Un roman tout en douceur, aux contours poétiques arrondis par un flot d'images parfois incongrues mais sensibles, propres désormais au style de l'auteur. On y sent la passion au détour de chaque phrase, la précieuse intimité des personnages que le lecteur effleure et l'envie, le désir de tous ces êtres, à la fois simple et exalté. Il émane de cette histoire une grande pureté, une délicatesse absolue et fragile qu'on s'évertue à protéger. Une lecture pénétrante, si agréable à murmurer.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Ce qui fait qu'on referme à regret ce livre échevelé, abracadabrant, qu'on resterait des heures en compagnie de Vida, Paloma, Taïbo et Adolfo, c'est moins le sujet que le ton de Véronique Ovaldé. Son goût et son talent pour le baroque. Sa façon, aussi latino-américaine que le pays imaginaire où se déroule le roman, d'introduire en douceur l'absurde dans les événements les plus sérieux.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Rien de manichéen dans ce livre irrigué par les remises en question, les doutes et l'envie de rebondir. Véronique Ovaldé presse les êtres jusqu'à l'absurde, pour en extraire ce qu'ils ont de plus beau : l'attention aux autres.
Lire la critique sur le site : Telerama
Un style efficace, qui ne semble avoir d'autre objet que de bien raconter une histoire. On lit cela avec beaucoup de plaisir, sans illusion que ce roman bien écrit restera longtemps dans notre imaginaire, une fois refermé.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Et ce qui pourrait n'être qu'une intrigue banale, un roman sur la force du désir qui s'affranchit des digues, devient un hymne à la liberté et à l'imagination.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Il n'y a chez elle [Véronique Ovaldé] rien de brusque, rien de cassant mais, de livre en livre, l'affirmation solide d'une plume gracieuse, apte à décrire de séduisants mondes languissants.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
[Véronique Ovaldé] confirme ainsi ses talents de conteuse, mais aussi de styliste. Et livre une belle et pénétrante histoire d'amour et de liberté.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Cet excellent moment de lecture est organisé en trois grandes parties, composées chacune de chapitres aux titres évocateurs, presque à la Dickens. Parce que la littérature d'aujourd'hui peut innover sans renier le passé.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Paloma a toujours pensé que si ses parents s’étaient regardés le matin au-dessus de la table de petit déjeuner ils se seraient jetés l’un sur l’autre pour s’entrégorger.
Elle est convaincue que prendre son petit déjeuner en compagnie est une activité dangereuse.
Pour sa part, elle a besoin de rester debout dans la cuisine, absolument seule avec son thé, l’œil fixe, elle a besoin d’un espace de transition entre sa nuit et la journée.
Vida s’est dit que la première chose que l’on remarque chez quelqu’un qu’on voit nu pour la première fois, ou qu’on s’apprête à voir nu, c’est son odeur, vais-je m’habituer à cette odeur ? Et aurais-je d’ailleurs à m’y habituer ?
Taïbo sentait les cascades et les marécages, la mangrove et la roche rouge du désert, il sentait la selle des chevaux, il sentait Liberty Valance et la tristesse chilienne, il sentait les pays que l’on quitte et le cuir qui s’est patiné.
