Citations de Tomas Espedal (100)
Regarde autour de toi ! Nous profanons la beauté. Nous perturbons la nature, nous détruisons le paysage. Nous tourmentons les animaux, nous courons à notre perte. Nous sommes devenus riches au détriment de quelque chose, au détriment de quelques-uns, et ça m'embête. J'ai honte.
Le bar est un chez-soi pervers, un salon impossible.
Le plaisir que vous procure une maison n'a rien à voir avec la satisfaction de posséder un logement, il est plus profond, il réside dans le fait d'avoir trouvé un lieu où se reposer, où il y a de la chaleur et de la lumière, où on peut préparer un repas et le manger tranquillement, un lieu où on peut s'asseoir près de la fenêtre pour regarder dehors; être dedans. Le plaisir de la maison, c'est le plaisir d'être dedans. (p.76)
Nous sommes exilés et seuls pour des raisons complètement différentes. Nous sommes différents et nous ne nous comprenons pas. Une rencontre exige du temps et un esprit ouvert, de la patience et du courage, et nous n'avions rien de tout cela ....(p.117)
Moi je pense qu'on vit plus intensément, qu'on est plus proche de la vie, quand on s'affronte à l'art. (p.122)
Les marcheurs savent qu'il est souvent plus fatigant, moins plaisant, de descendre que de monter, la descente use les genoux et le dos et elle est presque toujours moins intéressante que la montée, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que la montée est synonyme de commencement; le commencement de quelque chose de nouveau. Descendre, c'est plus triste, déprimant, nous marchons vers quelque chose qui ressemble à une fin, sans doute la descente nous rappelle-t-elle la mort, tout comme la montée semble ouvrir les possibilités d'une nouvelle vie. (p.192)
Comme Klaus hoeck, je rêve d'écrire un livre sur toutes les adresses que j'ai eues; les rues, les appartements, les villes , les pièces, les maisons, tous ces lieux impossibles que nous appelons foyer. (p.78)
Pour Hazlitt, la promenade est une quête de silence et de perceptions pures, il veut sentir, penser et redevenir lui-même. Marcher est une manière de se purifier, on se lave des scories et des troubles que nous inflige la société. (p.102)
Jusqu'où peut-on marcher ? Je ne sais pas.Je n'ai pas encore tenté de dépasser mes propres limites, j'ai toujours marché vers un but déterminé, pendant un temps déterminé. (p.137)
Elle était bavarde; elle racontait sans cesse les mêmes histoires, mais chaque fois elle y a joutait de nouveaux détails, de nouvelles anecdotes qui s'entrelaçaient avec les précédentes comme de nouveaux fils dans une vaste broderie; sa tapisserie familiale. Qui était suspendue, invisible, au mur de la cuisine; une immense broderie pleine de figures qu'elle inventait, de paysages dont elle se souvenait, de minuscules intérieurs remplis de meubles qu'elle dessinait d'après son imagination; une tapisserie où figuraient des scènes de la vie professionnelle et familiale, des rues et des maisons, une longue rue étroite avec des immeubles en brique et des enfants qui jouaient. Et au fond apparaissant dans le lointain, derrière les différents motifs, les différentes histoires, comme une miniature sertie dans l'immense tissu coloré : une image du port. Les grues et les chantiers navals, les navires et les usines, les ouvriers et les marins; de petites figures cousues à la place qui était la leur, entre les bâtiments et la mer; je voyais le même motif de la fenêtre de la salle à manger, dans l'appartement où nous étions assis, comme si je faisais partie de sa tapisserie; elle m'incorporait dans son récit, y faisait apparaître mon passé, mais aussi mon présent, elle le découpait et le cousait sur son tissu, entre les figures reproduisant ce que je voyais tous les jours à travers la fenêtre de la salle à manger.
Le seul métier que j’ai réellement désiré
était celui de facteur
je voulais, comme Kafka, me promener
dans la ville
en faisant des mouvements de brasse.
