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Critiques de Vassilis Alexakis (107)
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L'enfant grec

Il écrit bien, cet auteur, il écrit vrai, avec sa vérité, faite de souvenirs, d'impressions, entre réalité et créativité. Je me suis laissée emporter par plus d'un de ses personnages qu'il dit avoir rencontré dans le jardin du Luxembourg, où sa perte de mobilité lui laisse tout loisir de fréquenter l'imaginaire. Avec une plume comme la sienne, cet imaginaire n'est ni quelconque, ni plat, ni surfait.

Qui plus est, vous pouvez lire les chapitres dans le désordre, vous ne serez quand même pas perdu !!

J'allais oublier de mentionner qu'il m'a donné envie de relire Victor Hugo :( juste une strophe pour le partage...)

Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,

Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,

Courbait sa tête humiliée ;

Il avait pour asile, il avait pour appui

Une blanche aubépine, une fleur, comme lui

Dans le grand ravage oubliée.
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L'enfant grec

Étrange que ce livre où se mélange réalité et personnages romanesques, introduisant ça et là des événements de vie politique (française et grecque). Petit à petit son univers, le jardin du Luxembourg, va être le théâtre d’aventures simples à surprenantes restant lié au nostalgique jardin des premiers jeux où la cabane devient repère d’enfants.



J’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteur lors d’une dédicace, un moment agréable permettant d’aller plus loin dans la compréhension.



Comment une opération et la convalescence qui en suivra va pousser à la réflexion, une exploration de la lenteur du temps qui passe, amenant à un retour en arrière sur les personnages importants des romans de son enfance.



Nos premières lectures sont elles déterminantes pour nos lectures à venir? Comme notre premier amour déterminera nos relations futures ?



A vous de vous poser la question avec cette lecture distrayante.
Lien : http://metaphorebookaddict.w..
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L'enfant grec

Ce récit se situe, comme toujours avec Vassilis ALEXAKIS, à la première personne. Contant ces journées de convalescence pendant lesquelles un accident de santé l’immobilise à Paris près du jardin du Luxembourg, le narrateur décrit sa relation d’écrivain. Retrouvant la naïveté de l’enfance et la poésie légère de la rêverie, la réalité s’imbriquant aux héros des romans et à des personnages historiques, l’imaginaire du lecteur s’envole tout au long de ces pages en trouvant fantaisie pour échapper à l’ennui et la solitude qui l’entoure. C’est une belle langue qui raconte le plaisir d’écrire…
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Papa

Après avoir livré des romans à la veine autobiographique, Vassilis Alexakis revient aux nouvelles dont quelques unes plairont aux amateurs de 'gore', mais risquent de heurter les âmes sensibles. Fidèle à ses origines , l'auteur franco grec campe ses protagonistes tantôt en France: en passionné de football , il ne manque pas une finale au Parc des Princes tantôt en Grèce avec son komboloï, ses kiosques à journaux , ses îles, la place Colonaki,à Athènes, déplorant les grèves et les faillites.

Dès la première nouvelle: Papa, éponyme au titre du recueil, le narrateur sait piquer notre curiosité. Que va-t-il faire de ce gosse égaré, fatigué, affamé, qui le prend pour son père? Que cachent ces mots « pauvre Jean! »? la souffrance, le désarroi d'une épouse ? Pourquoi le tutoie-t-elle? Se jouent-ils la comédie?La photo, les clés mettent fin à ce mystère. En filigrane, on sent rôder Miss Alzheimer et la vieillesse. La fille de Jannina qui a retrouvé ses traces serait-elle sa fille?

Les femmes fascinent le narrateur, attisent son désir et inspirent sa plume érotique et sensuelle. Leurs corps, la peau blanche ou « un petit bout de tissu noir » le font chavirer et fantasmer. Ne rêve-t-il pas de laver les pieds de Zoë ou de « baiser la face intérieure de ses cuisses », son regard étant toujours aimanté par de jeunes et charmantes créatures. « A croire que les yeux ne vieillissent pas », en déduit-il! N'est-t-il pas en proie au doute quant à l'amour de Despina? Il drape de tendresse sa Belle Hélène dans une lettre à l'absente, implorant son pardon, tant il est rongé de remords .

Dans Le taxidermiste,une des plus truculentes nouvelles, riche en rebondissements, l'auteur revisite le mythique catalogue Manufrance. Au fil des pages, au gré de son imagination fertile , le narrateur exhume des êtres statiques, les transplante dans son récit d'action, leur donne vie, en dispose à sa guise, leur invente des parentés, des idylles, les équipe d' d'objets hétéroclites, dont des pièges broyeurs. Il y distille humour , jalousie et pulsions vengeresses , machiavéliques. Quel plaisir pour le lecteur d' être plongé dans les coulisses de la création!d'autant qu'il forge parfois un destin extraordinaire à ses personnages. Si certains font don de leurs organes, lui se verrait bien tronçonné, dépecé , servi en mezzés avec un verre d'ouzo!et finir dans la bouche d'une fille ou dans sa soupe « pour lui faire de l'oeil », n'ayant pas déposé les armes de la séduction. Pour pimenter le tout , l'auteur nous rappelle qu'en 1977, la peine de mort n'était pas abolie. La camarde est en embuscade. Le narrateur tente de l'apprivoiser: « en n'attachant pas plus d'importance qu'au point final d'une phrase »mais s'interroge sur l'au-delà. L'auteur excelle à modifier les tonalités, sait ménager le suspense,nous tenir en haleine jusqu'au dénouement cruellement comique, absurde, déjanté, la justice divine n'ayant pas dit son dernier mot !Il s'éclipse à bord d'une montgolfière, régnant en maître sur l'océan des mots, évoluant en totale liberté, invitant le lecteur à prendre aussi du recul.

Vassilis Alexakis signe des nouvelles qui flirtent avec le roman noir,offrant quelques scènes sordides, insoutenables,écoeurantes, où s'échouent des êtres au bout de leur destin. Toutefois,

rien à craindre , le recueil bénéficie des bons auspices de cet oeil de verre bleu vif, le kalo mati.

Un recueil étrange , réjouissant , aux détails terrifiants à faire frissonner comme un thriller.
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L'enfant grec



Vassilis Alexakis emprunte le titre de son roman à L'enfant grec de Hugo, confiant que Paris était le rêve inaccessible, nourri par l'album de ses parents et ses lectures.



