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Citations de T.S. Eliot (132)


SPLEEN


Dimanche : ce cortège satisfait
des visages définis de dimanche ;
Bonnets, chapeaux de soie et grâces conscientes
Dans la répétition qui déplace
Votre sang-froid mental
Par cette digression injustifiée.

Soirée, lumières et thé !
Enfants et chats dans la ruelle ;
Abattement incapable de se rallier
Contre cette sotte conspiration.

Et la Vie, un peu chauve et grise,
Languissante, pointilleuse et fade,
Attente, chapeau et gants à la main,
Pointilleuse de cravate et costume
(Peu impatiente de retarder)
Aux portes de l'Absolu.
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T.S. Eliot
Each venture is a new beginning, a ride into the inarticulate.
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There is no beginning, no movement, no peace and no end
But noise without speech, food without taste.
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Voyage des Mages

« Nous avons eu un rhume qui nous est arrivé,
Juste la pire période de l'année
Pour un voyage, et un si long voyage :
Les chemins profonds et le temps vif,
Au cœur de l'hiver.
Et les chameaux galaient, avaient les pieds endoloris, réfractaires,
Allongé dans la neige fondante.
Il y a eu des moments où nous avons regretté
Les palais d'été sur les pentes, les terrasses,
Et les filles de soie apportant du sorbet.
Puis les chameliers maudissaient et grognaient
Et s'enfuyant, et voulant leur liqueur et leurs femmes,
Et les feux nocturnes qui s'éteignent, et le manque d'abris,
Et les villes hostiles et les villes hostiles
Et les villages sales et qui font payer des prix élevés :
Nous avons eu des moments difficiles.
A la fin nous avons préféré voyager toute la nuit,
Dormant par bribes,
Avec les voix qui chantent dans nos oreilles, qui disent
Que tout cela n'était que folie.

Puis, à l'aube, nous descendîmes dans une vallée tempérée,
Mouillé, sous la limite de la neige, sentant la végétation ;
Avec un ruisseau qui coule et un moulin à eau qui bat l'obscurité,
Et trois arbres sur le ciel bas,
Et un vieux cheval blanc s'éloigna au galop dans la prairie.
Puis nous arrivâmes à une taverne avec des feuilles de vigne sur le linteau,
Six mains à une porte ouverte en dés pour des pièces d'argent,
Et les pieds frappant les outres vides,
Mais il n'y avait pas d'information, et nous avons donc continué
Et je suis arrivé le soir, pas un instant trop tôt
Trouver l'endroit ; C'était (on peut dire) satisfaisant.

Tout cela, c'était il y a longtemps, je m'en souviens,
Et je le referais, mais je m'assiérais
Cet ensemble
Ceci : avons-nous été conduits jusque-là
Naissance ou mort ? Il y a eu une Naissance, certainement,
Nous avions des preuves et aucun doute. J'avais vu la naissance et la mort,
Mais ils pensaient qu'ils étaient différents ; cette Naissance a été
Dure et amère agonie pour nous, comme la Mort, notre mort.
Nous sommes retournés à nos lieux, ces Royaumes,
Mais n'étant plus à l'aise ici, dans l'ancienne dispensation,
Avec un peuple extraterrestre agrippant ses dieux.
Je serais heureux d'une autre mort.


« Journey of the Magi » a été publié sous forme de brochure en août 1927 par Faber & Gwyer, étant la première des contributions de T. S. Eliot à une série intitulée « The Ariel Poems ». Dans Critical Companion to T. S. Eliot : A Literary Reference to His Life and Work (Facts on File, 2007), Russell Elliott Murphy, professeur à l'Université de l'Arkansas, écrit : « Malgré toute leur connaissance du mystère, de ses dimensions humaines, Eliot suggère que les mages n'auraient pas pu comprendre les profondeurs du mystère qui se déroulait et dont ils devaient être témoins dans sa manifestation initiale. [. . .] L' orateur semble savoir, ou à tout le moins avoir l'intuition, que son âge et son espèce, et toute la sagesse de son monde, touchent à leur fin et que [la naissance de Christ] est le signal de leur mort. [. . .] L'orateur avoue que son expérience d'il y a longtemps a bouleversé sa vie à jamais ; Il n'est « plus à l'aise ici » dans son environnement familier, mais dans quel but, il ne s'interroge ni ne suppose. Comme les hommes creux d'Eliot, il semble avoir vu la lumière mais est incapable de reconnaître sa source ou de la suivre, il mourra donc dans le désert qui, pour Eliot, est un monde sans croyance cohérente en une création singulière qui sert un but singulier.
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Les hommes creux

