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Critiques de Vinciane Despret (75)
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Habiter en oiseau

Habiter en oiseau est un essai pointu et exigeant de la philosophe Vinciane Despert qui est un plaisir de lecture car elle rends accessible sa théorie du territoire du merle , Avec minutie et subtilité, elle explore l’enchevêtrement des nombreuses théories élaborées par les scientifiques depuis le début du XXe siècle pour tenter d’élucider cette question simple : pourquoi le merle, comme les autres oiseaux, a-t-il besoin d’un territoire où il peut chanter, s’accoupler, parader, se nourrir ou nidifier ?

Cette démonstration est en parallèle une belle histoire des sciences et de la pensée humaine qui montre comment les scientifiques sont aussi empreints de leur temps dans leur théorie...pour retrouver le plaisir de l’instant d’écouter le discours du merle...
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Habiter en oiseau

Et si l’on écoutait les oiseaux (avant qu’ils disparaissent), et si on les observait (plutôt que de les tuer), si on essayait de les comprendre (au lieu de plaquer notre anthropomorphisme sur leurs comportements). C’est à cette réflexion que nous invite Vinciane Despret. La philosophe compare les études des éthologues en ouvrant des perspectives plus actuelles.

Elle pose des questions qu’elle répète avec beaucoup de nuances, tel un oiseau jouant son chant.

A la lecture de cet essai brillant, nous sommes invités à écoute les oiseaux vivre dans « un territoire chanté ».



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Autobiographie d'un poulpe et autres récits d..

Très important, le titre, surtout le mot « anticipation ». C’est comme une balise, un amer dans le monde dans lequel nous entraîne Vinciane Despret. Et lea lecteur-rice en aura diablement besoin !

Un récit d’anticipation, c’est un récit, parfois fantastique, censé se dérouler dans le futur. Ici, ce futur est imprécis, pas vraiment daté. Lea lecteur-rice le sent néanmoins assez proche de l’époque actuelle. Quant au coté fantastique, il est marqué d’entrée de jeu par les titres des trois chapitres de l’ouvrage (dont un étonnant « La cosmologie fécale chez le wombat commun et le wombat à nez poilu »). Suivis par les définitions de trois mots étranges : la géolinguistique, la thérolinguistique et la théroarchitecture. Les définitions de ces trois disciplines, orientées vers l’expression artistique et littéraire – y compris symbolique et sacrée –, des animaux dits sauvages donnent le ton du thème général de l’ouvrage.



Vinciane Despret nous emmène dans les circonvolutions scientifiques de travaux et rapports de chercheurs et de société savantes. Les sujets abordés dans les chapitres sont tellement surprenants, tellement originaux que nous ne savons plus si les informations tiennent du lard ou du cochon. Vinciane Despret maîtrise l’écriture scientifique et les descriptions méthodologiques des travaux de recherche, y compris dans les citations bibliographiques. Jusqu’aux bisbilles qui existent parfois entre telle ou telle institution ou société savante. Nous sommes là dans un environnement littéraire rigoureux, rationnel, qui rend compte du cheminement des trois disciplines définies ci-dessus.



Ce qui semble moins rigoureux, ou pour le moins surprenant, ce sont les trois histoires développées. Il s’agit de récits basés sur l’hypothèse, non pas que les animaux sauvages sont intelligents et sensibles – les spécialistes des espèces animales ou les gens simplement en contact régulier avec les animaux sauvages ou domestiques le savent depuis longtemps – mais qu’ils sont capables de s’exprimer et de communiquer dans un registre sensible, artistique, voire sacré. Évidemment, le cartésianisme, et le naturalisme qui en a découlé, en prennent un bon coup ! Mais c’est un coup salutaire, un coup qui ouvre des portes sur un monde extraordinaire, sur l’imaginaire du-de la lecteur-rice, imaginaire lui-même nourri de celui des fourmis, des wombats et des poulpes. Ce que Vinciane Despret amène à la fois de magique et de terre-à-terre réside dans l’alternance entre des faits imaginés et des recherches réelles, dans l’équilibre perpétuel sur une ligne de crête entre invention et réalité, l’une étant toujours suivie ou précédée de l’autre. Alors, le lecteur non initié à l’éthologie comme je le suis ne sait plus trop où il en est, est-ce que l’autrice me balade pour faire passer des thèses abracadabrantes ? Ou bien, non, c’est vrai que les poulpes écrivent des poèmes, que les wombats érigent des murs sacrés avec leurs fèces rectangulaires, que les araignées crient en ondes ?



