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Critiques de Thomas Giraud (60)
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La ballade silencieuse de Jackson C. Franck

31 mars 1954, Cheektowaga, près de Buffalo. Une explosion vient d'avoir lieu dans une école.

Jackson se retrouve à l'hôpital. Son visage est meurtri, sa peau est brûlée. Il va devoir réapprendre à vivre avec ses marques laissées par le feu.

Au cours de son séjour à l'hôpital, il s'ennuie. Son oncle a l'idée de lui offrir une vieille guitare. Au début, il n'ose pas y toucher, il est impressionné. Puis il l'apprivoise et commence à jouer quelques accords. Au fur et à mesure, il s'améliore.

Sa mère décide de l'emmener voir la maison d'Elvis. Ils traversent les États-Unis du Nord au Sud. Et là, se produit la rencontre improbable. Jackson passe quelques heures avec le King. Elvis lui donne quelques conseils pour jouer de la guitare. De ce jour, lui restera une photographie souvenir. Il recevra même une carte postale d'Elvis lui conseillant d'écrire des chansons d'amour.

Après ses 18 ans, il reçoit une somme considérable, en compensation, suite à ses blessures dues à l'explosion. Il veut s'acheter une voiture. Et puis, il décide de partir pour l'Angleterre, sans valise. C'est sur le trajet qu'il va composer neuf morceaux en trois jours.

Arrivé à Londres, pour commencer, il chante ses chansons sur une péniche. Puis, il réussira à enregistrer un disque.



Mais aura-t-il une carrière prometteuse ? Réussira-t-il à percer dans le milieu de la musique ? Ses tourments rejailliront-ils ?



Thomas Giraud signe là son deuxième roman. Il retrace dans une biographie romancée, le vie de Jackson C. Franck.

Je ne connaissais pas ce personnage...

Je ne connaissais pas cet auteur...

Et je suis conquise par ces découvertes.

J'ai réellement apprécié l'écriture de l'auteur, j'y ai trouvé un côté poétique. J'ai également apprécié le rythme qu'il impulse tout au long du roman, un peu comme si nous lisions une partition de musique, avec des passages lents et des passages plus rapides, plus intenses.

Bref, une excellente découverte que je vous conseille vivement.
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Le Bruit des tuiles

Victor Considerant parcourt les villes de France pour convaincre des hommes et des femmes de devenir colons associés et de participer à son projet de fonder au Texas, où les terrains sont peu chers, une nouvelle société librement organisée, dans laquelle chacun pourra vivre dans une harmonie heureuse. En 1855, tel Moise avec une trentaine de compagnons, il atteint la terre promise.



Pour moi qui aime l’Histoire, ce roman ne pouvait que m’intéresser. Le récit est en effet basé sur des faits historiques, et aussi incroyable que cela puisse paraître, Victor Considerant a bien réussi à convaincre des hommes dont le quotidien monotone manquait de joie, de le suivre dans un projet complètement utopiste et irraisonné : fonder une communauté avec l’espoir de vivre une autre vie.



Thomas Giraud fait référence aux thèses de Charles Fourier, philosophe français dont Considerant va s’inspirer dans sa folle aventure. Je ne connaissais pas cette organisation sociale basée sur des groupements de production et de consommation dans lesquels chacun pratique plusieurs métiers par alternance, ce qui lui permet de développer toutes ses facultés. Les revenus sont répartis entre le capital, le travail et le talent. Ses écrits ont, selon certains, inspiré Karl Marx et jeté les bases du socialisme.



J’ai bien aimé la construction du roman, Thomas Giraud nous entraîne dans cette dramatique épopée à travers le portrait de deux hommes que tout sépare : Victor prépare méticuleusement et scientifiquement l’implantation future. Il essaye de tout prévoir sur ses plans, maîtriser la terre, le climat, les vents, les plantes. Aveuglé par ses théories de société où chacun pourra vivre harmonieusement, il ne voudra pas comprendre ce qui se passe, persistant dans sa folie. Leroux est un agriculteur épuisé qui abandonne tout, attiré par le rêve d’une autre vie. Il va se rendre compte tout de suite de la pauvreté de la terre, il n’y a que des cailloux, de la poussière et des serpents. le terrain est beaucoup trop en pente pour construire des habitations, la rivière ressemble à un ruisseau.



L’écriture précise de l’auteur nous plonge au milieu de cette communauté et nous partageons leur vie, leurs espoirs et leurs déceptions. C’est donc un récit vivant qui m’a intéressé, d’une part par ce que j’ai appris sur un courant de pensée que je ne connaissais absolument pas, et d’autre part par le déroulé de l’histoire qui démontre comment un homme par un discours parfaitement choisi, faisant miroiter un paradis peut entraîner des gens en enfer dans une aventure des plus périlleuses.