Mistah Kurtz-he dead
Un penny pour le Old Guy


I

Nous sommes les hommes creux
Nous sommes les hommes empaillés
Appuyés ensemble
Casque rempli de paille. Hélas!
Nos voix sèches, quand
Nous chuchotons ensemble
Sont silencieuses et vides de sens
Comme le vent dans l'herbe sèche
Ou les pattes de rats sur le verre brisé
Dans notre cave sèche

Forme sans forme, ombre sans couleur,
Force paralysée, geste sans mouvement ;

Ceux qui ont traversé
Avec les yeux directs, l'autre royaume de la mort Souvenez-vous de nous - si pas du tout - pas comme des âmes violentes
perdues , mais seulement

Comme les hommes creux
Les hommes empaillés.


II

Yeux que je n'ose rencontrer dans les rêves
Dans le royaume des rêves de la mort
Ceux-ci n'apparaissent pas :
Là, les yeux sont
Lumière du soleil sur une colonne brisée
Là, est un arbre qui se balance
Et les voix sont
Dans le chant du vent
Plus lointaines et plus solennelles
Qu'une étoile déclinante.

Laisse-moi ne pas être plus près
Dans le royaume des rêves de la mort
Laisse-moi aussi porter
De tels déguisements délibérés
Manteau de rat, peau de corbeau, bâtons croisés
Dans un champ
Comportant comme le vent se comporte
Pas plus près-

Pas cette dernière rencontre
Dans le royaume crépusculaire


III

C'est la terre morte
C'est la terre des cactus
Ici les images de pierre
Se dressent, ici elles reçoivent
La supplication de la main d'un mort
Sous le scintillement d'une étoile qui s'éteint.

Est-ce ainsi
Dans l'autre royaume de la mort
Se réveiller seul
A l'heure où l'on
tremble de tendresse Des
lèvres qui s'embrasseraient
Forment des prières à la pierre brisée.


IV

Les yeux ne sont pas ici
Il n'y a pas d'yeux ici
Dans cette vallée d'étoiles mourantes
Dans cette vallée creuse
Cette mâchoire brisée de nos royaumes perdus

Dans ce dernier des lieux de rencontre
Nous tâtonnons ensemble
Et évitons la parole
Rassemblés sur cette plage du fleuve

tumide Aveugles, à moins que
Les yeux ne réapparaissent
Comme l'étoile perpétuelle
Rose multifoliée
Du royaume crépusculaire de la mort
Le seul espoir
Des hommes vides.


V

Ici on fait le tour du figuier de barbarie
Figue de barbarie figuier de barbarie
Ici on fait le tour du figuier de barbarie
A cinq heures du matin.

Entre l'idée
et la réalité
Entre le mouvement
Et l'acte
Tombe l'Ombre
Pour Toi est le Royaume

Entre la conception
Et la création
Entre l'émotion
Et la réponse
Tombe l'Ombre
La vie est très longue

Entre le désir
Et le spasme
Entre la puissance
Et l'existence
Entre l'essence
Et la descente
Tombe l'ombre
Car à toi est le royaume

A toi est la
vie est à
toi

C'est ainsi que finit le monde
C'est ainsi que finit le monde
C'est ainsi que le monde se termine
Pas avec un bang mais un gémissement.
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« Comme je suis énervée, ce soir. Oui, ce sont les
nerfs. Reste avec moi.
« Dis-moi quelque chose. Pourquoi ne parles-tu jamais ?
Parle.
« A quoi est-ce que tu penses ? Oui, pense. Quoi ?
« Je ne sais jamais ce que tu penses. Hein ? »