Le roman s'ouvre sur une silhouette claudicante, celle du narrateur, double de l'auteur, déambulant dans le jardin du Luxembourg, paré des couleurs automnales.

L'auteur s'imagine en train de voguer sur la mer Egée, mordorée, à bord d'une caïque.



Faute d'être son terrain de jeux ou de sport, le jardin du Luxembourg sera son refuge durant sa convalescence et l 'objet de ses investigations. Il nous fait partager ses rencontres avec le clochard, élucide les liens de parenté de la belle Elvire et M.Jean. Il nous livre tous les secrets de ce jardin et du Sénat, ressuscitant tous ceux qui ont fréquenté les lieux. Il dialogue avec les statues, un lapin, les arbres comme Séraphine de Senlis. Auprès de la dame pipi, il trouve une oreille attentive et compatissante, car le besoin de s'épancher l'habite. Il revient donc sur cet accident et le séjour traumatisant qui le cloua à Aix en Provence. Lui, qui a une famille éclatée, s'étonna de voir ses fils à son chevet. Les rôles se sont inversés: « j'étais devenu une espèce d'enfant et eux étaient soudain devenus des adultes ». Avec humour et auto-dérision, il montre comment il s'accommoda de son handicap. On dirait qu'il tourne une séquence des Intouchables quand il déambule à tout berzingue dans le couloir de l'hôpital. Pour égayer les soirées interminables, il teste l' adresse de son pied droit, imagine un dialogue entre le crayon et le Robert tombés.

Sa renaissance pas à pas, lui a permis de développer sa capacité à l'émerveillement devant la beauté de la nature , du jardin ( les parterres de fleurs « un manuel de géométrie en couleur »), la fontaine Médicis) ou les détails d'architecture. En « inspecteur des rues », il sait débusquer sur les façades une nymphe, un satyre.



Sa distraction, il l'a trouvée auprès d 'Odile, qui donne vie à ses figurines et de sa soeur qui les fabrique. L'auteur dresse l'historique de Guignol, le compare à Punch et

se remémore Karaghiozis du théâtre d'ombres de son enfance. Il remonte le fil de ses ses souvenirs heureux, de ses jeux avec son frère disparu à Callithéa.

Il convoque ses parents disparus, compare la situation de son fils exilé ( avec qui les relations sont tendues) à la sienne et aborde une réflexion sur la paternité et la transmission. Il est convaincu que pour s'accomplir, s'épanouir, pour réaliser des prouesses, il faut prendre de la distance avec sa famille.

La mort en embuscade s'invite à la fin du récit, ne serait-ce qu'avec l'agonie de cette feuille restante sur le marronnier. Moment de grâce sublimé par ce rendez-vous avec son fidèle admirateur qui se devait de l'assister dans sa chute tourbillonnante et la sauver. Ne croise-t-il pas Hadès dans les entrailles des catacombes?



Le récit bascule dans le surréalisme quand la folie s'empare d'un client dans une librairie menacée par l'assaut imminent d'indiens. A la manière de Woody Allen, les personnages s'échappent des pages et se liguent avec les lecteurs. Leur vivacité supplée à la lenteur du narrateur « figurine manipulée par deux béquilles ».



L'auteur développe une réflexion sur la frontière entre réel et imaginaire. N'est-il pas lui- même un personnage de son roman inachevé, d'où l'usage de ses béquilles?



On devine l'auteur rongeant son frein, impatient de retourner à Athènes de crainte de ne plus reconnaître son pays. Ne pouvant pas passer sous silence la crise grecque, il nous livre ses convictions et pose son regard censeur et caustique sur la richesse de l'église ( que les politiques n'osent pas taxer) et le gouvernement. Il brosse une peinture au vitriol de la société grecque ( élites corrompues). Il colle à l'actualité, évoquant les JO ( qui ont alourdi la dette), les drames, les suicides dus à la pauvreté galopante. Il ne se prive pas de brocarder les paroles ordurières de certains politiques.



Vassilis Alexakis dévoile son rituel d'écrivain et les contraintes qu'il s'impose: vivre

seul. Une vie monacale indispensable à l'écriture. Pour tromper sa solitude, il fait défiler les femmes qu'il a aimées ou fréquentées. Désormais, c'est auprès de la dame de bronze « aux formes généreuses », « belle comme les actrices italiennes » qu'il aime se poser pour « une conversation muette» quotidienne, avant de rentrer à l'hôtel.



L'auteur paie sa dette à la littérature, déclinant ses plaisirs de lectures. Son goût pour la fiction , il l'a hérité de sa mère. Il évoque ceux qui furent ses compagnons dès son enfance. Les héros répondent tous à l'appel (Don Quichotte, D'Artagnan, Tarzan, Robinson, la liste est interminable). Il met en relief le rôle du Robert.

A 20 ans, il partagea ses doutes avec ses maîtres tutélaires: Dostoïevski, Faulkner et Beckett qui lui ouvrirent la voie à « son propre chemin ».



Il dénonce le déclin de la poésie et nous gratifie des poèmes de Constantin.

Il épingle « le milieu littéraire parisien » qui « ne reconnaît du talent qu'à ceux qui le flatte ».Il ne manque pas de rappeler notre héritage du grec. Et l'auteur d'imaginer avec une pointe de malice, le remboursement des mots empruntés comme économie! Cette francophilie reconnue a permis à Vassilis Alexakis d'être le Lauréat du Prix de la langue française 2012. Il contribue à maintenir vivante la flamme de la lecture.



En fermant le roman, on se demande si le narrateur a regagné son studio, si la séance de dédicaces au jardin du Luxembourg a eu lieu , si le personnel médical d'Aix a eu la visite promise. On garde en mémoire ce geste touchant d'offrande à la dame « à la capeline de paille », cette feuille morte déposée sur sa jupe comme un talisman.



Vassilis Alexakis signe un roman labyrinthique, aux accents autobiographiques, émaillé d'une pléthore de réminiscences familiales, de digressions, traversé par la mythologie (Ulysse et la guerre de Troie, Circé...). Il nous offre aussi des parenthèses poétiques et des morceaux d'anthologie ( Guignol et Gnafron ayant maille à partir avec le couple présidentiel!) où se côtoient réalité et fiction, happant le lecteur dans ce tourbillon hallucinant ou l'entrainant dans le Paris souterrain.

