vous comptez sans l’imagination débordante de Lily, sans les nuées d’abeilles qui lui rendent visite le soir dans sa chambre et surtout sans cette image d’une Vierge Noire qui avait appartenu à sa mère… Et il ne faudra pas plus qu’une image et l’indication qu’elle porte au dos –“Tiburon, South Carolina” – pour lancer Lily et Rosaleen sur les routes à la recherche du secret des abeilles, des secrets du passé et d’une vie plus douce.



Pour ce qui est de l'authentique et triomphante héroïne, curieux mélange de ruse et d’ingénuité, j’aime croire que c'est la colère qui l'a fait s'affirmer et régénérer son propre moi. Cette révolte lui a permis une réconciliation avec soi-même: "pour la première fois depuis que je savais la vérité au sujet de ma mère, j'étais heureuse."

"Assez étrangement, je devais aimer ma petite collection de souffrances et de blessures. Elles me valaient une vraie sympathie, me donnait l'impression d'être exceptionnelle. »



Le secret des abeilles : une histoire hors du commun avec un contexte historique particulier et un cadre spatial atypique. Une joie de vivre que les protagonistes communiquent aux lecteurs. Des rebondissements bien répartis. Le tout donne un excellent roman. Malgré quelques petites longueurs, ce roman s'avère être beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. En effet on y retrouve deux mondes qui s'imbriquent et parfois s'opposent : un cocon doré ampli d'espoir et d’humanité et le monde extérieur accaparé par la lutte des droits civiques.

C'est ainsi par l'exploitation de ces différents thèmes (la mort, l'adaptation d'un enfant handicapé, la famille, l'espoir, l'amour, la haine) que l’histoire nous touche au-delà de sa forme.



“Le secret des abeilles” se révèle en fin de compte un livre débordant d’optimisme, imprégné d’un bout à l’autre par la douceur parfumée du miel, bien plus sucré que ce que son commencement ne laissait supposer.



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Le secret des abeilles

Ça suinte le miel … et l'amour. L'amour comme seules les femmes peuvent en donner. D'une manière désintéressée, sans aucun calcul de retour ou de vaines espérances : l'agapè.

C'est une histoire d'Abeilles et de Femmes qui sont organisées en communautés ou chacune à sa place, son fonctionnement, son importance, son indispensabilité.

Les règles sont simples mais la vie est rude, n'épargne personne.

Dans les années soixante Rosaleen est emprisonnée pour avoir cracher sa chique sur des souliers bien blanc blanc, alors qu'elle était partie retirer sa carte d'électeur. Lily, quatorze ans, que son père persécute, ira la délivrer, puis elles s'enfuiront, direction Tiburon en Caroline du sud. Tout ça car sa mère avait gardé une étiquette d'un pot de miel ou figurait une Vierge noire. Lily n'a plus que des souvenirs partiels de sa mère, l'a dernière fois ou elle la vue elle avait quatre ans. Elle se souvient d'une valise, de cris ... d'un coup de feu ... elle n'est plus très sûre.

C'est une écriture simple pour décrire des gens simples au service d'une histoire d'amour et de racisme. La mise en place de ce roman dure une bonne moitié du livre. Puis l'intensité de lecture arrive, ou l'on ne peut s'arrêter de tourner les pages. Même si la fin est prévisible, c'est une lecture agréable et intense que seule une femme est capable d'écrire. Capable de nous décrire tous les sentiments du quotidien qui font que la maison ou elles vivent est un havre de paix.

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Le secret des abeilles

C'est l'histoire d'une jeune fille blanche qui fuit son père et se retrouve hébergée par une famille de sœurs noires, apicultrices dans le contexte de la lutte pour les droits civiques dans les  états unis des années 60. Elle est en quête de l'histoire de sa mère. L'histoire se déroule sur quelques semaines et nous embarque très vite. Les personnages sont extrêmement attachants, tout en nuances et en humanité.

Sue Monk Kidd nous offre une écriture très agréable, les personnages ont une véritable profondeur et on les voient évoluer progressivement dans toute la palette des émotions et celles du lecteur sont aussi beaucoup sollicitées . Un très beau livre, dont on sort optimiste sur la nature humaine.


Lien : http://allectures.blogspot.f..
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Le secret des abeilles

Une magnifique histoire de femmes.

En lisant ce livre, je me suis bien imaginée dans le Sud des Etats-Unis, assise dans un rocking-chair, sur la terrasse d'une maison en bois, en train de regarder ces femmes vivre cet été 64.

Il y a d'abord Lily (ado de 14 ans) et Rosaleen (sa nounou noire). Nous sommes dans les années 60, en pleine périodes d'émeutes raciales. Peu à peu les noirs acquièrent des droits que les blancs refusent d'accepter...