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Le Bruit des tuiles

Réinventer la société est une constante de notre humanité. Depuis la diffusion des théories de Charles Fourier, les tentatives de fondation d'un phalanstère, entre aventure et utopie, se sont multipliées (p51). Certaines communautés ont perduré (ex : Twin Oaks - USA), donnant raison à tous ceux qui avaient des projets similaires. Avec « le bruit des tuiles », Thomas Giraud décrypte les mécanismes de construction et de destruction d'une société idéale, nous expliquant pourquoi des êtres, pas nécessairement infortunés, décident un beau jour de s'établir sur une terre inconnue. « Était-ce le manque de quelque chose qui les tenait prêts à tout quitter pour beaucoup de promesses ? » (p36). Nous affirmant que la foi est le moteur de toutes les folies : « (…) avoir cette forme de foi qui rend aveugle à tout ce qui n‘est pas l'espoir du paradis. » (p87). On ne peut s'empêcher, en lisant ce roman, de penser à la fresque magnifique de Paul Thomas Anderson « There will be blood » dans laquelle l'ambition et la conquête sont si bien décrites. Mais j'ai surtout vu dans ce livre une métaphore habile de la création et de l'échec d'une entreprise. Dans les deux cas, on parle d'une société, de sa croissance, de la gestion des hommes, de la responsabilité et du charisme (ou de l'incompétence) du fondateur. Jusqu'au nom du phalanstère : « Réunion ». Quant aux fameuses tuiles, elles sont une allusion non dissimulée aux ennuis qui s'accumulent. Tous les passages dédiés au partage des tâches sont un écho aux débats actuels sur la quête de sens et les nouvelles organisations du travail. Une lecture à double sens donc, plutôt plaisante, malgré quelques lourdeurs et de nombreuses répétitions des idées.

Bilan : 🌹🌹

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Le Bruit des tuiles

« Tout ce ciel, tout ce sable, cela a dû être simple d'avoir peur de vivre ici, d'avoir peur en vivant ici. » (p. 13) C'est l'histoire de Réunion, rêve d'une ville idéale qui a tourné au cauchemar sur les terres désertiques du Texas. Le projet est porté par Victor Considerant, polytechnicien et adepte de la doctrine de Charles Fourier. Pendant des semaines, l'homme harangue les foules pour convaincre du bien-fondé de son projet, « une réalisation grandiose dans le plus bel État du plus beau pays du monde » (p. 58). Finalement, une trentaine de colons français, belges et suisses se présentent au Havre. « Était-ce le manque de quelque chose qui les tenait prêts à tout quitter pour beaucoup de promesses ? » (p. 36) Après la longue traversée de l'Atlantique commence l'interminable périple à travers les jeunes États-Unis. Hélas, les terres que Considerant a achetées par correspondance ne valent rien. Stériles, brûlées par le soleil de l'été et le froid de l'hiver, elles ne produisent que pierres et poussière. Déconvenue, déception, désillusion, désespoir : voilà ce qui attend les colons. L'enthousiasme premier ne fait pas long feu et le beau projet s'effrite. Certains partent, d'autres meurent, et Réunion reste une illusion. « Au fond le langage lui fait défaut pour formuler le vide. Acculé à la honte, devant l'effondrement ou plutôt devant ce qui ne s'est jamais vraiment construit, il ne trouve rien d'autre que du vide à reformuler, de vieilles idées fades et collantes comme un vieux bonbon à ressasser. » (p. 196)



Avec cette chronique d'un échec annoncé, l'auteur brosse le portrait d'un maniaque du contrôle. « Il ne voulait pas vivre de l'improvisation, ne pas composer avec les aléas. » (p. 114) Victor Considerant est aussi complètement incapable de se remettre en question, car il estime que ses calculs sont bons, que l'erreur ne vient pas de là. Il ne comprend pas pourquoi ses plans ne tournent pas comme il l'imagine. « Ses dessins, il faudrait que, même si ça lui déplaît, il les ajuste pour tenir compte de la réalité. Pas l'inverse. » (p. 124) Sauf qu'en fait, le fouriériste n'a pas tout planifié : il reste une inconnue qu'il ne sait pas intégrer dans ses prévisions mathématiques. « Ce qui l'a le plus surpris, c'est que personne ne lui ait dit que le malheur devait se prévoir. » (p. 265)



Je ne connaissais pas l'épisode historico-géographique et socio-philosophique de Réunion. Il m'inspire autant d'admiration que de déception et de frustration. Le site a disparu, recouvert par Dallas qui n'était alors qu'un village, mais qui s'est prospèrement étendu sur des terres qui ont fait le malheur d'une poignée d'Européens. Preuve que le Far West est un monde plus cruel pour certains que pour d'autres. « Je ne veux pas recommencer à vivre là-bas comme j'ai vécu ici. Ailleurs sera mieux car ailleurs est toujours mieux. » (p. 78) La narration qui alterne sans cesse entre première et troisième personne rend le discours plus audible, plus direct, plus immédiat. C'est presque comme si on y était, les pieds dans la poussière et la tête brûlée par le soleil texan.
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Avec Bas Jan Ader

Connaissez-vous ou avez vous déjà entendu parler de Bas Jan Ader ? Moi je n'en avais jamais entendu parlé mais les personnalités un peu hors norme m'intéressent car j'aime découvrir ou du moins tenter de découvrir ce qui les anime, ce qui les pousse à se lancer des défis, parfois dangereux, et c'est le cas pour Bas Jan Ader.