Les deux 1ers chapitres, consacrés aux araignées et aux wombats, sont pour l’autrice une manière de prendre la mesure de son sujet, de développer de manière de plus en plus osée le rapport humains-non humains : communication « simple » des araignées sur les problèmes d’un environnement saturé d’ondes ; puis apparition du sacré dans l’édification des murs des wombats. Dans la 3ème partie, la plus étoffée– avec parfois des longueurs –, le thème de l’expression littéraire des poulpes et de leur interprétation est pleinement développé. D’une part grâce à des quasi-mutants jouant le rôle d’intermédiaires entre le monde humain et celui des poulpes. D’autre part en décryptant des textes écrits par des poulpes… avec leur encre, évidemment ! Allant jusqu’à proposer indirectement un modèle de société qui, sans être idéale, serait basée sur des rapports humains rénovés.



L’originalité et la force de cet ouvrage réside ainsi dans l’articulation par l’autrice d’une éthologie plus ou moins imaginée, de poésie, de rigueur scientifique, de psychologie, de philosophie. Et surtout d’humour, assurant la bonne distance par rapport à sa propre écriture. Le tout assaisonné par ci par là de pointes de féminisme (cf. la référence au Matrimoine mondial des chefs d’œuvre de l’Unesco !).



Ce livre n’est pas facile à aborder car il peut sembler confus avec son jargon scientifique, sa bibliographie (réelle ou fictive ?), son imaginaire désorientant. Je me suis résolu, à la fin du 1er chapitre, à rechercher sur internet si telle personne avait vraiment existé, si telle recherche rapportée et décrite avait été effectivement rapportée et décrite. Les réponses trouvées ont apporté leurs lots de surprises (dont la découverte d’un inattendu et réel prix Ig-Nobel !). Dans cette confusion soigneusement organisée, Vinciane Despret maîtrise totalement son sujet : la forme, le fond, les connaissances, l’imaginaire, la structure des récits, toutes ces imbrications qui entraînent lea lecteur-rice, non seulement dans la découverte de faits avérés, mais aussi dans l’ouverture à un imaginaire et une poésie « sauvages » qui ne peut que lea décentrer. Et si cela était vrai ? De quoi nous faire changer d’avis sur ce que peut vivre, penser et exprimer une fourmi grimpant sur son pantalon ou un flamant rose picorant la vase la tête dans l’eau.



À lire, pour en savoir plus sur Vinciane Despret et son travail : un excellent interview par Baptiste Morizot dans le Hors Série Socialter « Renouer avec le vivant » (décembre 2020).
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Habiter en oiseau

Je m'attendais à des développements philosophiques à partir d'observations de terrain, mais il s'agit d'une confrontation de différentes recherches scientifiques et philosophiques (l'auteure en profite pour régler  quelques comptes d'ailleurs), dont le résultat reste intéressant (on y apprend beaucoup de choses), mais un peu frustrant, comme si on était invité en forêt, et qu'on se retrouvait enfermé dans un musée, dont tous les objets dataient d'avant 1970.

Dans cette meta-étude ornitho-philosophique, sont abordés autant de sujets sur les biais de recherche liés aux préjugés des ornithologues que de résultats étonnants tirés de recoupements d'observations depuis plus d'un siecle.

Le parti pris de considérer les oiseaux dans toutes leurs nuances, leur sociabilité, touche à la sociologie, voir à la psychologie, et c'est bien là l'intérêt de ce livre.

Le style est simple et évite tout jargon, mais on ressort de la lecture de ce livre en se demandant ce qu'il faut penser des comportements des oiseaux : énormément de questions restent sans réponses, alors que certaines études plus récentes ont fait avancer le sujet.

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Habiter en oiseau

J'espère pour vous qu'il vous arrive d'entendre -et d'écouter- les oiseaux. Cela fait longtemps qu'ornithologues amateurs ou professionnels se posent la question : 'mais pourquoi chantent-ils?' et cherchent à y répondre.

Vinciane Despret, s'intéresse donc à l'histoire des fonctions possibles des territoires, pas en suivant une chronologie, dit-elle, mais 'comme une histoire d'idées, d'intuitions, d'ouvertures, car les territoires et les oiseaux font penser, et c'est cela qui m'intéresse.' Controverses, idées abandonnées qui reviennent, peu importe, elle ne va pas forcément trancher. Les ornithologues font beaucoup paraître de leur société et de leurs personnalités.