Un enchantement de lecture qui apporte de la couleur et de l'inédit.

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Les mots étrangers

Est-ce ma propre identification tellement poussée avec le héros de ce roman qui me fait penser qu'il s'agit plus d'une autobiographie que d'un roman?

Les thèmes: l'apprentissage d'une langue supplémentaire après un bilinguisme très "évolué", d'une langue qui n'a pour l'apprenant aucun but communicatif, une langue "presque" choisie par hasard, pour la seule raison que "Ne pas avoir de raison d'apprendre une langue n'est pas une raison de ne pas l'apprendre" (p. 92)...

Et pourtant, cet apprentissage semble être principalement un moyen d'élaborer le deuil de son père. La répétition si fréquente de la phrase que le héros veut exorciser: "baba ti mbi a kui" ("mon père est mort") constitue la clef de ce récit, dont la profondeur n'apparaît que sous le voile d'une sublime légèreté de ses contenus et de son style. L'apprentissage, avec toutes les émotions que donnent les nouveaux mots, car "les mots étrangers ont du cœur" (p. 320), est une sublimation de la perte, peut-être aussi une compensation d'une enfance retrouvée par la possibilité de s'approprier par petites gorgées (tétées) l'instrument linguistique vierge, tout comme un enfant s'approprie sa première langue.

Et une autre raison du "presque" hasardeux: cette langue africaine, le sango, s'avère avoir un lien de famille avec celui qui l'apprend, un lien avec le père du père, celui qui a laissé une lettre en héritage, qui est en fait une impossibilité d'être lue, l'héritage d'un silence du père, face auquel le héros se retrouve à son tour...

Dans cette optique, le voyage du héros dans le pays du sango, la Centrafrique, est aussi un voyage à la recherche de ce côté-ci de son ascendance, une recherche des sources ainsi qu'une tentative de rendre "vivante" cette langue née d'un décès. C'est peut-être pour cela aussi que la Centrafrique lui rappelle si souvent la Grèce de son enfance: "Suis-je venu ici pour ressusciter mon passé? L'Afrique me le rappelle si souvent que j'ai par moments le sentiment déroutant qu'elle se souvient de moi" (p. 260).

Enfin il y a dans ce livre une ode au multilinguisme et à l'apprentissage des langues: "Les langues vous rendent l'intérêt que vous leur portez. Elles ne vous racontent des histoires que pour vous encourager à dire les vôtres. Comment aurais-je pu écrire en français si la langue ne m'avait pas accepté tel que je suis?" (p. 320), ce qui est la meilleure preuve que les langues font souvent davantage preuve de sens de l'hospitalité des migrants que les humains pour qui elles ne sont qu'un instrument de communication banalement spontané...

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Ap. J.-C.

Un jeune homme part à la recherche du frère d'une ami au mont Athos...Découverte d'un lieu hors du temps...
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La langue maternelle

c est un livre qui commence doucement, léger , puis l auteur nous charme avec ses souvenirs d école de l lliade et de l Odysée, de la langue greque ancienne .....

et bientot sa recherche initiatique de la signification de l epsilon nous accroche , nous permet de le connaitre de plus en plus, le livre se bonifie jusqu à un final magnifique et émouvant.

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Le premier mot

L’intérêt est dans le plaisir de la conversation. Les protagonistes sont bavards, presque tous des universitaires, des linguistes, aussi neurophysiologistes (une apparition de Changeux), ou préhistoriens. Plaisir des mots, le mot provenant de son contraire le silence mot/muet , absence des mots pour la jeune sourde qui s’exprime par la langue des signes, mots exotiques, du sanscrit au livonien ou au basque…origine ancienne des mots, Miltiadis s’amuse à construire des phrases françaises uniquement avec des mots d’origine allemande, ou arabes . Son chef d’œuvre est l’histoire du « philosophe Polyandre, poète, du triomphe d’Eros, démiurge de l’épopée satirique démocratie phagocytée par la politique et d’une anthologie d’aphorismes blasphématoires, critique de cinéma à ses heures eut un épilogue tragique, ostracisé par le Tyran Monotone Archéoptéryx, il fut saponifié par électrolyse au monastère monophysite de l’Eucharistie, à Nécropole. ». Jubilatoire !
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Le premier mot

Alexakis n’a de cesse d’exposer dans ce livre, une idée parfois exagérément fraternelle, selon laquelle toutes les langues ont quelque chose à se dire, à apprendre les unes des autres, sans hiérarchie, primauté ou antériorité. La narratrice a beau chercher le premier mot qui fut prononcé jadis par l’homme, en mémoire de son frère disparu, elle ne le trouve pas vraiment. Sans doute se laisse-t-elle bercer par le brassage des nombreuses théories que lui exposent tous ceux qu’elle rencontre au cours de sa quête, et sans doute n’a-t-elle nulle envie d’en valider une plus qu’une autre. Chaque mot originel que lui délivrent successivement les éminents savants - linguiste, paléontologue, psychiatre, neurochirurgien - nourrit un univers imaginaire, enfantin, naturel, émotionnel ; quelle folie ce serait de vouloir réduire tout cela à un seul mot, toute l’histoire de l’homme ! Ses nombreuses rencontres forgent aussi l’expérience même de ce qu’est la langue, de façon plus forte encore quand elle est le sujet même de la rencontre. Français, grec, langue des signes même, toute langue sait se faire comprendre à qui veut écouter. Toutes les rencontres sont prétextes à triturer les mots, à des connexions infinies vers d’autres lieux, d’autres hommes.

Alexakis tourne et retourne aussi la question de l’héritage de la culture et la langue grecque. Peut-être pour conjurer la désolation présente de son pays. On peut lire Homère ou les philosophes pour un autre son de cloche, mais Alexakis ramène à un sentiment grec contemporain qui n’oublie pas la fierté et là d’où il vient. A l’aide d’un personnage impertinent de théâtre d’ombres, Karaghiozis, il questionne sans cesse la diversité grecque que nous connaissons mal (Macédoine, Alexandre, Homère, les îles), et la rend ainsi un peu moins classique.

Mais le vrai cœur du livre, c’est le chant incessant du frère disparu. Comme si toute cette quête, toute cette énergie dépensée à vivre, à parler, à chercher à aimer, n’était qu’une façon un peu moins banale qu’une autre de « faire son deuil ». Alexakis convoque avec tendresse de délicats fantômes, des souvenirs d’enfance, des arbres magiques, des poupées traditionnelles, des bateaux pour que la transmission ait lieu, et que la vie de l’un n’emporte pas celle de l’autre.