Thomas Giraud, dont c'est le quatrième ouvrage, s'est posé les mêmes questions et explorer les pistes sur les motivations de ce performiste-photographe néerlandais né en 1942 et qui disparaîtra, en 1975 entre Cap Code et l'Irlande, à bord d'une petite embarcation, un Guppy l'Ocean Warve, nullement adapté pour ce genre de traversée. Ayant très peu d'éléments à sa disposition pour répondre à toutes les questions, il choisit de s'adresser à Bas lui-même en lui dressant ce qui lui semble être son portrait et ses hypothèses sur ses motivations. Se lancer des défis, mettre sa vie en danger et finalement la perdre à 33 ans, seul, dans l'immensité d'un océan, sachant dès le départ les risques encourus : performance, disparition volontaire ou suicide ?



Dans une démarche très intime, avec une économie de moyens Bastiaan (Bas) Jan Ader va se lancer dans des performances le plus souvent centrées sur la chute, filmées par Sue Anderson, sa compagne, des films en noir et blanc, des mini-scènes à la manière de Buster Keaton ou Charlie Chaplin, des séquences muettes où on le voit tomber, impassible, avec un vélo dans un canal ou chuter d'un toit, assis sur une chaise ou observer la manière dont retombent des vêtements lancés sur le fait d'une maison.



"Tomber, s'écrouler sans se rattraper. Disparaître de l'endroit où l'on est, de la surface que l'on occupe pour se retrouver plus bas, invisible presque, car mélangé avec le sol. (p100)"



Et pour ce faire, remonter à la naissance, à l'absence de ce père auréolé d'une gloire posthume, dont il porte le même prénom et qu'il a réduit à Bas, car peut-être un prénom trop lourd à porter, qui s'écroula lui aussi mais pendant la guerre sous les balles ennemies pour avoir aider les opprimés, mettre en parallèle la chute de celui-ci et tenter d'éprouver la sensation, de ressentir ce qu'elle imprime dans le corps, dans l'esprit, tenter de retrouver les sensations de ce que son père a dû ressentir au moment où ses jambes ont fléchi, recherche personnelle et intime pour le rejoindre dans l'ultime dernière pensée, sensation, pensée ? Les mots sont inutiles, seulement des images.



"Tu te montres, te démontres à toi-même et aux autres : la consistance et l'étendue de ta pensée dispersée, maladroite, émouvante, instable. (p126)"



Dans ce huis-clos entre l'auteur et son sujet, cette intimité toute en sensibilité et pudeur, Thomas Giraud développe ses arguments et tente d'analyser les pellicules en imaginant la personnalité de cet homme à la beauté fulgurante et fragile, qui n'hésite pas à se filmer pendant deux minutes en pleurs (j'ai approfondi mes connaissances sur internet) en montrant la fragilité sans pudeur d'un homme, de l'effet de la tristesse sur son visage.



J'ai beaucoup aimé l'ambiance de cet essai, la manière de restituer la démarche d'un artiste, d'en tracer les contours sans pour autant apporter des réponses, simplement des suppositions, l'écriture approchant le concept de l'artiste, sa sobriété, sa pudeur, lui posant parfois des questions ou lui fournissant également des explications puisque celui-ci n'a laissé aucun autre message que ces scénettes muettes qui pourraient sembler comiques pour qui ne connaît rien de son auteur-acteur.



"Certains ont dit que c'était un suicide déguisé, que tu n'avais plus soif de rien, qu'on ne traversait pas l'Atlantique avec si peu de moyens, avec ce bateau inapproprié sans en attendre quelque chose. Personne ne sait, personne ne peut savoir, personne ne pourra savoir. Il faut faire avec, ce peut-être qui, je crois, était le peut-être que tu acceptais aussi : les choses n'étaient probablement pas tout à fait claires pour toit entre le fait de vivre, de mourir ou même d'être entre les deux ou, par moment, au-delà. (p166)"



J'ai trouvé le ton particulièrement adapté à la personnalité de l'artiste, une intimité comme si Thomas Giraud voulait conserver la discrétion de l'homme, son mystère, sa fragilité mais en l'exposant afin de lui rendre hommage et sens. L'art de la chute sous ses différentes formes, aura été une recherche permanente de Bas Jan Ader cherchant les implications qu'elles peuvent avoir sous ses différentes formes : humaines, objets, esprits et à la lecture, ouvrant le lecteur et le spectateur sur la démarche de certains artistes, leurs quêtes et investigations qui peuvent nous paraître étranges, dérangeantes et pourtant révélatrices parfois d'une souffrance, d'une quête.



Une découverte à la fois d'un homme, Bas Jan Ader, mais également d'un auteur, Thomas Giraud dont j'ai beaucoup aimé la manière feutrée et intime de mettre en lumière un homme habité comme ses films de noir et blanc, de zones visibles et obscures, l'auteur se faisant un révélateur discret, au plus près avec le "je" et le "tu", mais en lui conservant toute sa part de mystère.