Alors, compétitions? Bagarres? Recherche d'une femelle? Besoin de nourriture? Ou besoin de voisinage? Que penser des recherches en laboratoire? A une époque on pouvait tuer les oiseaux pour 'évaluer ce qui se passerait si l'oiseau n'était pas là'.

Tout cela se termine par une magnifique description des chants d'oiseaux parfois différents et leurs choeurs interspécifiques (étudiés bien sûr par des bio-acousticiens).

Ensuite, à chacun d'écouter, après tout.



L'auteur, philosophe et psychologue, enseigne à l'université de Liège. On se dit 'houla ça va être imbuvable, illisible et plein de mots compliqués'. Hé bien non. Même si elle convoque Serres et Deleuze en passant, le tout demeure d'une extrême fluidité et d'une vivacité réjouissantes. Elle n'hésite pas à laisser transparaître ses opinions, discute, s'interroge, et donne une furieuse envie d'aller écouter les oiseaux...
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Autobiographie d'un poulpe et autres récits d..

Réso-lu-ment, l’un des livres les plus inventifs que j’aie lus.

Une curiosité de poulpe m'a fait découvrir ce livre unique le jour de la fête des librairies indépendantes; je l'ai dévoré avec l’appétit d’un arachnide.

Quelle imagination! Quelle précision scientifique! Quels récits d'anticipation fascinants! Il y a un un peu du génie fantastique et de la rigueur borgésiens chez Vinciane Despret.

Merci Actes Sud (collection les "Mondes Sauvages") de nous offrir une telle singularité littéraire, une forme de science-fiction hyper-réaliste, et poétique.

Je ne doute pas une seconde que le IIIe millénaire donnera naissance à la "Thérolinguistique". Et je vais de ce pas relire Ursula Kroeber Le Guin.
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Au bonheur des morts

Il est des ouvrages dont il est difficile de parler. La complexité de certains peut être un frein.

D'autres, en revanche, fouissent profondément et on ne peut que constater, par l'état de sidération dans lequel ils nous laissent, l'impact qu'ils auront.

On comprendra plus, on comprendra mieux, mais pas tout de suite. Les vagues de compréhension n'arrivent que plus tard. Elles seront là. Elles sont déjà là, mais nous sommes aveugles à nous-même. Comme une solution chimique, trop secouée. Il faut laisser sédimenter pour voir les nouvelles couches apparaître. La percolation des âmes n'est pas un processus immédiat.



On lit deux fois ce livre.



L'articulation des idées, le chaînage des concepts s'effectuent phrase après phrase, page après page, l'intellect remplit alors sa mission.

Vinciane Desprets note que "faire son deuil" se pose comme une injonction à ceux qui restent. Obligation de faire avec, de faire sans, pour passer ensuite à autre chose.

Pourtant, des vivants résistent, mais aussi des morts. Pas tous, certains.

La seule réponse donnée à cet étonnant état de fait ressemble à un hold-up. La théorie de l'esprit l'affirme : tout est dans la tête des vivants. Ce sont eux qui dénient la mort d'un proche. Ce sont eux qui doivent donc faire leur deuil. Et il ne saurait y avoir pour d'autres modalités d'existence pour les morts, que le souvenir.



Or c'est un territoire flou, un espace qu'habitent ensemble des morts et des vivants qu'explore Vinciane Desprets. Fait de signes à reconnaître. Des signes qui, parce qu'ils sont reconnus deviennent autant de conséquences qui instancient des causes. Des signes qui permettent de retisser du réel. Des signes des défunts qui ont encore quelque chose à dire, une partition à jouer, une signification à faire advenir dans le destin des survivants. Ils ont à re-susciter quelque chose chez leurs proches, avec eux (merveille du langage et jubilation du lacanien !).

Or la causalité des sentiments et des phénomènes qui nous lient aux autres ne sont pas du seul fait de celui qui les énonce, fut-il allongé dans le cabinet du psy. Les responsabilités sont toujours à co-construire dans nos façons d'être-au-monde. Nous faisons, mais nous laissons-faire, aussi. Nous percevons et relevons (ou pas) certaines paroles, certains signes. Mais cela reste toujours de la responsabilité de tous les êtres engagés dans ces processus. Vinciane Desprets montre que les défunts sont toujours partie prenante de nos mondes intimes. Et, être partie prenante, aussi fugace et ténu cela soit-il, apparaît comme une modalité d'existence à considérer, non ?
Lien : https://leslecturesdecyril.b..
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Autobiographie d'un poulpe et autres récits d..

