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Critiques de Thomas Hobbes (17)
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Léviathan

Suite à l'invitation quelque peu péremptoire d'un précédent commentateur, je me suis décidé à livrer une véritable critique de ce Leviathan, ne consistant pas en un monoligne à la gloire d'un livre que bien peu de gens (voire personne) lisent jusqu'au bout et que bien moins encore comprennent.



Avant d'aborder la lecture du Leviathan de Thomas Hobbes, il est utile de préciser deux-trois choses;

1°) C'est un ouvrage qui ne s'aborde pas à la légère. Ecrit par un érudit à destination d'érudits, il vous faudra savoir au minimum à quoi renvoient les notions de Droit Naturel, de Souveraineté, de Peuple, de propriété, de Bien Commun et d'Etat, et de contrat/pacte. Sans ces bases, et leur contexte historique, c'est à dire que vous sachiez qui sont Grotius, Machiavel, Plotin, Thomas d'Aquin, etc... vous ne passerez pas les dix premières pages de l'ouvrage.

2°) La lecture du De Cive (Du Citoyen, en version française) du même auteur est presque impérative avant d'aborder Leviathan: il s'agit autant d'une introduction que d'une approche et d'une base à cette œuvre majeure de science juridique et politique.

3°) Croire que l'on peut critiquer Hobbes parce que l'on a lu Rousseau (et en particulier son Du Contrat Social, lorsqu'on oublie l'incontournable Discours sur l'Origine et le Fondement des Inégalités Parmi les Hommes!), c'est faire l'aveu d'une malhonnêteté intellectuelle crasse. Rousseau s'est indéniablement "inspiré" de Hobbes (c'est à dire qu'il n'a pas hésité à lui pomper ses idées pour les prétendre siennes), sans pour autant parvenir à atteindre l'ampleur de l’œuvre de Hobbes. Disons, au mieux, que Rousseau était français et voulait écrire pour un système français, quand Hobbes était anglais et destinait son ouvrage à l'Angleterre.



Ces précisions passées, il est temps d'aborder enfin le Leviathan de Hobbes.



Divisé en quatre grandes parties consacrées tour à tour à l'Homme (Nature humaine, Etat de Nature, Droit Naturel), au Bien Commun (ou Commonwealth, c'est à dire la forme que prend l'Etat), au Bien Commun Chrétien (il s'agit là de débattre sur la Bible et les pères de l'Eglise, et leur apport à l'organisation d'une société humaine prenant la forme d'un Etat), et au Royaume des Ténèbres (consacrée aux menteurs, aux manipulateurs, à l'ignorance...).



Chacune de ces 4 parties fait appel à des connaissances qu'il n'est plus forcément aisé d'avoir aujourd'hui, car notre société et celle de Hobbes n'ont plus les mêmes préoccupation. Cela donne un texte forcément daté, et qui n'a donc rien d'incontournable pour quiconque étudie les Sciences Politiques (une note de lecture fait parfaitement l'affaire, sauf s'il s'agit de faire de l'Histoire des Sciences Politiques...Désolé pour mes camarades, vous devrez passer par là), dès lors qu'on a étudié un minimum Rawls, David Gauthier, Philip Pettit, Emmanuel Todd etc...



Dans la première partie, Hobbes commence par aller à l'encontre de la théorie de Grotius, en postulant une absence de société, et donc une absence de droits naturels, où égoïsme, violence, méchanceté et anarchie règnent en maîtres (la "Guerre de tous contre tous", tirée du De Cive). C'est parce que les hommes ont le désir d'assurer leur sécurité qu'ils se regroupent et forment des sociétés qui sont plus à même de les défendre. De ces proto-sociétés naissent les premiers droits, "naturels", mais uniquement parce que l'homme renonce à certains comportements et modère donc sa liberté (abandon du "droit" de tuer autrui, d'exercer une contrainte...). Le Pacte social naît donc de cette recherche de la sécurité, et induit l'apparition d'une autorité supérieure à l'individu, que l'on peut assimiler à un Gouvernement, décrit dans la deuxième partie, qu'il aborde non sans avoir décrit les Lois Naturelles (au nombre de 17).