Je pense que nous sommes dans l’allée des rats
Où les morts ont perdu leurs os.
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Ville irréelle
Sous le brouillard brun de l’aube, un jour d’hiver,
Par le Pont de Londres une foule s’écoulait, tant de
gens,
Je n’aurais jamais cru que la mort eut fauché tant de
gens.
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Madame, trois léopards blancs assis sous un genévrier
Goûtaient le frais du jour, repus à satiété
De mes jambes de mon coeur de mon foie de cela qui avait empli
La calotte évidée de mon crâne. Et Dieu dit
Ces os revivront-ils ? Ces os
Revivront-ils ? Et cela qui avait empli
Les os (déjà tout secs) se mit à gazouiller :
Parce que cette Dame est bonne et parce qu'elle
Est belle, et parce qu'elle
Honore la Vierge en méditation,
Notre blancheur éclate. Et moi qui suis ici celé
J'offre mes actes à l'oubli et mon amour
Aux enfants du désert et du fruit de la gourde.
C'est ceci qui recouvre
Mes viscères, mes yeux, telles portions indigestes
Que rejettent les léopards. Et la Dame s'est retirée
De blanc vêtue, en oraison, de blanc vêtue.
Que la blancheur des os rachète l'oubliance.
Ils sont vidés de vie. Et tout de même
Que je suis oublié et voudrais l'être, ainsi voudrais-je
Oublier, concentré dans mon propos, voué.
[...]
Sous un genévrier les os chantaient, épars, brillants
Nous sommes contents d'être épars, nous ne nous faisions guère de bien
Les uns aux autres
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Ceux qui s'en furent
Le regard droit, vers l'autre royaume de la mort
Gardent mémoire de nous - s'ils en gardent - non pas
Comme de violentes âmes perdues, mais seulement
Comme d'hommes creux
D'hommes empaillés
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Après le feu des torches sur les faces en sueur
Après le gel du silence aux jardins
Après l'agonie aux lieux rocailleux
Après les cris et les clameurs
Après la geôle et le palais après l'écho
Du tonnerre printanier au loin sur les montagnes
Lui qui vivait Le voici mort
Nous qui vivions voici que nous allons mourir
Avec un peu de patience
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Essuyez votre main à vos lèvres ; riez.
Les mots tournent en rond pareils à des vieillardes
Glanant du bois dans quelque terrain vague.
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Devrais-je, après le thé, les gâteaux et les glaces,
Avoir le nerf d'exacerber l'instant jusqu'à sa crise ?
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Je te montrerai quelque chose qui n’est
Ni ton ombre s’élançant devant toi
Ni ton ombre le soir qui s’étire à ta rencontre
Je te montrerai la peur dans une poignée de poussière
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Burnt Norton

Le présent et le passé
sont peut-être présents au futur
et le futur au passé.
Si tout le temps est éternellement présent,
tout temps est irremplaçable.
Ce qui aurait pu être est une simple abstraction, ne
restant comme possibilité éternelle
que dans le monde de la spéculation.
Ce qui aurait pu être et ce qui était
pointent vers une seule fin, toujours présente.
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Lune de Miel


Ils ont vu les Pays-Bas, ils rentrent à Terre Haute ;
Mais une nuit d’été, les voici à Ravenne,
A l’aise entre deux draps, chez deux centaines de punaises ;
La sueur estivale, et une forte odeur de chienne.
Ils restent sur le dos, écartant les genoux
De quatre jambes molles tout gonflées de morsures.
On relève le drap pour mieux égratigner.
Moins d’une lieue d’ici est Saint Apollinaire
En Classe, basilique connue des amateurs
De chapitaux d’acanthe que tournoie le vent.