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Ap. J.-C.

Un étudiant en histoire est missionné par sa logeuse, une dame très âgée et très riche, pour recueillir des informations sur le mont Athos. La Sainte Communauté cache bien des mystères. C'est parmi ces moines orthodoxes que s'est établi le frère de Nausicaa et elle n'a eu aucune nouvelles de lui depuis plus d'un demi-siècle.

C'est un réel plaisir de retrouver la plume de Vassilis Alexakis. Il est très agréable à lire et a le chic de nous faire voyager. Alors que La langue maternelle était une incursion dans la Grèce actuelle, Ap. J.-C. nous fait plonger dans l'Empire Byzantin alias l'Empire Romain d'Orient et les fondements de l'orthodoxie. Ce roman m'a rappelé bien des souvenirs des cours d'histoire abordant cette période au collège et m'a également permis d'apprendre beaucoup de choses. Alexakis sait introduire des éléments culturels, historiques ou philosophiques sans aucune lourdeur. C'est là l'une des grandes qualités de cet écrivain que j'apprécie un peu plus à chaque lecture !
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Les mots étrangers

Roman au ton léger, mêlant la réflexion à un certain humour, et à l'aventure de l'apprentissage du songo, comparé au français et au grec, langues du narrateur, avant un voyage à Bangi en Centrafrique. "Le vrai nom du pays est Beafrica. Be, c'est le coeur dans la langue nationale."

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Ap. J.-C.

Au moyen d'un procédé romanesque simple, Vassili Alexakis nous donne une image de la Grèce moderne, tiraillée entre un avant-hier philosophique et polythéiste, un hier religieux chrétien orthodoxe (voir plus qu'orthodoxe) et un aujourd'hui dont on devine la complexité.

Un roman, je suppose bien documenté; qui se termine dans la république monastique du mont Athos, une curiosité géopolitique qui n'a pas d'égale dans le monde moderne puisque la moitié féminine de l'humanité y est interdite de séjour.

J'ai bien aimé la petite musique pro-laïque de l'auteur, qui a passé une bonne partie de sa vie en France et dont l'oeuvre a été pour une bonne part, écrite en langue française.
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Je t'oublierai tous les jours

"Je t'oublierai tous les jours" de Vassilis Alexakis (256p)

Ed. Folio

Bonjour les fous de lectures, voici une lecture qui me permet de valider la Grèce sur mon planisphère.

Ce récit est la dernière conversation de Vassilis Alexakis avec sa mère disparue des années plus tôt.

Il raconte... se souvient de son passé à ses côté mais lui relate aussi les évènements qui se sont produits depuis la disparition de celle-ci.

Son but: lutter conte l'oubli

Comme vous l'aurez compris, ce livre, présenté comme un roman, est en grande partie autobiographique est centré autour du personnage qu'est la mère de l'auteur.

Y sont dévoilées, tout en pudeur, cette relation privilégiée entre cette mère et son fils, les relations plus complexes avec le père, l'époux, les métamorphoses de la Grèce, du monde depuis que la mère a disparu.

Mais l'auteur en profite également pour tiré un bout du voile qui était posé sur sa vie. Il se raconte à cette disparue qui n'a cessé d'être à ses côtés

Voici donc un récit tout en douceur et tendresse teinté d'un once d'humour.

Une jolie dernière conversation, menée à u n rythme soutenu, d'un fils avec sa mère pour que rien ne s'oublie.

Un très beau texte, plein de pudeur, qui est une réflexion sur le temps, sur les liens qui se distendent parfois, les incompréhensions, les non-dits, sur l'identité, la langue et la littérature.... sujets chers à l'auteur

Très doux , très sensible .. j'ai beaucoup aimé et continuerai certainement à lire d'autres ouvrages de ce Vassilis Alexakis.

Magnifique !

A propos de l'auteur:

Né à Athènes, Vassilis Alexakis s'est installé à Paris en 1968 peu après le coup d'Etat des colonels grecs. Depuis le rétablissement de la démocratie dans son pays, il écrit aussi bien en grec qu'en français et a reçu le prix Médicis pour La langue maternelle.
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Ap. J.-C.

Vassilis Alexakis écrit depuis des années en français. Si bien, d’ailleurs, qu’on a du mal à croire que ce n’est pas sa langue maternelle, le titre d’un de ses livres, justement, que j’avais lu à sa sortie en 1995, où il évoquait sa relation avec son pays d’origine.

Mais la Grèce, où il est né et qu’il a quittée après le putsch des colonels, reste chère à son cœur et il y fait de fréquents séjours. C’est elle qui est au centre de bon nombre de ses romans, et de Ap. J.C. en particulier. A la lecture de la quatrième de couverture, ce roman m’est apparu comme le guide idéal pour poursuivre l’exploration de la Grèce et de sa littérature.

Le seul prénom de son héroïne était pour moi une invitation au rêve et au voyage : peut-on raisonnablement tourner le dos à un personnage nommé Nausicaa ? Agée de près de quatre-vingt-dix ans, celle-ci charge le jeune étudiant qu’elle héberge, originaire de l’île de Tinos, de faire des recherches sur le mont Athos pour, peut-être, y retrouver son frère aîné dont elle reste depuis près de cinquante ans sans nouvelles.



J’avais déjà entendu parler du mont Athos, cette presqu’île dotée de pas moins de vingt monastères, mais je ne le connaissais pas vraiment. En suivant le héros dans son enquête, au cours de laquelle il lit de nombreux livres, interroge des journalistes, des universitaires et des moines orthodoxes, on découvre peu à peu la physionomie de cette roche située au nord du pays, à quelques encablures de Thessalonique, qu’aurait jetée le géant Athos à la face de Poséidon... ou l’inverse, selon une autre légende.

On découvre surtout le poids d’une communauté sur la vie politique du pays, son influence et ses dogmes, hérités d’un temps que l’on aurait cru révolu. Bénéficiant d’un statut autonome, elle est dispensée de payer des impôts ; il faut un visa particulier pour y accéder, et le nombre de visiteurs y est extrêmement limité, les moines vivant reclus pour se consacrer exclusivement à la prière. En aucun une femme ne saurait pénétrer sur ce territoire, où domine la règle de l’abaton qui en interdit la présence et que ni les gouvernements grecs successifs - même à l’époque des socialistes - ni la commission européenne n’ont pu - ou voulu - proscrire !



