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Critiques de Umberto Saba (14)
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Couleur du temps

Toujours teintées d'une ironie tragique, ces petites nouvelles du grand poète triestin sont un autre aperçu de son art.



Un mari décide soudain de quitter femme et enfants, un peintre veut bien reprendre sa femme pour modèle mais n'en veut plus dans sa vie, une femme rêve de la combinaison gagnante du loto mais ce rêve prémonitoire signe la fin de sa félicité conjugale , un garçon inféodé à sa mère conquiert son autonomie grâce à une poule, une épouse juive d'un dévouement à toute épreuve vit dans les affres d'une dette à payer pour son mauvais sujet de mari, un boutiquier dans celles d'un commis à instruire, un couple pieux mais aussi pauvre que âpre au gain, vit dans la hantise de respecter le sabbat sans cesser le travail pour autant...



Tout un monde de petites gens, triestins pour la plupart, souvent juifs comme l'auteur, se débattent avec d'humbles misères, de timides désespoirs, des révoltes rentrées, de secrètes espérances...que la légèreté ironique et impertinente de l'auteur transforme en petites comédies dérisoires ou absurdes.



La tragédie reste discrète, escamotée par la litote.



Du grand art!

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Ernesto

Tel Sisyphe poussant sa pierre pour la voir irrémédiablement rouler au précipice, je m'obstine à  communiquer ces pépites italiennes qui sont mon dada-  bien que chaque compte-rendu de littérature italienne édité me fasse régresser dans le "classement", à la fois scolaire et opaque d'un  "insigne," visiblement buggé ,  qui semble se refuser à ma quête tel le Graal de Perceval!



Qu'à cela ne tienne, chers amis babeliotes, il n'est point besoin d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer , voici donc une perle rare: le roman autobiographique inachevé et ultime d'Umberto Saba, écrivain dont je vous ai déjà beaucoup parlé : poète, nouvelliste, moraliste, esthète,  libraire..et triestin, bien sûr ( mais non, je ne suis pas tout à fait monomaniaque!).



 Umberto l'écrivait sur son lit d'hôpital,  s'épuisant en correspondances pointilleuses avec Linuccia, sa fille, seule personne, avec Carlo Levi, en qui ce vieux misanthrope bipolaire avait encore confiance, pour effectuer, sur les épreuves , des corrections de virgules, de ponctuation, d'articles, qui lui paraissaient fondamentales- et sans doute l'étaient-elles, car la langue comme le rythme ont au moins autant d'importance et d'effet de scandale que le sujet!



Dans un débit coupé,  comme haletant, et dans un mélange détonnant d'italien tenu , pour le corps de la narration, et de dialecte triestin, pour les dialogues- dialecte déroutant de prime abord, mais facile à comprendre, et je ne suis pas linguiste!- Saba entreprend, au seuil de la mort - le livre sera publié après son décès- de raconter sans ambages, détours ni fioritures, sa première expérience amoureuse et érotique avec un "travailleur manuel" - un "bracciante"-   de vingt ans son aîné. 



L'expérience est suivie d'une visite à une prostituée qui l'initie aux amours hétérosexuelles et d'une confession à sa mère qui lui allège le coeur, l'emploi du temps -  il ne retournera pas travailler,  pour mieux rompre les ponts avec son amant-,  et qui le gratifie , dans un geste d'amour maternel inusité,  d'une place de concert où lui apparaît, au milieu de la foule,   un jeune homme de son âge, musicien et beau comme un ange, son premier grand amour...



Une épiphanie qui rappelle celle du Taddeo de Mort à Venise, et du Saint-Loup de la Recherche...



Le livre devait être plus long, détaillé, complexe - l'auteur envisageait même de se faire hospitaliser plus longtemps pour le mener à son terme en toute tranquillité. ..il n'a pu etre terminé , et Saba voulait qu'il fût detruit! Heureusement, ni ses proches, ni son éditeur ne lui ont obéi.  Et,  tel quel, " Ernesto"  -qui a changé de titre plus d'une fois-  possède une étonnante force.



L'homme et le jeune narrateur, Ernesto alias Umberto, sont d'une vraie présence,  tout entiers dans leurs gestes, dans leurs paroles. Pas de finasserie psychologisante. Pas d'efforts, non plus, de l'auteur  pour paraître un "ragazzo" sympathique.