Ils vont prendre le train de huit heures
Prolonger leurs misères de Padoue à Milan
Ou se trouvent la Cène, et un restaurant pas cher.
Lui pense aux pourboires, et redige son bilan.
Ils auront vu la Suisse et traversé la France.
Et Saint Apollinaire, raide et ascétique,
Vieille usine désaffectée de Dieu, tient encore
Dans ses pierres écroulantes la forme précise de Byzance.
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Préludes (1917)

I

Le soir d’hiver choit dans les ruelles
Parmi des relents de grillade.
Il est six heures.
Les mégots de jours enfumés.
Voici que l’averse en bourrasque
À nos pieds plaque
Des bribes de feuilles souillées
Et de vieux journaux arrachés
Aux terrains vagues ;
Contre les jalousies brisées
Et les tuiles des cheminées
L’averse bat ;
Un cheval de fiacre esseulé
Au coin de la rue piaffe et fume.
Puis les réverbères s’allument.

II

Le matin s’ouvre à la conscience
D’un relent de bière éventée
Qui monte, vague, de la rue
Jonchée de sciure martelée
Par tous les pieds boueux qui gagnent
Les zincs de l’aube.
Parmi les autres mascarades
Que l’heure assume,
On évoque toutes les mains
Qui relèvent des stores douteux
Dans mille garnis.

III

Tu rejetas la couverture,
Puis, sur le dos, tu attendis,
Sommeillant, guettant dans la nuit
Les dix mille images sordides
Dont ton âme était composée
Et qui tremblotaient au plafond.
Mais lorsque le monde revint
Avec la lumière aux persiennes
Et les moineaux dans les gouttières,
Ta vision de la rue fut telle
Que la rue ne l’entendrait guère
Comme, assise en travers du lit,
Tu déroulais tes papillottes
Ou crispais tes paumes souillées
Sur la plante de tes pieds jaunes.

IV

Son âme écartelée au ciel
Qui s’éteint derrière un immeuble
Ou meurtrie de pas insistants
De quatre à cinq, de cinq à six;
Les doigts trapus bourrant des pipes,
Les journaux du soir, et les yeux
Pleins de certaines certitudes,
La conscience d’une rue noircie
Avide d’assumer le monde.

Je suis ému de songeries
Lovées autour de ces images
Et qui s’attardent: la notion
Comme d’un être infiniment
Tendre et souffrant infiniment.

Essuyez votre main à vos lèvres; riez.
Les mondes tournent en rond pareils à des vieillardes
Glanant du bois dans quelque terrain vague.
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Les Hommes creux (The Hollow Men, 1925)

I

Nous sommes les hommes creux
Les hommes empaillés
Cherchant appui ensemble
La caboche pleine de bourre. Hélas !
Nos voix desséchées, quand
Nous chuchotons ensemble
Sont sourdes, sont inanes
Comme le souffle du vent parmi le chaume sec
Comme le trottis des rats sur les tessons brisés
Dans notre cave sèche.

Silhouette sans forme, ombre décolorée,
Geste sans mouvement, force paralysée ;

Ceux qui s’en furent
Le regard droit, vers l’autre royaume de la mort
Gardent mémoire de nous – s’ils en gardent – non pas
Comme de violentes âmes perdues, mais seulement
Comme d’hommes creux
D’hommes empaillés.

II

Les yeux que je n’ose pas rencontrer dans les rêves
Au royaume de rêve de la mort
Eux, n’apparaissent pas:
Là, les yeux sont
Du soleil sur un fût de colonne brisé
Là, un arbre se balance
Et les voix sont
Dans le vent qui chante
Plus lointaines, plus solennelles
Qu’une étoile pâlissante.

Que je ne sois pas plus proche
Au royaume de rêve de la mort
Qu’encore je porte
Pareils francs déguisements: robe de rat,
Peau de corbeau, bâtons en croix
Dans un champ
Me comportant selon le vent
Pas plus proche –

Pas cette rencontre finale
Au royaume crépusculaire.

III

C’est ici la terre morte
Une terre à cactus
Ici les images de pierre
Sont dressées, ici elles reçoivent
La supplication d’une main de mort
Sous le clignotement d’une étoile pâlissante.