Lily et Rosaleen se retrouvent à fuir et se voient reccueillies par 3 soeurs noires et apicultrices. C'est le début d'un été où la vie de chacune va changer, où des révélations seront faites (il n'y a pas de hasard, mais des destinées !).

Dans ce livre, il y a de l'amour, aussi sucré et bon qu'un pot de miel.

Je me suis laissée embarquée par cette belle histoire. Une histoire de chaleur, de travail, d'amitiés, de sentiments, et un monde de femmes aimantes dont on a envie de faire partie.

Une belle découverte.
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L'invention des ailes

Sa mauma lui racontait souvent que lorsque son peuple habitait leur pays, l’Afrique, ils avaient le pouvoir magique de voler au-dessus des arbres, comme des merles. Mais c’était avant qu’ils soient pris et vendus dans ce pays-là. Qu’avait-elle voulu dire à sa fille qui ne voit, à dix ans, que son statut d’esclave, totalement prisonnière de la famille Grimké à Charleston ? Même son prénom, Hetty, lui a été donné par Missus Grimké, celle a qui elle appartient selon les abominables lois de Caroline du Sud. Alors appelons-là plutôt Handful, son nom de couffin donné par sa mauma selon les pratiques africaines.



Handful dort avec sa mère au-dessus de l’écurie où les chevaux sont plus choyés que les esclaves mais elle n’aura plus le droit de s’allonger dans ce coin aux relents de crottin car Missus a décidé de l’offrir en cadeau à sa fille Sarah pour ses onze ans. Handful devra alors dormir par terre, devant la porte de sa nouvelle maîtresse. Sarah, déjà révoltée par ces pratiques esclavagistes qu’elle abhorre tente bien de refuser ce cadeau mais en vain. Avoir une esclave fait partie des règles de vie de la famille et ce n’est pas une gamine de onze ans qui va venir modifier leur façon de vivre qui ne peut d’ailleurs supporter aucune critique !



Ce roman fait entendre deux voix, celles de deux fillettes devenant deux femmes criant l’injustice du sort tout désigné qui leur est échu. L’une littéralement privée de toute liberté réunira toutes ses forces et son intelligence en vue d’un hypothétique affranchissement alors que l’autre, non moins prisonnière de son milieu aristocratique, butera contre les portes fermées de son avenir. Deux voix tellement émouvantes, aux accents déchirants, parfois inquiètes mais toujours pleines d’ardeur pour défendre leurs désirs de liberté.



À onze ans, Sarah Grimké reçoit sa première cuisante désillusion lorsqu’elle se voit railler par toute sa famille à l’évocation de son désir de devenir avocate. En 1803, l’unique avenir d’une fille fortunée est d’atteindre l’âge pour sa présentation dans la bonne société afin d’être demandée en mariage.

En attendant, elle décide de se consacrer à l’éducation de sa petite sœur Angelina qui naît à ce moment-là. Face à une mère intransigeante, obtuse, pleine de cruauté avec les esclaves, assénant ses coups de canne à la moindre peccadille, Sarah aura besoin de beaucoup d’audace pour se faire entendre. Son combat, pour suivre sa conscience, la mènera à militer ouvertement pour la cause abolitionniste.

La pierre angulaire de L’invention des ailes est l’histoire véridique de ces deux sœurs originaires de Charleston, le reste relevant de la fiction. L’auteure a souhaité donner toutes leurs places aux actions, aux luttes de ces femmes que l’histoire s’est efforcée d’oublier. Ce roman aborde en parallèle le thème de la naissance du féminisme et celui de la fin de l’esclavage. Les deux thèmes n’en font qu’un : celui de l’atteinte aux libertés humaines.



L’esclave et l’aristocrate sauront sortir du carcan imposé par les classes sociales. Elles vont tisser une relation étroite, de confiance, d’estime, de complicité, d’amitié. Mais, seules contre tous, vont-elles réellement acquérir chacune leur liberté ?

Sarah brave les interdits en apprenant à lire à Handful. Mauma les brave en faisant des travaux de couture qu’elle vend clandestinement, espérant pouvoir acheter leurs libertés. Mais, comme les biens matériels, le cheptel humain des Grimké, bien qu’il ne soit pas rémunéré, a une valeur certaine liée aux compétences. Mauma a bien trop de valeur marchande de par son savoir faire de couturière pour espérer acheter sa liberté. Si bien que la mère de Handful arrache à Sarah la promesse d’affranchir celle-ci, accentuant une culpabilité déjà bien ancrée.



