AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Tarjei Vesaas (185)


Mais une autre conversation suivait son cours dans la voiture, une conversation singulière, sans paroles, sans gestes.
Cette conversation cessait, reprenait, cessait, reprenait: premiers balbutiements d'une timide adoration.
"Je ne savais pas.... - Moi non plus je ne savais pas, mais je vais.... - C'est moi qui vais.. - Je voudrais te dire bientôt... bientôt j'en serai capable... - Je souhaiterais rouler ainsi indéfiniment dans cet autocar... - Je te sens contre moi, je... - Regarde-moi, regarde-moi bien... - Mais c'est ce que je fais... -As-tu dit quelque chose?... - J'ai envie de te prendre dans mes bras... Mes mains tremblent du désir de te toucher... - Je voudrais que tu poses ta main sur moi et ne la retires pas... - Que dis-tu?... - Je pense que tu as des mains bienfaisantes... J'en suis sûre... J'aspire après tes caresses.... - Les autres t'observent... Je ne sais pas qui tu es ; il faut que je le sache... - Je me demande qui tu peux être, toi?... - Maintenant, c'est le moment.... - Ne renonce pas ; il faut aller de l'avant... de l'avant..."
Commenter  J’apprécie          110
Et dehors un air limpide, dehors une lumière insolite qui s'était déposée en embuscade par-delà la pluie. Des nuits claires où il faisait jour tout le temps et où le jour de la nuit atteindrait bientôt l'apogée de sa clarté, ces nuits quasi remplies de joues chaudes et tranquilles.
Commenter  J’apprécie          102
Entre les branches vertes, surgit la tête noire d'un chien: de sa gueule pendent les entrailles du taureau. Les babines retroussées, et les yeux qui brillent d'un éclat sinistre, font un spectacle, qui n'est pas de ce monde. Derniers restes de cet animal plein de feu...
Commenter  J’apprécie          100
Au moment où Mattis allait partir, il arriva quelque chose de déplaisant. Comme il n'avait pas acheté l'habituel sachet de bonbons, le commerçant crut qu'il n'avait pas assez d'argent - aussi puisa-t-il rapidement un peu de bonbons au camphre et entortilla un petit cornet. Il plaça celui-ci avec les autres victuailles et cilla un peu.
Mattis rougit. C'est ainsi que le commerçant faisait avec les enfants, il l'avait vu. Rapidement, Mattis rassembla les deux ou trois sacs qu'il avait achetés, et laissa le cornet sur le comptoir.
- Prends ça aussi, dit le marchand. Tu paieras une autre fois.
Mattis se trouva embarrassé par ces propos. On lui donnait des bonbons comme à un enfant - bien qu'il sût de grandes choses, comme des arbres fendus et des éclairs et des présages de la mort. Il prit le cadeau, bredouilla un remerciement et se fourra un bonbon dans la bouche. S'était fait petit. Le pire, c'est que le commerçant se tenait là, gentiment. Il fallait que Mattis essaie de se tirer de là.
[...]
Quand il fut dehors, il ne put s'empêcher de prendre le bonbon numéro deux; en mit un à chaque coin de la bouche et aspira le jus sucré et fort - le goût vous en restait longtemps ensuite dans la bouche.
Commenter  J’apprécie          100
Il ne se décidait pas à reprendre son travail de passeur. Il y avait quelque chose de changé Il vadrouillait, sans rien faire. A un moment donné, il vit quelque chose de rouge luisant près de l'enclos et tressaillit. Il y avait là une fausse oronge mûre avec toute sa méchante, secrète séduction. Elle se trouvait tout contre l'enclos, comme si elle voulait regarder dans le chemin et pénétrer jusqu'à Mattis.

Non! Non, pensa-t-il craintivement, déjà sur la défensive. Je vais l'écraser avant qu'elle me tue.

Il alla donner un coup de pied au champignon. ce fut comme une explosion de rouge et de blanc quand il émietta le champignon sous son pied.

Aussitôt après, il en découvrit une autre, à l'intérieur de l'enclos, dans le pré. Au moins aussi belle. Celle-là, il ne lui donna pas de coup de pied, il prit peur et battit en retraite. A présent, il savait qu'il y en avait plein partout dans les collines, près de l'enclos et entre les touffes et sur le sol de la foret.

La maison était cernée de poison...