Cette deuxième partie, consacrée au Bien-Commun (Folio a choisi de traduire "Common Wealth" par "Etat". Je ne partage pas ce raccourci qui ôte toute sa nuance au propos de Hobbes) en identifie trois types: aristocratie, démocratie, et monarchie, et donne les règles de succession (c'est à dire de désignation du gouvernant/souverain suivant) qui y sont afférentes, puis pose douze grandes règles générales de Gouvernement (pas de rébellion, abandon de la souveraineté individuelle au profit de la souveraineté générale (ou Bien Commun), les minorités doivent accepter la volonté de la majorité, etc.). Comme Montesquieu, Hobbes rejette la séparation des pouvoirs (oui, Montesquieu rejetait celle-ci, et ne l'a décrite que pour mieux la descendre en flammes), et surtout, Hobbes milite ici en faveur de la Censure de la Presse (contrairement à ce que fera John Milton) et en faveur de la limitation de la Liberté d'Expression.

C'est notamment par ce genre de prises de positions que l'on comprend que Hobbes N'EST PAS incontournable dans l'étude des sciences politiques actuelles, même si son œuvre n'est pas sans rappeler une certaine conception néo-conservatrice de la société et des rôles des citoyens (beaucoup plus inspirée par Carl Schmitt, Huntington, Kissinger et autres).



La troisième partie se consacre à l'étude du Bien Commun Chrétien (là encore, Folio a préféré l'emploi du raccourci "Etat Chrétien", que je déplore pour les raisons déjà citées). Il s'agit surtout ici de préciser pourquoi le Pouvoir Spirituel doit être inféodé au Pouvoir Temporel, et pourquoi la Bible ne peut en aucun cas être supérieure au Droit Civil. En particulier, Hobbes explique qu'il suffirait à n'importe quel individu de prétendre avoir eu une Révélation pour contester la souveraineté et remettre ainsi en question le Bien Commun (c'est à dire, d'aboutir à un véritable Chaos), si l'on considère que les Ecritures sont supérieures à la Loi. Il décrit ensuite les mécanismes d'intégration de l'un dans l'autre, et les rapports de sujétion qu'il se doivent d'entretenir.

Cette partie est tout simplement incompréhensible si elle n'est pas replacée dans le contexte historique qui agitait l'Angleterre d'alors. Les temps sont à la remise en question de l'autorité divine et surtout à la Guerre Civile, et les délires religieux sont fréquents (les puritains sont les plus connus, même s'il y a énormément de fantasmes à leur sujet).



Enfin, la quatrième partie, la plus brève de toutes, s'emploie à dénoncer les mécanismes obscurantistes que Hobbes perçoit à son époque. Les Ténèbres de Hobbes désignent ce qui va à l'encontre du Bien Commun, comme la manipulation des masses à des fins personnelles (que cela soit sur des bases religieuses (Islamisme radical), des bases historiques (Extrême Droite et Fascismes), des philosophies erronées (Bolchévisme, Stalinisme, Soviétisme, Capitalisme d'accumulation, Ultra-libéralisme économique...), ou la volonté de maintenir les populations dans l'ignorance (totalitarismes), etc.





Si globalement, l'ouvrage reste pertinent à notre époque, certaines parties et conceptions sont datées et désormais totalement hors de propos, voire dangereuses pour nos démocraties. La pensée de Thomas Hobbes a très certainement largement influencé la politique étatique anglo-saxonne, et par ricochet (grâce ou à cause de Rousseau et de certains autres révolutionnaires), la politique française. Les conceptions napoléoniennes de l'Etat ne sont pas sans rappeler, dans une certaine mesure, ce que présente Hobbes, de même que certains aspects de la IIIe République.

Pourtant, 350 ans plus tard, force est de constater que l'héritage de Hobbes (et de Locke, de Rousseau, de Montesquieu...) n'est pas aussi important ni prégnant qu'on pourrait le penser, au vu du mythe que peut représenter cet ouvrage.



D'abord, sa lecture est longue et rébarbative (911 pages sur l'édition Folio Essais, auxquelles s'ajoutent encore une introduction de 50 pages, et une petite trentaine de pages d'annexes historiques, bibliographiques et biographiques), et fait appel à des notions qui ne sont guère plus usitées aujourd'hui (exit le Droit Naturel, que l'on a remplacé par les Libertés Fondamentales, par exemple).