Dommage.



Je n'ai pas du tout accroché à ce mélange des genres. La composition "chimique" du texte manque de transparence entre le scientifique et "l'affabulation". Ce n'est pas une surprise puisque ce "brouillage" est avancé en quatrième de couverture. Mais je n'aime pas trop les lire.



C'est trop scientifique ou trop littéraire. Il faut faire un choix dans la forme de mon point de vue. Brouiller les pistes à l'époque du doute omniprésent, ma foi, cela m'agace un peu.

Les pistes d'extrapolation science-fictives, partant de données scientifiques, et présentées en quatrième de couverture m'étaient tout à fait plaisante et j'espérais un texte plus littéraire racontant des histoires impliquant ces capacités extraordinaires et inattendues des animaux concernés (araignées, wombats et poulpes).

Mais ce n'est clairement pas la forme choisie. On navigue entre faux compte-rendu de création d'association (pas franchement crédible dans sa forme d'ailleurs mais passons), mails, articles, lettres, discours et autres commentaires. Un gigantesque patchwork, "aux frontières du réel".



Quand je lis un texte littéraire, je ne peux pas me faire à l'idée d'avoir à naviguer autant vers les notes en fin d'ouvrage. Cette pénibilité du va-et-vient (que j'accepte dans un documentaire) aura au final été une mise en abîme des allers-retours, à la potentialité permanente mais à l'effectivité inconnue, entre fiction et science.



Il y a des passages qui m'ont laissé pantois, comme à l'évocation de "l'épopée lyrique du lichen, la poésie passive de l'aubergine et le roman tropique du tournesol - sans oublier ce genre, toutefois considéré comme mineur, qu'est le roman policier historique du coquelicot aux prises avec les produits phytosanitaires." (43)

Bien sûr, c'est une citation hors contexte. Mais enfin, cela reste une masterclass de Kamoulox.



En lisant les premières dizaines de pages, je me disais que je parlerai d'Alain Damasio dans ma critique... Et bingo! Il est doublement cité dans les notes de la troisième partie. Ne faisant donc que confirmer ma sensation : voilà un livre qui pourrait plaire aux accrocs des Furtifs (pour l'anecdote : je n'en suis pas).



Vinciane Despret a sûrement pris du plaisir à écrire ce texte. Tant mieux pour elle.

L'idée de magnifier, ou de mettre au centre, le monde animal, et donc plus ou moins en creux de décentrer l'attention portée à l'humanité, n'est pas un projet qui me déplaît. Mais là, je n'ai pas du tout accroché. J'ai trouvé ça par moment trop caricatural. Comme sur cette insistance sur le fait que notre langage, c'est vraiment un truc de primitif, contrairement aux modalités animales nous dépassant teeeeeeellement dans leur contenu. Bon.

Mais je reconnais néanmoins sans difficulté qu'il y a de belles trouvailles dans ce livre. L'étape de l'insertion de ces idées dans un contexte narratif n'aura tout simplement pas remporté mon adhésion.



Pour être plus terre-à-terre : j'aime bien la couverture ! Ce qui est souvent le cas dans cette collection, qui sauve un peu le niveau global actuel des couvs d'Actes sud (c'est quoi le concept ???).



Un texte traversé de mysticisme enrobé dans un écrin de poésie. La première partie est particulièrement désagréable à lire. La deuxième coule mieux (sans jeu de mots lié au "matériau" au centre de celle-ci) et la troisième m'aurait plus convaincu sous la forme d'une nouvelle.

Dommage. Oui, dommage, j'aime bien les tentacules.
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Habiter en oiseau

DÉCONSTRUIRE NOS PERCEPTIONS

Voilà un de ces livres qui changent durablement la perception qu'a le lecteur du monde qui l'entoure. Par une écriture tirée au cordeau, une réflexion où la sensibilité se déploie avec une exigence rare, Vinciane Despret réussit l'étonnant tour de force de bouleverser énormément d'idées reçues sur l'altérité du monde sauvage avec une fluidité inattendue, mêlant la magie de l’étonnement à la rigueur scientifique.

Sous couvert d’étudier les habitudes étranges des oiseaux, l’auteure questionne en réalité les nombreux concepts humains qui ont jalonné les découvertes scientifiques jusqu’à aujourd’hui, nous invitant à ne pas rester enfermés dans nos théories préconçues, mais plutôt à ouvrir les fenêtres pour laisser entrer le chant des oiseaux et leurs mystères.

