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Critiques de William Faulkner (569)
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Sanctuaire

L'anecdote est célèbre, Faulkner a déclaré lors d'une conférence à propos de ce roman : « J'ai songé à ce que je pouvais imaginer de plus horrible et je l'ai mis sur le papier. Je l'ai envoyé à l'éditeur et il m'a répondu : « Bonté divine ! si j'imprime ça, nous irons tous les deux en prison. ». On peut dire que le pari est réussi tant cette oeuvre est sombre et dérangeante.



La Maison du vieux français est un repère de bootleggers, une tanière dissimulée dans une zone humide, au fin fond de l'Alabama. C'est un lieu de débauche, crasseux et horrifique. Lee et son épouse Ruby Lamar y vivent dans la quasi misère, accompagnés d'un vieillard aveugle "aux yeux comme des crachats" et d'un attardé mental traînant ses lourdes pattes nues sur le plancher poussiéreux. S'y côtoient des gangsters trafiquants d'alcool et des ivrognes de passage, désireux de se procurer un bidon de gnôle en ces temps de Prohibition.



A la faveur de mauvais concours de circonstances, la jeune Temple Drake, fille du juge Drake, s'y retrouve coincée pour une nuit d'angoisse à la fin de laquelle elle est enlevée puis violée, victime passive et impuissante du sombre Popeye.

Ce dernier est certainement le personnage le plus répugnant de la littérature mondiale. Petit, "sans menton", un canotier vissé sur la tête et un revolver à la ceinture, il a souvent été comparé au serpent du Jardin d'Eden, celui par lequel naît le vice et la tentation. Faulkner laisse planer l'ambiguïté sur sa couleur de peau bien qu'il nous indique qu'il "sent le noir" (it smells black) sans que l'on puisse vraiment dire si l'adjectif se réfère à la couleur de sa peau ou à celle de son âme. Cet être abject séquestre Temple et la réduit au rang d'esclave sexuelle dans un bordel de Memphis, sous la surveillance de la grosse Miss Reba et ses deux chiens lépreux.

Avisé de cette histoire, l'avocat Horace Benbow va tenter de retrouver sa trace afin d'innocenter Lee, accusé d'un crime commis par Popeye.



Ce roman c'est l'histoire du Mal. Celui que chacun porte en soi, à des degrés divers. Aucun personnage n'en est exempt.

C'est également l'expression d'un thème cher à Faulkner, celui de la décadence de ce Vieux Sud, le "Deep South", ruiné par la Guerre de Sécession. Il est intéressant de noter que les tenanciers de la Maison du Vieux français portent les noms de deux héros confédérés, le Général Lee et l'avocat Henry de Lamar Clayton, comme pour illustrer la déchéance de ces riches et anciennes familles sudistes.

Le titre du livre renvoi certainement au corps de la femme violée, ironiquement dénommée Temple, synonyme de Sanctuaire ...

Il s'agit assurément de très grande littérature, chaque phrase est un coup de fouet dans la nuit, la caresse d'une main caleuse, froide et dérangeante.

De Justice ou de rédemption il n'en est point. Les personnages secondaires dont on pourrait attendre une main tendue se révèlent finalement décevants et incapables de stopper la marche tragique du Destin.

C'est en ce sens qu'André Malraux a pu écrire dans sa préface à l'édition française que Sanctuaire c'est "l'intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier".









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Le bruit et la fureur

La castration de Benjy, aussi effroyable soit-elle me semble aussi métaphorique. D'après la thèse d'Otto Rank, elle est une « expérience originaire effectivement vécue " au moment de « la séparation d'avec la mère dans le traumatisme de la naissance ». Notre venue au monde s'accomplit dans une souffrance que nous ne pouvons même pas nous imaginer, semblable peut-être à l'enfer de Benjy.



Nous savons qu'il n'était pas anormal à la naissance. Son expérience sensorielle a pris le dessus et c'est alors qu'il passe de la satisfaction des sens aux souffrances de la frustration, y compris celle qui accompagne les souvenirs douloureux.



Nous croyons à notre lucidité et ne remettons pas en question notre "conscience", non plus que notre subconscient qui s'exprime dans nos rêves. Mais nous sommes néanmoins le jouet de nos impulsions ou nos pulsions, lesquels peuvent faire de notre vie une autre sorte d'enfer.