Ensuite, et surtout, Hobbes est un précurseur, dans la lignée de Grotius (et Jean Bodin, en ce qui concerne la France), c'est à dire que sa pensée a été mise à l'épreuve et corrigée par d'autres philosophes après lui. A ce titre, et pour rester dans le thème juridique, cet ouvrage a autant de pertinence pour l'étude des sciences politiques que l'étude du Code Justinien pour l'étude du Droit Civil: on peut totalement s'en passer. Elle reste intéressante (et pertinente) dans le cadre d'une perspective historique de la discipline, mais ne saurait en aucun cas dispenser de l'étude des ouvrages contemporains, beaucoup plus en phase avec notre époque que ne peut l'être Thomas Hobbes, même si la problématique de l'articulation Droits Individuels / Sécurité reste très présente au cœur de nos démocraties occidentales et n'est toujours pas résolue...



Leviathan fait donc partie de ces classiques que tout le monde fait semblant d'avoir lu, dont tout le monde prétend que sa lecture est "indispensable", mais dont la "magie" ne résiste pas à l'étude ni à la critique.

Et s'il était utile de le préciser, Leviathan n'a aucun intérêt si l'on ne prend pas la peine de lire auparavant le De Cive (Du Citoyen) du même auteur, et si l'on n'étudie pas de façon universitaire les sciences politiques.
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Léviathan

Le Léviathan est un monstre

Selon Thomas Hobbes ce monstre est aussi le gouvernement d'un peuple

Car le peuple est malaisé à gouverner

Après la guerre civile qui a traumatisé son pays

L'auteur publie cet essai philosophico-politique en 1651

Il énonce deux "Lois Naturelles"

D'après lui selon Dieu

Paix et Protection du peuple

Qui sont le devoir principal du "souverain"

Le souverain est un monarque

Ou une assemblée comme c'est le cas en Angleterre

A ce moment avec Oliver Cromwell



Quelque part l'auteur reproche à Charles Premier

De ne pas avoir assuré la paix civile et religieuse

Et d'avoir attisé les passions humaines

Particulièrement l'honneur et l'orgueil qui provoquent la guerre

Il édicte donc des lois à l'usage du souverain

Comme l'ont fait d'autres humanistes avant lui



Je suis content d'avoir lu cet auteur pas très clair au début

Comme beaucoup de philosophes qui sont dans leur monde

Mais on s'y fait

Content car Thomas Hobbes

Contemporain de ma "LOUISE"

Va sûrement intervenir dans mon roman

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Léviathan

Le Léviathan, ou Traité de la matière, de la forme et du pouvoir d'une république ecclésiastique et civile, reste d’une belle actualité en ce début de XXIème siècle, puisqu’il fonde traditionnellement le principe de contrainte légitime et donne son assise à l’Etat moderne.



Refuge laïc à réhabiliter, à l’heure où cet Etat semble en crise, face aux montées de la peur de l’autre et du repli identitaire, et face à un marché libéral capitaliste qui ne semble guère avoir beaucoup à envier à l’état initial de guerre de tous contre tous décrit par Hobbes ?



Monstre à combattre au contraire, si l’on songe comme Tocqueville aux dangers totalitaires que l’aliénation des libertés au profit d’un pouvoir promettant plus de sécurité fait courir aux hommes ?



Dans Le Léviathan, un siècle avant la réflexion, plus optimiste, de JJ Rousseau sur le contrat social, Hobbes rompt radicalement avec Aristote : non, l’homme n’est pas, pour lui, un animal social : les hommes s'assemblent par crainte et par intérêt personnel.



Il développe ce faisant une approche anthropologique, réaliste et très moderne, face aux penseurs grecs ou chrétiens, comme base à sa réflexion politique. Décrivant l’homme comme un être doté du langage, il voit dans cette capacité l’origine de la capacité de conceptualisation des hommes, et aussi de la concurrence entre les hommes, poussés par leurs désirs. Il est proche à ce titre de Machiavel et Grotius. La justice, dans cette tradition, qui perdurera dans les siècles suivants comme alternative à la théorie du droit naturel, est une construction politique,



il rompt aussi avec la conception d’un pouvoir de droit divin, et pose le principe de souveraineté moderne : considérant l'état naturel initial des hommes comme un état de guerre de tous contre tous, il en conclut que ceux-ci, usant de leur liberté, mais conscients que cet état les place dans une insécurité permanente, décident de limiter volontairement celle-ci, de la placer entre les mains d'un tiers : le Léviathan.



