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Citations de Wajdi Mouawad (506)


Jean a commencé à réciter. J'écoutais. Je sentais les odeurs de la terre, la fraîcheur du lac, le souffle du vent aux branchages des arbres. J'entendais vibrionner les insectes, je découvrais l'élévation spirituelle des humains, ce dont ils sont capables, dans l'énonciation ahurissante de leur pensée, offerte à l'autre grâce aux mots qu'ils égrènent au rythme de leur sang. [...]
Dites-moi Wahhch, où avez-vous déniché ce petit éclat de sainteté ?
- En enfer.
- Oui, nécessairement. A chaque Dante son Virgile, n'est-ce pas ?
- Vous ne croyez pas si bien dire.
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- Pour voir... elles crient?
- C'est en plein ça. Pour voir, elles crient. Alors je te pose une question: si la vie est un perpétuel cri de douleur, comment faire pour entendre son écho et échographier le visage de ce qui nous fait souffrir?
- Si le cri est perpétuel, plus rien n'est visible.
- Bingo! Chaque cri doit être suivi par un silence pour faire entendre son écho. Celui qui ne fait que hurler sa douleur n'en verra jamais le visage tout autant que celui qui s'obstine à la taire. C'est la leçon des chauves-souris: pour voir le visage de ce qui te fait souffrir, tu dois faire de ta douleur un collier qui enchaine des perles de silence aux perles de tes cris.
- Pourquoi vous me dites ça?
- J'ai toujours aimé sauver les âmes égarées.
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Partout où je posais mon regard, je ne voyais que du rouge. Aux rideaux et aux murs, sur le sol et au-dehors, dans la neige, sur mon pelage, sur les livres et sur les visages des photographies, le rouge, le rouge, le rouge. Rouge donc était le monde des humains. Rouge toujours. Rouge pour toujours.
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Toutes les situations sont puissantes. Il faut les regarder sous la lumière crue.
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Ce n'est jamais bon signe lorsque la jeunesse s'enfuit.
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Un jour, ma mère s'est mise à avoir un autre visage. C'est peut-être ça le début de mon histoire. Le jour de mon quatorzième anniversaire, ma mère s'est retrouvé avec un visage tout autre. Je veux dire du tout au tout. Et personne ne s'en est étonné. Et personne ne m'a rien dit. Alors j'ai fugué.
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Tu arrives dans un drôle de pays, Wilfrid, ici, les gens sont amers, ils ne veulent plus rien entendre, ni musique ni chant, ni rien, les vieux sont vieux et ils veulent le calme, mais Simone hurle à pleins poumons, en pleine nuit, car Simone s'en fout, Simone est maigre, Simone est laide, Simone est seule, Simone est en colère et elle chante à fracasser les crânes.
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Écoute : dans notre situation, dans notre époque qui assomme toute beauté, toute voix, toute aspiration, il faut aller en ligne droite, et sans dévier, vers la cible pour l'atteindre à la fine pointe acérée de la flèche et ainsi frapper en plein coeur le chagrin. Si tu refuses, Sarah, si tu refuses l'évidence, tout sera inversé ! Celle qui peut donner la vie sacrifierait la sienne pour sauver celle qui ne peut pas la donner ? Tu réalises l'aveuglement ? Sarah, j'ai tout vécu avec toi, et par toi, et grâce à toi, ma vie aura été, malgré tout, une flamme, une vague, une plage, un souffle. J'ai tout pleuré par toi, j'ai tout aimé par toi, j'ai tout ri par toi, j'ai tout compris par toi et j'ai tout appris par toi et je t'en prie, ne crains pas car je vivrai tout ce qui m'attend avec force puisque je me dirai à chaque instant "ce que je vis je l'épargne à Sarah, ce que je souffre je l'épargne à Sarah", alors rien ne me fera trembler, je te jure, te le promets !
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Dans la tonalité de chaque voyelle, dans l'éclat mouillé de chaque consonne, j'ai entrevu le boueux détroit de son âme, bras de mer qui sépare la perte de la joie, effritées depuis peu l'une dans l'autre. Mon coeur s'est ému.
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Nous sommes une multitude aux abords du chemin herbeux, blottis aux creux des cailloux ou dans les feuillages des buissons pour choyer notre lumière. Nous luisons loin de l'éclat du jour, loin des villes et loin des humains. Il y aura éternellement des ténèbres où il nous sera possible de tracer nos lignes évanescentes et cela durera tant que dureront les nuits obscures.
Leur disparition signera notre disparition. Ce sera la fin des temps primitifs. Il n'y aura plus personne pour transporter, dans l'intimité des lacs et des rivières, les éclats phosphorescents qui sauront répondre aux étoiles.
Mais tant que la lumière aveuglante n'aura pas décimé le monde des ombres, nous pourrons égrainer nos lueurs. Nous n'abandonnerons pas. Nous luirons.
