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Jean-François Battail (Traducteur)
EAN : 9782080648853
208 pages
Flammarion (05/03/1992)
3.81/5   27 notes
Résumé :
Une île verdoyante où règne la plus profonde paix... Dans la ferme des Li, deux truies allaitent une douzaine de porcelets. Un étranger, affamé de quiétude, débarque dans l'île. Et c'est le chaos. L'une des truies dévore ses petits. Le voyageur assassine une jeune fille, avant d'être pourchassé par la meute des habitants de l'île... et d'être à son tour assassiné.
"Le Germe" se déroule en un seul jour, dans un seul lieu. C'est une tragédie qui n'est rien de m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Il est une île dans les eaux norvégiennes, un morceau de terre isolée où l'été inonde la nature de sa générosité. La journée est belle, entre deux périodes de moisson. Tout le monde vit un peu plus lentement, se repose et profite de la beauté de l'île. Il suffit qu'un bateau débarque un passager pour que l'image s'étoile et se fissure. « Un étranger arrivait ici, Andreas Vest, dans sa quête éperdue d'un coin de terre qui puisse le guérir. » (p. 16) Mais qu'importe son nom et qu'importe les traumatismes qui le tourmentent : il va porter atteinte à la sérénité édénique qui baignait l'île.

« Ils sont à mes trousses. Ils me mettront en pièces, dit le fou. Me mettront en pièces. Je ne veux pas. Je ne veux pas. » (p. 100) Évidemment, toute l'île part aux trousses du criminel et venge l'innocence assassinée. Au terme de la chasse à l'homme et de la curée, il reste la mort et la culpabilité. Car pour un crime, tout le monde s'est rendu coupable, tout le monde a vu éclore en lui le germe du mal. Où trouver refuge devant l'énormité de la vengeance ? « Quand les choses tournent vraiment mal, il faut rentrer chez soi. Les murs du foyer sont là pour vous protéger. / Non ! Dans ces cas-là, il faut s'enfuir. C'est ce que les gens font. / [...] Je te le répète, ce sont les murs du foyer qui protègent, qui encerclent. Faute, chagrin, honte, que sais-je ? – le foyer se referme sur tout ça et l'assume. Il ne sombre pas pour autant. » (p. 120 et 121)

À bien y regarder, l'horreur a mis le pied sur l'île quand une truie a mangé sa portée nouvellement née. Et dans le huis clos édénique de l'île, il est impossible d'échapper aux tourments de la culpabilité. « Il fallait s'expliquer avec soi-même, sans aide aucune. » (p. 195) le verger, la porcherie et l'île sont autant de décors monumentaux dans lesquels se déroule la tragédie de ce triste théâtre humain. Sous la plume de Tarjei Vesaas, l'Eden connait l'Apocalypse et la grange, rouge et immense, est le tribunal des âmes. En une journée, au terme d'un lent paroxysme, le paradis est massacré et le retour au calme n'effacera pas les sillons laissés dans le sol par la folie des hommes.

Immense conteur, Tarjei Vesaas presse lentement un sinistre ressort et ne le relâche pas. le relâcher, ce serait une péripétie de plus. le contenir, c'est s'assurer de l'entière attention du lecteur qui, à bout de souffle, nerveusement épuisé, atteint la dernière page et reste incrédule devant le dernier mot. Avec une économie de mots qui me surprend et me ravit toujours, Tarjei Vesaas prouve une nouvelle fois sa magnifique puissance d'évocation.

Lisez – oh oui, lisez ! – ses autres romans déjà présentés ici : Palais de glace et Les oiseaux.
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Je me permets d'écrire ces quelques mots pour apporter des informations de contexte qui permettront aux lecteurs qui le souhaitent de découvrir ou redécouvrir cette oeuvre de Tarjei Vesaas.

kimen (Le germe) a été écrite en Nynorsk en 1940.

Le Nynorsk est la langue "des régions" construite de dialectes régionaux. Minoritaire, elle se juxtapose sans s'opposer au Bokmål, la langue "des livres", issue de l'influence culturelle dominante danoise.

Écrire en Nynorsk pour Vesaas, c'est s'inscrire dans deux grands mouvements issus du 19e siècle : le mouvement d'émancipation national norvégien qui a abouti à l'indépendance de la Norvège en 1905 & le mouvement romantique naturaliste (Kipling, Lagerlof, Kinck ...) très présent dans la littérature scandinave du début du 20e siècle. Cela se traduit notamment par une langue foisonnante, flamboyante, poétique et réaliste dans ses premiers ouvrages.

1940 est l'année d'invasion de la Norvège par l'Allemagne nazie. Elle met fin de manière abrupte à ces deux mouvements et porte avec elle un sentiment confus, diffus de menaces non dites qui s'installe bien plus profondément que les simples incertitudes liées à la guerre ou à l'occupation.

Ce sentiment perdurera au delà de la guerre dans l'oeuvre de Vesaas entrainant un changement de style particulièrement marqué dans kimen (le germe) et Huset i Mørkret (la maison dans les ténèbres), deux oeuvres écrites sous l'occupation.

Tarjei Vesaas écrira dans sa préface à kimen (le germe) que ce changement de style n'était pas prémédité. La guerre l'imposait trouvant l'anxiété générée notamment difficile à verbaliser. Ce texte marque l'entrée de Vesaas dans le symbolisme et le modernisme.