Il n’a pas paru surpris quand elle est arrivée dans sa chambre, la lumière était allumée, un abat-jour encore sous plastique posé sur la lampe de chevet et Vida s’est demandé si le plastique n’allait pas fondre, mais pourquoi avait-elle tant de pensées parasites à un moment aussi crucial, et lui il était en maillot de corps allongé sur le lit, il fumait, il était absent, ou alors il était vraiment là dans cette chambre de la maison culturelle d’ Irigoy, ce drôle d’endroit abandonné qui ne servait qu’à donner bonne conscience à qui voulait avoir bonne conscience, il y avait ces étranges tapis pendus au mur, des tapis qu’on ne met qu’au sol, mais ainsi pendus au mur on avait l’impression d’un chamboulement des volumes, et Vida a eu envie de les arracher en entrant dans la chambre de Taïbo, elle voulait qu’ils reprennent la place qui était la leur, peut-être Taïbo était-il vraiment là, allongé sur ce lit, impossible de le certifier, cet homme avait la possibilité d’être tout près de vous et très loin à la fois, c’était une sorte de qualité mélancolique, de qualité tragique, son absence était palpable et douce, Vida aurait pu embrasser l’absence de cet homme, alors Taïbo s’est levé, il s’est levé pour l’accueillir, et c’était tout à fait cela, il l’accueillait et ce sont ses bras nus et secs et puissants qui l’ont accueillie, il est venu vers elle, il a fermé très posément la porte, et chacun de ses gestes étaient silencieux, Vida n’entendait que le bruissement de son sang à ses propres oreilles et elle était éblouie par la beauté de cet homme, par la justesse de cet homme, et il a parlé, mais ce devait être dans une langue qu’elle ne connaissait pas, elle n’a pas compris un mot de ce qu’il a prononcé, ça n’avait d’ailleurs aucune importance, dans ses rêves, elle ne comprend jamais ce qu’on lui dit et elle peine à trouver des repères, mais là elle avait accepté de marcher dans la tourbe avec lui, il l’a prise dans ses bras et il a passé la main sous son chemisier, et sentir la main de cet homme sur sa peau était une chose inconnaissable et inadmissible, jamais aucun homme depuis Gustavo n’avait posé la main sur sa peau, elle s’est souvenue de s’être dit un jour, disons qu’il y avait de cela cinq ans, qu’elle ne connaitrait plus un autre corps d’homme avant sa mort, elle y avait renoncé et elle s’était faite à cette idée parce qu’elle l’avait voulu ainsi, avait-elle toujours pensé, parce que c’était ainsi, il a chuchoté à son oreille et elle a compris qu’il disait qu’elle était très belle alors elle l’a laissé faire et il l’a soulevée, et elle était si pressée tout à coup de savoir à quoi il ressemblait nu, elle voulait voir son torse et son sexe et sa peau, et quelqu’un d’autre qu’elle, ou une certaine partie d’elle, celle qui se trouve toujours dans un coin du plafond et qui la regarde faire, ricanait et lui disait qu’elle ne serait pas fière le lendemain de tout cela, mais en attendant elle voulait juste ceci, la peau de cet homme, l’entièreté de sa peau, qu’aucun grain ne lui soit inconnu, il l’a soulevée et déposée sur le minuscule lit monacal et elle s’est dit, « Il ne faut pas qu’il me voit nue, il va me trouver si vieille », elle a voulu éteindre la lumière et il a retenu sa main, il a secoué la tête, il a dit, « Je veux te voir », il l’a déshabillé, et elle était incapable soudain de faire le moindre geste, elle était paralysée, elle ne voulait que la peau de cet homme dont elle ne savait rien, elle ne savait même pas s’il vivait avec une femme, il parlait si peu de lui, et sentir ses seins contre le torse de cet homme était déjà une chose magnifique et inquiétante et elle était presque prête à ce que cela fût suffisant pour cette soirée mais comme visiblement il n’avait aucune intention de s’arrêter là elle a fermé les yeux pour ne pas voir le démon dragon dans l’angle du plafond et depuis combien de temps n’avait-elle pas fait l’amour avec un homme, c’était une chose si simple, elle a rouvert les yeux et elle a cherché avidement sur le visage de l’homme sa propre nudité tandis qu’il cherchait la sienne ; cette avidité, cette maladresse ont fait place à l’étonnement de découvrir leur intimité dévoilée, ces gestes qu’on ne devinait pas, ces caresses amorcées qu’on ne soupçonnait pas chez l’autre, et il s’est remis à pleuvoir, elle a entendu la pluie qui tambourinait contre les volets et qui plicploquait au grenier pendant qu’elle était sous cet homme et que le sexe de cet homme dont elle était en train de devenir très amoureuse (ce sont ces histoires d’ ocytocine et d’on ne sait quoi qui la rendait si triste et aimante et tendre), pendant que le sexe de cet homme était en elle, elle se fichait de ce que le docteur Kuckart aurait dit (quelque chose comme, « Méfiez-vous de la passion amoureuse, cette maladie mentale »), elle voulait juste que cet homme la complétât et la soulevât, dramatiquement, qu’il pressât sa queue dans sa bouche, que sa nudité fût complète et augmentée, et depuis combien d’années n’avait-elle pas mis la queue d’un homme dans sa bouche, la peau si lisse et tendue, sa texture et son sel ?