J'ai beaucoup aimé.
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La ballade silencieuse de Jackson C. Franck

La balade silencieuse de Jackson C. Frank est un livre que j'aurai aimé apprécié. J'aurai aimé apprécié ce livre parce qu'il évoque Jackson C. Frank, parce que c'est le premier livre en langue française à l’évoquer et parce qu'il y a au final peu de livres (quelle que soit la langue) qui l’évoque. Pour autant, ma ballade en compagnie de Thomas Giraud s'est rapidement arrêtée.



Lui qui a côtoyé Paul Simon, lui dont les fans se transmettent les standards de folk loin des sirènes du marketing et des tambours de la hype, lui qui voulait rivaliser avec Bob Dylan (au moins, Jackson C. Frank était dans l’originalité) pourrait être résumé par la formule « Sa vie, son oeuvre » ou mieux « Sa vie, son unique œuvre ».



Comme d’autres artistes, Jackson C. Frank est en effet l'auteur, compositeur et interprète d'un unique et fabuleux album (de folk en l’occurence). Pour le reste sa vie est un océan de tristesse. À l'âge de 11 ans, Jackson C. Frank est hospitalisé suite à un incendie dans sa classe de musique qui fera une quinzaine de morts et le laissera invalide et traumatisé à vie. Lors de sa convalescence, son professeur de musique lui apporte une guitare acoustique pour s'occuper. À 22 ans, Jackson C. Frank publie son unique album éponyme avec des titres comme « Blues run the game » :



« Catch a boat to England, baby

Maybe to Spain

Wherever I have gone

Wherever I've been and gone

Wherever I have gone

The blues are all the same



Send out for whisky, baby

Send out for gin

Me and room service, honey

Me and room service, babe

Me and room service

Well, we're living a life of sin



When I'm not drinking, baby

You are on my mind

When I'm not sleeping, honey

When I ain't sleeping, mama

When I'm not sleeping

You know you'll find me crying



Try another city, baby

Another town

Wherever I have gone

Wherever I've been and gone

Wherever I have gone

The blues come following down « 



ou « My name is carnival » :



« I've seen your face in every place that I'll be goin'

I read your words like black hungry birds read every sowin’

Rise and fall, spin and call, and my name is Carnival



Sad music in the night sings a scream of light out of chorus

And voices you might hear appear and disappear in the forest

Short and tall throw the ball, and my name is Carnival



Strings of yellow tears drip from black-wired fears in the meadow

And their white halos spin with an anger that is thin and turns to sorrow

King of all, hear me call, hear my name: Carnival



Here there is no law but the arcade's penny claw, hanging empty

The painted laughing smile and the turning of the style do not envy

And the small can steal the ball, to touch the face of Carnival



The fat woman frowns at screaming frightened clowns that move enchanted

And the shadow lie and waits outside your iron gates with one wish granted

Colors fall, throw the ball, play the game of Carnival



Without a thought of size, you come to hypnotize the danger

The world that comes apart has no single heart when life is stranger

Wheel and call, clawed dreams all, in the name of Carnival

Wheel and call, clawed dreams all, in my name of Carnival »



Jackson C. Frank n'arrivera jamais à publier un deuxième album et le reste de sa vie sera faite d’errance, d’échecs, de déconvenues - entre autres péripéties, il sera victime collatérale d’un tir de pistolet dans un asile dans lequel il perdra un oeil, son fils mourra prématurément d’une fibrose kystique, …



Un fan, Jim Abbott, le découvrira dans les années 1960 alors que Jackson C. Frank vit une vie de vagabond, lui trouvera un logement, lui obtiendra des droits d’auteur pour son album et l’aidera pour le reste de sa vie - elle s’arrêtera définitivement avec l’arrêt de son coeur en 1999.



Dans La balade silencieuse de Jackson C. Frank, Thomas Giraud retrace quelques éléments de la vie de l'artiste - ce n’est pas une biographie - dans une écriture qui a tendance à se regarder ou s’écouter et assez loin de la poésie des textes de Jackson C. Frank. Au surplus, Thomas Giraud a trop tendance à faire de l’incendie initial (et, dans une moindre mesure, la maladie mentale de Jackson C. Frank) dont Jackson C. Frank a été victime la cause principale de son incapacité à ne pas être l’homme d’une seule œuvre.



Pour le même prix et le même temps de lecture, celle du livre - davantage biographique que le livre de Thomas Giraud - de Jim Abbott, Jackson C. Frank: The Clear, Hard Light of Genius, est nettement plus intéressante et plus près de la vie de Jackson C. Frank ; le mieux reste évidemment et largement d’acquérir le superbe album de Jackson C. Frank et d'en écouter la poésie.
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Élisée : Avant les ruisseaux et les montagnes

C'est par des chemins de traverse, ces sentiers buissonniers que devait apprécier Elisée, que Thomas Giraud évoque l'enfance d'Elisée Reclus et les cailloux de rencontre qui ont jalonné ses choix. L'imposante et tortueuse figure du père, Jacques, pasteur calviniste aux discours profus, pour qui l'existence est toute concentrée dans l'impérieuse nécessité de prier, se place en point d'opposition et de contraste avec ce fils qui "déplace les pierres" alors que Zéline, la mère aux méthodes pédagogiques novatrices, chuchote les mots qui déjà rendent compte d'un monde autre.