...- Est-ce qu'il n'y a pas plus de fausses oronges que d'habitude, ici, cette année ? demanda-t-il sans donner d'explications.

- Pas que je sache, dit Hege. Tout est normal, dit-elle, l'aveugle, et elle s'en alla en frétillant.
Commenter  J’apprécie          100
Mattis demanda :
-- Pourquoi que les choses sont comme ça ?
La fermière secoua la tête. Ce fut tout. Il n'osa pas reposer sa question. Il attendit patiemment. Patient à l'extrême. Furieusement, impatient en dedans de lui-même. Il se tourna de nouveau vers elle. De nouveau, elle secoua la tête.
-- Veux-tu encore du café ? dit-elle.

[Tarjei VESAAS, "Fuglane" ("Les Oiseaux"), Gyldendal Norsk Forlag, Oslo, 1957, traduit du néo-norvégien (nynorsk) par Régis Boyer pour les éditions Pierre-Jean Oswald, 1975 -- réédité aux éditions Plein Chant, 1986, chapitre XI, page 74]
Commenter  J’apprécie          90
Le petit Trask tremble d'impatience. Il essaie de l'influencer par son désir: "Raconte donc l'histoire des baguettes!"
Sa pensée ne s'écarte pas d'elle un seul instant: "Les baguettes! les baguettes!" dit-il tout bas, et il ne cesse de répéter ces mots. En la voyant tournée vers le peuplier, il sent battre son coeur avec violence.
Il regarde les branches du peuplier: elles lui appartiennent, en somme à lui, Trask, car il y a en lui cette musique de flûte, et sur sa langue la saveur de l'écorce fraîche. Et puis il y a ces baguettes que l'on finit par fabriquer, et que l'on tient par la main pour jouer. Et, à présent, dans la tête du petit Trask les images se multiplient. Il voit des nappes d'eau transparentes, pleines de baguettes striées, tandis que des brebis blanches s'ébattent et boivent; après quoi leurs agneaux sont noirs. Le soleil pique; les ombres sont précieuses. Jacob le rusé fabrique quantité de baguettes, et les plus belles brebis blanches sautent droit dans l'eau et boivent celles ou plongent les baguettes, et tous les agneaux sont ou bien tachetés, ou bien noirs, de sorte qu'ils reviennent de droit à Jacob.
"Raconte!..." insiste le désir du petit Trask. On dirait qu'il s'agit de sa vie: "Je vous dirai ensuite ma leçon, mais raconte tout de suite!"
Le petit Trask ne se rend même pas compte de ses voisins; il ne voit pas leur agitation. Il ne voit pas davantage les inspecteurs. Il ne voit que la jeune fille apeurée, qui s'appuie contre la vitre, et dont le visage a une expression inquiète.
- Viens! dit une voix au fond de lui même. Viens!
Et la jeune fille s'émeut.
Le petit Trask est fort.
Elle se détourne de la fenêtre et du peuplier, et vient vers le petit Trask, comme en rêve. Il la voit venir, tandis qu'il l'appelle: "Viens! Viens!", tout bas, en lui-même.
Maintenant son visage ne rougit plus. Elle est pâle, et son front est couvert de sueur. Il y a une place à l'extrémité du banc, à côté de lui, et elle s'y assied, puis elle se tourne vers lui; il voit les gouttes de sueur sur son front.
"Les baguettes" murmure-t-il dans un souffle, à côté même de la jeune fille. C'est à elle qu'il parle.
Les mots qu'il dit sont des paroles magiques, et ils ont réellement un effet magique. Elle cède à l'impulsion de ces mots.
Que devine-elle tout à coup? A quoi se raccroche-t-elle? Elle se relève d'un bond. Tous les regards se fixent sur elle avec surprise; ils vont comprendre qu'après tout elle n'est pas si incapable que cela!
Elle s'avance devant la rangée des bancs. Son pas est libre, dégagé. En un clin d'oeil, elle a repris la maîtrise de ses nerfs. La joie l'emplit; la peur de tout à l'heure a disparu. Ce qu'elle croyait perdu ne l'est pas. Voici les petits! La voici, elle, comme auparavant!
Commenter  J’apprécie          90
Mère surgissait tel un être merveilleux dès qu'on pensait à elle. D'abord, elle était tout ce qui existait, et ensuite presque tout, et de nouveau tout - et si on passait par ailleurs, on revenait quand même à elle. Elle était ce qu'on vivait sans jamais s'en souvenir.
Commenter  J’apprécie          80
SI JE DEVAIS FAIRE UN VOEU

Eteignez les lampes !
Taisez les lumières !
Si je devais faire un vœu, ce serait la chaleur
De l’âtre un soir à la noirceur de charbon !