Umberto-Ernesto  ne se donne ni le rôle de victime ni celui de bourreau. C'est un garçon très jeune, mal aimé par une mère peu communicative-mais d'une étonnante mansuétude face à l'aveu- qui  se montre égoïste et jouisseur, curieux et un brin manipulateur. Umberto ne se dore pas la pilule. Ne fait pas de sentiment, ne donne pas dans le romantisme surjoué.



Son expérience sentimentale et sexuelle est aussi sociale.



Declassé-  petit bourgeois abandonné par son père, ayant abandonné ses études à  cause de l' injustice d'un professeur sectaire,   Ernesto-Umberto  est devenu, à  16 ans, employé aux écritures dans un "moulin" de farine industrielle.  Il est  négligé par sa mère, n'a ete aimé que par  sa nourrice- et cherche des forces nouvelles et une envie de vivre dans des racines populaires qu'il revendique par son parler, ses fréquentations, sa pauvreté ombrageuse.



 L'amour évident de celui qu'il n'appelle jamais que "l'homme" est , pour cet enfant rebuté,  une révélation. On peut donc l'aimer, le désirer!



Sans le plus petit remords, sans la moindre honte, il savoure , pragmatique, cette découverte, et le plaisir physique qu'elle lui apporte, mais sans partager avec l'homme le moindre sentiment. Il a même recours à un stratagème cynique pour s'en débarrasser quand la passion de celui-ci devient gênante... qui a  l'avantage de le débarrasser du même coup d'un travail,  d'un patron et d'un collègue fastidieux...  et de gagner , avec l'absolution maternelle, un argent de poche inespéré. 



Saba avait conscience d'écrire un livre dérangeant, tant par le sujet que par la forme, avec cette langue dialectale qui donne à entendre l'accent triestin mais qui souligne surtout  l'encanaillement naïf et provocateur d'un ragazzo déchu de sa classe sociale  qui expérimente l'amour sous toutes ses formes, faute de l'avoir reçu dans sa petite enfance, encore si proche.



Mais plus que tout c'est l'intrusion du populaire dans le bourgeois qui choque. Comme le fait très justement remarquer Maria Antonietta Grignani  dans sa brillante préface "Le rapport homosexuel avec le "bracciante" ne devient une chose laide, indécente qu'a posteriori, dans la confession à la mère , dans un italien que celle-ci impose à son fils, selon la loi d'un savoir-vivre qui est aussi  linguistique , propre à la petite bourgeoisie. "



Il est d'ailleurs étonnant que la mère, après l'aveu de son fils, conclue brusquement par un "n'y pense plus, fils!" en dialecte, comme si la faute confessée par le fils, en italien, et pardonnée , dans cette même langue, par la mère, perdait son pouvoir de scandale et pouvait enfin s'oublier dans le recours commun de la mère et du fils au dialecte....



Je me demande vraiment comment la traduction française a réussi à rendre cette intrusion linguistique,  cet encanaiĺement provocateur si fertile en effets de rupture et de révolte,  si proche aussi du Canzoniere dans ses accents chansonniers  -Saba disait qu'Ernesto devait rester un "libretto" pour ne pas détruire son Canzoniere! Je l'ai lu en V.O. et serais curieuse d'avoir le sentiment d'un lecteur de la V. F. sur ces décalages entre italien et triestin.

 

Un livre fort, pas aussi simple et direct qu'il n'y paraît,  avec des épisodes tout à fait bizarres - comme celui de la première barbe , raconté comme une tentative de meurtre , une sorte de viol "capillaire" par un barbier soupçonné d'être le père naturel d'Ernesto - qui passionneraient un psychanalyste!



A découvrir !
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Femmes de Trieste

Un joli petit livre, comme toujours chez José Corti, où l'on déguste à petites gorgées un florilège d'écrits rares, perdus, oubliés du grand poète triestin, tout en découpant patiemment les pages d'un coupe-papier prudent...



Des articles, des pensées, des lettres, des discours de circonstance et d'autres qui le sont moins...un mélange de politesse raffinée et de sincérité sans fard, d'ironie caustique et de tristesse désenchantée. .. mais toujours, presque à toutes les lignes , et souvent sans la nommer, la "forme d'une ville" comme dirait Baudelaire et derrière lui, Julien Gracq.



Ici c'est Trieste, la Trieste d'autrefois, avec ses quartiers bigarrés, ses échoppes cosmopolites, ses femmes si belles et si rebelles...Trieste que le vieux poète, malade et près de s'en aller, garde au coeur comme un ultime viatique.