En me promenant autour de chez moi, quelques plumes sur le sol convient immédiatement l’image d’Handul et sa mauma qui les auraient tout de suite ramassées afin de garnir leurs magnifiques quilts. C’est bien la preuve que ce roman, de par sa force émotive et ses thèmes saisissants, occupait mon esprit bien au-delà de sa lecture. La passion du quilt, venue d’Afrique, occupe une grande place dans la vie de nos esclaves. Sur une couverture de vie, Mauma retrace, par la technique de l’appliqué, toute son histoire, les moments forts de son existence, ses épreuves et ses espoirs, sans jamais oublier d’y coudre les triangles noirs symbolisant l’envol des merles qui pourrait préfigurer la délivrance des esclaves…

Tous les petits sabotages que mauma s’autorise pour ne pas abdiquer totalement face au pourvoir de leurs « propriétaires » m’ont fait osciller entre tristesse et satisfaction de ces petites révoltes hélas bien vite corrigées à coups de fouet ou autre torture. Ce sont ses propres paroles qu’elle ne cessait de répéter à sa fille qui reflètent le mieux la puissance de son caractère « faut savoir quel bout de l’aiguille on va être, celui qui est attaché au fil ou celui qui transperce le tissu. »



Parmi les nombreux sujets révoltants abordés dans ce roman, je retiendrai le dogmatisme des institutions religieuses qui cautionnement la différence de statut liée à la race, comme dans ce sermon : « Esclaves, je vous demande d’être satisfaits de votre sort, car telle est la volonté de Dieu ! Les Écritures exigent votre obéissance.» Un blanc qui a de la compassion pour son esclave ne respecte pas la volonté de Dieu telle qu’elle est interprétée par le révérend. Les sœurs en perdront la foi en l’église presbytérienne et rejoindront les Quakers.

Les propriétaires terriens ne sont certainement pas prêts à renoncer au luxe que leur permet l’esclavage. Ce genre de sermons permet de le justifier.



Les voix de Handful et de Sarah m’ont profondément émue car même si Sue Monk Kidd a romancé leur histoire, je me doute bien que tout ce qui a jalonné ce récit est fondé sur des faits qui ont forcément existé. Et le plus triste reste de constater que l’exploitation de l’homme par l’homme n’a malheureusement pas disparu aujourd’hui…

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Le secret des abeilles

J’avais découvert Sue Monk Kidd avec « L’invention des ailes » et j’avais aimé sa plume fluide et sa manière de nous faire aimer ses personnages. J’ai donc naturellement eu envie de lire un autre ouvrage de cette auteure avec « Le secret des abeilles ».



Je connaissais l’histoire pour avoir vu le film « Le secret de Lily Owens ». En tant que telle, l’histoire ne diffère pas beaucoup du livre au film, mais ce que le film ne nous retranscrit pas c’est l’humour … Le mot n’est peut- être pas juste. Il ne s’agit pas d’une comédie. Au contraire, Lily est orpheline de mère, élevée par un père irascible qui ne lui témoigne aucun amour, et sa gouvernante noire Rosaleen. Nous sommes en Caroline du Sud en 1964, et le racisme bat encore son plein, malgré l’adoption récente de lois pour les droits civiques au profit des Noirs. Rosaleen, se dirigeant pour la première fois au bureau de vote, se fait incarcérer et battre suite à l’intimidation de Blancs. Lily, jeune fille futée et douée pour le mensonge trouve à la faire s’échapper et ensemble, elles improvisent une fuite. S’en suit un voyage humain d’une grande douceur à la maison du miel… Quand je parlais d’humour, c’est que certains personnages sont hauts en couleurs, telle l’insortable Rosaleen avec ses mauvaises manières et sa détermination à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Lily est elle aussi attachante avec son franc-parler et ses réflexions tantôt naïves tantôt amenant une réflexion notamment sur les préjugés qui lui ont été inculqués. Quant aux sœurs Boatwright, les apicultrices noires chez qui elles seront recueillies, chacune d’elles incarne un sentiment : la colère, la compassion, la tristesse… tous ces sentiments qui se retrouvent aussi dans le cœur de Lily qui cherchera à comprendre son histoire.



Alors, même si vous avez comme moi vu le film, ne renoncez pas à lire le livre car il est d’une profondeur de sentiments – sans niaiserie - , d’une tristesse et d’un réconfort à la fois qui vous porteront tout au long des pages que j’ai personnellement dévorées. Le genre de livre que l’on est triste de quitter à la fin. Tout autant qu’on l’est de quitter les personnages qui nous paraissent avoir réellement pris vie. Vraiment une petite perle de lecture que je vous recommande chaleureusement.