La question centrale du livre est celle du territoire, apparemment anodine : les oiseaux défendent un territoire, mais quel est ce territoire qui ne figure sur aucune carte ? Qu’est-ce qu’un territoire, en fin de compte ? Pourquoi le font-ils ? Comment comprendre les mobiles d’animaux si différents de nous autres, humains curieux ?

En comparant un nombre impressionnant de recherches, d’études, de théories et de découvertes, Vinciane Despret nous invite à transformer la cacophonie des errances théoriques en un concert où chaque découverte trouve sa place pour répondre, nuancer et affiner nos perceptions sur le monde sauvage.
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Habiter en oiseau

"Le délicieux essai de la philosophe belge Vinciane Despret, Habiter en Oiseau, nous fait parcourir de multiples facettes et dimensions de la notion de territoire quand les humains les plus divers, des naturalistes amateurs aux chercheurs chevronnés, la découvrent appliquée, ou l’appliquent selon leurs préjugés, chez les animaux. L’ouvrage est construit, car il s’agit en partie de territoires sonores, en accords (les deux parties) contenant eux-même des chapitres et contrepoints. Il nous permet de rencontrer des naturalistes dont certains ou certaines sont passionnantes, à l’instar de Margaret Nice et des bruants installés autour de sa maison en Ohio, dont elle connaissait 136 individus assez bien pour distinguer les mâles par leur chant. D’autres sont moins abordables, et n’ont pas ce rapport de curiosité intense et de respect pour les animaux qu’ils étudient. En somme, chaque fois qu’on apprend assez des animaux pour les différencier et connaître leur caractère et leurs interactions personnelles, on s’aperçoit que les lois rigides de comportement dont les humains les affublent ont sensiblement le même impact sur eux que le code de la route sur les conducteurs de véhicules : aucune règle n’est autre chose qu’une règle, certains seront plus enclins que d’autres à s’en affranchir à l’occasion."

Les petits papiers de Lonnie (Extrait) in DM
Lien : https://doublemarge.com/habi..
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Autobiographie d'un poulpe et autres récits d..

Avec ce roman si particulier, entre science et science fiction, Vinciane Despret imagine une nouvelle discipline scientifique, la "thérolinguistique" chargée d'étudier et de traduire les productions littéraires des animaux, romans, poésie, pamplet, etc.



Une première enquête a pour but de découvrir les raisons provoquant chez les arachnologues des acouphènes qui se révèleront être des ondes produites par les araignées pour nous faire comprendre que les vibrations de nos machines créent un brouhaha qui les empêche de communiquer, les araignées utilisant les vibrations comme langage et étant obligées de "vibrhurler" pour s'entendre. Des scientifiques, en modifiant les fréquences vibratoires d'un diapason, réussirent à établir une véritable conversation avec les araignées, avec l'espoir « d'écrire ensemble la poésie d'un silence tremblant et à peine murmuré ».



La deuxième étude porte sur la compréhension et la traduction des créations littéraires et poétiques des Wombats. Les scientifiques, en effet, prétèrent attention aux murs que construisent les Wombats auprès de l'entrée de leur terrier ainsi qu'en certains lieux de leur territoire. Ces murs, d'une solidité remarquable, constitués des fèces cubiques des Wombats, ce qui, vous en conviendrez, en facilite la construction, ont une fonction délibérément créatrice et expressive, relevant aussi du registre de la signalétique, et, pourquoi pas, constitueraient un dialogue avec « des êtres multiples, présents et passés, peut-être même à venir et formeraient une certaine forme de cosmopolitique fécale.»



Dans le troisième texte, des pêcheurs ont trouvé sur des débris de poterie, des fragments de texte d'une écriture inconnue qui s'avérera celle d'un poulpe.

L'auteure nous fait vivre l'expérience vécue par Sarah Buono, mandatée pour effectuer le travail de traduction de ces textes, dans une communauté où des enfants ont une éducation particulière qui leur permet d'être en symbiose avec un animal et d'en avoir ainsi, la sensibilité et la compréhension.

Dans le cas de Sarah, Ulysse, l'enfant, a été éduqué pour être en symbiose avec un poulpe. Au fur et à mesure de ses recherches, Sarah, découvrira, l'étendue de l'intelligence des poulpes, adeptes de la réincarnation, et, avec l'aide d'Ulysse, décryptera les fragments de texte, véritable supplique adressée par le poulpe à celui qu'il sera dans un avenir qui lui semble de plus en plus compromis du fait de la surpêche et de la pollution des Océans.