A la suite d'Elisée - ou plutôt en sa compagnie et stimulée par le regard que lui offrent les mots de Thomas Giraud - j'ai marché de Neuwied à Sainte-Foy-la-Grande, les yeux grands ouverts sur ce que voyait le marcheur du XIXème siècle, sur ce qui a façonné sa pensée, nature, ruisseaux, villes, enfants au travail, ouvriers en grève, ruisseaux, pierres, mouvements-ruisseaux et pierres.

Thomas Giraud se place loin de la biographie romancée ou documentaire et nous offre un roman fascinant, presque hypnotique, qui nous invite à mettre nos pas dans ceux de cet homme en devenir, cet homme qui nous devient familier tout en restant in-connu. Plus qu'un fil de vie ce sont les linéaments d'une pensée que dessine subtilement ce roman atypique, à l'écriture qui passe de la mouvance fluide du ruisseau au chaos rocailleux de la montagne.
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Le Bruit des tuiles

La préméditation de l'utopie, la place du hasard, de l'autre, dans nos projets et tous nos ajustements à une réalité contondante. Dans une langue ciselée, comme coupante dans son rythme et ses lancinantes obsessions, Thomas Giraud retrace le destin de Réunion, un phalanstère crée près de Dallas autour de 1855. Le style si envoûtant du Bruit des tuiles donne un visage à la déraison nécessaire de l'utopie et invente un lieu plein de vide, de vie dans ses contradictions.
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Le Bruit des tuiles

Victor Considérant est un ingénieur, personnage réel de fort caractère qui en 1855 décide de réunir des hommes venant de France et de Suisse pour les embarquer du Havre jusqu'en Amérique où ils batiront une ville communautaire du nom de Réunion dans l'état du Texas. Les maîtres mots de cette utopie sont le plaisir, l'entraide, le travail revisité et n'étant plus vécu comme une contrainte.



Le lecteur sait dès le début que ce projet est voué à l'échec et pourtant il ne peut s'empêcher, à mon image, d'espérer que finalement tout se déroule comme prévu. Il n'en est malheureusement rien et l'intrigue se déroule donc jusqu'à l'échec final.

L'écriture est magnifique, les chapitres défilent avec toujours cette beauté des mots collant à l'atmosphère des lieux, des personnages hauts en couleurs à l'image de Considérant ou encore de l'agriculteur Leroux.



Une belle découverte d'un roman, d'une écriture mais aussi d'une maison d'éditions que je ne connaissais pas !
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Élisée : Avant les ruisseaux et les montagnes







« On connaît plus précisément la terre sur laquelle on a dormi, ses odeurs, son grain. Ces endroits de sieste lui donnent une connaissance détaillée, en fin de compte, de milliers de lieux-dits, d’arbres égarés, de rus entre deux champs ».



Thomas Giraud a choisi, dans ce premier livre, de se pencher sur le géographe Elisée Reclus, et plus particulièrement sur ses années de jeunesse. De la personne d’Elisée Reclus, il retiendra : qu’il dû s’arracher à l’emprise de son père qui avait décidé pour lui d’un destin de pasteur, qu’il portait un grand amour à sa mère, la douce Zeline, institutrice, qu’il eut de nombreux frères et sœurs. Son frère aîné, Elie, fut une figure tutélaire qui lui ouvrit la voie vers la libération. Elisée aimait marcher et refusait de manger de la viande. Il eut ce grand projet, qui demeura inachevé, de faire une représentation du monde à une échelle qui soit presque celle de la réalité. Ce qui montre qu’il est impossible de coller de trop près à la vérité, ou plutôt que la vérité ne se trouve pas dans un décalque du monde, sans part de création, ou d’imagination.



Suivant ce que son personnage lui enseigne, Thomas Giraud n’a pas fait œuvre biographique. Seules quelques indications de temps et de lieu sont données au lecteur, l’écrivain préférant opter pour un point de vue intimiste, une tentative de cerner le personnage par quelques détails signifiants et une compréhension « de l’intérieur ». Il adopte ainsi la démarche de l’apprenti géographe : une prédilection pour le détail, une absence de hiérarchie, une pensée ouverte. De petits faits font l’homme plus que la grande histoire, de petites pensées également, que Thomas Giraud nous fait partager sous l’appellation de « bout de pensée » qui ponctuent le récit. Elisée Reclus fut un être libre, un être d’étonnement. On le suit dans son long voyage à pied, de Sainte Foy à Neuwied, en Allemagne, dans ses années d’apprentissage, puis dans ses pérégrinations à sa sortie de l’école, alors qu’il a définitivement rejeté la profession de pasteur et qu’il quitte le collège avec pour tout bagage des carottes, des oignons et des pommes de terre. Marcher, écrire, on le pressent à la lecture du livre, seront les deux occupations essentielles de sa vie.