Des choses drôles et piquantes sur Freud, aimé et défendu, sur d 'Annunzio, si ampoulé et surfait, sur les opportunistes de tout poil qui ayant misé et perdu le pari du fascisme et de l'hitlerisme, se sont reconvertis à grand bruit...des choses humbles et d'un fol orgueil sur sa poésie que Saba défend contre les coquilles à la virgule près mais sur laquelle il ne requiert ni blâme ni louange: juste le silence, le silence, par pitié !



En filigrane, le portrait d'une ville, oui, mais aussi celui d'un vieil homme raffiné, plein d'humour, aux convictions fortes, nostalgique et amoureux de sa ville, et que sa vaste culture ouvrait à toutes les autres.
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Ernesto

C'est en 1953, quelques années avant sa mort, qu'Umberto Saba écrivit ce récit autobiographique resté inachevé. Il y décrit , avec autant d'innocence que de crudité, la découverte de la sexualité d'un adolescent de 16 ans, Ernesto, d'abord avec un homme plus âgé, puis avec une prostituée. Le cadre du récit est la ville de Trieste à la fin du XIXème siècle, dans laquelle cohabitent, non sans tensions, plusieurs langues et communautés. Umberto Saba ne souhaitait pas voir ce récit publier.
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Du canzoniere

Depuis quelque temps, je rôde chez Umberto Saba.



Ses amis m'en parlent, je savoure ses aphorismes, déguste ses nouvelles, et découvre avec sidération son brûlot, Ernesto.



Son Canzoniere, je voulais le lire en italien, mais les ellipses poétiques sont redoutables et je craignais de perdre le sel et le sens dans une V.O. radicale..



Alors, je me réjouis de cette édition bilingue qui ne traduit pas intégralement tout le Canzoniere, mais y opère un choix. Chaque texte italien choisi propose, en vis-à-vis, une traduction française assez réussie .



Si on connaît un peu Saba, on est d'abord étonné : le conteur raffiné, le penseur complexe et profond a choisi une poésie en apparence très simple, très nue.



Mais si on le connaît vraiment, on retrouve derrière cette chanson , ce Canzoniere, la blessure fondamentale de Saba: ce manque d'amour qui creuse jusqu'au vertige son chant, qui le fêle et le fragilise sans en casser la mélodie.



La chaleur des humbles - l'amour d'une vieille nourrice slovène, l'amitié d'une..poule, le désir d'un beau journalier - la fascination du paysage triestin- l'âpre "bora", la houle et les brisants d'une mer chérie- faute d'être chéri de sa mère? - lui apportent parfois ivresse ou consolation, mais son chant intime et fraternel est fondamentalement mélancolique, toujours guetté par le désespoir, malgré l'élégante ironie qui le masque.



Lire le Canzoniere est une jolie façon de clore la connaissance de Saba...ou de l'amorcer.

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Choses dernières

Les poèmes des Ultime cose ("Choses dernières") ont été écrits entre 1935 et 1943, sous le fascisme et les lois raciales dont Saba fut victime.

Mais cela ne transparaît qu'à travers le sentiment d'impuissance et de perte. C'est que le poète se sent vieillissant. Il distille ou cristallise alors dans une simplicité essentielle ce qu'il perd sans arriver à s'en détacher. Le recueil, initialement publié à la suite du Canzoniere, est une tentative de remonter le fleuve à sa source, plus haut, plus profond. Et nous voilà réceptacles de cette limpidité. Quel trésor!

Il faut saluer aussi le travail des éditions Ypsilon qui ont produit un petit écrin digne de son contenu.
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Comme un vieillard qui rêve. Nouvelles

M'intéressant beaucoup à Trieste, je me suis mise à lire le livre d'Umberto Saba:Comme un vieillard qui rêve.

Connu surtout pour sa poésie, ici ,il s'agit de petits récits autobiographiques.

J'ai beaucoup aimé celui de la poule, enfant l'auteur solitaire a pour ami une poule à qui il raconte tout, devenu un jeune homme, il travaille et pour avec son premier salaire achète une poule qu'il offre à sa mère, celle-ci s'empresse de la faire cuire.Quel déchirement et quelle blessure provoque pour Saba cet acte

«A compter de ce soir_là,il aima moins, il aima de moins en moins sa mère»Le constat de cette phrase : l'incompréhension et le chagrin provoqué qui dépassent l'amour filial.

La nouvelle aussi sur l'histoire d'une librairie qui évoque directement la librairie de Saba et qui existe toujours aujourd'hui à Trieste,la nouvelle avec le déjeuner avec le poète D'Annunzio dont l'auteur reste surtout marqué par les pâtes à la tomate qu il mangera.