Avec ces trois textes, à la fois drôles et oniriques, à la poésie fantastique, Vinciane Despret, en nous rappelant que les animaux sont intelligents et sensible, nous impose d'avoir un nouveau regard sur eux et nous fait prendre conscience que nous ne sommes pas le centre du monde et que nous devrions avoir beaucoup plus de respect pour ce monde du vivant qui nous entoure que, malheureusement, nous sommes en train d'abîmer et de maltraiter.

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Autobiographie d'un poulpe et autres récits d..

J’avoue ma perplexité.

Vinciane Despret a fait voler en éclat les cadres littéraires habituels : là où l’on trouve d’habitude un peu de sciences dans une trame romancée, elle a mis une louche d’imaginaire dans un cadre scientifique. C’est d’autant plus déstabilisant que l’on ne sait pas où s’arrête le vrai et où commence le roman (1 point pour Despret) : je ne serai pas la seule à faire des recherches sur Internet pour démêler l’écheveau…

Pour le fond éthologique, il faut VRAIMENT une bonne dose de lâcher prise pour adhérer au propos. Loin de moi l’idée de refuser en bloc une sensibilité animale, qui ne fait d’ailleurs plus débat. J’ai surtout achoppé à l’interprétation humaine de cette sensibilité… Vouloir faire rentrer dans le moule et les normes humaines des moyens d’expression animale, n’est-ce pas tomber justement dans un biais anthropologique ? De fait, le propos m’a semblé « perdre en rigueur » et dévier vers un plaidoyer personnel. Cette prise de position a généré l’éloignement de mon intérêt, jusque là tenu par, justement, l’équilibre scientifique/sensibilité.

Au final, un roman qui prête à débat, potentiellement passionné.

Je ne me considère pas encore prête pour ce type de récit, même si j’ai conscience que cette autobiographie est d’une grande originalité, et apporte un ouragan de fraîcheur, d’hardiesse et de singularité dans le genre littéraire.

À lire pour se faire sa propre idée.

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Que diraient les animaux si... on leur posa..

J'avais assisté à une conférence de Vinciane Despret à l'occasion du festival des idées "Mode d'emploi" à Lyon, fin 2013. La conférence était passionnante ; Despret est une philosophe brillante et elle a une grande présence face au public. Quelques mois après, j'ai emprunté ce livre à la bibliothèque et je l'ai avalé en une quinzaine de jours.

C'est un ouvrage remarquable qui accompagne le lecteur dans un changement de point de vue difficile à opérer : celui de comprendre - ou du moins de le tenter - le point de vue animal et voir à quel point nos biais idéologiques ont pu restreindre notre perception de l'intelligence animale et la limiter à des cases préfabriquées par les êtres humains. Elle s'attaque surtout aux chercheurs qui expérimentent sur les animaux sans vraiment s'intéresser à eux, leur opposant le savoir de l'amateur - celui qui sait par ce qu'il aime. Le tout est mis en forme par une très bonne plume, pleine d'humour et de finesse. A lire et à relire, pour se décoloniser l'esprit de notre anthropocentrisme occidental.



A lire sur le même thème :



- L'Abécédaire, "A comme Animal", Gilles Deleuze et Claire Parnet (documentaire filmé)



- Mondes animaux et monde humain, Jacob von Uexküll
Lien : http://le-cornepage.ek.la/qu..
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Autobiographie d'un poulpe et autres récits d..

Ce livre est l'un des plus beaux que j'ai lus sur la nature et les animaux, et la façon dont nous pouvons être ensemble, cohabiter, nous relier. Il jette un regard acéré sur la situation actuelle, la dégradation encourue par la perte de nombreuses espèces, la raréfaction de leur espace vital, et donc du nombre d'individus de chaque espèce. Il est à la fois triste et porteur d'espoir.



J'ai pourtant dû m'y prendre à deux fois, car cette lecture est assez ardue. Son intelligence m'a époustouflée, il n'est pas en reste avec la brillantissime nouvelle qui semble être l'alpha de son existence, à laquelle Vinciane Despret se réfère dans chaque nouvelle : "the author of acacia seeds" d' Ursula Le Guin. J'ai pu lire cette nouvelle en libre accès en anglais - il s'agit d'une fourmi qui laisse une poésie rebelle sous forme d'exsudation hormonale sur des graines d'acacia. C'est effectivement le point de départ de ces trois nouvelles totalement inclassables de Vinciane Despret, puisqu'elle y présente sous forme de chroniques scientifiques les recherches d'une science en devenir, la thérolinguistique, ou étude du langage, puis, au fil du temps, des œuvres littéraires d'espèces animales sauvages. C'est à la fois hilarant et touchant.