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Le secret des abeilles

Ce roman a été une très belle découverte. J'ai trouvé cette histoire très chaleureuse et touchante. Les personnages sont aboutis avec une belle palette d'émotions. L'écriture est addictive et fluide, on a pas envie de lacher le livre. De plus, ce roman nous offre une part d'hstoire romancée ce qui est très intéressant. Elle nous emmène en caroline du sud au moment de la lutte pour l'obtention du vote pour les afro-américains.
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L'invention des ailes

La quatrième de couverture parle d'une amitié entre deux fillettes l'une, Sarah, fille de planteur de Caroline de Sud, l'autre Hetty (Handful pour sa mère), esclave. Mais je trouve que cela ne correspond que de très loin au livre. Si en effet pour l'une il s'agit d'amitié et si elle essaie d'adoucir le sort de l'autre, celle qui n'a pas le choix navigue entre indifférence et hostilité avec parfois un élan vers l'autre. Mais ce n'est et ce ne peut être une véritable amitié. Cependant elles restent liées jusqu'à la fin.

Toutefois ce n'est pas une déception, il y a beaucoup d'autres choses dans ce roman. Handful l'a parfaitement défini : “Moi je suis esclave dans mon corps mais vous, vous l'êtes dans votre esprit”. En effet Sarah accepte tant bien que mal les limites qui lui sont imposées par sa famille et la société. Bien que très intelligente, elle ne peut rien faire d'utile de ce don, elle ne peut vivre qu'à travers un époux. Mais lorsque le mariage se présentera elle préfèrera la liberté d'accomplir ce qu'elle pense être sa destinée.

Le personnage de la mère de Handful est remarquable par sa façon de lutter contre son esclavage et sa force. J'ai trouvé cette description de la vie d'esclaves domestiques différente de ce que j'avais lu ailleurs.



Cet ouvrage est basé sur la vie des soeurs Grimké, deux féministes et abolitionnistes du début du XIXe siècle, qui comme beaucoup d'autres femmes ayant pourtant eu un impact sur la vie de leur époque sont tombées dans l'oubli. Merci à Sue Monk Kidd de les avoir fait revivre ainsi que d'autres figures majeures de l'abolitionnisme.



J'ai eu un grand plaisir à lire ce livre et à profiter de ce mélange de fiction et de réalité que l'auteur nous présente dans une note finale..



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Le secret des abeilles

"Le secret des abeilles" m'a beaucoup touchée. On suit la jeune Lilly Owens, en fuite avec sa nourrice à la recherche de la vérité concernant sa mère, et ceci en Caroline du Sud au moment de la lutte pour les droits civiques.

Au cours de sa cavale, elle tombe sur la plus incroyables des maisons ! Déjà elle est rose bonbon, donc impossible à louper, ensuite elle est peuplée de 3 sœurs aux noms improbables : May, June et August, les mois préférés de leur maman ! S'en suit une vie en communauté où Lilly découvre l'apiculture, mais pas que ...

Je ne vous en dis pas plus si ce n'est qu'on a tous envie de rencontrer un jours des sœurs comme cela !



Ce roman m'a fait pensé à "La couleur des sentiments" que j'avais dévoré aussi, sauf que cette fois-ci, on voit tout à travers les yeux d'une jeune adolescente et c'est ce qui rend le livre plus touchant !

Avec tout ce qui se passe en ce moment, c'est le genre de livre qui fait un bien fou donc lachez vous !



CHALLENGE MULTI-DEFIS 2016 - Un livre qui aborde le thème de la fraternité
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Le secret des abeilles

En Caroline du Sud en 1964, Lily a quatorze ans et vit avec son père T. Ray. Non, pas papa, c’est bien ainsi qu’elle nomme cet homme froid, violent verbalement et physiquement, qui la punit régulièrement en l’obligeant à rester à genoux sur du gruau de maïs. Sa mère est morte lorsqu’elle avait quatre ans et elle n’a qu’un souvenir très vague de ce jour où elle est morte : elle mettait des vêtements dans une valise, son père et elle se sont disputés, il y avait une arme …

Jusqu’à ce jour de juillet 1964, c’est Rosaleen qui fut sa nourrice, cette douce femme noire. Jusqu’à ce jour où le président Johnson a aboli la ségrégation raciale et où Rosaleen a décidé de s’inscrire sur les listes électorales. La loi a peut-être changé mais c’est loin d’être encore le cas pour les mentalités …

Lily et Rosaleen fuient … un duo étrange, une femme noire et une adolescente blanche, qui parcourt maintenant la Caroline du Sud avec une image en guise de guide : une vierge noire qui les conduira à des sœurs productrices de miel à Tiburon.

C’est un roman plein d’amour et de tolérance, de douleur et de deuil aussi. J’ai beaucoup le style de l’auteure et cet univers si tendre, si réconfortant que je n’avais pas envie de quitter la maison rose non plus !