Et en ce moment
devant la fenêtre
quelque chose que je n’ai encore jamais vu.
Une araignée prise
dans la toile d’une autre.
La joie devant la vie . J'aime la vie . Plus je vieillis , plus j'aime la vie . De plus en plus , je crains la mort .
Le bar est un chez un chez soi pervers , un salon impossible .
Nous ne pouvons pas dire que le bleu soit maintenant bleu. Nous ne pouvons pas dire que l'amour soit maintenant mort. Je ne peux pas dire que je sois vivant.
Le mal du pays. Il est inhérent à tout voyage, nous sommes épuisés, nous voulons rentrer ; le mal du pays croît, se renforce, se ramifie dans toutes les parties du corps ; les pieds veulent rentrer, les mains, le coeur, les pensées veulent rentrer. Nous en avons assez ; assez vu, assez entendu, vécu plus que nous ne pouvons supporter, et le mal du pays se répand dans le corps tel une paresseuse indifférence, une hébétude faisant obstacle à tout nouveau départ, à tout nouveau changement, aux nouvelles rencontres, aux nouveaux lieux.
Que faisons-nous ici ? Vers quoi marchons-nous ? Pourquoi ne sommes-nous pas dans un lit, en train de dormir, dans une maison, dans la même chambre, ensemble ; nous nous réveillons et nous nous endormons ensemble : c'est bien ça aimer ? L'amour exige que nous soyons au repos, que nous trouvions le repos, que nous sachions demeurer au repos dans une chambre ; le mouvement est solitude.
Nous sommes plus riches et nous construisons plus mal, observe Narve. Les nouvelles maisons, elles sont trop médiocres, trop moches, de frêles petites boîtes carrées avec des terrasses prétentieuses et des objets décoratifs inutiles, elles sont horribles. De toute évidence, nous sommes plus riches et vivons plus mal. Tout semble plus médiocre : les maisons, les écoles, les stations-service, les bureaux de poste, les supermarchés. Nous sommes plus riches et nous construisons de manière plus fruste, nous sommes devenus radins, avares de nos vies, nous vivons chichement et mal malgré notre richesse, elle nous a rendus pauvres, mais autrement. Notre aspect physique se dégrade. Nous sommes trop gros, trop paresseux, trop fatigués, nos muscles s'affaissent, nos corps se détériorent. Et nos visages aussi. Nous devenons plus épais, plus apathiques, nous avons l'air plus bête. Nos vêtements sont tous pareils, comme des uniformes, nous nous habillons comme nous vivons, sans déroger au mauvais goût. Nous regardons trop la télévision, nous lisons trop de journaux, nous nous laissons trop influencer par trop de futilités. C'est ça la réalité. Regarde autour de toi ! Nous profanons la beauté. Nous perturbons la nature, nous détruisons le paysage. Nous tourmentons les animaux, nous courons à notre perte. Nous sommes devenus riches au détriment de quelque chose, au détriment de quelques-uns, et ça m'embête. J'ai honte.
(...) Une maison, c'est exigeant, difficile. On doit apprendre à maîtriser une maison. Habiter, ça s'apprend. Je l'ai appris, mais ça ne me plaisait pas, je ne voulais pas habiter une maison.
De toute évidence, nous sommes plus riches et vivons plus mal. Tout semble plus médiocre : les maisons, les écoles, les stations service, les bureaux de poste, les supermarchés. Nous sommes plus riches et nous construisons de manière plus fruste, nous sommes devenus radins, avares de nos vies, nous vivons chichement et mal malgré notre richesse, elle nous a rendus pauvres, mais autrement. Notre aspect physique se dégrade. Nous sommes trop gros, trop paresseux, trop fatigués, nos muscles s'affaissent, nos corps se détériorent. Et nos visages aussi. Nous devenons plus épais, plus apathiques, nous avons l'air plus bête. Nos vêtements sont tous pareils, comme des uniformes, nous nous habillons comme nous vivons, sans déroger au mauvais goût.