Par ses réflexions et ses errances mentales, le héros d’Alexakis nous entraîne dans une Grèce tour à tour millénaire et contemporaine, il en révèle les multiples visages, revient sur différents épisodes de son histoire, ses relations avec Byzance et brosse par là-même un portrait vivant, émouvant et coloré de son pays qu’il aime, mais dont il ne tait ni les failles ni les faiblesses.


Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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La clarinette

Vassilis Alexakis La clarinette roman Seuil ( 351 pages – 21€)



Peut-on oublier un mot de sa langue maternelle ou de sa langue d'adoption ?

Oui, dira l'auteur, qui, en a fait l'expérience. Il s'interroge sur le mécanisme de la mémoire chez les adultes, mais aussi chez les enfants et nous livre les résultats de son enquête. Ce mot oublié donne donc le titre au roman.



Vassilis Alexakis est un habitué des allers retours Paris-Athènes. Dans ce roman, il nous fait partager son séjour 2013, nous relatant les retrouvailles avec sa famille,la réception qu'il organisa pour ses 69 ans, ( son anniversaire tombant à Noël), ses rencontres fortuites dans les rues, le tout dans les moindres détails. Des sujets récurrents sont développés : l'écriture, la traduction, les langues et la crise grecque.



Mais ses pensées sont constamment tournées vers son éditeur, devenu plus qu'un ami, un confident, taraudé par la crainte de ne pas le revoir. L'auteur lui téléphone et commence une conversation ininterrompue, échangeant sur de multiples registres.



Le portrait de celui qui n'est pas nommé (1), facilement identifiable, puisque l'auteur de Deux vies valent mieux qu'une, livre catharsis, se tisse au fil des pages.

Le romancier se remémore leur première rencontre en 1974 , la publication de son premier roman Le sandwich et relate comment leur lien professionnel se transforma en une véritable amitié, une complicité fraternelle matinée de déférence. Avec nostalgie, il se souvient de leurs étés à Tinos, leurs familles réunies.



On suit avec empathie le combat de l'éditeur contre la maladie, le traitement de la dernière chance et la façon dont Vassilis Alexakis le drape de bienveillance et lui apporte un soutien moral incommensurable, une présence lénifiante jusqu'à cette fatale date du 25 mars 2013, coïncidant , ironie du sort, à la fête nationale grecque.

Et si le tag « Je dépéris », vu sur un mur à Athènes, était une voix prémonitoire ?



En parallèle, se brosse l'autoportrait de l'auteur bilingue, sollicité de toutes parts, par des salons, des universités, des librairies et médiathèques. Avec humour, à l'instar de L'écrivain national de Serge Joncour, il commente ses voyages en train, ses rencontres avec son lectorat, ses passages dans les villes, dont il ne connaît, parfois, que la gare, la cathédrale ou le phare ( énigme de Brive). Il est passé expert en noms des habitants. Il ne cache pas ses idées politiques sur la carence du gouvernement de Samaras, l'administration qui sommeille, la troïka et le parti Aube dorée. Il est indigné de voir l'église intouchable, la misère dans les rues, occultée par les pouvoirs publics. Avec Zoé, ils évoquent les droits bafoués. Il ne se prive pas d'égratigner les journalistes peu délicats ou le net, source d'infos erronées. Il souligne l'inéluctable solitude de l'écrivain et justifie son choix de quitter Stock. Il concède sa propension aux mensonges. Il confie sa lassitude de Paris, où l'on garde ses distances.



En marge de ce duo éditeur/écrivain, défile toute une galerie de personnages atypiques, hauts en couleur : Minas, le clochard érudit qui lit Cavafy, Théotokas ; Lilie qui tricote des pulls pour les miséreux SDF ; la dame au cageot rouge ; « un marchand de loukoums qui miaulait » ; Orthodoxie, qui joue dans une équipe de football et vend Le radeau,en gilet rouge. N'oublions pas que Vassilis Alexakis est un fanatique de ce sport. Dans le quartier du Céramique, au cours d'une maraude, l'auteur croise Thodoros, ex- commerçant, ruiné.



L'auteur sait à la fois nous émouvoir ( avec ses larmes de « la taille de pièces de dix euros » et nous dérider par des scènes insolites ou cocasses, frôlant le ridicule, mais excellant dans l'autodérision. Le travelling sur une poubelle qui dévale, avec l'auteur s'évertuant à la freiner est plein de suspense. Une passagère qui ne sait plus détacher sa ceinture, arrivée à Roissy. Le pantalon qui se détache du fil et atterrit on ne sait où. Parfois c'est lui qui chute de son fauteuil. Sa sortie d'une bouche d' égout, couvert d' « une boue, blanchâtre », dans l'indifférence des passants. Comme il le fait remarquer tragédie et comédie «  sont deux genres qui se côtoient sans cesse, qui habitent sur le même palier ». On sourit à la naïveté de sa question concernant les marées : « Comment je vais faire pour rentrer chez moi ? ».

Il adopte un style imagé pour décrire sa table de ping-pong : « Les documents formaient des chaînes de montagnes. Les deux raquettes, comme elles sont bleues, figuraient des lacs ». Tel un poète, à Tinos, il sait s'émerveiller devant la beauté d'un papillon : « j'ai eu l'impression qu'il applaudissait le paysage ».



On adhère d'autant plus facilement que l'auteur nous apostrophe en ami. Ne nous fait-il pas partager même ses messages téléphoniques ?



Avec Vassilis Alexakis, 71 ans, on ne prend pas racine. Toute sa vie n'a-t-elle pas été une course ? Fait-il remarquer,« complètement essoufflé ». Il nous embarque dans ses déambulations athéniennes ( le café d'Exarkheia, le quartier de Kypséli peuplé d'immigrés, de Kolonaki, d'Omania) et parisiennes ( imaginant son ultime traversée de Paris). « Les lieux sont chargés de souvenirs », des liens et notre mémoire.