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L'invention des ailes

Que l'on ne se méprenne pas, le sujet ne me laisse pas de bois. L'ostracisme, le racisme, la violence je ne les cautionne pas. En vrai, j'ai un peu de mal à pénétrer l'histoire. D'habitude je suis bon public, mais dans ce livre, l'émotion ne franchit pas le rideau des pages : je ne gémis pas sous les coups de fouets, mon cœur ne balbutie pas aux premiers émois, je ne crie pas à l'injustice, pourtant d'habitude je suis toujours le premier au créneau.

Alors que ce passe t-il ? En l'ajoutant à mes livres, j'ai vu la note, 4,3 sur 29 votes. C'est donc moi.

Je ne lis pas les critiques des livres que je lis : pas d'influence avant, pas le temps après.

Je pense que pour les marathoniens de la lecture, il arrive un moment ou se produit un petit coup de barre, le fameux mur (ceux qui marathonent, ou qui ironmanent savent ça). Alors j'suis d'dans. Pourtant je ne suis pas las de lire, mais un break s'impose. Vais lire quelques BD.

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L'invention des ailes

Dans "L'invention des ailes", nous suivons deux destins en parallèle.

Alternativement, la narratrice est soit Sarah soit Handful. Sauf que l'une, Handful, est l'esclave de l'autre qui l'a reçue en cadeau pour ses 11 ans.

Elles vont grandir toutes les deux dans la révolte.

Sarah va tenter de s'opposer à l'esclavage, de devenir une femme qui pourrait s'épanouir en travaillant et en défendant ses idées. C'est inconcevable pour l'époque. Elle sera épaulée par sa soeur, Angelina, qui sera de tous ses combats.

Handful, elle, ne voudra jamais se soumettre et se rebellera dès qu'elle en a l'occasion.

Il faut du courage, avoir un esprit précurseur et surtout savoir se battre contre les préjugés et accepter de s'opposer à son milieu.

Le récit ne tombe pas dans la facilité et n'est pas larmoyant.

L'histoire de Handful et Sarah n'est pas une histoire d'amitié même si un lien indéfinissable les relie pendant tout le roman.

L'écriture est délicate et le rythme rend parfaitement le déroulement de toutes ces années. Les personnages sont attachants ; mon préféré est Charlotte, la mère de Handful.

Les soeurs Gimké ont réellement existées ; elles étaient abolitionnistes et féministes. Tombées dans l'oubli, ce livre à la grand mérite de nous les faire découvrir.

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L'invention des ailes

Chère Handful,

Chère Sarah, chère Nina,



Si il y a une phrase à retenir de ce livre, c'est celle-ci :

Handful s'adressant à Sarah : 

« Mon corps est peut-être esclave mais pas mon esprit. Pour vous c'est l'inverse. »



Je ne vais pas revenir sur le(s) sujet(s) du livre.

L'esclavagisme, l’abolitionnisme, l'ostracisme, la condition des femmes blanches (blanches et noires d'ailleurs) ... Deux femmes, deux sœurs blanches et deux femmes, mère et fille, noires. Tout les séparent à cette époque.

La vie romancée mais basée sur des faits véridiques des deux soeurs Grimké (la post face est vraiment à lire, elle vous en apprend beaucoup!), pionnières dans la lutte contre l'esclavage et par « extrapolation », pionnière du féminisme.



J'ai donc beaucoup aimé votre histoire, à toutes. Chaque personnage est vraiment bien campé, avec son caractère, ses aspirations, ses envies, ses regrets, ses espoirs ... Nous n'avons aucun mal à vous imaginer, vous regarder vivre ou plutôt survivre dans le monde de cette époque. L'écriture de Sue Monk Kidd est juste et belle, sans trop de fioritures, ce que j'ai particulièrement apprécié. Le sujet étant déjà assez « lourd », il ne servait à rien d'y ajouter un côté « larmichette » ! Paradoxalement, Handful, je t'ai trouvée parfois un peu trop froide ... Mais avais-tu vraiment le choix !?



Un peu plus de 2 siècles nous séparent et vous pourriez nous dire « vous en avez fait du chemin, nous n'avons pas fait tout cela en vain ... » Deux siècles ... Et pourtant si vous saviez ...



Je mets 4,5/5 ... Il y manquait juste ce petit je ne sais quoi qui en aurait fait un réel coup de coeur !
Lien : http://lesbl.blogspot.com
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L'invention des ailes

Inspiré d'une histoire vraie, L'invention des ailes est le récit de Sarah Grimké qui, le jour de ses onze ans, reçoit pour présent une esclave, Handful.



Nous au 19ème siècle, à Charleston en Caroline du Sud (Etats-Unis), ville aux moeurs esclavagistes très ancrées.