Est-ce ainsi
Dans l’autre royaume de la mort:
Veillant seuls
A l’heure où nous sommes
Tremblants de tendresse
Les lèvres qui voudraient baiser
Esquissent des prières à la pierre brisée.

IV

Les yeux ne sont pas ici
Il n’y a pas d’yeux ici
Dans cette vallée d’étoiles mourantes
Dans cette vallée creuse
Cette mâchoire brisée de nos royaumes perdus

En cet ultime lieu de rencontre
Nous tâtonnons ensemble
Evitant de parler
Rassemblés là sur cette plage du fleuve enflé

Sans regard, à moins que
Les yeux ne reparaissent
Telle l’étoile perpétuelle
La rose aux maints pétales
Du royaume crépusculaire de la mort
Le seul espoir
D’hommes vides.

V

Tournons autour du fi-guier
De Barbarie, de Barbarie
Tournons autour du fi-guier
Avant qu’le jour se soit levé.

Entre l’idée
Et la réalité
Entre le mouvement
Et l’acte
Tombe l’Ombre

Car Tien est le Royaume

Entre la conception
Et la création
Entre l’émotion
Et la réponse
Tombe l’Ombre

La vie est très longue

Entre le désir
Et le spasme
Entre la puissance
Et l’existence
Entre l’essence
Et la descente
Tombe l’Ombre

Car Tien est le Royaume

Car Tien est
La vie est
Car Tien est

C’est ainsi que finit le monde
C’est ainsi que finit le monde
C’est ainsi que finit le monde
Pas sur un Boum, sur un murmure.

*

The Hollow Men

I

We are the hollow men
We are the stuffed men
Leaning together
Headpiece filled with straw. Alas!
Our dried voices, when
We whisper together
Are quiet and meaningless
As wind in dry grass
Or rats’ feet over broken glass
In our dry cellar

Shape without form, shade without colour,
Paralysed force, gesture without motion;

Those who have crossed
With direct eyes, to death’s other Kingdom
Remember us—if at all—not as lost
Violent souls, but only
As the hollow men
The stuffed men.

II

Eyes I dare not meet in dreams
In death’s dream kingdom
These do not appear:
There, the eyes are
Sunlight on a broken column
There, is a tree swinging
And voices are
In the wind’s singing
More distant and more solemn
Than a fading star.

Let me be no nearer
In death’s dream kingdom
Let me also wear
Such deliberate disguises
Rat’s coat, crowskin, crossed staves
In a field
Behaving as the wind behaves
No nearer—

Not that final meeting
In the twilight kingdom

III

This is the dead land
This is cactus land
Here the stone images
Are raised, here they receive
The supplication of a dead man’s hand
Under the twinkle of a fading star.

Is it like this
In death’s other kingdom
Waking alone
At the hour when we are
Trembling with tenderness
Lips that would kiss
Form prayers to broken stone.

IV

The eyes are not here
There are no eyes here
In this valley of dying stars
In this hollow valley
This broken jaw of our lost kingdoms

In this last of meeting places
We grope together
And avoid speech
Gathered on this beach of the tumid river

Sightless, unless
The eyes reappear
As the perpetual star
Multifoliate rose
Of death’s twilight kingdom
The hope only
Of empty men.

V

Here we go round the prickly pear
Prickly pear prickly pear
Here we go round the prickly pear
At five o’clock in the morning.

Between the idea
And the reality
Between the motion
And the act
Falls the Shadow
For Thine is the Kingdom

Between the conception
And the creation
Between the emotion
And the response
Falls the Shadow
Life is very long

Between the desire
And the spasm
Between the potency
And the existence
Between the essence
And the descent
Falls the Shadow
For Thine is the Kingdom

For Thine is
Life is
For Thine is the

This is the way the world ends
This is the way the world ends
This is the way the world ends
Not with a bang but a whimper.
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La chanson d'amour de J. Alfred Prufrock

"S’io credesse che mia risposa fosse
A persona che mai tornasse al mondo
Questa fiamma staria senza piu scosse.
Ma perciocche giammai di questa fondo
Non torno vivo alcun, s’i’odo il vero,
Senza tema d’infamia ti respondo."