Il nous offre une immersion dans la langue grecque, émaillant ce roman de mots grecs, rendant hommage à l'helléniste Jacqueline de Romilly, qui a donné son nom «  à une place près de l 'Acropole ». « La grâce des mots tient à leur sens : c'est lui qui leur permet de s'envoler comme des ballons ». Il est lui aussi un adepte du name dropping : François Bott qui lui assure que « Trouville est le lieu idéal pour fumer la pipe », dont il ne se sépare pas.



Les aficionados de Vassilis Alexakis reconnaîtront les romans précédents qu'il évoque. Depuis celui où il apprend le sango, celui où il cherche le premier mot, des titres moins connus comme La tête du chat et l'avant-dernier qui est celui de la remise sur pied. On retrouve cette même autodérision et des scènes cocasses parfois cinématographiques. L'auteur aime convoquer les absents. Il nous a déjà habitués à ses récits d'outre tombe avec: Je t'oublierai tous les jours ou L'enfant grec, dans lesquels il dialogue avec sa famille disparue ( mère, père, frère). Rappelons que Vassilis Alexakis a reçu le prestigieux Grand Prix de l'Académie française.



Le bémol qui peut indigner des féministes, c'est la façon dont l'auteur évoque ses liaisons éphémères, concédant ne pas être amoureux . Par contre, sa petite fille Éléni le fait fondre de tendresse et il lui promet de « l'installer au coeur de sa mémoire ».



Dans ce roman largement autobiographique, Vassilis Alexakis mêle souvenirs, anecdotes, interrogations, confidences adressées « à mi-voix » à ses lecteurs, « façon de les traiter en amis », réminiscences de son « intermezzo » à Rome. Il s'égare dans des digressions sur les chiffres, les couleurs. Il nous offre une incursion dans le théâtre et le dictionnaire. En journaliste, il autopsie la situation de la Grèce, dresse un état des lieux dramatique ( mesures d'austérité imposées par Bruxelles, pauvreté et « affres de la faim », fermeture de librairies), prémices de la crise actuelle. Elle « n'a plus qu'un visage, celui de ses fautes ». La Grèce, déliquescente, est à vendre. Il égratigne ceux qui bénéficient de niches fiscales, comme l'église. Toutefois, on comprend mieux son attachement à Athènes, plus rien ne le retient à Paris. Serait-il mal à l'aise avec la montée de la xénophobie, lui, l'exilé ? Désirerait-il se rapprocher de la mer ? Elle, «  qui résiste le mieux à l'oubli » et qu' « il faut regarder debout ».







Pour donner de la légèreté, la musique ( bouzouki, rébétiko) et la danse ponctuent le récit, teinté de mélancolie. La vie ne vaut-elle pas d'être dansée ? L'auteur ne se fait-il pas passer pour « équilibriste » ? Jongler du grec au français, il excelle ( « exercice salutaire pour le cerveau »), tout en soulevant les difficultés auxquelles un traducteur est confronté quand le mot n'existe pas dans l'une des langues.



Dans La clarinette Vassilis Alexakis rend un vibrant hommage à cet ami, qu'il a accompagné avec abnégation et tendresse, lui offrant un tombeau de papier à la hauteur de leur quarante années d' amitié indéfectible, de fidélité, de soutien réciproques. Comme le pense Milena Busquets, ne sommes- nous pas « davantage les choses que nous avons perdues que celles que nous avons » ?

Un roman touchant, alerte, fertile en imprévus, truffé de références mythologiques, d'une grande envergure, que l'on quitte à regrets, dédié aux enfants du disparu.

« Topissime », oserais-je ajouter !



(1) Jean-Marc Roberts















Vassilis Alexakis La clarinette roman Seuil ( 351 pages – 21€)



Peut-on oublier un mot de sa langue maternelle ou de sa langue d'adoption ?

Oui, dira l'auteur, qui, en a fait l'expérience. Il s'interroge sur le mécanisme de la mémoire chez les adultes, mais aussi chez les enfants et nous livre les résultats de son enquête. Ce mot oublié donne donc le titre au roman.



Vassilis Alexakis est un habitué des allers retours Paris-Athènes. Dans ce roman, il nous fait partager son séjour 2013, nous relatant les retrouvailles avec sa famille,la réception qu'il organisa pour ses 69 ans, ( son anniversaire tombant à Noël), ses rencontres fortuites dans les rues, le tout dans les moindres détails. Des sujets récurrents sont développés : l'écriture, la traduction, les langues et la crise grecque.



Mais ses pensées sont constamment tournées vers son éditeur, devenu plus qu'un ami, un confident, taraudé par la crainte de ne pas le revoir. L'auteur lui téléphone et commence une conversation ininterrompue, échangeant sur de multiples registres.



Le portrait de celui qui n'est pas nommé (1), facilement identifiable, puisque l'auteur de Deux vies valent mieux qu'une, livre catharsis, se tisse au fil des pages.

Le romancier se remémore leur première rencontre en 1974 , la publication de son premier roman Le sandwich et relate comment leur lien professionnel se transforma en une véritable amitié, une complicité fraternelle matinée de déférence. Avec nostalgie, il se souvient de leurs étés à Tinos, leurs familles réunies.



On suit avec empathie le combat de l'éditeur contre la maladie, le traitement de la dernière chance et la façon dont Vassilis Alexakis le drape de bienveillance et lui apporte un soutien moral incommensurable, une présence lénifiante jusqu'à cette fatale date du 25 mars 2013, coïncidant , ironie du sort, à la fête nationale grecque.

Et si le tag « Je dépéris », vu sur un mur à Athènes, était une voix prémonitoire ?



En parallèle, se brosse l'autoportrait de l'auteur bilingue, sollicité de toutes parts, par des salons, des universités, des librairies et médiathèques. Avec humour, à l'instar de L'écrivain national de Serge Joncour, il commente ses voyages en train, ses rencontres avec son lectorat, ses passages dans les villes, dont il ne connaît, parfois, que la gare, la cathédrale ou le phare ( énigme de Brive). Il est passé expert en noms des habitants. Il ne cache pas ses idées politiques sur la carence du gouvernement de Samaras, l'administration qui sommeille, la troïka et le parti Aube dorée. Il est indigné de voir l'église intouchable, la misère dans les rues, occultée par les pouvoirs publics. Avec Zoé, ils évoquent les droits bafoués. Il ne se prive pas d'égratigner les journalistes peu délicats ou le net, source d'infos erronées. Il souligne l'inéluctable solitude de l'écrivain et justifie son choix de quitter Stock. Il concède sa propension aux mensonges. Il confie sa lassitude de Paris, où l'on garde ses distances.