Dans la première nouvelle, l'autrice nous explique que des savants ont pu déchiffrer en s'aidant de vibrations le message prémonitoire des araignées, à savoir que le monde est devenu une cacophonie d'ondes, ce dont elles sont les premières à souffrir, mais qui n'est pas bon pour nous humains non plus. La seconde nouvelle traite des "murs fécaux" produits par les wombats comme d'œuvres littéraires destinées à accueillir et à créer un lien avec d'autres espèces. Enfin, la troisième, absolument poignante et poétique, nous relate l'aventure de la "traduction" de messages produits par un poulpe, destinés à son futur être.



Dans chaque nouvelle, Vinciane Despret, de par sa formation psychologue et philosophe des sciences (un cerveau, on peut s'en douter), développe des théories sur les interactions entre humains et animaux, et sur une profondeur de la vie animale que nous ignorons totalement. Le propos est bien de l'anticipation, car elle se situe dans les années 2030, tout en se référant à de vraies études scientifiques, ce qui donne à ces textes un ton unique, enrichissant et un brin déconcertant voire un peu déjanté. Avec une mention spéciale pour la dernière nouvelle, où des enfants atypiques (comprenez "autistes") apprennent une langue faite de sensations, communiquent avec les animaux qu'ils sont chargés de soigner, et représentent une manière d'être qui pourrait être l'espoir de l'humanité, car l'homme apprendrait de la nature au lieu de s'imposer à elle. Un total coup de cœur, mais ne vous attendez pas à une lecture facile, mieux vaut prévenir...
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Habiter en oiseau

deuxième livre pour moi de la collection Acte Sud nature et celui ci m'a un peu déçu. non pas par l'écriture car l'auteur , philisophe , apporte une belle profondeur à la reflexion...mais je m'attendais à apprendre plus de choses concrètes sur la manière des oiseaux à gérer leurs territoires. Au lieu de cela, Vinciane Despret nous apporte un regard critique sur les études scientifiques sur le sujet en mettant l'accent sur le petit nombre de ses études, leurs légèretés parfois et souvent la capacité des chercheurs à tout relier à l'homme et à vouloir simplifier à l'extreme , jusqu'au postulat d'un modele unique de territoires des oiseaux , ce que l'auteur dément.
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Autobiographie d'un poulpe et autres récits d..

De nombreuses références viennent étayer ce roman d'anticipation pétri de références scientifiques pour certaines bien réelles et pour d'autres imaginées.

La frontière entre les deux est fluctuante et l'on se prend à croire que ce que nous raconte l'autrice nous permet découvrir des embryons et formes très différentes d'expressions, d'écritures et même de poésies animales.

Ce qui m'étonne le plus, c'est qu'à l'issue de cette lecture, je me suis dit, après tout, pourquoi pas, tout semble se tenir et c'est tout l'objectif du livre qui est atteint, changer notre regard sur le vivant.

C'est d'autant plus troublant que parmis les références du livre, revient souvent l'ouvrage de Péter Godfrey-Smith, Le prince des profondeurs, que j'avais beaucoup aimé et qui depeind la contradiction de ces êtres incroyablement doués

que sont les pieuvres, seiches et autres cephalopodes avec leur si brève existence de 1 à 2 ans.

Mêmes notre regard sur les araignées en sort bousculé mais cela je vous laisse le découvrir, c'est une mise en bouche fort efficace, et si, c'est bien vrai, les Wombats font bien des crottes cubiques.

Je recommande cette lecture enrichissante dans cette belle collection que je vais continuer à explorer.



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Habiter en oiseau

"Habiter en oiseau" fait partie des livres qui changent notre regard sur la nature. C'est une enquête passionnante sur les oiseaux et leur mode de vie. Vinciane Despret cherche à comprendre, plutôt qu'à expliquer. Splendide !
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Chiens, chats... : Pourquoi tant d'amour ?