Le Léviathan, possédant le privilège de la contrainte légitime, vient alors garantir le contrat entre les hommes, la sécurité de leur personne et de leurs biens. Ce principe sera l'un des fondements, dans nos "démocraties" modernes, du développement de l'Etat, en tant que personne morale transcendant les individus, de l'administration et de son droit exorbitant du droit commun. Ce monstre chimérique qu'est le Léviathan symbolise ainsi un pouvoir unique et tutélaire, compatible avec une monarchie autoritaire, mais il n'empêche que le contrat posé par Hobbes fonde, ab initio, l’Etat de droit sur la souveraineté du peuple.



Même si l'ouvrage de Hobbes, datant de 1651, est loin de prôner une démocratie égalitaire et participative, et même si Locke développe à la même époque une critique plus libérale, il est probable que Hobbes contribua et annonça le Bill of Rights britannique de 1689, et donc la première "constitution" moderne garantissant les libertés individuelles, et servit en tous cas de modèles aux critiques de la monarchie absolue et de l’arbitraire dans le siècle qui suivit.



Un ouvrage de philosophie politique incontournable. Même sans l’avoir lu in extenso, comme ce fut mon cas, il me semble qu’il continue de stimuler vigoureusement la réflexion citoyenne.

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Léviathan

C'est un livre incontournable car il donne le premier contrat social qui inspirera Rousseau,sur lequel les sociétés modernes vont se fonder.Il met en lumière la pensée de Hobbes qui affirme que l'homme doit sortir de l'état primitif et fonder un état artificiel sur les bases de la raison.
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Léviathan

Un livre fondateur. A lire absolument. Pour ne pas se contenter de la seule phrase "L'homme est un loup pour l'homme".
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Du citoyen

Texte classique entre tous, fondateur d'une philosophie politique, énonçant des principes qui nous guident (ou sont supposés le faire) depuis des siècles, il faut bien reconnaître que ce livre (initialement écrit en latin!!) n'est pas des plus aisés à lire. A petites doses... sans doute, mais on rate l'ampleur de la pensée de Hobbes, penseur engagé.
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Léviathan

L'ouvrage est très dense (il fait 1 000 pages !) et demande, évidemment, une concentration importante et une compréhension philosophique suffisamment fine. On vulgarise beaucoup le concept de contrat social dans les débats sociétaux - concept qui, certes, est incontournable en philosophie politique mais qui ne doit pas laisser croire au lecteur à une sorte d'homogénéité du contractualisme (qui, en France, a tendance à se limiter à Rousseau...). L'étude de ce livre doit le rappeler.
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Léviathan

Une oeuvre remarquable et incontournable sur l'institution d'État.

Une réflexion sur la nature humaine.

Selon Hobbes, les individus sont personnels,et mauvais et sont prêts à tout pour sauver leur propre conservation. c'est pour cela qu'ils décident de passer un contrat avec un souverain qui sera en charge d'assurer leur sécurité.

Ses idées sur l'État de nature, le droit de la nature et les lois naturelles sont remarquablement écrites.

Une oeuvre enrichissante.

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Léviathan

Ecrit pendant la guerre civile en France, où deux étrangers, Anne d'Autriche et Mazarin, tentent de maintenir la monarchie, et en Angleterre, où elle a été abolie, Hobbes, qui a rencontré à Paris les plus grands savants, comme Mersenne, Gassendi et Descartes, publie, trois ans après la signature du Traité de Westphalie, qui met fin à une guerre qui a impliqué tous les états européens ou presque, le Léviathan. Il y décrit la forme de l'Etat chrétien et civil capable de répondre, non aux besoins d'une population spécifiquement, mais à l'anarchie de l'état de nature du genre humain, ni plus ni moins.



Magré cet environnement très international et théorique, on ne lit pas un paragraphe sur le soucis que l'organisation politique proposée garantisse la paix pour autrui que les sujets de sa Majesté. L'universalité de la pensée en prend un coup. Et on ne saura donc pas comment comment le citoyen qui, pour être protégé de l'anarchie de l'état de guerre au sein de l'Etat civil, a délibérément choisi un souverain, verra sa sécurité garantie puisque rien n'empêche les volontés de l'Etat voisin et de son souverain de faire la guerre au sien. Bref, la pensée de Hobbes est réduite à l'île britannique et son texte ne résout rien.



Le texte débute par ailleurs sur trois images : celle du crocodile de la Bible, celle de ce prince brandissant un glaive et composé d'une myriades de petits bonhommes sur la couverture et celle de l'introduction qui propose que l'Etat, oeuvre humaine, est l'imitation de la nature, oeuvre divine. La réflexion repose donc sur des images ; tandis qu'il est écrit dans les pages qui suivent que les métaphores "étant à l'évidence destinées à tromper, ce serait manifestement de la sottise que d'y recourir pour donner des conseils ou pour raisonner".