Et comment ne pas ressentir une vive douleur quand vous n’avez, aux yeux de quiconque, aucune raison de vous plaindre ni de vous ni de ce qui vous entoure mais qu’un chagrin tenace vous habite, et existe-t-il une chance que cela change puisque, comme le rappelait souvent Paloma, il y a un âge où l’on ne fait qu’accentuer sa pente
Mon cœur en sautoir
Ce souvenir toujours de son petit corps, de sa grâce, de sa texture de peau, de son haleine, de son odeur, de sa voix, emmêlées l'une dans l'autre, la moiteur de cou, la finesse de ses bras, le délié parfait de chacun de ses muscles minuscules et sublimes, comment garder ces gestes dans le souvenir, comment être sûre de ne jamais rien oublier de tout cela, de pouvoir s'en servir et le réactiver quand elle sera vieille, puiser dans son trésor de souvenirs et d'images, la peau bronzée de Paloma, son grain un peu sec et salé, la connaissance que Vida en avait, qui semblait être une chose tangible et d'éternel, mais cette connaissance même n'existait que le temps que la chose connue existât, ses cheveux désordonnés et longs qui lui donnaient l'allure d'une sauvageonne, sa blondeur iodée d'enfant, la pulpe de ses lèvres, l'immensité de ses yeux (qui paraissaient à une autre échelle que les autres éléments de son visage), l'arc de ses sourcils noirs et fatals (des sourcils de femme). Vida voudrait prendre la totalité de ces fragments parfaits et en faire un trésor réellement inaltérable. Et quand elles étaient ensemble elle savait que c'était impossible et cette impossibilité la plongeait dans un désespoir infini. Elle avait l'impression que sa beauté, sa tendre enfance lui échappaient déjà. Qu'elles s'en allaient en particules dans l'air, comme des filaments de sa perfection.
Elle se disait, "Il faut que je la photographie, que je l'enregistre " mais toutes ces opérations étaient vaines et elle échouait à conserver la douceur éphémère de cette fusion de leurs deux corps allongés dans une chambre estivale, l'une à côté de l'autre, les bras de la petit autour de son cou et les lèvres de la petite sur ses paupières. Elle savait ce qui la faisait rire alors elle l'a faisait rien et ce rire d'enfant, ce rire qui s'en allait déjà à toute vitesse, lui piétinait le cœur
Aussi quand ce détachement s'était installé en elle et c'était venu très lentement tout comme les hommes cessent de vous regarder quand vous vieillissez, chaque jour moins d'hommes vous regardent ou vous complimentent, chaque jour leur intérêt pour vous s'émousse et leurs hommages s'espacent, si vous n'y prêtez pas garde, vous vous réveillez un matin et vous êtes devenue invisible ; si vous y prenez garde et n'en prenez pas votre parti, c'est une infime piqûre journalière jusqu'à la métamorphose finale.
Pétillante. C'est le mot qui vient à l'esprit lorsqu'on rencontre Véronique Ovaldé. Dans ses romans comme dans la conversation, cette amoureuse des livres nous embarque dans son univers et nous donne envie de lire avec passion et ardeur.
À l'occasion de la parution de son roman Fille en colère sur un banc de pierre, coup de coeur de nos libraires Laure et Rozenn, elle est venue nous rendre visite à Dialogues pour une rencontre avec les lecteurs brestois et l'enregistrement de ce podcast.
Au fil de la conversation, elle nous parle de la vocation d'écrivain, des pouvoirs de la lecture, du territoire de l'enfance, des mécaniques si universelles de la famille, du plaisir de raconter et elle nous confie un conseil de lecture.
Bibliographie :
- Fille en colère sur un banc de pierre, de Véronique Ovaldé (éd. Flammarion)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/21642815-fille-en-colere-sur-un-banc-de-pierre-veronique-ovalde-flammarion
- le Sommeil des poissons, de Véronique Ovaldé (éd. Points)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/16827842-le-sommeil-des-poissons-roman-veronique-ovalde-points
- Et mon coeur transparent, de Véronique Ovaldé (éd. J'ai lu)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/1111003-et-mon-coeur-transparent-roman-veronique-ovalde-j-ai-lu
- Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé (éd. J'ai lu)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/21358349-ce-que-je-sais-de-vera-candida-veronique-ovalde-j-ai-lu
- Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale, de Caryl Férey (éd. Points)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20370606-comment-devenir-ecrivain-quand-on-vient-de-la-g--caryl-ferey-points
- le Bruit et la Fureur, de William Faulkner (éd. Folio)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/520924-le-bruit-et-la-fureur-william-faulkner-folio
- le Pays des phrases courtes, de Stine Pilgaard (éd. le Bruit du monde)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20666810-le-pays-des-phrases-courtes-stine-pilgaard-bruit-du-monde
+ Lire la suite