Et si je devais faire un vœu, ce serait
Que les flammes du bois de pin
Attirent ici de nombreuses personnes, parmi lesquelles
Serait peut-être celle que j’aimerais le plus –

Et si je devais faire un vœu,
Là, près du feu de l’âtre, ce serait
Qu’une petite main apeurée
Et cherchant dans l’ombre
Trouve la mienne – puis ne bouge plus –
Commenter  J’apprécie          80
Et si le serpent me voit ?
Le serpent voit et n'en finit pas de voir.
Une forêt d'angéliques recouvrait entièrement le versant. Bien que la vallon baignât en ce moment à moitié dans l'ombre, les plantes prospéraient dans le soleil du soir et la terre humide. Et si on n'était qu'au tout début de l'été, les angéliques adoptaient déjà des formes raffinées, d'une grâce austère dans leur déluge de vie. Elles appartenaient à Hallstein, toutes sans exception : nul autre que lui, après avoir secoué les tiges, avait éparpillé les graines et piétiné le sol pour qu'elles y pénètrent. C'était il y a deux ans. Celles de l'année dernière ne formaient pour l'instant que de grandes feuilles ramifiées.
Lové à leur pied, le serpent avait assisté à leur croissance : il les avait vues éclore puis faner. Moi aussi il m'a vu, un nombre incalculable de fois, au bout du compte. Qu'est-ce que je sais de lui ?
Commenter  J’apprécie          80
Tarjei Vesaas
A qui parlons-nous lorsque nous nous taisons ?
Commenter  J’apprécie          80
– Le soir tombe, annonça Mari Li.
Karl Li répondit sans relever la tête :
– Je vois.
Ils étaient assis comme auparavant. Dans la même chambre.
Nous serons assis dans cette chambre jusqu'à la fin de nos jours. Nous serons toujours dans sa chambre où que nous nous trouvions. [...]
Au dehors la lumière déclinait. Ce jour de malheur touchait à sa fin. Mais on n'échappait pas à la nuit.

[Tarjei VESAAS, "le Germe", Gyldendal Norsk Forlag (Oslo), 1940 -- traduit du néo-norvégien par Jean-François Battail, Flammarion 1992 – édition Le livre de poche, collection "biblio", chapitre 7, page 129]
Commenter  J’apprécie          80
« Des choses inouïes se produisaient avant qu’on les ait pensées. » (p. 223)
Commenter  J’apprécie          70
La peur peut ressembler à un craquement dans une mare gelée.
Commenter  J’apprécie          70
Comme si elle venait du tréfond de la neige, une promesse de Siss à Unn :
Je te promets de ne penser qu'à toi.
Je penserai à tout ce que je sais de toi. Quand tu étais à la maison, à l'école, et sur le chemin de l'école. Toute la journée je penserai à toi, et aussi pendant la nuit, si je me réveille.
Commenter  J’apprécie          70
« À QUI PARLONS-NOUS LORSQUE NOUS NOUS TAISONS ? » par Régis BOYER.

S'il faut en croire sa femme, Halldis Moren, Vesaas, sur la fin de ses jours, était « abasourdi » de voir tout ce que la critique ultra-moderne était capable de tirer de ses livres. D'autant qu'en règle générale, il s'est superbement, ou ingénument, tenu à l'écart de tous les -ismes de son temps (Bente Christensen note ainsi qu'il n'a découvert Kafka qu'après avoir écrit Le Signal). Mais en vérité, faut-il s'en étonner ? N'est-ce point là la marque des très grandes œuvres ? Si elles ne donnent pas le départ à de nouvelles incidences, leur caractère propre est justement de se situer ailleurs et de dire autrement. D'être au-dessus, au-delà, inépuisablement. En fait, c'est le meilleur critère du classicisme : les vogues du moment y trouveront toujours pâture, mais lorsque tout aura été dit demeurera ce fjell massif avec ses abrupts laconiques de glacier en suspens, ses failles vertigineuses et obscures de fond de fjord et cette lumière enivrante de féerie d'aurore boréale. Ce n'est pas tellement le non-dit qui nous attire dans les œuvres de Vesaas, car […] finalement, rien n'est laissé pour compte et il est toujours possible de proposer, pour chaque roman, nouvelle ou poème, une explication bien réaliste. À la rigueur, va pour l'allégorique, le métaphorique, le symbolique. Et après ? On n'a jamais fini de lire Les Oiseaux ou le Palais de glace. Quand les critiques, les bons esprits, les fins universitaires ont expliqué, situé, structuré, leur conscience professionnelle, j'imagine, s'alarme devant ce qu'il reste à dire.