« Bout de pensée : demain je pars. Respirer, respirer, respirer, enfin »



Thomas Giraud scrute son personnage par le prisme de l’imaginaire et de la sensibilité, avec un instinct sûr, pour le faire exister par l’écriture. Il a su dégager ce qui fondait la conscience et la liberté de l’homme en devenir, le sens d’une vie. Premier livre d’une grande maturité, porté par une langue dense et parfois proche de la prose poétique.



Le lecteur pourra prendre connaissance, avec intérêt et plaisir, de quelques traces du travail de Thomas Giraud sur le site Remue.net qui a accueilli des pages du journal d’écriture d’Elisée.





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Avec Bas Jan Ader

Pour sortir des autoroutes fluviales de la rentrée avec les même titres toutes presses confondues (Amélie Flonflon, Christine Angoisse, etc.), prenez le large avec ce beau portrait (je préfère ce terme au froid "exofiction") de l'artiste Bas Jan Ader, spécialiste des chutes. Un texte signé Thomas Giraud (aux jolies éditions de la Contre-Allée), tout en retenue, très juste (même si, parfois, j'aurais aimé qu'il se relâche un peu) et qui se focalise par moment sur la dernière performance de l'artiste - traverser l'océan dans une coque de noix (un Guppy) accompagné d'un livre de Hegel et d'une chanson des Beatles en tête - mais qui élargi aussi le propos à sa famille et sa quête artistique de dépassement de soi par l'échec et la chute. On se prend facilement d'affection pour cet homme au destin pittoresque et on se laisse bercer par les mots comme résonne en nous la mélancolique chanson Song to the Siren de Tim Buckley dans son interprétation par le "groupe" This Mortal Coil (en exergue du roman) - La tempête fut calme, bien que mortelle.
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Élisée : Avant les ruisseaux et les montagnes

Portrait sensible d’Élisée Reclus (1830-1905), de sa jeunesse et de ses années de formation.

(...)

Ce beau texte donnera à ceux qui s’intéressent à la pensée de cet auteur, quelques clés de compréhension à travers ses années de formation.





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Avec Bas Jan Ader



Je ne connaissais pas cet artiste disparu en mer entre Cap Cod et l’Irlande. Thomas Giraud en fait ici un être sensible, hanté par la disparition du père. Un père peu connu dont il retiendra l’héroïsme et la chute. Deux choses qui vont construire son parcours d’homme et surtout d’artiste. Celui que ses amis appellent « le pitre mélancolique » fait de sa blessure un art conceptuel. Dans un récit intime, centré sur les émotions de Bas, j’ai peiné à retrouver les traces réelles de l’artiste. Et c’est peut-être dommage. Car l’œuvre originale et peu connue de Bas Jan Ader aurait pu être davantage mise en valeur. Toutefois, je comprends le souhait de l’auteur de montrer le côté insaisissable d’un artiste. Et puis, un roman est une porte ouverte vers la connaissance. Libre au lecteur de pousser la porte et de chercher davantage d’informations sur son art.
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Avec Bas Jan Ader

De la chute à la disparition, de l'opacité à soi à la fugace inscription au monde. Dans son écriture sensible - précise et pleine d'échos - Thomas Giraud parvient à faire apparaître Bas Jan Ader, artiste performer, disparu en mer lors de l'une des performances en quête du miraculeux, d'un de ces instants supérieurs de conscience dont Avec Bas Jan Ader donne une réell
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La ballade silencieuse de Jackson C. Franck

Saisir l’effacement du plus célèbre des musiciens inconnus. Poignant et lumineux.



La musique est une histoire de peau et de corps, comme Arno Bertina le montrait dans le formidable «J’ai appris à ne pas rire du démon» sur les vies de Johnny Cash. L’histoire de Johnny Cash était celle d’une présence forte, sombre et explosive, celle de Jackson C. Frank, dans le deuxième roman de Thomas Giraud paru le 9 février 2018 aux éditions La Contre Allée, est celle d’un effacement poignant, une ballade silencieuse.



La suite sur le blog Charybde 27 :
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Élisée : Avant les ruisseaux et les montagnes

"Je veux l'ombre des arbres et pas celle de mon père."



Ode à la rêverie buissonnière, à la contemplation paresseuse, à l'égarement des pensées, "Elisée avant les ruisseaux et les montages" est un roman aussi léger que profond, où l'on découvre sous la finesse et la subtilité des mots, comme l'humus riche et puissant sous les feuilles des chemins forestiers, les strates d'un récit où sourdent à la fois les principes réjouissants d'une philosophie de la nature, un plaidoyer écologique en forme de roman initiatique et, pour parler comme un philosophe hédoniste contemporain, l'éloge, à travers la trajectoire d'un enfant, d'une sagesse sans morale.



En 130 pages, d'une écriture vive, tendue, maîtrisée de bout en bout, où l'on sent toute la tendresse que l'auteur porte au personnage d'Elisée Reclus, Thomas Giraud nous offre un premier roman d'une grande virtuosité. A travers la jeunesse imaginée du géographe libertaire et anarchiste, l'auteur réussit à peindre l'enfance comme d'autres les paysages. Elisée, face à Jacques le père. Jacques, ce sont les Alpes, "cette grande architecture, leur raideur accidentée et leur sourd mouvement". "Des montagnes, presque des murs." Incontournable ? Infranchissable, le père ? Elisée, avec Zéline, sa mère. Zéline, c'est "l'horizon de l'autre rive", "quelques vallons très doux", "le frôlement des mots qu'on chuchote". Classicisme des contrastes. C'est dans cette géographie familiale que grandit Elisée, entouré d'une opulente fratrie de douze frères et sœurs.



