Citations de Susanna Tamaro (150)
De toutes les habitudes de l'homme moderne, disait-il [le père d'Isaac Singer], la lecture des quotidiens est l'une des pires. Le matin, au moment où l'âme est grande ouverte, elle déverse sur l'individu tout le mal que le monde a produit le jour précédent. (p. 155)
Ça n'aurait pas été un boomerang mais un abîme, je crois qu'il est presque impossible de survivre à ce genre de chose. Ce que tu aurais voulu dire à la personne qui t'est chère reste à jamais à l'intérieur de toi ; et elle est là, sous terre, et tu ne peux plus la regarder dans les yeux, l'embrasser, lui dire ce que tu ne lui avais pas encore dit. (p. 20)
On traverse seulement les coups vaches de la vie. Le réconfort de l'entourage n'est qu'une simple caresse sur la superficie, mais le chagrin, la rage sont chevillés en nous, aussi profonds qu’inaccessibles aux autres.
Tu sais ce que dit G ? Que chacun de nous tient dans la main un fil’ et que ce fil nous conduit à notre étoile. Chacun de nous a une étoile dans le ciel, et notre destin est d’apprendre à la suivre. C’est une étoile-cerf-volant, notre karma est écrit dans son sillage, si nous lâchons le fil, tout est perdu,il se forme des noeuds, une pelote d’étoiles.
Le coeur est le centre de l'esprit.
J'ai abandonné ma personnalité pour acquérir un caractère. Le caractère, tu auras l'occasion de t'en apercevoir, est beaucoup plus apprécié dans le monde que la personnalité.
Pendant toute la durée de l'école primaire, j'ai été écartelée entre la volonté de rester fidèle à ce que je sentais à l'intérieur de moi, et le désir d'adhérer, même si je sentais que c'était faux, à ce que croyaient les autres.
L'amour n'est pas fait pour les paresseux, pour exister dans sa plénitude il exige parfois des gestes précis et forts.
Et puis il y a la grande foire aux regrets. Arrivés à un certain âge, nous y sommes tous conviés. Tu es là et tu cherches le point où tout aurait pu évoluer différemment, le lieu du virage. Tu te demandes : il n'y en a pas eu ?
Ou alors, il y en avait un et je ne l'ai pas vu, je n'ai pas voulu le voir ?
La route, c'est toi qui l'a tracée, et personne d'autre, il suffisait de faire un pas pour en sortir. C'est une ligne invisible qui te retient prisonnier, tu imagines de grands murs alors qu'il n'y a qu'un fil, il suffirait de lever un peu la jambe pour passer de l'autre côté.
La sensibilité excessive n'est pas un laissez-passer, mais un piège. On ne s'en aperçoit pas tout de suite, les premières années, tout le monde vous complimente pour cela. C'est plus tard que cela devient un problème. Lentement, votre entourage se rend compte que la sensibilité n'est pas un don, mais un poids. Le monde est fait de renards, de hyènes et de crocs-en-jambe. Si vous êtes un lapin au poil soyeux, il vous sera impossible d'avancer. C'est pour cela que, du jour au lendemain, tout change. Autour de vous, il n'y a qu'irritation et agacement devant la différence. De cette grande hécatombe de lapins, seuls réchappent ceux qui savent faire quelque chose d'exceptionnel.
Au fond, me disais-je, créer l'homme n'a vraiment pas été une bonne idée.
L'avoir là, en train de farfouiller sur la terre, c'était comme abriter un serpent dans son sein. Depuis que le monde existait, les animaux faisaient les mêmes choses : ils naissaient, s'accouplaient, veillaient sur leurs petits, se dévoraient entre espèces différentes pour continuer à vivre ; puis, un jour, ils mourraient et, au lieu de nourrir leurs petits, ils nourrissaient les hyènes, les corbeaux, les saprophytes, la terre et les fleurs qui y poussaient. Il n'avait jamais existé d'ours ou de lion qui eût planifié la destruction. L'homme, quant à lui, l'a fait dès le début, ou presque : il a commencé au moment même où, au lieu d'être deux sur la surface de la terre, ils se sont retrouvés quatre.
Trouver des échappatoires quand on refuse de regarder en soi est la chose la plus facile au monde. Il existe toujours une cause extérieure, il faut avoir beaucoup de courage pour reconnaître ses propres fautes - ou plutôt ses responsabilités. Et pourtant, comme je te l'ai dit, c'est la seule façon d'avancer.
Ce que tu aurais voulu dire à la personne qui t'est chère reste à jamais à l'intérieur de toi; et elle, elle est là, sous terre, et tu ne peux plus la regarder dans les yeux, l'embrasser, lui dire ce que tu ne lui avais pas encore dit.
Mais tu as atteint le paroxysme de la colère quand je t'ai dit que la vie n'est pas une course mais un tir à la cible : ce qui compte, ce n'est pas d'épargner du temps, mais de savoir trouver un centre.
Tu te souviens des nuits du 15 août, quand nous allions sur le promontoire pour regarder les feux d'artifice tirés de la mer ? De temps à autre, il y en avait un qui, même s'il explosait n'arrivait pas à atteindre le ciel. Voilà, quand je pense à la vie de ma mère, à celle de ma grand mère, quand je pense à la vie de beaucoup de gens que je connais, c'est cette image-là qui me vient à l'esprit, des feux qui implosent au lieu de s'élancer vers le haut.
Les morts pèsent moins par leur absence que par ce qui - entre eux et nous - n'a pas été dit.
Je sentais mon corps de femme se faner sans avoir vécu, et cela me rendrait triste.
L'enfance et la vieillesse se ressemblent. Dans les deux cas, pour des raisons différentes, on est plutôt désarmé, on n'est pas encore- ou l'on n'est plus- des participants à la vie active, et cela permet de vivre avec une sensibilité dénuée de schémas, ouverte. (p.21)
Pour avoir vécu longtemps et avoir laissé derrière moi beaucoup de personnes, je sais désormais que les morts pèsent moins par leur absence que par ce qui-entre eux et nous- n'a pas été dit. (p.21)
Et si la parole magique était justement « transformation » ? Si l’obscurité existait justement pour accueillir la lumière ?