Enfin, Hobbes, qui indique se méfier des livres à plusieurs reprises dans le texte, précise sa critique dans les toutes dernières pages : cela ne vaut rien que "ce qui est acquis par raisonnement à partir de l'autorité d'un livre". On ne saurait paraphraser en comprenant le véritable sens du texte (il ne faut pas répéter ce qu'on lit et chacun doit se faire sa propre réflexion) car les fondements de la philosophie de Hobbes - tel qu'il l'écrit en début d'ouvrage -, est la précision des définitions, puisque toute vérité n'est que convention et que les mots ne sont que des choses. Pris à la lettre, Hobbes refuse donc que l'on raisonne sur son livre.



Une réflexion biaisée sous couvert d'universalité, une tentative d'influencer le lecteur par des images impressionnantes, des discours qui n'ont pas la précision que l'auteur reproche aux autres de ne pas avoir : voilà trois bonnes raisons pour ceux qui veulent s'épargner la lecture du texte de ne pas tourner la couverture.



Mais pourquoi ce texte alors ? Sans doute pour faire peur (Léviathan, image, ton corrosif...) ; faire peur aux Anglais, aider le rétablissement de la monarchie, favoriser les aristocrates ; car le protecteur de Hobbes - les temps sont durs - vient d'être décapité ; honorer un prochain prince éclairé (les voeux sont explicitement formulés) qui "honorerait" Hobbes, c'est-à-dire le paierait bien... il y a des places à prendre sans doute... ce qui justifierait un texte obséquieux au détriment de la réflexion... le texte répondrait à des besoins personnels (on ne lui en voudrait pas), mais n'afficherait pas de perspectives absolues. Ceci étant cohérent avec le propos général d'une vérité conventionnelle décidée par un seul (éventuellement sur les bases d'une majorité prévisible), d'une organisation sociale fondée sur l'influence (l'honneur) - si le texte de Hobbes est accepté, il deviendra vrai.



Comment expliquer sinon que l'anarchie règne dans l'état de nature, que l'homme y soit comme les bêtes brutes, incontinent et incapable de raison ? La réflexion pour lui est le calcul, la mise bout à bout d'images et de mots afin d'améliorer son seul intérêt personnel, pour la puissance, la richesse et l'honneur. Incapable de morale, d'authenticité (le mot n'existe pas dans le Léviathan), tout est permis dans l'état de nature (le mot esclave s'y trouve en revanche) ; fraternité, humilité, bonté, voire pitié, cela n'existe pas. Les hommes sont incapables de se gouverner tout seul et c'est pour cela qu'ils contractent entre eux l'abandon de leur gouvernement d'eux-mêmes au profit d'un tiers (le souverain) qui, lui, ne doit rien à personne et, pour des raisons inconnues, sait se gouverner (peut-être n'est-il pas homme ?). Les modalités de l'"élection" ne sont pas indiquées bien entendu. Une fois la nomination volontairement et délibérément actée, le souverain est indéboulonnable et aurait bien tort (on le comprend) de changer son gouvernement. Les sujets, eux, sont libres, puisqu'ils ont choisi leur dominateur. de toute façon la liberté, chez Hobbes, consiste en mouvements causés par la mécanique des corps. Nécessité et liberté s'accordent bien puisqu'ils sont synonymes.



Le souverain règne donc par la peur car les hommes ne respectent rien s'ils n'ont pas peur. Les paroles et les promesses ? du vent. On n'agit que sous la menace du glaive du souverain, qui le brandit pour faire la guerre. Où l'on se demande qui fera peur au souverain pour occasionner ses actions. Ce monde a besoin d'un Dieu quoique Hobbes en dise, d'un être au-dessus des autres, inatteignable et non criticable. Outre la peur, c'est donc la force qui oeuvre. Les sujets doivent obéir et le souverain décide de toutes choses en son royaume pour le bien public : les lois, la vérité, la propriété, les croyances. La religion est utile car elle fait peur (la mort, l'enfer - qui est d'ailleurs quelque part là-haut dans le ciel, très haut). Tout n'est que convention, puisque c'est le souverain qui décide et que les sujets n'ont aucune capacité d'analyse, de compréhension. La majorité décide. Sans souverain, on aurait tort de signer des contrats : c'est se jeter dans la gueule du loup. Seul une autorité suprême garantit l'exécution des contrats (que valent alors les traités internationaux ?). Les sujets doivent opiner, mais peuvent, s'ils le veulent, penser (tout est relatif) différemment. Sacrée hypocrisie que le Léviathan. Idem pour la religion : elle doit être civile donc sous l'autorité du souverain, mais personne ne vous demande de croire, il suffit de dire que vous croyez. de toute façon, l'infini n'existant pas, vous n'êtes pas capable de croire en Dieu et si vous le dites, vous vous trompez, non pas que vous ayez tort de croire en Dieu mais parce que vous prétendez y croire alors que vous ne le pouvez tout simplement pas. Libre à vous, mais gardez-le pour vous. le but est l'ordre social.