C'est aussi dans ce climat, entre la froideur du glacier paternel (est-il caricatural d'estimer qu'un pasteur calviniste fait rarement preuve d'une chaleur excessive ?) et la douceur maternelle des eaux de la Dordogne, que naît et s'installe la contradiction. Le début d'un effondrement. Le deuil d'une évidence. Car "Elisée avant les ruisseaux et les montages" est aussi, et peut-être avant tout, le roman d'une colère rentrée, la genèse d'une rébellion. Et là excelle l'auteur : dans cet art hasardeux et délicat d'imaginer dans leur complexe simplicité les pensées d'un enfant de 11 ans qui sent grandir en lui l'appel presque physiologique des mouvements de la nature, bien plus que celui de la foi et du flambeau à reprendre. Le roman est ainsi ponctué de ces "bouts de pensées" qui sont autant de ruminements enfantins que les prémices de la déconstruction d'une route déjà tracée.



"Bout de pensée : Jusqu'à quand devrais-je lui obéir ?"

"Bout de pensée : Il voit de la paresse là où il ne sait pas regarder. Quelle différence fait-il entre fainéant et paresseux ?"

"Bout de pensée : Je voudrais passer ma vie à transporter les pierres dorées et à ne plus avoir à exécuter les ordres de mon père."



Il est temps pour Elisée de chiffonner le paysage de son avenir figé. Délaissant les études qui devaient le mettre dans les pas de son pasteur de père, il décide de suivre les lignes sinueuses des ruisseaux argentés, les ondes mystérieuses des collines et le murmure des pierres.



Thomas Giraud, dans un texte où les mots sont choisis et pesés avec un soin d'orfèvre, habillant le récit d'un voile poétique d'une grande élégance, nous invite à suivre son héros, mais aussi, peut-être, à trouver dans les mouvements de la nature, bien plus que dans les pesanteurs poussiéreuses et doctrinales des principes d'une religion moribonde, une spiritualité en harmonie avec le monde.

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Élisée : Avant les ruisseaux et les montagnes

L’enfance imaginée d’un géographe libertaire hors du commun.



Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2016/09/28/note-de-lecture-elisee-avant-les-ruisseaux-et-les-montagnes-thomas-giraud/


Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Le Bruit des tuiles

*Livre lu dans le cadre de l'opération "Explorateurs de la rentrée littéraire" organisée par le site Lecteurs.com*



Si je vous dis « phalanstère », cela vous parle ? Je vais tout de suite couper court à toute spéculation, il ne s’agit pas d’un insecte ou d’une obscure maladie rare mais bien d’un concept utopique élaboré par Charles Fourier, un philosophe français. Alors de quoi parle-t-on exactement ? Dans le concept de Fourier, la phalange est une communauté d’individus mettant en commun leurs compétences et leur travail pour le profit de tous. Le phalanstère est le lieu de vie de cette communauté. Des règles très strictes sont mises en place, par exemple sur le rapport entre le nombre d’individus et la surface occupée ou encore sur l’organisation des bâtiments ou bien sur l’organisation du travail.



Après ce propos liminaire essentiel, rentrons dans le vif du sujet. L’auteur nous raconte ici la tentative de création par un polytechnicien, Considerant (oui, c’est son nom), d’une communauté inspirée du modèle des phalanstères. Vous vous doutez que tout ne va pas se passer comme il l’a prévu. Un ensemble d’éléments perturbateurs tel que le terrain prévu pour accueillir la communauté et le climat, les voisins qu’ils soient opposants ou profiteurs, ou encore les personnalités au sein du groupe vont venir se placer entre Considerant et son projet qu’il a imaginé et millimétré dans les moindres détails. Notre idéaliste va vite se rendre compte que le fossé entre les plans sur le papier et la réalité est parfois important.



Le thème de ce roman est original et vient titiller la curiosité du lecteur, c’est indéniable. Il va pousser le lecteur à s’interroger sur ce concept de communauté à l’organisation idéale, sur la vie en groupe qui peut rapidement être mise à mal par les oppositions entre certains types de personnalité et également sur la nature humaine en générale. Les interactions entre les différents protagonistes sont particulièrement intéressantes, que cela soit entre Considerant et les membres de la communauté, entre les voisins et la communauté ou encore au sein même de la communauté. Pas de dialogue ici, l’auteur reste sur une narration très descriptive, assez détachée et cela va entraîner un effet plutôt indésirable sur le lecteur à mon sens (au moins sur moi en tout cas).



