Ce court roman commence par une fin, celle d’une mère, une vieille femme très fatiguée auquel son fils rend visite : on le sent angoissé mais puisque sa mère lui parle et que l’infirmière lui sourit, « c’est bon signe ». Mais il n’a rien compris… comme toujours. Depuis son enfance,celui que tout le monde appelle l’onnuzel ( « un mot en bruxellois qui se traduit par abruti ou empoté ») ne comprend rien au monde qui l’entoure. Il faut dire qu’on ne lui a jamais beaucoup parlé, on n’a jamais vraiment stimulé son intelligence ni ses émotions : sa vie est faite de routine, de petits rituels plus ou moins sympathiques, une petite vie à l’étroit dans un logement social avec sa mère et sa soeur, bien plus futée que lui. Pas de père et on n’en parle jamais, car cela déclenche des tempêtes de chagrin effrayantes chez la mère, on ne sait pas pourquoi il est parti ni où, il est peut-être mort, qui sait ? En tout cas, dans la famille de la mère, on le considère comme un sale type et tous, elle la première, entretiennent envers lui une haine farouche. Cette absence, ces non-dits pèsent comme un couvercle sur cette famille, sur ce gamin qui grandit sans savoir se construire vraiment, avec une mère qui se soucie plus du qu’en dira-t-on et de ses fins de mois difficiles que de l’épanouissement de ses enfants. Et pourtant, si elle s’en allait elle aussi, le fils serait perdu, terrorisé.
Il y a peu d’espoir dans ce roman, qui évoque aussi en pointillés la Belgique des années soixante (le jeune roi Baudouin, l’indépendance du Congo, l’incendie de l’Innovation à Bruxelles), tout est assez sombre, étouffant, étouffé, comme cette mère, sauf peut-être à la fin où une velléité d’indépendance semble s’emparer de l’onnuzel. Une nouvelle sur le même thème, publiée en 2009, offre un contrepoint narratif au roman écrit à la troisième personne. Malgré sa noirceur et une petite frustration (qu’est devenu l’onnuzel une fois adulte ?), j’ai apprécié le regard sensible de Thierry Robberecht, son écriture sans fioritures qui ne dompte l’émotion que pour mieux la laisser vivre.
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