«Le plat avait l'air d'un triomphal drapeau rouge»

Beaucoup d'humour, de tendresse et de cette inévitable nostalgie de la ville de Trieste.

Je rêve d y retourner dans les pas de Saba, Pahor, Svevo et bien d autres.
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Choses dernières

Ce poète juif italien a une histoire personnelle intense et douloureuse qui nourrit son attention à la beauté du monde. Entre une enfance marquée par l'absence de son père et l'arrachement à sa nourrice et une vie adulte marquée les deux guerres mondiales (dont une l'aura obligé à fuir de façon répétée avec femme et fille) il aurait pu devenir amer. Sa foi dans la force de l'art et sa découverte de la psychanalyse lui donneront au contraire la force de parler avec simplicité de ses émotions profondes.

Je suis emportée par ses textes humbles, parfois désabusés mais toujours doux et attachés à la vie.
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Femmes de Trieste

Ce court recueil de textes qui s'échelonnent de 1915 à sa mort est aussi précieux qu'émouvant. Oublions quelques écrits de circonstance. Mais que de pudeur, d'exquise et grave sensibilité partout ailleurs ! Que d'acuité pour saisir des "choses vues" et en éclairer le sens ! Que d'émotions aussi, quand il évoque Trieste, sa ville tant aimée avec son parfum de cosmopolitisme, son air de liberté et la beauté de ses femmes à la fois romantiques et émancipées ! "Le monde, je l'ai regardé de Trieste", s'écrie-t-il. Mais de Trieste aussi il a fait un monde. Et l'essentiel est là.
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Ernesto

ce livre longtemps ignoré d'Umberto Saba s'inspire de sa vie : les premières expériences homosexuelles consenties lui ouvrent des horizons autant poétiques que sensuels : dans une Italie marquée par le machisme, on essaie de mesurer combien cette écriture a pu déranger à sa publication.

Dans un style assez détaché, U Saba donne à Ernesto une forte personnalité qui va progressivement s'ouvrir aux plaisirs mais sans jamais renier sa personnalité. Une sorte d'éducation sentimentale
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Ernesto

Seul roman, demeuré inachevé que ce poète triestin a écrit à 70 ans. Dans ce récit très révélateur de sa jeunesse, entrepris à la faveur d'un séjour dans une clinique romaine, il aborde ouvertement le thème de l'homosexualité en racontant les premières expériences sexuelles d'un garçon de 17 ans auquel il prête une part de ses propres souvenirs de jeunesse. Mais le personnage principal du livre est peut-être Trieste, dont il trace une image fin de siècle assez attachante.
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Ernesto

Attirée par l’aspect érotique du roman, et par le côté roman d’initiation, étant donné qu’il sortait dans une nouvelle traduction, je l’ai acheté presque les yeux fermés. En plus, Alberto Manguel l’avait mis dans sa sélection d’ouvrages à lire le mois dernier (chez mon libraire préféré, il y a une table réservée aux sélections de Manguel, bah oui !).







Un jeune homme de 16 ans (qui pourrait bien être l’auteur lui-même) raconte ses premières expériences sexuelles. Où réside l’originalité de ce roman ? Dans le ton adopté par le narrateur, dans sa personnalité. Il ne ressent nulle culpabilité, il n’est pas tourmenté par ce qui lui arrive, il ne voit aucun mal là-dedans, il en parle même souvent avec une certaine outrecuidance. Peut-on parler d’amour ? Pas vraiment. Ernesto ne connaîtra ce sentiment qu’à sa troisième rencontre, rencontre seulement ébauchée puisque le roman est inachevé.



Amour subi, amour consenti, amours homosexuelles, Saba aborde là des thèmes sulfureux mais il les décrit d'une plume ni moralisatrice, ni obscène, comment dire... c'est à la fois innocent et sincère.



Finalement, qu’en ai-je pensé ? Pas grand-chose. Pas désagréable à lire, mais pas passionnant non plus. J'en attendais, je crois, davantage de profondeur. Il me reste peut-être à découvrir l’œuvre de Saba, un poète avant tout.



Je suis peut-être passée à côté d’un chef-d’œuvre…ou peut-être pas. Après tout, l'auteur souhaitait détruire ce texte.
Lien : http://krol-franca.over-blog..
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Ernesto

Superbe
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Il canzoniere

Le Canzoniere, œuvre de l’existence d’Umberto Saba, est une histoire, un roman d’amour et de haine, une biographie riche en résonances multiples, un diamant de la langue italienne.
Lien : http://rss.feedsportal.com/c..
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