La narration s'alterne entre Sarah et Handful, sur l'amitié improbable qui nait entre ces deux fillettes.



Via Handful, on regarde avec effroi le quotidien des esclaves et des sévices terribles qu'ils subissent parfois. On apprend aussi à connaître Charlotte, sa mauma, qui, si elle n'est pas libre de son corps, demeure l'esprit sans entraves.



Les années passent et Sarah s'oppose de plus en plus à la condition des esclaves jusqu'à devenir une femme extrêmement moderne et courageuse pour son époque en s'affichant ouvertement abolitionniste. Sa soeur, Angelina, épousera son combat avec force et conviction elle aussi. Toutes deux, en tant que femmes (rappelons que les femmes à cette époque n'avaient pas droit au chapitre) sont des pionnières dans la lutte contre l'esclavage, mais aussi, de façon totalement inédite, pour l'égalité entre les Noirs et les Blancs. Et l'égalité qu'elles réclament vaut aussi pour les femmes qui, si elles ne sont pas l'objet de mauvais traitements, demeurent elles aussi sous l'emprise de l'homme.



Les soeurs Grimké menaient donc un combat pour la femme qu'elle soit libre ou non, comme le fait observer Oprah Winfrey en quatrième de couverture.



Leurs pamphlets inspireront aussi quelques années plus tard l'écriture de La case de l'oncle Tom (Harriet Beecher Stowe), récit demeuré bien plus illustre.



J'ai pris beaucoup de plaisir à lire cette histoire et de savoir qu'elle s'appuyait sur une base réelle a forcément renforcé mon intérêt.



C'est un livre qui se lit facilement, agréablement (malgré quelques scènes difficiles), et qui ravira ceux qui ont aimé La colline aux esclaves (Kathleen Grimsson) et sa suite.
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Le secret des abeilles

c'est un petit bijou... il n'y a pas mille évènements, mais il y a tous ces petits évènements qui font une vie, distillés sur toile de fond légère mais solide, équilibrée entre relation de la vie de famille, et grands moments du monde.



La fin n'est pas surprenante, mais survient tellement vite qu'on est quand même tout étonnée... encore !
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Le livre des ferveurs





Parce que j'avais beaucoup aimé ses deux premiers livres j’ai eu envie d’essayer celui-ci, car même si l’époque est très différente, le thème est toujours le même : la contrainte à laquelle sont soumises les femmes et leurs efforts pour s’en libérer..



L’auteur parle d’une femme de confession juive dans la Palestine du 1er siècle. C’est elle qui fait le récit. Ana est la fille unique d’un mariage arrangé assez mal assorti. Son père est scribe en chef d’Hérode Antipas. Sa famille est en conséquence assez détestée des Juifs pieux. Par intérêt et par ambition, ses parents décident de la fiancer à un veuf plus âgé qui la dégoûte immédiatement. De plus, le mariage l’empêcherait de continuer à écrire, ce que peu de filles sont autorisées à faire. C’est pourtant sa seule passion, étudier les textes sacrés et rédiger l’histoire des femmes qui l’entourent.

Lorsque son regard croise celui de Jésus ben Joseph, un jeune charpentier et tailleur de pierre, mamzer parce qu’on doute des circonstances de sa naissance, il lui plaît tout de suite.

Sue Monk Kidd s'intéresse au personnage historique de Jésus. La tradition chrétienne en a fait un célibataire chaste mais dans la vie des Juifs de cette époque, il était généralement admis qu’un homme devait se marier dès la vingtaine afin d’être pleinement adulte. Cependant les femmes avaient si peu d’importance qu’il n’était pas nécessaire d’y faire allusion. Nous ne savons donc pas quel était son statut matrimonial. L’auteur lui a inventé une épouse.



Sue Monk Kidd offre une vision plausible de la vie de Jésus et de son cheminement spirituel.

On y retrouve des épisodes, des paroles de Jésus et des personnages des Évangiles canoniques mais pas toujours dans le même contexte que dans les 4 évangiles choisis trois siècles après la vie de Jésus.



Il y a dans ce livre beaucoup de choses révoltantes : la soumission totale des femmes, leur invisibilité, le rejet des malades et des infirmes, le double langage de certains juifs mais il y a aussi une réflexion qui me touche.



J’ai eu beaucoup de plaisir à lire ce livre.

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Le secret des abeilles

Après avoir passé trois jours à y réfléchir, je crois que je peux en conclure qu’au final, j’ai peu de chose à dire de ce livre. J’ai bien aimé, sans adorer.