L'idée est intéressante d'interroger trois experts différents à propos des animaux de compagnie (un professeur d'histoire contemporaine pour l'évolution de la relation homme/animal de compagnie dans l'Histoire; un vétérinaire en comportement animal pour les problèmes fréquents chez les animaux; un philosophe et éthologue pour notre conception des animaux domestiques). Le problème est qu'il manque de cohésion et de structure dans l'ensemble, on ne sent pas que le livre forme un tout, c'est plutôt décousu, ça part dans tous les sens, il n'y a pas de véritable lien entre ce que disent les experts. Le tout est écrit sous forme de questions/réponses plutôt qu'en résumé structuré, donc on ne comprend pas trop où l'auteur s'en va ni quel était son objectif.



Si l'on prend la question titre: "Chien, chats... pourquoi tant d'amour?", on ne peut pas dire qu'on est tellement plus avancé après notre lecture. Nous n'avons que des pistes de réponses pas assez explicitées ni assez approfondies.



Pour conclure: un beau concept, une bonne idée, mais une réalisation qui nous laisse vraiment sur notre faim.
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Les grands singes : L'humanité au fond des yeux

On peut aborder cet ouvrage de deux manières différentes. On peut, bien sûr, apprendre plein de choses en lisant les textes. On peut aussi passer en revue chaque photo et s'impregner du regard de ces grands singes et découvrir qu'il ont aussi un visage. Le visage est, selon un des auteurs, une fenêtre ouverte sur les espaces intérieurs d'un être. Tous les êtres ne sont pas que des humains.
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Les morts à l'oeuvre

Aujourd’hui je vais évoquer Les morts à l'œuvre essai de Vinciane Despret. Cette philosophe a déjà publié des ouvrages autour du thème de la mort. Cette fois elle s’intéresse à la permanence possible des morts à travers la réalisation d’œuvres d’art à vocation commémorative.

Les morts à l'œuvre ce sont cinq histoires dont Vinciane Despret témoigne. Chacun des chapitres débute par des formules similaires comme : « Où devrions-nous commencer à raconter l’histoire ? » Dans le prologue l’auteur explique le dispositif et l’ambition des Nouveaux Commanditaires. Cette association à laquelle participent des artistes et des médiateurs propose la rencontre entre des vivants (les rescapés, la famille, le village) et des artistes (plasticiens, sculpteurs, musiciens) pour rendre hommage à des disparus plus ou moins récents. La particularité de ces protocoles est bien la mise en relation entre des artistes et des demandeurs qui vont ensemble discuter et définir un projet en adéquation avec la volonté de mémoire. Il faut savoir que le souvenir relatif aux disparus (à l’exception des personnages publics renommés) est de l’ordre de cent ans, à peine quatre générations. Ériger un monument est un moyen de stimuler la mémoire et d’éviter l’oubli. L’intérêt de l’essai réside dans les explications de l’auteur qui montre comment les morts agissent et continuent d’exister à travers même le choix de la forme de l’œuvre retenue. Il faut lire sans a priori, il ne s’agit pas d’ésotérisme ou de spiritualité cabalistique, simplement des évidences sont exposées. La démarche des Nouveaux Commanditaires est intéressante ; commémorer les morts autrement que sur une tombe est un moyen pour les vivants de mieux vivre, de ne pas se morfondre dans la douleur ou le chagrin. Les cinq histoires sont singulières et universelles et montrent le pouvoir des morts qui intercèdent et poussent les descendants à agir et à inscrire dans la durée le souvenir. L’auteur utilise la formule : « les morts insistent » ce qui signifie que tant qu’ils ne sont pas satisfaits ils perturbent les vivants, leur délivrent des injonctions à agir. Les liens entre l’art et la mort sont ici sublimés. Le propos n'est pas de porter un jugement sur les œuvres (un pont, un obélisque, une symphonie, un jardin) mais bien de réfléchir autour de la signification de ces actes. Il est des morts (on pense aux victimes d’attentats) que l’on n’oublie pas dans la mémoire collective mais dont la singularité personnelle n’est pas gardée, ici les parents d’un jeune homme rencontrent un musicien tissent des liens avec les passions de leur fils défunt et contribuent à la réminiscence du souvenir.

Les morts à l'œuvre est un texte assez exigeant et profond. Plusieurs niveaux de lecture sont possibles : du simple point de vue artistique avec la démarche de commander une œuvre à un artiste pour assurer une forme de postérité à l’analyse plus intime du rôle des morts dans la conduite des vivants.

Voilà, je vous ai donc parlé des Morts à l'œuvre de Vinciane Despret paru aux éditions Les empêcheurs de penser en rond.


Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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