Et c'est sur cette orbite précise que gravite Tarjei Vesaas. Sur ce-qu'il - resterait- à-dire explicitement. Qui est dit, bien sûr, ou suggéré, esquissé, voire clairement énoncé parfois. Mais de manière qui, en dépit de tout, nous paraît tellement insuffisante. Mettons cela, si nous voulons, sur le compte de l'introversion (la fameuse "timidité") si caractéristique de ces âmes du Nord : celle de Vesaas était légendaire. Et puis ? Knut Hamsun n'avait rien d'un timide, c'est le moins que l'on puisse dire. Il n'a pas davantage livré son secret. Et Vesaas nous a même tendu des clefs, dans La barque, le soir, qui reste sa dernière œuvre en prose. Je crains que l'on ne soit pas plus éclairé après l'avoir lue. En somme, il appartient à une famille d'esprits bien connue : plus ils s'expliquent, moins on les suit…

Je crois que c'est une question de longueur d'ondes. Il y a ceux qui savent parler aux oiseaux, qui s'insinuent sans effort, à soixante ans, dans le psychisme de gamines de douze ans, qui "voient" le réel avec les yeux d'un simple d'esprit, ceux dont le regard incendie ou transfigure tout ce qu'il touche, pour qui, en fin de compte, la "réalité" n'est qu'un prétexte (un pré-texte, pour sacrifier à Lacan) — et puis il y a nous qui pouvons bien, d'aventure, faire de semblables expériences mais à qui la grâce a été refusée de les commuer en littérature. Tarjei Vesaas, c'est une façon de vivre et de voir la vie, bien sûr, mais c'est surtout une manière de rendre compte, par écrit, de cette expérience ou, plus précisément encore, d'être parvenu à trouver le langage qui réduirait au maximum la distance entre fait de vivre et fait d'écrire. Il était né pour écrire, dit encore Halldis Moren. Oh certes ! Mais, de grâce, que les "psy" n'aillent pas incontinent conclure qu'il ne s'est réalisé que dans son œuvre, que l'écriture était sa justification d'être, etc… Nous avons tous assez pâli, dans le secondaire, sur l'inévitable dissertation opposant image et roman, il suffit. Ici, en fait, il reste autant à dire dans le texte même que, vraisemblablement, dans toute conversation, celles qui émaillent ses livres comme, je présume, celles qu'il pouvait tenir lui-même. On notera, en le lisant, mille traits bien typés : fréquence des suspensions, des inachevés, tendance constante à l'ellipse, monologues, dialogues ou narrations qui "sautent" les articulations logiques, bonds impromptus dans le flux temporel, toute une technique d'éclairages, de flous, de fondus qui relèverait volontiers d'un certain art cinématographique. A vrai dire, plus d'un livre donne souvent l'impression de n'être qu'une consignation de notes prises en marge d'un travail autrement plus ample.

Et justement en un sens plus banal, tant de ses personnages sont des marginaux, socialement, bien entendu, et aussi psychologiquement, existentiellement. Mais surtout, ils sont aux écoutes du grand secret, ils posent obstinément la question que leur créateur se décide à formuler dans un poème, «Vivre notre rêve» :

A qui parlons-nous
lorsque nous nous taisons ?
Autrement dit : on s'est étonné qu'il ait mis tant de temps — quarante-neuf ans — avant de se décider à publier des poèmes (il s'agit de Kjeldane, Les Sources, 1946). Mais a-t-il jamais rien fait d'autre, sous quelque forme que ce soit ? Est-il rien de plus obsédant, de plus contraignant que d'avoir l'intime certitude de voir le monde, la vie, les hommes autrement que le commun des mortels ? […] Seulement, comment parvenir à dire l'ineffable, à faire écouter ce qui ne s'entend pas, à prouver que l'essentiel est invisible aux yeux ?