On plonge en compagnie de la jeune Lily dans l’Amérique des années 60, quand les Noirs venaient tout juste d’obtenir le droit de voter (et encore, s’ils osaient) et étaient toujours considérés comme inférieurs. Voilà de quoi traite ce livre : du racisme et de la stupidité de certains, de la maltraitance, de la façon dont on peut manquer d’un père alors qu’il est là, juste à côté, du mal-être d’une adolescente qui a grandi sans sa mère, d’abandon, mais aussi d’amitié, d’amour et de tolérance.

C’est un joli roman qui fait passer un bon moment, Lily est une jeune fille vive et intelligente et on prend du plaisir à la suivre dans son histoire, puis on referme le livre avec un sentiment de satisfaction diffus, un peu comme quand on vient de regarder le film de l’après-midi et qu’on l’a apprécié sans s’y attendre, mais qu’on en aura oublié les détails le lendemain pour ne garder que cette impression plaisante de temps pas vraiment perdu (mais presque). Tu comprends pas grand chose à ce que je viens de raconter ? C’est normal. Après relecture, moi non plus. Mais c’est pas grave, je sais ce que j’ai voulu dire.
Lien : http://jaimeleslivresetjensu..
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Le secret des abeilles

Je savais que ce livre me plairait… Pourquoi ? Parce que les avis étaient unanimes. Parce que, sur la couvertures des suivants, les romans de Sue MONK KIDD sont toujours approuvés par le public et par la presse. Parce que le résumé laissait présager une histoire émouvante dans un passé sulfureux.

Le racisme aux Etats-Unis... J’ai lu beaucoup de livres. J’ai vu de grands films : le majordome, Sept ans d’esclavage, La couleur des sentiments (pour les plus récents).



Je croyais trouver une histoire déjà dépeinte. Je croyais retrouver des mots d’autres œuvres, des situations similaires. Je me trompais. Ce livre est unique et ce que l’héroïne vit est une nouveauté dans ce temps-là, dans cette époque.



Les personnages principaux sont imparfaits mais incroyablement aimants. Ils vivent dans un milieu rural, avec les ruches et les abeilles. Ils ont un passé, chacun portant son fardeau. Ils se côtoient, apprennent à s’aimer, insistent pour accepter l’autre tel qu’il est. Ce livre est une jolie leçon d’amour.



Il n’a de prétention que de nous émouvoir, de partager des moments angoissants comme des instants furtifs de bonheur, de nous guider… Il n’est pas moralisateur. Il est très beau. Il est simple… Les messages sont multiples selon que le lecteur se place du point de vue d’un personnage ou d’un autre.



C’est vrai que le fil conducteur est le secret de la mort de la maman de Lily mais pas seulement… On voit défiler les jours et les semaines et la principale question est : comment Lily va-t-elle se défaire de ses angoisses, de ses culpabilités, de sa vie passée lourdes et empoisonnantes ? Les nouvelles rencontres seront autant d’espoirs et de liberté qu’elle se bâtira.



On espère que la fin se terminera à l’image de ce petit séjour auprès des insectes et des sœurs apicultrices… Ce livre est unique. Je ne regrette pas de l’avoir découvert.



Vite… au prochain!
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L'invention des ailes

Dans une passionnante postface d’une dizaine de pages, l’auteure du « Secret des abeilles » revient sur la genèse de ce nouveau roman. Elle explique comment, au cours d’une visite au Brooklyn Museum, elle est ainsi tombée par hasard sur les noms de Sarah et Angelina Grimké, noyés au milieu de ceux de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf femmes ayant grandement contribué à écrire l’histoire. Sue Monk Kidd s’étonne alors de ne jamais avoir entendu parler de ces deux soeurs, pourtant originaires de Charleston, en Caroline du Sud, la ville dans laquelle elle vivait à l’époque. Sue Monk Kidd ne tarde pas à voir dans l’histoire de ces deux soeurs un sujet de choix pour élaborer son prochain roman. Dans cette note, fourmillante de détails et d’informations précieuses relatives à la vie des soeurs Grimké ainsi qu’à l’origine et l’élaboration du récit qui s’en inspire, elle revient ainsi sur ses intentions, son méticuleux travail de recherche et justifie chacun de ses parti-pris. Surtout, elle détaille dans quelle mesure son oeuvre est restée fidèle aux évènements historiques et à quels moments elle s’en éloigne, allant jusqu’à évoquer les points de discorde entre les historiens concernant certains évènements.



L’auteure a fait le choix d’une narration à hauteur d’enfant pour amorcer cette intrigue prenant racine dans la Caroline du Sud de la première moitié du XIXème siècle. Un procédé risqué mais qui dévoile néanmoins rapidement toute sa pertinence. On se prend très vite d’empathie pour ces enfants, par nature innocents, qui se trouvent confrontés à l’injustice d’une société de castes, pervertie par les préjugés et des dogmes dont ils peinent à saisir la cohérence et le bien-fondé. Sue Monk Kidd a ainsi merveilleusement capté les conflits intérieurs de cet âge charnière où le regard s’ouvre sur le monde et où la conscience s’éveille.