Allons-nous en donc, toi et moi,
Lorsque le soir est étendu contre le ciel
Comme un patient anesthésié sur une table :
Allons par telles rues que je sais, mi-désertes
Chuchotantes retraites
Pour les nuits sans sommeil dans les hôtels de passe
Et les bistrots à coquilles d’huîtres, jonchés de sciure :
Ces rues qui poursuivent, dirait-on, quelque dispute interminable
Avec l’insidieux propos
De te mener vers une question bouleversante…
Oh! ne demande pas : « Laquelle ? »
Allons plutôt faire notre visite.

Dans la pièce les femmes vont et viennent
En parlant des maîtres de Sienne.

Le brouillard jaune qui frotte aux vitres son échine,
Le brouillard jaune qui frotte aux vitres son museau
A couleuvré sa langue dans les recoins du soir,
A traîné sur les mares stagnantes des égouts,
A laissé choir sur son échine la suie qui choit des cheminées,
Glissé le long de la terrasse, bondi soudain,
Et voyant qu’il faisait un tendre soir d’octobre,
S’est enroulé autour de la maison, puis endormi.

Et pour sûr elle aura le temps,
La jaunâtre fumée qui glisse au long des rues,
De se frotter l’échine aux vitres ;
Tu auras le temps, tu auras le temps
De te préparer un visage pour les visages de rencontre ;
Le temps de mettre à mort et de créer,
Le temps qu’il faut pour les travaux et jours des mains
Qui soulèvent, puis laissent retomber une question sur ton assiette :
Temps pour toi et temps pour moi,
Temps pour cent hésitations,
Pour cent visions et révisions,
Avant de prendre une tasse de thé.

Dans la pièce les femmes vont et viennent
En parlant des maîtres de Sienne.

Et pour sûr j’aurai bien le temps
De me demander: « Oserai-je ? » et « Oserai-je ? »
Le temps de me retourner et de descendre l’escalier
Avec une couronne chauve au sommet de ma tête…
(Et l’on dira : « Mais comme ses cheveux se font rares! »)
Ma jaquette, mon faux col montant avec fermeté jusqu’au menton,
Ma cravate riche et modeste rehaussée d’une discrète épingle…
(« Voyez comme ses bras et ses jambes sont grêles ! »)
Oserai-je
Déranger l’univers ?
Une minute donne le temps
De décisions et de repentirs qu’une autre minute renverse.

Car je les ai connus, je les ai tous connus –
J’ai connu les soirées, les matins, les midis,
J’ai mesuré ma vie avec des cuillers à café;
Je sais les voix mourantes dans une mourante retombée
Sous la musique venue d’une pièce lointaine
Comment, dès lors, me risquerais-je ?

Et j’ai connu les yeux, je les ai tous connus –
Ceux qui vous rivent au moyen d’une formule
Et une fois mis en formule, une fois étalé sur une épingle,
Une fois épinglé et me tordant au mur,
Comment, dès lors, commencerais-je
A cracher les mégots de mes jours et détours ?
Comment, dès lors, me risquerais-je ?

Et j’ai connu les bras déjà, oui, tous connus…
Les bras cernés de bracelets et blancs et nus
(Mais sous la lampe duvetés de châtain clair !)
Est-ce un parfum de robe
Qui me fait ainsi divaguer ?
Les bras couchés sur une table, les bras qui enroulent un châle.
Devrais-je dès lors me risquer ?
Comment devrais-je commencer ?

Dirai-je : j’ai passé à la brune par des rues étroites,
Et j’ai vu la fumée qui s’élève de la pipe
Des hommes solitaires penchés en bras de chemise à leur fenêtre ?

Que n’ai-je été deux pinces ruineuses
Trottinant par le fond des mers silencieuses.

