Citations de Véronique Ovaldé (783)
Rose Bustamente fut une grand-mère formidable. Elle débitait des sentences à tout bout de champs et Vera Candida les notait (du coup, elle avait en permanence un petit carnet et un minuscule crayon de bois dans la poche de son short pour noter les phrases de sa grand-mère et pouvoir les relire à loisir, y réfléchir et les relire, tenter d'y déceler du sens, et puis abandonner et se dire, Ce sera pour plus tard, comme si elle avait engrangé des noix de cajou pour parer à une famine à venir).
Il y a des gens qui pensent qu'il suffit que vous leur plaisiez pour qu'ils aient droit à votre corps, énonçait souvent Rose Bustamente...
Il suffit d'un sourire pour qu'on te croie neutralisée. Hier, quand je suis allée à vélo jusqu'au bled pour faire les courses, je n'ai pas souri une seule fois, ça a mis tout le monde mal à l'aise. Tu devrais d'ailleurs essayer plutôt que de sourire au monde entier comme une désespérée.
Il n'y a rien de plus contagieux que la méfiance. C'est un redoutable venin.
Tout avait commencé quand j'avais treize ans. Avant mes treize ans il n'y avait rien. Seulement la longue attente de l'enfance. Le sommeil et l'ennui dévoré de mauvaises herbes. (p. 13 / Points, 2018)
Ta mémoire est une immense commode avec des millions de tiroirs et parfois les tiroirs sont coincés.
Elle craint un instant que chaque phrase formulée ne soit doublée d'une phrase fantôme. C'est sans doute la règle dans toutes les familles. Tout ce qui se dit vraiment n'est jamais prononcé.
( p.58)
Devenue adolescente, Gloria était restée petite, très petite (les vieux disaient tout le temps que les nouvelles générations étaient immenses et poussaient comme des palmiers, donc en restant petite, vous aviez l'impression d'avoir loupé le train de la modernité), elle avait les hanches larges, une taille fine et une forte poitrine. Le physique de muse XIXe siècle du haut de la rue Lepic.
Une ombre vit sur le visage de ceux qui ont perdu quelqu'un. L'ombre d'une plante grimpante. Elle croît à leur insu, et quand ils pensent que personne ne les surveille, elle baigne leurs traits d'absence, de gravité et de perplexité. C'est un démon discret qui habite leur visage. Il se cache dès que quelqu'un le regarde. (p. 167)
J'ai toujours pensé que ce silence était lié aux enfances tristes, ou pauvres, inutile de les ressasser entre adultes , si l'on en parle trop c'est comme de refaire chaque jour tout le chemin parcouru. (p. 41)
Maria Cristina ferme les yeux. Elle ne sait pas si être poreuse à d'autres vies que la sienne est une fatalité ou une richesse. Ou si tout cela n'est pas simplement un exercice d’à priori - la divertissante estimation de ses contemporains d'après leur allure, leur fantôme de sourire ou leur oripeaux n'est peut-être pas une habitude si reluisante. Quand elle était petite fille, elle se sentait engloutie par les émotions des gens.
Aussi quand ce détachement s'était installé en elle et c'était venu très lentement tout comme les hommes cessent de vous regarder quand vous vieillissez, chaque jour moins d'hommes vous regardent ou vous complimentent, chaque jour leur intérêt pour vous s'émousse et leurs hommages s'espacent, si vous n'y prêtez pas garde, vous vous réveillez un matin et vous êtes devenue invisible ; si vous y prenez garde et n'en prenez pas votre parti, c'est une infime piqûre journalière jusqu'à la métamorphose finale.
(...) elle trouvait Salvatore beau et elle prit son caractère taciturne pour du calme et de la pondération.
Alors qu'elle eût dû deviner qu'il était tout sauf un homme calme.Bien au contraire un homme inquiet et secrètement insatisfait.
( p.150)
Nos familles venaient du même village. Nous sommes tous un peu cousins. C'est l'une des particularités de l'insularité n'est-ce pas, protectionnisme, paranoïa et consanguinité.
Comme disait Borges dans - L'Eloge de l'ombre- : " Que d'autres se targuent des pages qu'ils ont écrites ; moi, je suis fier de celles que j'ai lues. " (p. 16)
Une ombre vit sur le visage de ceux qui ont perdu quelqu'un. L'ombre d'une plante grimpante. Elle croît à leur insu et, quand ils pensent que personne ne les surveille, elle baigne leurs traits d'absence, de gravit et de perplexité. C'est un démon discret qui habite leur visage. Il se cache dès que quelqu'un le regarde.
Avant mes treize ans il n'y avait rien. Seulement la longue attente de l'enfance.
Les raisons pour lesquelles on reste ne sont pas toujours faciles à expliquer.
Vida se lève de table durant la soirée et en passant dans le couloir elle aperçoit son reflet dans le miroir . Ce qui lui crée un léger choc . Elle se sent ridicule dans ses voiles verts , on dirait une Grâce Kelly inconsolable , l'une de ces femmes qui boivent trop de gin tonic dans les films brésiliens des années 60 .
Avait-elle vraiment prévu tout ce qui allait se dérouler ce jour-là ou s’agissait-il seulement de l’une de ces éventualités dont nous gratifie notre subconscient quand on lui laisse trop souvent et depuis trop longtemps la porte ouverte ?
Je conduis jusqu'à la maison, le regard exorbité et le corps cassant comme du verre, je ne pleure pas parce que ce serait du soulagement et comment puis-je être soulagée alors que Yoim est revenu et que je porte de nouveau mon coeur en sautoir.