En marge de ce duo éditeur/écrivain, défile toute une galerie de personnages atypiques, hauts en couleur : Minas, le clochard érudit qui lit Cavafy, Théotokas ; Lilie qui tricote des pulls pour les miséreux SDF ; la dame au cageot rouge ; « un marchand de loukoums qui miaulait » ; Orthodoxie, qui joue dans une équipe de football et vend Le radeau,en gilet rouge. N'oublions pas que Vassilis Alexakis est un fanatique de ce sport. Dans le quartier du Céramique, au cours d'une maraude, l'auteur croise Thodoros, ex- commerçant, ruiné.



L'auteur sait à la fois nous émouvoir ( avec ses larmes de « la taille de pièces de dix euros » et nous dérider par des scènes insolites ou cocasses, frôlant le ridicule, mais excellant dans l'autodérision. Le travelling sur une poubelle qui dévale, avec l'auteur s'évertuant à la freiner est plein de suspense. Une passagère qui ne sait plus détacher sa ceinture, arrivée à Roissy. Le pantalon qui se détache du fil et atterrit on ne sait où. Parfois c'est lui qui chute de son fauteuil. Sa sortie d'une bouche d' égout, couvert d' « une boue, blanchâtre », dans l'indifférence des passants. Comme il le fait remarquer tragédie et comédie «  sont deux genres qui se côtoient sans cesse, qui habitent sur le même palier ». On sourit à la naïveté de sa question concernant les marées : « Comment je vais faire pour rentrer chez moi ? ».

Il adopte un style imagé pour décrire sa table de ping-pong : « Les documents formaient des chaînes de montagnes. Les deux raquettes, comme elles sont bleues, figuraient des lacs ». Tel un poète, à Tinos, il sait s'émerveiller devant la beauté d'un papillon : « j'ai eu l'impression qu'il applaudissait le paysage ».



On adhère d'autant plus facilement que l'auteur nous apostrophe en ami. Ne nous fait-il pas partager même ses messages téléphoniques ?



Avec Vassilis Alexakis, 71 ans, on ne prend pas racine. Toute sa vie n'a-t-elle pas été une course ? Fait-il remarquer,« complètement essoufflé ». Il nous embarque dans ses déambulations athéniennes ( le café d'Exarkheia, le quartier de Kypséli peuplé d'immigrés, de Kolonaki, d'Omania) et parisiennes ( imaginant son ultime traversée de Paris). « Les lieux sont chargés de souvenirs », des liens et notre mémoire.



Il nous offre une immersion dans la langue grecque, émaillant ce roman de mots grecs, rendant hommage à l'helléniste Jacqueline de Romilly, qui a donné son nom «  à une place près de l 'Acropole ». « La grâce des mots tient à leur sens : c'est lui qui leur permet de s'envoler comme des ballons ». Il est lui aussi un adepte du name dropping : François Bott qui lui assure que « Trouville est le lieu idéal pour fumer la pipe », dont il ne se sépare pas.



Les aficionados de Vassilis Alexakis reconnaîtront les romans précédents qu'il évoque. Depuis celui où il apprend le sango, celui où il cherche le premier mot, des titres moins connus comme La tête du chat et l'avant-dernier qui est celui de la remise sur pied. On retrouve cette même autodérision et des scènes cocasses parfois cinématographiques. L'auteur aime convoquer les absents. Il nous a déjà habitués à ses récits d'outre tombe avec: Je t'oublierai tous les jours ou L'enfant grec, dans lesquels il dialogue avec sa famille disparue ( mère, père, frère). Rappelons que Vassilis Alexakis a reçu le prestigieux Grand Prix de l'Académie française.



Le bémol qui peut indigner des féministes, c'est la façon dont l'auteur évoque ses liaisons éphémères, concédant ne pas être amoureux . Par contre, sa petite fille Éléni le fait fondre de tendresse et il lui promet de « l'installer au coeur de sa mémoire ».



Dans ce roman largement autobiographique, Vassilis Alexakis mêle souvenirs, anecdotes, interrogations, confidences adressées « à mi-voix » à ses lecteurs, « façon de les traiter en amis », réminiscences de son « intermezzo » à Rome. Il s'égare dans des digressions sur les chiffres, les couleurs. Il nous offre une incursion dans le théâtre et le dictionnaire. En journaliste, il autopsie la situation de la Grèce, dresse un état des lieux dramatique ( mesures d'austérité imposées par Bruxelles, pauvreté et « affres de la faim », fermeture de librairies), prémices de la crise actuelle. Elle « n'a plus qu'un visage, celui de ses fautes ». La Grèce, déliquescente, est à vendre. Il égratigne ceux qui bénéficient de niches fiscales, comme l'église. Toutefois, on comprend mieux son attachement à Athènes, plus rien ne le retient à Paris. Serait-il mal à l'aise avec la montée de la xénophobie, lui, l'exilé ? Désirerait-il se rapprocher de la mer ? Elle, «  qui résiste le mieux à l'oubli » et qu' « il faut regarder debout ».







Pour donner de la légèreté, la musique ( bouzouki, rébétiko) et la danse ponctuent le récit, teinté de mélancolie. La vie ne vaut-elle pas d'être dansée ? L'auteur ne se fait-il pas passer pour « équilibriste » ? Jongler du grec au français, il excelle ( « exercice salutaire pour le cerveau »), tout en soulevant les difficultés auxquelles un traducteur est confronté quand le mot n'existe pas dans l'une des langues.



Dans La clarinette Vassilis Alexakis rend un vibrant hommage à cet ami, qu'il a accompagné avec abnégation et tendresse, lui offrant un tombeau de papier à la hauteur de leur quarante années d' amitié indéfectible, de fidélité, de soutien réciproques. Comme le pense Milena Busquets, ne sommes- nous pas « davantage les choses que nous avons perdues que celles que nous avons » ?

Un roman touchant, alerte, fertile en imprévus, truffé de références mythologiques, d'une grande envergure, que l'on quitte à regrets, dédié aux enfants du disparu.

« Topissime », oserais-je ajouter !



(1) Jean-Marc Roberts

























Vassilis Alexakis La clarinette roman Seuil ( 351 pages – 21€)



Peut-on oublier un mot de sa langue maternelle ou de sa langue d'adoption ?

