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Citations de Tatiana Tibuleac (44)


Tatiana Tibuleac
Anniversaire sur un fil

Pour fêter notre jour,
nous avons partagé la maison comme un gâteau.
Ici nous travaillerons,
ici nous mangerons,
ici nous dormirons,
ici nous resterons seuls,
à tour de rôle,
pour nous rappeler les années
où nous partagions le même lit.

Les enfants n’en meurent pas
je dis à ma mère pour la rassurer.
Tu dois faire attention, je lui dis,
tu es âgée,
tu habites loin.
Ma mère mange des pommes,
elle a une robe neuve,
sa solitude est vieille.
Je ne sais pas de quoi meurent les enfants,
elle me répond. Les miens sont morts par erreur.
Nous vivons sur une marge d’erreur.

(traduction du roumain par Radu Bata)
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En trois heures, le linge que nous mettions dehors encore vaporeux devenait dur comme du verre. Ce sont les robes qui gelaient les premières. Celles de Tamara Pavlovna, longues et plissées, se transformaient en accordéon. Les miennes, courtes et en couleurs, se figeaient dans des positions ridicules, comme si quelqu’un avait dessiné des fils de fer sans tête. Les jupes devenaient des triangles, les chaussettes des serpents, les culottes des mouettes. Plusieurs hivers de suite, j’ai porté un sarafane rouge, en laine de mouton. Il était difficile à essorer, et je le portais dehors encore dégoulinant. Le gel le faisait vite se contracter, et le sarafane transpirait alors de milliers de gouttelettes qui étincelaient comme des diamants. Je les détachais avec mes ongles et les déposais dans le creux de ma main. Mon premier trésor.
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Que je regarde autour de moi, et que je voie de la beauté, moi aussi ! Cette lumière tamisée. Ce ciel aux étoiles en fuite. Des immeubles, des immeubles, des immeubles. Aucun n’a plus de quatre étages. Aucun ne dépasse quatre fenêtres en largeur. Sa poche a de la fourrure, mes ongles deviennent feu. Par les fenêtres, on distingue des gens de petite taille qui vivent bien. Des milliers de carrés avec une flamme au milieu. Les uns à côté des autres, les uns au-dessus des autres. Ceux d’en bas tiennent les autres par les épaules. Ceux d’en bas sont costauds.
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J’ai collé mon visage sur sa poitrine, et, entre le deuxième et le troisième bouton, là où sa veste s’était légèrement ouverte, un parfum blanc, jeune, tel une nuée de sucre, a jailli. L’odeur des fêtes, ai-je pensé.
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Je nais la nuit, j’ai sept ans. Elle me prendrait bien dans les bras, me dit-elle, mais elle a les mains occupées. Une lampe bleue, attachée à un arbre avec un câble, éclaire de haut. Elle se balance. Je tourne la tête en arrière et je la vois mieux : elle est ronde, comme un pain entier. Nous passons les portes de la ville comme on entrerait dans un ventre de pierre.
(Incipit)
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Maman ne s’est pas dérobée. Elle m’a expliqué calmement que le cancer ne laissait aucune espèce de trace à l’extérieur. Tout se passait à l’intérieur, la laideur et le désespoir et la peur. Et au moment de mourir, les malades de cancer sont la plupart du temps plus beaux qu’ils ne l’ont jamais été. Comme elle.
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De mon temps, les crayons étaient tendres et les enfants, au contraire, avaient des os durs et encaissaient beaucoup.
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Il vaut mieux vivre,Lastotchka, avec la souffrance qu'avec la honte. ...la honte, Lastotchka, est une affaire grossière. La honte ne te retire rien,elle t'en ajoute. Elle pénètre en toi comme une écharde et te remplit de pus. Tu l'acceptes une seconde,et elle ne te lâchera plus pour des siècles...
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Il ressemblait à un tronc d'arbre, sans bras gauche, sans jambe droite, mais plus entier que beaucoup d'entiers. Les enfants l'entouraient de leurs bras comme un ours, et lui les aimait comme du miel.
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J’ai déconnecté complètement la partie relative à ses amours et je n’ai refait surface que lorsque son récit en est arrivé à la période du sous-sol dans lequel nous vivions tous ensemble quand je suis né et qui, même si nous n’avions pas eu l’eau chaude pendant deux ans, avait été la plus heureuse.
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Tatiana Tibuleac
Tout ce qui reste

Encore un peu et je finirai cette carte
des villes où je ne suis pas allée,
des rues où je n’ai pas tenu ta main
par peur de chiens
ou d’autres choses
(mêmes mains, même peur, qu’est-ce que ça change, tu aurais dit)
et nous serions allés plus loin,
toujours plus loin.

Cette carte petite, inutile,
(comme tout ce que j’ai jamais fait, tu aurais dit)
un poumon criblé,
un champ de coquelicots métalliques.
Une aiguille rouge pour chaque jour raté,
Une frontière noire pour chaque non-vérité.
Toutes ces années où je ne t’ai pas vu,
je t’ai montré le monde.