Dans une société où les dés sont pipés dès la naissance et le destin tracé d’avance, il y a peu de place pour les rêves. Sarah ne tardera pas à en faire la douloureuse expérience. Alors que sa soif de connaissance ne semble connaître aucune limite et qu’elle rêve de devenir juriste, la jeune fille ne parvient pas à comprendre pourquoi, du simple fait de son sexe, elle ne bénéficie pas de la même instruction que ses frères et se trouve ainsi confronté à des perspectives d’avenir considérablement réduites.



A 18 ans, contrainte d’enterrer son désir de devenir juriste, Sarah commence à vivre sa vie en partie à travers celle de sa plus jeune soeur, Angelina. Si la jeune femme reste fidèle à ses idées, elle est aussi parfois tentée de se laisser enfermée dans sa cage dorée : « Soirée après soirée, je supportais dans la solitude ces grandes cérémonies, révoltée par notre statut d’objet d’art et méprisant cette société qui se révélait tellement creuse ; pourtant, de façon inexplicable, je mourais d’envie d’être l’une de ces jeunes femmes. » p.126. Forte de sa responsabilité d’aînée et des désillusions qui ont marqué sa vie, Sarah ne baissera pourtant pas les bras, entraînant même sa cadette dans son combat.



Si Sarah et Hetty aspirent toutes deux à un même objectif, à savoir conquérir une liberté dont les prive injustement les moeurs et les principes régissant la société de leur époque, leurs trajectoires diffèrent profondément dans les moyens mis en oeuvre pour mener leur combat. Souffrant de troubles de l’élocution et prisonnière de chaînes invisibles, le combat de Sarah est avant tout intérieur, visant à la fois à rompre avec la représentation que la société lui renvoie d’elle-même et s’extraire du chemin tout tracé qu’elle lui impose. Sarah comprend rapidement que c’est dans le savoir et l’éducation que se trouve la clé qui leur permettra de se libérer de leurs chaînes. Pour faire progresser ses idées et imposer ses opinions, elle aspire ainsi à une lutte pacifique, un message qu’elle s’efforcera de transmettre (tant bien que mal) à Hetty. Au fil des évènements, s’affirment ainsi deux personnalités bien différentes. Si Sarah mène une lutte plus spirituelle que démonstrative, le combat de Hetty (à l’instar de celui de sa mère) est quant à lui marqué par la violence et la rage.



Abordé depuis notre société actuelle et avec les deux siècles de recul que nous avons, le lecteur ne peut qu’approuver les observations et partager les sentiments d’indignation et d’injustice ressentis par les deux héroïnes. Sue Monk Kidd ne cède cependant jamais à l’écueil d’une vision binaire des évènements qui mettrait en opposition les femmes aux hommes et les esclaves aux propriétaires. La force de son roman se trouve justement dans le sens des nuances, cette capacité à ne pas se contenter d’une approche manichéenne, mais bien d’aller au fond des choses, remettant en cause les fondements même de cette société tout entière, qui empêche aussi bien une femme de devenir juriste qu’à son frère d’étudier la théologie.



Dans ce roman choral à deux voix, Sue Monk Kidd met ainsi en perspectives les trajectoires chaotiques de ces deux femmes victimes d’ostracisme. Au-delà de la grande finesse psychologique que cette alternance de narration suppose, c’est aussi un remarquable exercice de style auquel se livre ici l’auteure, parvenant à donner à chaque personnage sa propre voix, à la fois unique et parfaitement identifiable. Chaque mouvement de narration s’accompagne ainsi d’un changement dans la manière de raconter les évènements et de retranscrire les émotions. Et même lorsqu’elle se fait la voix de Hetty, dont l’éducation et le vocabulaire ne lui permettent pas de jouer avec les subtilités et les libertés de la langue, la plume de Sue Monk Kidd est capable de fulgurances stylistiques et de véritables moments de poésie.



On pourra certes reprocher certaines faiblesses à ce récit mêlant avec brio petite et grande Histoire. Pour accentuer la force de son propos, l’auteure cède ainsi parfois à un symbolisme excessif, faisant perdre à sa démonstration de sa subtilité. Il serait néanmoins cruel de s’arrêter à ces petites maladresses, tant elles paraissent bien insignifiantes au regard de ce roman historique époustouflant, à la fois remarquablement documenté et magistralement orchestré !



Je remercie Babelio et les éditions JC Lattès pour cette belle découverte!
Lien : https://lectriceafleurdemots..
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