L'autre principe, c'est d'honorer, c'est-à-dire faire des petits cadeaux (corrompre ? influencer ?) ou plus grands, selon la protection que l'on souhaite s'acquérir, comme dans le système féodal en somme, du clientélisme. Hobbes, qui reprend par ailleurs les théories linguistiques nominalistes du Moyen-Âge, fait décidément preuve d'une grande modernité. La valeur de l'humain, c'est la somme qu'autrui est prêt à dépenser pour vos services. le libre-échange s'adapte très bien au vivant. Un bel "état" en quelque sorte, on a hâte d'y être. Ce qui manque, peut-être dans ce monde, c'est quelque chose qui serait "connaissance", "raison" (la raison de Hobbes n'est que du calcul sur des images et du réel pour son bien personnel), un peu de distance, cette idée que, si, quoi qu'il en dise, il est possible de penser au-delà de soi, de concevoir des modèles abstraits et de leur trouver un intérêt, que l'égocentrisme exacerbé n'est pas nécessairement la règle absolue, que des "choses" peuvent être partagées sans engager de séparation de soi. Mais Hobbes refuse l'existence des idées, tout n'est que matière, mes idées sont donc "ma matière" et ne peuvent être partagées (sauf si je donne un morceau de mon cerveau, si Hobbes m'en accorde un).



Donc pour résumer tout cela est fondamentalement royaliste, aristocratique, inégalitariste, matérialiste, très daté, ne répondant qu' à une situation de crise politique précise, suppure de ce fait les paradoxes et est tordu au possible, Hobbes devant bien se compter parmi les être humains tout de même, ces êtres incapables de penser et de raisonner, qui seront donc soumis à la possibilité de la privation de toute propriété si le souverain le décide. Mais Hobbes cherche du travail et si un puissant est séduit par ces éloges à sa toute-puissance, peut-être l'embauchera-t-il. On comprend que cela vaille mieux que l'exil ou la décapitation. Mais pour nous, qui n'avons pas de travail à offrir, le texte nous ennuie. Un roman noir peut-être, sans intrigue et avec des longueurs. En tous les cas, un texte très laid. On note encore des analogies entre l'image du souverains plein de bonshommes et le nominalisme de Hobbes : n'y voit-on pas le lien entre les termes généraux et les singuliers ? Où la théorie du langage, passant par le matérialisme, mène à la théorie politique ?... et le nominalisme à la monarchie absolue...
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Léviathan

A première vue, cette pensée est datée : on est en Angleterre au dix-septième siècle, encore sous le choc de la guerre civile. Hobbes cherche à justifier le pouvoir absolu du souverain civil après les violences de l'anarchie révolutionnaire. Il utilise pour ceci deux outils : la raison et les écritures. Evidemment, chercher dans la bible des preuves de la nécessité de tel ou tel mode de gouvernement ne nous parle plus, sauf si nous n'avons pas encore opéré la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Attardons-nous donc sur les éléments rationnels invoqués par Hobbes. Tout d'abord, un constat : l'homme est un loup pour l'homme et si on laisse les humains libres, c'est la guerre assurée, chacun va vouloir s'approprier le bien de l'autre, sa maison, sa femme, sa vie. Là, force est de constater que Hobbes n'est pas loin d'une réalité bien plus crédible que la fable du bon sauvage qui vivrait dans l'harmonie naturelle de la fraternité. L'état naturel est donc dangereux. Les individus ont besoin de protecteurs. Ce sont ces protecteurs qui deviendront l'Etat. Par un acte libre, par un contrat, je cède mon pouvoir à celui ou ceux qui m'assurent la sécurité. Ensuite, je suis obligé de lui obéir, quoi qu'il exige, sauf si son exigence nuit à ma survie. Impossible donc de renverser un pouvoir en place, sous peine de retomber dans la guerre civile de tous contre tous. Le roi est un tyran? Certes, mais nous lui avons cédé notre pouvoir. Les esprits démocratiques modernes évidemment s'insurgent, et ils ont raison, mais Hobbes montre néanmoins que l'illusion de la liberté absolue est délétère et que l'Etat est nécessaire. Cela en tout cas n'est pas daté.
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Léviathan