C'est, il me semble, ce à quoi Vesaas aura passé sa vie, qui explique aussi son extrême fécondité : une quarantaine de livres, dans tous les genres, essai excepté. Laissons ici de côté ce que l'étude universitaire bien conduite tire de l'analyse des romans ou des poèmes en fonction de leur temps, du milieu, des grands courants littéraires dominants : Jean-François Battail, Georges Ueberschlag, Bente Christensen, Steinar Gimnes apportent sur ces points toutes les précisions nécessaires, et il serait injuste aussi de faire de Vesaas le ne sais quel monolithe indépendant de toute influence. Il n'empêche que, cinquante ans durant, Mattis Vesaas aura passionnément cherché à décrypter les hiéroglyphes que, de leurs pattes menues, les oiseaux laissent dans la boue des fossés.

C'est un peu comme dans l'étrange (pour nous !) scène du Palais de glace où Siss et Unn, dans la farouche exaltation de leurs cœurs de douze ans qui viennent de s'ouvrir d'un coup à la révélation de leur mutuel amour d'enfants, se donnent rendez-vous pour la première fois, chez Unn, et, dans une sorte de réflexe, décident d'abord de se dévêtir pour se contempler l'une l'autre, un instant, dans leur nudité. Encore une fois, trêve de psychanalyse ! Ce type d'écriture particulièrement achevé qu'est l'écriture poétique part du réel pour l'organiser, le sublimiser. Il sait qu'il y a bien plus de choses au ciel et sur la terre que dans toute philosophie. Que notre noblesse et notre grandeur tiennent à peu près exclusivement à notre pouvoir de transfiguration. Qu'il y faut un support réel — que pouvons-nous faire davantage ? Mais que le grand jeu, la vraie vie sont au-delà, en marge, plus outre.

Et ce n'est sûrement pas en formulations cartésiennes que l'on parviendra à y accéder. J'étais dans le Palais de glace : l'extraordinaire scène de la mort d'Unn, au cœur du « palais de glace » précisément, c'est-à-dire de la cascade pétrifiée par le gel en une ineffable féerie de silences et de blancheurs, peut-être le morceau le plus parfait qu'ait jamais conçu Vesaas, se situe précisément à ce subtil point d'articulation où les extrêmes inverses ne s'opposent plus, où la résolution s'obtient d'elle-même. Au vrai, il y a bien longtemps que les Scandinaves, selon leurs antiques croyances mythologiques, ne distinguent pas entre vie et mort, récusent l'absurde frontière. Unn ne "meurt" pas, toute la suite du livre le montre. Elle a changé d'état, elle est entrée, consentante, dans une gloire de beauté totale qui ne nie pas le réel, pas plus qu'elle ne l'incorpore. Elle a changé d'état : cela se peut-il dire autrement que par approches frêles, suggestions retenues, tout cet immense domaine de la poésie où il reste à susciter, à ressusciter en autrui une émotion bouleversante qui a mené celui qu'elle visita aux extrêmes limites de la joie de la création. […]

[Texte paru dans la revue "Plein Chant" : "Tarjei Vesaas", Cahier dirigé par Régis Boyer, n°25-26, juillet-août 1985, pages 5 à 9]
Commenter  J’apprécie          60
Au creux de l'obscurité de l'hiver, le vent humide rend les gens lumineux.
Commenter  J’apprécie          60
Je vais finir par me tuer à force de penser, répondit-il, et c’était la vérité.
Commenter  J’apprécie          62
Avant qu’elles ne disparaissent
il est encore temps de songer à
ce qu’elles ont signifié pour soi,
à ce qu’elles continuent d’être.
On se dit que dans un sens
on a toujours vu sa vie au travers
de branches souples, nues,
et de branches grossières à l’écorce épaisse.
Enchevêtrement d’air et de vie
et de tout ce qui afflue.
Commenter  J’apprécie          60
« Il fallait s'expliquer avec soi-même, sans aide aucune. » (p. 195)
Commenter  J’apprécie          60



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Tarjei Vesaas (763)Voir plus

Quiz Voir plus

🐱 Citation, expression ou proverbe sur le chat 😺

Une ... de chat ?

Journée
Vie

14 questions
258 lecteurs ont répondu
Thèmes : chats , proverbes , expressionsCréer un quiz sur cet auteur

{* *}