(traduction du roumain par Radu Bata)
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Ses yeux se sont amincis, sa bouche a rapetissé et, ainsi, toute resserrée sur elle même, elle ressemblait à une pièce où on a éteint la lumière.
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Tatiana Tibuleac
Une journée ordinaire

(J’ai appris comment on peut se construire une identité
non seulement de ce que tu as
amis surtout de ce qu’on t’a volé)

Les enfants dessinent des familles unies
qui fêtent Noël au mois de mars.
Une playlist avec des contes de fées,
un karaoké avec des cantiques,
les pixels aveuglants du Christ
par-dessus la dinde de Jamie
et nos orgueils sous sédatifs.
Nous suivons le troupeau, chacun comme il peut,
moi – le foie grossi, toi – le cœur aminci,
nous bêlons heureux, les sabots brillants.
Nous ne sommes pas tombés cette fois non plus.
Tendresse à prix réduit pour le Black Friday,
de l’humus,
des plans
et des bougies (au cas où).
À la fenêtre noire de l’écran,
grand-mère attend ses neveux comme à une porte.
Nous ne craignons plus les dépenses.
Pendant les fêtes, les morts s’enterrent tout seuls.

(traduction du roumain par Radu Bata)
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Je cherchais à comprendre pourquoi tous ces événements s’étaient déroulés comme ils s’étaient déroulés. Je me suis demandé si cet été passé avec maman faisait partie d’un plan plus vaste et, si oui, lequel. J’avais du mal à croire que ce fût un plan de Dieu – c’est-à-dire du Dieu polonais, je n’en connaissais pas d’autre –, le même qui avait perdu Mika comme on perd une paire de gants, qui avait rendu grand-mère aveugle et qui avait affecté à maman un cancer enragé. Mais, d’un autre côté, je crois que cela a été notre été.
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Elle m’a demandé si je voulais du pop-corn ; j’en voulais. Et de la bière ? Et de la bière. C’était notre petit déjeuner préféré – certes malsain, mais qui se souciait de santé dans notre cas ? Un corps rongé par le cancer et un cerveau malade. Cet été-là, nous nous sommes autodétruits plus que toutes les autres années mais nous n’avons jamais été aussi pleins de vie.  Maman ressemblait à une plante d’intérieur qu’on avait sortie sur le balcon. Moi, à un criminel lobotomisé. En fin de compte, nous avions fini par être une famille.
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Je me suis rendu compte que je n’avais pas vu l’eau depuis quatre jours et que je portais toujours les mêmes vêtements, avec les reliefs de fourmis. Elle, en revanche, portait une autre robe, blanche, à ras du cou, qui la couvrait entièrement. La robe ne comportait ni motifs ni inscriptions ; ce qui ne laissait pas de m’étonner, car maman n’avait jamais porté que d’affreux corsages, immanquablement couverts d’inscriptions. Je la regardais aller et venir dans la cuisine, comme un métronome sorti de son axe. Elle était blanche et cylindrique, et j’imaginais sa robe se transformer en un tube coiffé d’un petit couvercle dans lequel je la tiendrais captive et dont je ne la libérerais que de loin en loin. Le matin ou le soir, ou à la fin de la semaine, ou pour Noël. Ou, ce qui serait le mieux, seulement à la fin, pour qu’elle meure.
Maman-tube de dentifrice.
Maman-œsophage.
Maman-ascaride.
Maman-câble.
Maman-craie.
Maman-os.
Maman-fil.
Maman-comète.
Maman-bougie.
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Je voulais être un livre. Être rare et chère, qu'y me tienne entre les mains et qu'on m'ouvre aux pages qu'on préfère.
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Tatiana Tibuleac
Il y a, dans le monde, des gens comme cela qui, s’ils ne racontaient rien, ne survivraient pas. Pour eux, pour ces gens, toujours beaux et souvent fous, la vie doit être une histoire à raconter. Parce qu’il n’y a que là, entre leurs flancs mous et enchantés, qu’ils font la paix avec le mal et la souffrance, avec les maladies et les trahisons, parce qu’ils savent. Ils savent qu’une histoire ne laisse jamais les choses irrésolues. Une histoire, même la plus courte, même la plus triste, prend toujours soin de rendre justice.

(Le jardin de verre, traduit du roumain par Philippe Loubière, éditions des Syrtes, 2020, page 31)
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Maman prit soin de ne laisser aucune trace de doute qui pût m’accuser en quelque façon. Tout devait indiquer clairement qu’il s’agissait d’une mort naturelle et exclure tout soupçon de suicide ou de complicité de crime.
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« Aleksy, commença maman, d’un ton coupable, les doigts serrés nerveusement autour de la cafetière, pardonne-moi ! » Ce matin-là, maman avait l’air d’une jeune araignée qui venait de prendre dans sa toile sa première victime. Elle était comme Mika vieillie. Comme grand-mère jeune. Je ne l’avais jamais vue ainsi, pour la simple raison qu’elle n’avait jamais été ainsi. Maman me regardait avec amour.
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