Je précise que ma critique concerne la version traduite par François Tricaud et préfacée par Philippe Crignon. Ce livre ne comporte pas plus de 250 pages, son intérêt étant d'apporter de la clarté et des explications au propos de Hobbes. Ceci permet d'aborder sa pensée sans bagage philosophique ou culturel particulier.

J'ai acheté ce livre pour comprendre ce qui définit un 'Etat de droit', 'un état de nature', et sur quoi reposent les liens entre l'état et les citoyens administrés. De nos jours, il est important de connaître la pensée de Hobbes qui porte notamment à définir ce qu'est l'Etat, et ce en quoi nous (citoyens) y sommes liés. Hobbes clarifie le droit et la liberté, nous instruit sur ce qui peut lier des hommes entre eux (par des contrats, des serments, ...ou une représentation commune)...Tout y est très bien expliqué.

L'originalité de Hobbes est d'avoir inventé la science politique, la politique n'étant une science autoportante mais qui s'appuie sur l'ethnologie, l'histoire..

Enfin, ce livre se termine avec les compléments des autres penseurs et philosophes sur la conception de Hobbes. Ils sont très complémentaires à cet écrit (qui date tout de même du XvIIe (!)).

Pour finir, je retire de ce livre une clarté indéniable, une structure logique, et un belle modernité malgré ses plus de 300 ans.
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Léviathan

Cette édition est condensé de 150 pages parmi les 1000 de l'œuvre complète.

La sélection des chapitres proposés me parait cohérente et permet de se fait une idée de la proposition politique de Hobbes.



Si je ne devais garder que 5 grandes idées, ce serait celles-ci:

-A l'état de nature, l'homme est violent, cruel et lutte pour sa survie.

-Les religions ont été inventés par les hommes pour expliquer ce qui ne pouvait pas être compris. Elles ont ensuite été instrumentalisées par leur clergés respectifs.

-Aucun contrat ne peut être passé avec Dieu. De tels contrats ne peuvent être passés qu'avec des médiateurs religieux qui ne sont au final que des hommes.

-Le but primordial de tout gouvernement est d'assurer la sécurité et la paix de ses citoyens, peu importe les moyens.

-Les individus doivent se soumettre au Souverain qui a tous les droits, excepter d'intenter à l'intégrité physique de ses sujets.



Il ne faut pas s'y tromper, le système politique proposé par Hobbes est une république autoritaire qui ne laisse plus aucun pouvoir au citoyen une fois qu'il a participé à sa mise en place.



C'est œuvre est une apologie d'un état fort pour assurer la stabilité sociale en périodes troublées.
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Léviathan

Le Léviathan, le Yin, le Syndrome de l'Amanite, le côté obscur de la Force... On lui donne tant de noms ! Et, placé à la manière de Mani, sans tiédeur, il est en chacun de nous.
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Léviathan

Le premier roman de Sachs, " Le Nouveau Colosse", retrace toutes les contradictions de la société américaine. Pour lui l’Amérique a perdu le Nord. Il l’a écrit en prison, étant objecteur de conscience et ayant refusé de participer à la guerre du Vietnam. Il y a là des références à H.D.David Thoreau, philosophe et poète américain du XIXème siècle qui prônait une vie simple menée loin de la société, dans les bois (La Désobéissance civile (1849)) est considéré comme l'origine du concept contemporain de non-violence.

Finalement ce roman nous montre une Amérique déboussolée qui a rejeté ses valeurs fondatrices, qui a perdu son idéal, Auster parlant d’« hypocrisie totale » d’une société ayant finalement pour fondement le racisme et l’esclavage.

Le Narrateur nous apprend que c’était le titre qu’avait choisi Benjamin pour le nouveau roman qu’il n’a jamais pu écrire, et ce sera finalement le titre du texte rédigé par Peter pour le FBI.