La persistance des lucioles teintera les vallées, tout comme le chien sauvage sauvera l’homme évanoui. Il sera son ombre et lui sa lumière. Il en fera son maître et l'homme en fera son chien. Rien ne saura les séparer. L'un, gardien de l'autre, l'un, dans les pas de l'autre, ils iront, liant leur destin, jusqu'aux abords des confins et n'auront plus peur de la peur de la mort.
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Nous sommes perdus, toi et moi, mais toi plus que moi. Laisse-moi prier pour toi puisque tu es sans cette dans ton silence. Laisse-moi prier pour toi puisqu’il y a longtemps, lorsque nous avons été enterrés vivants, je n’avais rien su dire ni rien su faire pour consoler es semblables. Eux sont morts et m’ont sauvé. J’ai survécu à l’hécatombe
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Je ne peux pas dire aujourd’hui combien d’entre vous passeront à travers les épreuves qui vous attendent. Les mathématiques telles que vous les avez connues jusqu’à présent ont eu pour but d’arriver à une réponse stricte et définitive en partant de problèmes stricts et définitifs. Les mathématiques dans lesquelles vous vous engagez en suivant ce cours d’introduction à la théorie des graphes sont d’une tout autre nature puisqu’il sera question de problèmes insolubles qui vous mèneront, toujours, vers d’autres problèmes tout aussi insolubles. Les gens de votre entourage vous répéteront que ce sur quoi vous vous acharnez est inutile. Votre manière de parler changera et, plus profondément encore, votre manière de vous taire et de penser. C’est cela précisément que l’on vous pardonnera le moins. On vous reprochera souvent de dilapider votre intelligence à des exercices théoriques absurdes, plutôt que de la mettre au profit de la recherche contre le sida ou d’un traitement contre le cancer. Vous n’aurez aucun argument pour vous défendre, car vos arguments sont eux-mêmes d’une complexité théorique absolument épuisante. Bienvenue en mathématiques pures, c’est-à-dire au pays de la solitude. Introduction à la théorie des graphes.
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Il a écrit jusqu'à l'aube et s'est couché au matin. Il a fermé les yeux sur lui-même, pour ainsi dire, mais quelque chose en lui, qui compte les heures et attend son tour, ne s'est pas endormi.
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Eden : Eitan, écoute-moi : Wahida, toi et moi et tous ceux qui sont morts cette nuit nous sommes comme l’impossible miroir d’un rêve depuis longtemps assassiné. Plus de réconciliation possible. Trop de terres volées, d »’enfants tués, d’autobus explosés, trop de viols, trop de meurtres. Comment oublier ce qu’ils nous font et comment oublier ce qu’on leur fait ?! [.] Alors c’est la guerre. Une guerre qui va durer encore mille ans ! C’est un charnier, et il nous faut sauter dedans parce que nous sommes tous les endeuillés d’un même rêve perdu, qui n’a jamais été pleuré. Celui de vivre ensemble, entre ciel et mer, de s’attabler et d’inviter les dieux pour fêter les noces d’Eitan et de Wahida avant de bâtir une ville commune au portes toujours ouvertes à nos deux horizons.
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Le silence est pour tous devant la vérité.

p.126
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On a beau tourner la chose dans tous les sens, on a beau avoir essayé le détachement, l'amour, le pardon, la loi, la réincarnation, la démocratie, les utopies, les religions, on ne s'en sort pas : un dimanche matin, un homme, exaspéré par son voisin à cause d'une histoire de déneigement, le tuera à coups de pelle dans la face.
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Le jour fond. L'orage éclate. Par la porte, je vois chuter les étoiles de la nuit, défaites de leurs ciels sous les coups de tonnerre. Elles tombent, elles pleuvent, elles gèlent contre le plafond de la carlingue.
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Il n'y a plus de temps, Sawda. Il n'y a plus de temps. Le temps est une poule à qui on a tranché la tête, le temps court comme un fou, à droite à gauche, et de son cou décapité, le sang nous inonde et nous noie.
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Il n’y a pas si longtemps pourtant, vous m’assuriez que la guerre était une chose mauvaise qui devait disparaître, se terminer justement pour que naisse enfin la liberté. Aujourd’hui, la guerre est terminée et je suis encore en prison. Vous me dites encore ne joue pas, ne parle pas, ne rêve pas. Vous me dites tais-toi, Simone, tais-toi ! Vous êtes des menteurs.
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Le temps, à coups d'obus, a fini par passer, sortir de son embouteillage de douleur, il s'est anesthésié, il a congelé ses souvenirs. Le temps est une poule à qui l'on a tranché la tête. C'est mieux comme ça. Il passe, mais je ne me souviens plus de rien. Je ne fais plus attention à rien. Je suis un enfant irresponsable. Demain, on prend l'avion. Un pays lointain et pluvieux m'attend. Je voudrais tellement ne plus dire "je", ne plus m'occuper de rien. Je voudrais tellement que quelqu'un dise "il" pour moi. Qu'on me débarrasse.
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