A titre personnel, je trouve fort, beau et particulièrement émouvant de reprendre le livre de job dans ce contexte-là avec cette langue-là.
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Dans le huis clos d'une ile, le crime d'un déséquilibré vient déstabiliser toutes les relations de la communauté...un chef d'oeuvre à mon avis, un peu comme des "Souris et des hommes"
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Vesaas est très à l'aise dans l'art de la tragédie...
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
– Le soir tombe, annonça Mari Li.
Karl Li répondit sans relever la tête :
– Je vois.
Ils étaient assis comme auparavant. Dans la même chambre.
Nous serons assis dans cette chambre jusqu'à la fin de nos jours. Nous serons toujours dans sa chambre où que nous nous trouvions. [...]
Au dehors la lumière déclinait. Ce jour de malheur touchait à sa fin. Mais on n'échappait pas à la nuit.

[Tarjei VESAAS, "le Germe", Gyldendal Norsk Forlag (Oslo), 1940 -- traduit du néo-norvégien par Jean-François Battail, Flammarion 1992 – édition Le livre de poche, collection "biblio", chapitre 7, page 129]
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Ça remue dans les profondeurs. Honteusement. De manière rampante.
L'immobilité oppressante après coup. Avec des voix qui s'éveillent dans la conscience.
Quelque chose dit : ressaisis-toi.
Qui es-tu ? croit-on entendre.
On est assis là les mains tremblantes, et on se ment à soi-même.
J'ignorais tout de ça. Ça n'était pas en moi auparavant.
Tu sais que ce n'est pas vrai, répond une voix. L'abîme est au fond de toi.

On regarde en soi-même, on découvre comme un paysage de landes sèches et de versant abrupts sur lesquels dansent des ombres mouvantes. Et on sait qu'il existe, dissimulés, de terribles gouffres. On les évite, on se garde d'aller dans cette direction. Tant de choses sont enfouies au fond des eaux. Il faut les laisser là. Que personne n'en sache rien.
Qu'elles demeurent au fond des océans.
Puis un avertissement s'élève :
Un jour viendra où tout ce qui...
Non, oh non ! répond-on précipitamment, pour couper court. Pour essayer de couper court. Mais rien à faire contre cette voix obstinée qui dit jusqu'au bout ce qu'elle a à dire :
Un jour viendra où l'océan que tu portes en toi charriera tout ce qui s'y cache en ce moment. Ton petit océan profond et maléfique. Il y a de la pourriture tout au fond. De la fange et des ténèbres. Prends garde.
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Ça remue dans les profondeurs. Honteusement. De manière rampante.
L'immobilité oppressante après coup. Avec des voix qui s'éveillent dans la conscience.
Quelque chose dit : ressaisis-toi.
Qui es-tu ? croit-on entendre.
On est assis là les mains tremblantes, et on se ment à soi-même.
J'ignorais tout de ça. Ca n'était pas en moi auparavant.
Tu sais que ce n'est pas vrai, répond une voix. L'abîme est au fond de toi.
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« Quand les choses tournent vraiment mal, il faut rentrer chez soi. Les murs du foyer sont là pour vous protéger. / Non ! Dans ces cas-là, il faut s'enfuir. C'est ce que les gens font. / [...] Je te le répète, ce sont les murs du foyer qui protègent, qui encerclent. Faute, chagrin, honte, que sais-je ? – le foyer se referme sur tout ça et l'assume. Il ne sombre pas pour autant. » (p. 120 et 121)
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Qu'est-ce que c'était ! Sitôt que la voix de Kari Nes eut cessé de retentir, une sorte de grand voile sombre s'abattit du ciel. Comme une immense fleur noire, déployée et fragile. Frappa la colline et disparut. C'était un cri. Tous ceux qui étaient à proximité regardèrent bouleversés autour d'eux et prêtèrent l'oreille. Se dressèrent, aux aguets. Pétrifiés, attendant d'autres signaux. Mais il n'y eut rien d'autre que ce grand cri.
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Videos de Tarjei Vesaas (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tarjei Vesaas
« […] Liv ved straumen parut à l'automne 1970 […] quelques mois après la mort de son auteur […].
« […] par-delà ce qui se dit, en résonance, jusque dans l'espace de ce qui ne se dit pas ou bien de ce qui n'est pas dit […] ; là, semble-t-it, se joue l'un des aspects les plus marquants de l'oeuvre de Tarjei Vesaas […]. » (Olivier Gallon)
« Romancier, nouvelliste et poète norvégien, Tarjei Vesaas (1897-1970), fils de paysan, hésite longtemps entre le métier de son père et l'écriture. Il écrit en néonorvégien (nynorsk) et atteint une notoriété nationale et européenne en 1934 avec le Grand Jeu. Il publie deux grands romans après la guerre : Les Oiseaux et le Palais de glace. » (Yvon le Men)
« […]
[…] Ma maison est un tumulte insensé, de miroirs et de portes, et c'est ainsi qu'elle restera. »
(Tarjei Vesaas, de la vie dans ma maison)
0:00 - 1er extrait 0:36 - du perron 1:11 - le voyage 1:49 - le chemin 2:11 - La graine semée à l'aveugle 2:34 - Par de sombres défilés 3:13 - Générique
Référence bibliographique : Tarjei Vesaas, Vie auprès du courant, Traduction de Céline Romand-Monnier, Éditions La Barque, 2016
Image d'illustration : https://snl.no/Tarjei_Vesaas
Bande sonore originale : REW - Swimming With Kawatora Swimming With Kawatora by REW is licensed under an Attribution-Noncommercial-Share Alike 3.0 United States License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/REW_1123/Swimming_with_Kawatora/Swimming_With_Kawatora_1254
#TarjeiVesaas #VieAuprèsDuCourant #PoésieNorvégienne
+ Lire la suite
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