Je m’explique, l’écriture est belle, aucun doute là-dessus, les mots sont maniés avec précision par l'auteur. Quelques effets de style ont pu par moment me faire lever les yeux au ciel et me faire dire « il en fait un peu trop là » et si l'on excepte ces quelques « lourdeurs » stylistiques (je n’aime pas vraiment ce mot mais je n’en avais pas d’autres en stock dans l’immédiat), cela reste agréable à lire et la multiplicité des points de vue apporte un vrai plus au récit. Mais, car il y a un mais, cette narration « détachée » a eu pour effet, sur moi en tout cas, de ne me procurer aucune émotion. Des questionnements, des réflexions, oui indéniablement, mais pas d’émotion, pas d’étonnement, pas de « oh » ni de « aaah », bref, je suis resté détaché de ce roman et c’est un peu dommage compte tenu de ses qualités.



En conclusion, un livre présentant une thématique intéressante, agréable à lire, bien écrit, poussant le lecteur à s’interroger mais il manque un petit quelque chose pour immerger le lecteur dans le récit. La narration est sans doute un peu trop « chirurgicale », c’est du moins l’impression que cela m’a donné. Mon avis final est plutôt nuancé sur cette lecture bien que je ne la déconseille pas. A réserver donc à un public plutôt averti ou du moins bien intéressé par ce sujet (ou encore très curieux).
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Avec Bas Jan Ader

Je n'ai vraiment mais vraiment pas aimé ...



Je crois que l'énonciation à la deuxième personne, la description de photos ou d'archives vidéos m'ont parues distantes et sans chair.

Ce livre n'était pas pour moi et ne m'a pas non plus donné envie de découvrir les travaux de cet artiste...
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Avec Bas Jan Ader

Dans ce nouveau récit, Thomas Giraud ressuscite la figure originale de Bas Jan Ader, un artiste conceptuel hollandais au destin tragique, nous invitant à l'accompagner (le titre du roman souligne, avec modestie, ce projet : « Avec Bas Jan Ader…) au fil de son dernier voyage. In surch of the Miraculous…, c'est ainsi que Bas Jan Ader avait intitulé son ultime performance, dont la seconde partie - après une traversée nocturne de Los Angeles à pied (One Night in Los Angeles) et avant, pour clore le triptyque, un trajet prévu de Felmouth en Angleterre jusqu'au Groninger Museum aux Pays-Bas, en ferry et en autobus – devait le mener sur l'Atlantique, à bord d'une coquille de noix, entre Cap Cod et les côtes irlandaises. Nous voici embarqués sur ce voilier minuscule, avec lui et l'auteur, qui s'adresse directement à son personnage en utilisant régulièrement le « tu » de la seconde personne. Dès le départ, l'aventure semble insensée, vouée à l'échec, Thomas Giraud interrogeant avec un peu de cruauté la pertinence du projet -« ce miracle que tu prétends chercher on peut se demander ce que tu en attendais vraiment et ce qu'il en resterait » -, quand il ne va pas, de manière franchement drolatique, jusqu'à imaginer que notre artiste ait pu concevoir l'idée de tricher, en faisant embarquer au large son embarcation sur un cargo, qui l'aurait déposée à nouveau sur les flots à quelques encablures de sa destination irlandaise… Mais le voyage donne surtout l'occasion d'évoquer la vie de Bas Jan Ader, marquée par le « fantôme » envahissant d'un père, fusillé par les Allemands vers la fin de la guerre pour avoir sauvé des Juifs, et la dévotion excessive d'une mère, confite dans le souvenir de son mari héroïque, la vie d'un adolescent solitaire – « Tu étais seul, tu as toujours été seul » - puis d'un adulte sensible et rêveur, hésitant lors de ses études entre la philosophie et les Beaux-Arts. En choisissant finalement cette dernière voie, le jeune artiste s'empresse pourtant de s'écarter des sentiers battus, utilisant la gomme comme le principal outil de ses oeuvres plastiques, avant d'imaginer les performances les plus singulières… Si Thomas Giraud évoque ces petits films où on le voit pleurer de multiples manières ou ce All my Clothes, constitué par l'étalage, dans un ordre complètement arbitraire, de tous ses vêtements sur un toit, il s'attarde essentiellement sur la série des « chutes », reconstituant par l'écriture – et c'est bien là, miracle des mots et vrai talent de l'écrivain, une prouesse, de donner à sa prose tant de qualité visuelle ! – ces scènes filmées où notre héros s'évertue à tomber, ici d'une branche dans un ruisseau, là à bicyclette dans un canal d'Amsterdam, s'interrogeant sur le sens de ces performances, proposant, en laissant la question ouverte, différentes interprétations de cette obsession de la « chute ». Le miracle, certes, n'aura pas eu lieu, mais Thomas Giraud nous réserve une énigme finale (évidemment, on ne vous en dira pas plus !) et, comme il l'a fait magnifiquement dans ses précédents textes pour Elisée Reclus ou Victor Considerant, aura tendu à Jan Bas Ader le plus beau des miroirs poétiques, capable de rendre à ses rêves toute la puissance heureuse de l'utopie ! Célébrant chez son personnage cet art de « fabriquer des moments de contemplation » et sa capacité de « séducteur… avec cette façon qu'ont les beaux jeunes hommes intranquilles et timides », on ne sait plus de qui il parle, finalement… Jan, ou Thomas ?
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