Oui, dira l'auteur, qui, en a fait l'expérience. Il s'interroge sur le mécanisme de la mémoire chez les adultes, mais aussi chez les enfants et nous livre les résultats de son enquête. Ce mot oublié donne donc le titre au roman.



Vassilis Alexakis est un habitué des allers retours Paris-Athènes. Dans ce roman, il nous fait partager son séjour 2013, nous relatant les retrouvailles avec sa famille,la réception qu'il organisa pour ses 69 ans, ( son anniversaire tombant à Noël), ses rencontres fortuites dans les rues, le tout dans les moindres détails. Des sujets récurrents sont développés : l'écriture, la traduction, les langues et la crise grecque.



Mais ses pensées sont constamment tournées vers son éditeur, devenu plus qu'un ami, un confident, taraudé par la crainte de ne pas le revoir. L'auteur lui téléphone et commence une conversation ininterrompue, échangeant sur de multiples registres.



Le portrait de celui qui n'est pas nommé (1), facilement identifiable, puisque l'auteur de Deux vies valent mieux qu'une, livre catharsis, se tisse au fil des pages.

Le romancier se remémore leur première rencontre en 1974 , la publication de son premier roman Le sandwich et relate comment leur lien professionnel se transforma en une véritable amitié, une complicité fraternelle matinée de déférence. Avec nostalgie, il se souvient de leurs étés à Tinos, leurs familles réunies.



On suit avec empathie le combat de l'éditeur contre la maladie, le traitement de la dernière chance et la façon dont Vassilis Alexakis le drape de bienveillance et lui apporte un soutien moral incommensurable, une présence lénifiante jusqu'à cette fatale date du 25 mars 2013, coïncidant , ironie du sort, à la fête nationale grecque.

Et si le tag « Je dépéris », vu sur un mur à Athènes, était une voix prémonitoire ?



En parallèle, se brosse l'autoportrait de l'auteur bilingue, sollicité de toutes parts, par des salons, des universités, des librairies et médiathèques. Avec humour, à l'instar de L'écrivain national de Serge Joncour, il commente ses voyages en train, ses rencontres avec son lectorat, ses passages dans les villes, dont il ne connaît, parfois, que la gare, la cathédrale ou le phare ( é
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La clarinette

Pour ses lecteurs, Vassilis Alexakis est un ami qui charge assez régulièrement le narrateur de ses romans, son double fictionnel, de leur donner de ses nouvelles et, surtout, de leur livrer l’état de son monde intérieur, sans jamais céder au narcissisme. Ici, entre 2012 et 2013, beaucoup de choses vont mal. On court, on court dans la vie, on ne voit pas le temps passer, jusqu’au jour où il faut bien admettre qu’on n’a plus l’âge de ses ambitions, qu’il faut songer à finir son verre parce que l’heure de la fermeture approche. Grec, exilé à Paris à la suite du coup d’Etat des colonels, établi en France pendant de longues années écrivant ses livres en français ou en grec (et rencontrant de grosses difficultés à se traduire lui-même), le narrateur se prépare à rentrer définitivement à Athènes. En même temps, l’ami proche (l’éditeur et romancier Jean-Marc Roberts dans la vraie vie) se meurt d’un cancer, et le pays natal s’enfonce dans la crise que l’on sait. Naufrages parallèles, également tragiques auxquels font écho les avanies de l’âge.

La tonalité de base est donc plutôt grave ; mais la mélancolie n’exclut ni l’humour ni la tendresse. Il y a du rêve, des pensées qui dérivent, un pantalon qui s’échappe par la fenêtre… Ce livre plaira bien entendu à tous les amis de Vassilis ; il donnera à penser à tous ceux qui découvrent un beau jour que la vieillesse les a rattrapés ; il rappellera à tous que quand les grandes choses vont mal, l’espoir vient se loger dans les petits détails du quotidien. Superbes portraits de petites gens qui savent garder la tête haute et sauver l’honneur.

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Ap. J.-C.

L’histoire commence de nos jours, à Athènes, avec un étudiant en philosophie présocratique vivant chez Nausicaa, une vieille dame de 89 ans, qui lui demande de mener une enquête sur les moines du Mont Athos. Elle lui demande de retrouver son frère disparu depuis cinquante ans et engagé dans les ordres, elle voudrait rédiger son testament en faveur des moines.



Cet étudiant découvre un monde secret, dans ce centre religieux le plus grand de l’Eglise orthodoxe, interdit aux femmes et aux enfants.



J’ai bien aimé ce livre écrit dans une belle plume, toutefois n’étant pas une érudit il me faudrait le relire pour mieux intégrer toutes les informations aussi bien sur les lieux mythiques, que les Dieux, cela m’a un peu gênée dans ma lecture, mais l’auteur me laissant entrer par la grande porte je n’avais plus qu’à me laisser guider.
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Le premier mot

Un beau roman, lent et réfléchi, sur notre rapport à la langue, aux langues.

La narratrice nous amène à la découverte de son frère, passionné de linguistique et de littérature comparée, qui fait de la linguistique comparée. Après sa mort elle décide de continuer la quête qu'il avait entrepris : trouver quel fût le premier mot prononcé par l'humanité.

Un roman avec lequel il faut prendre son temps. Très bien écrit, comme le sont habituellement tous les livres d'Alexakis, il nous amène à réfléchir, à nous attarder sur des questions que nous nous posons que très rarement, du moins la majorité d'entre nous.
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Avant

"Pourquoi ai-je intitulé ce texte Avant? Normalement j'aurais dû l'appeler Après." Avant ou Après quoi? Etrange histoire que celle de ces personnages qui "vivent" dans des sortes de catacombes sous un cimetière parisien. Ils sont quasiment aveugles (tout est noir), ont oublié des parties de leur vie, notamment la raison de leur arrivée dans cet endroit, ne se situent dans le temps que par le bruit du métro proche ou la fermeture de la grille du cimetière. Ils savent que les vivants peuvent rejoindre les morts mais jamais l'inverse. Ils savent qu'il n'y a pas de retour possible mais passent leur temps à creuser une galerie pour accéder aux couloirs du métro. Ce lire m'a fait penser à "Un soir, un train" de Johan Daisne : la mort qui existe déjà avant et la vie qui se prolonge après le décès.



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