Le Léviathan est un monstre marin évoqué dans la Bible, mais c’est surtout le titre d’une œuvre de Thomas Hobbes qui présente l’Etat pourtant absolu et despotique, comme seul « garant d’une vraie société civile ». Nietzche appelait aussi l’État « un monstre froid ».

Cette histoire, c’est l’opposition, le combat de Sachs contre un État qu’il juge totalitaire, mais Léviathan, c’est surtout cette grande bouche qui engloutit l’écrivain et le transforme en terroriste martyr, tombant finalement dans le chaos.

Ce roman est un mélange de genres, une enquête policière, une biographie au gré des pensées du narrateur. L’écriture est simple mais efficace, le rythme soutenu.

Plaisir dans l'étude sociologique, élégance dans l'écriture, un bon livre une belle réussite.
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Du citoyen

Hobbes pose avec cet ouvrage paru en 1642 les fondements de la philosophie politique. Certes, d'autres avant lui (Platon, Aristote, Saint Thomas...) avait tenté d'embrasser le chantier des fondements d'une civilisation mais c'est Hobbes avec cet ouvrage qui jette vraiment les bases de ce que sont que l'état de nature, l'Etat, les pactes, les alliances, les formes de gouvernements, etc...un monument donc qui sera affiné et complété par son oeuvre majeure quelques années plus tard, le Léviathan.
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Léviathan

Léviathan est un des traités fondateurs de l'État moderne et de la théorie du contrat social. Il fait selon moi partie des indispensables pour se bâtir une pensée politique.



Je l'avais commencé car la théorie de Hobbes m'attirait, et que j'avais tendance à me revendiquer de sa pensée. Je n'avais cependant jamais osé m'attaquer à ce parpaing.



Je m'attendais donc à y trouver les armes d'une pensée politique, d'une vision contractualiste solide de l'État moderne.



Mais Léviathan est bien plus que cela. En lisant ce grand ouvrage de bout en bout, on pénètre dans l'esprit d'un homme, d'un philosophe qui a eu l'ambition de réunir en un seul livre l'intégralité de sa pensée.



On a donc droit à une théorie détaillée de la perception et du comportement humains dans la première partie ("De l'Homme"), avant d'arriver à la partie pour laquelle on a ouvert le livre ("De l'État"). Hobbes détaille ainsi minutieusement chaque brique qui servira à la construction de son édifice, quitte à rendre la lecture fastidieuse, voire parfois absurdement comique (cf les passages où il détaille les différentes manières de déshonorer quelqu'un : lui couper la parole, dormir pendant qu'il parle...).



Je conseille d'en lire un chapitre par jour, pour ne pas se dégoûter de cette grande masse philosophique et afin de s'imprégner correctement de la pensée hobbesienne. Bien sûr, je comprends très bien la réticence de la plupart à lire Léviathan en entier, ce livre demeure une grande œuvre dans laquelle on peut piocher des chapitres çà et là sans devoir lire tout ce qui précède.



La seconde moitié de l'ouvrage est sans doute la plus rébarbative ("De l'État chrétien" et "Du Royaume des Ténèbres"), essentiellement composée de références bibliques et surtout destinée à parer les accusation d'athéisme des hommes de son temps (ce qui n'a pas empêché Hobbes d'en subir les attaques). Je me suis tout de même astreint à sa lecture, et en ai tiré quelques enseignements sur la compatibilité du christianisme et de l'État moderne.



Le Christ n'a pas institué d'État chrétien dont le chef politique en serait aussi le chef spirituel. Hobbes cite très fréquemment cette phrase de "notre Sauveur" : "Mon royaume n'est pas de ce monde." Et comme le démontre Nietzsche dans la Généalogie de la morale, nos principes républicains, révolutionnaires, et des Lumières trouvent leur source dans la parole du Christ. Une chose que beaucoup de nos contemporains ne comprennent pas lorsqu'ils s'obstinent à faire du christianisme un ennemi de la République et à juger son obscurantisme à l'aune de ses propres principes, mais surtout à placer sur les même plan des religions qui n'ont rien à voir, si ce n'est que ce sont des religions.
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De Cive ou les Fondements de la politique

Une vision simpliste, profondément manichéenne et empreinte de mauvaise foi de la société civile, organisée autour des rapports de force, une ode à l'Etat absolutiste. "La guerre de tous contre tous" contient la substantifique moelle de cette oeuvre qui fait les fondements de la pensée régalienne et impérialiste.
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