L’après-midi, le soir dort si paisiblement !
Lissé par de longs doigts,
Assoupi… épuisé… ou jouant le malade,
Couché sur le plancher, près de toi et de moi.
Devrais-je, après le thé, les gâteaux et les glaces,
Avoir le nerf d’exacerber l’instant jusqu’à sa crise ?
Mais bien que j’ai pleuré et jeûné, pleuré et prié,
Bien que j’ai vu ma tête (qui commence à se déplumer) offerte sur un plat,
Je ne suis pas prophète… et il n’importe guère ;
Ma grandeur, j’en ai vu le moment vaciller,
Mais j’ai vu l’éternel Laquais tenir mon pardessus et ricaner,
En un mot j’ai eu peur.

Aurait-ce été la peine, après tout,
Après les tasses, le thé, la marmelade d’orange
Parmi les porcelaines et quelques mots de toi et moi,
Aurait-ce été la peine
De trancher bel et bien l’affaire d’un sourire,
De triturer le monde pour en faire une boule,
De le rouler vers une question bouleversante,
De dire : « Je suis Lazare et je reviens d’entre les morts,
Je reviens pour te dire tout, je te dirai tout » –
Si certaine, arrangeant un coussin sous sa tête,
Avait dit : « Non, ce n’est pas ça du tout;
Ce n’est pas ça du tout que j’avais voulu dire. »

Aurait-ce été la peine, après tout,
Aurait-ce été la peine,
Après les arrière-cours, les couchers du soleil et les rues qu’on arrose,
Après les tasses de thé et les romans, après les jupes qui traînent sur le plancher –
Et ceci et tant d’autres choses ?
Ah! comment exprimer ce que je voudrais dire ?
Mais comme si une lanterne magique projetait le motif des nerfs sur un écran:
Aurait-ce été la peine si certaine,
Arrangeant un coussin ou rejetant un châle,
S’était tournée vers la fenêtre en déclarant:
« Ce n’est pas ça du tout,
Ce n’est pas ça du tout que j’avais voulu dire. »

Le Prince Hamlet ? Non pas, je n’ai jamais dû l’être ;
Mais un seigneur de la suite, quelqu’un
Qui peut servir à enfler un cortège
A déclencher une ou deux scènes, à conseiller
Le prince ; assurément un instrument commode,
Déférent, enchanté de se montrer utile,
Politique, méticuleux et circonspect ;
Hautement sentencieux, mais quelque peu obtus ;
Parfois, en vérité, presque grotesque –
Parfois, presque, le Fou.

Je vieillis, je vieillis…
Je ferai au bas de mes pantalons un retroussis.

Partagerai-je mes cheveux sur la nuque ? Oserai-je manger une pêche ?
Je vais mettre un pantalon blanc et me promener sur la plage.
J’ai, chacune à chacune, ouï chanter les sirènes.

Je ne crois guère qu’elles chanteront pour moi.
Je les ai vues monter les vagues vers le large
Peignant les blancs cheveux des vagues rebroussées
Lorsque le vent brasse l’eau blanche et bitumeuse.

Nous nous sommes attardés aux chambres de la mer
Près des filles de mer couronnées d’algues brunes
Mais des voix d’hommes nous réveillent et nous noient.

*

The Love Song of J. Alfred Prufrock

S’io credesse che mia risposta fosse
A persona che mai tornasse al mondo,
Questa fiamma staria senza piu scosse.
Ma percioche giammai di questo fondo
Non torno vivo alcun, s’i’odo il vero,
Senza tema d’infamia ti rispondo.

Let us go then, you and I,
When the evening is spread out against the sky
Like a patient etherized upon a table;
Let us go, through certain half-deserted streets,
The muttering retreats
Of restless nights in one-night cheap hotels
And sawdust restaurants with oyster-shells:
Streets that follow like a tedious argument
Of insidious intent
To lead you to an overwhelming question …
Oh, do not ask, “What is it?”
Let us go and make our visit.

In the room the women come and go
Talking of Michelangelo.

The yellow fog that rubs its back upon the window-panes,
The yellow smoke that rubs its muzzle on the window-panes,
Licked its tongue into the corners of the evening,
Lingered upon the pools that stand in drains,
Let fall upon its back the soot that falls from chimneys,
Slipped by the terrace, made a sudden leap,
And seeing that it was a soft October night,
Curled once about the house, and fell asleep.

And indeed there will be time
For the yellow smoke that slides along the street,
Rubbing its back upon the window-panes;
There will be time, there will be time
To prepare a face to meet the faces that you meet;
There will be time to murder and create,
And time for all the works and days of hands
That lift and drop a question on your plate;
Time for you and time for me,
And time yet for a hundred indecisions,
And for a hundred visions and revisions,
Before the taking of a toast and tea.

In the room the women come and go
Talking of Michelangelo.

And indeed there will be time
To wonder, “Do I dare?” and, “Do I dare?”
Time to turn back and descend the stair,
With a bald spot in the middle of my hair —
(They will say: “How his hair is growing thin!”)
My morning coat, my collar mounting firmly to the chin,
My necktie rich and modest, but asserted by a simple pin —
(They will say: “But how his arms and legs are thin!”)
Do I dare
Disturb the universe?
In a minute there is time
For decisions and revisions which a minute will reverse.

For I have known them all already, known them all:
Have known the evenings, mornings, afternoons,
I have measured out my life with coffee spoons;
I know the voices dying with a dying fall
Beneath the music from a farther room.
So how should I presume?

And I have known the eyes already, known them all—
The eyes that fix you in a formulated phrase,
And when I am formulated, sprawling on a pin,
When I am pinned and wriggling on the wall,
Then how should I begin
To spit out all the butt-ends of my days and ways?
And how should I presume?

And I have known the arms already, known them all—
Arms that are braceleted and white and bare
(But in the lamplight, downed with light brown hair!)
Is it perfume from a dress
That makes me so digress?
Arms that lie along a table, or wrap about a shawl.
And should I then presume?
And how should I begin?

Shall I say, I have gone at dusk through narrow streets
And watched the smoke that rises from the pipes
Of lonely men in shirt-sleeves, leaning out of windows? …

I should have been a pair of ragged claws
Scuttling across the floors of silent seas.

And the afternoon, the evening, sleeps so peacefully!
Smoothed by long fingers,
Asleep … tired … or it malingers,
Stretched on the floor,
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Ici point d'eau rien que le roc
Point d'eau le roc et la route poudreuse
La route qui serpente à travers la montagne
La montagne de roc sans eau
S'il y avait de l'eau nous ferions halte et nous boirions
Comment parmi les rocs faire halte ou penser
La sueur est séchée les pieds sont dans le sable
Si seulement il y avait de l'eau parmi ces rocs
Montagne morte, bouche aux dents cariées qui ne peut pas cracher
Comment rester debout comment s'asseoir ou se coucher
Il n'y a pas même de silence dans les montagnes
Mais un sec, un stérile tonnerre sans nulle pluie
Il n'y a pas même de solitude dans les montagnes
Mais des faces enflammées des faces hargneuses qui ricanent
Au seuil des maisons craquelées

— T.S Eliot, La Terre Vaine, « Ce qu'a dit le Tonnerre », vv. 331-345 (traduit de l'anglais par Pierre Leyris)
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Quelles racines s'agrippent, quelles branches croissent
Parmi ces rocailleux débris ? Ô fils de l'homme,
Tu ne peux le dire ni le deviner, ne connaissant
Qu'un amas d'images brisées sur lesquelles frappe le soleil :
L'arbre mort n'offre aucun abri, la sauterelle aucun répit,
La roche sèche aucun bruit d'eau. Point d'ombre
Si ce n'est là, dessous ce rocher rouge
(Viens t'abriter à l'ombre de ce rocher rouge)
Et je te montrerai quelque chose qui n'est
Ni ton ombre au matin marchant derrière toi,
Ni ton ombre le soir surgie à ta rencontre ;
Je te montrerai ton effroi dans une poignée de poussière.

— T.S Eliot, La Terre Vaine, « L'Enterrement des morts », vv. 19-30 (traduit de l'anglais par Pierre Leyris)
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