La famille Compson n'est peut-être pas plus "corrompue" que bien d'autres, abîmées par les névroses de douloureuses fratries. Tout enfant, qu'il soit unique, second, dixième, apparemment entouré, peut finir privé de tout, échouer socialement et suivre les modèles de leurs ascendants.



Ne sommes-nous pas tous des idiots?

A cet égard, l'apparition "physique" de Benjy à la fin qui vient comme un choc, alors qu'on a pu se faire une idée de son apparence, me paraît également forte de sens. Car après ce cortège d'évènements calamiteux, quand Luster fait passer la jument " à gauche" du Soldat Confédéré, entraînant les hurlements de l'idiot, c'est à lui que nous disons adieu : "La fleur brisée pendait au poing de Ben, et ses yeux avaient repris leur regard bleu, vide et serein, tandis que, de nouveau, corniches et façades défilaient doucement de gauche à droite; poteaux et arbres, fenêtres et portes, réclames, tout dans l'ordre accoutumé".



C'est la fin de "la rauque agonie de Benjy (qui) rugissait autour d'eux", Benjy qui est plus grand que dans notre imaginaire.



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Sanctuaire

« Sanctuaire, c'est l'intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier. » , dit André Malraux dans sa préface.

Lu il y a bien longtemps, il m'en était resté le patronyme de Popeye et quelques scènes fortes laissant présager le sordide et l'innommable.

Une relecture s'imposait à la suite du roman Le bruit et la fureur et au regard d'un commentaire encourageant d'Allantvers.

William Faulkner pousse ici l'évocation à son niveau le plus ultime, à tel point qu'il faut parfois relire certains passages avec attention et retourner plus d'une fois en arrière afin d'être sûr d'avoir bien saisi l'intention. Cette histoire de meurtre chez un bootlegger (bouilleur de cru dans le texte), associée à un viol et à la tenue d'un procès vite expédié, m'a rappelé Le verger de marbre d'Alex Taylor III par son atmosphère glauque et ses non-dits, dont William Faulkner use fort à propos afin de tenir son lecteur jusqu'à la toute fin. J'ai apprécié me plonger à nouveau dans l'oeuvre de ce grand écrivain américain qui a marqué son époque et qui continue encore aujourd'hui de nous attirer.
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Le bruit et la fureur

Au début du récit j'ai un peu eu l'impression de me trouver dans un labyrinthe où je devais trouver le chemin , avec de fréquents retours en arrière , de pas sur le côté , ou en train de construire un puzzle ,à la recherche des pièces manquantes … le chemin s'éclaircit, peu à peu ,sans toutefois en connaître toutes les pistes ! J'ai aimé cette description de la folie ,ce qui ne me semble pas aisé pour un bien portant (Faulkner l'était-il ? ) ! la description du vieux Sud des Etats -Unis , sa décadence ,ce Sud qui n'oublie pas pour autant ses heures de gloire . J'ai aimé la description de la nature présente à tout instant et son interaction avec les émotions des personnages . J'ai aimé les portraits de cette famille si complexe qui doit lutter avec son passé ,son présent si lourd ,les portraits des domestiques noirs qui l'observent ,la jugent ,celui de Dilsey qui participe à sa vie et en est l'élément le plus solide et plein de compassion.
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Absalon, Absalon !

Au centre du livre il y a Quentin Compson, personnage important "De bruit et de fureur", il est là comme observateur et miroir réfléchissant de Miss Rosa Coldfield, de son discours et de sa folie.



A travers ce double prisme, nous est racontée l'histoire de Thomas Stupen et de sa descendance. Sa tentative de s'élever au dessus de sa condition de petit blanc et de rejoindre la caste des riches planteurs du Sud ainsi que sa chute, de même que les tragédies qui frappent tous ses enfants.



Le livre se présente sous forme de monologues, dialogues de personnes plus ou moins identifiées, où par des phrases longues, de manière extrêmement discursive, cette histoire nous est peu à peu dévoilée.



Ce n'est sans doute pas le livre de Faulkner le plus facile à lire mais à mon sens c'est celui où sa voix est la plus personnelle, la plus originale, j'aurai envie de dire qu'il s'agit d'un très long poème en prose où les obsessions et souffrances de ses personnages s'expriment le mieux.



Il faut se laisser porter par le rythme de la phrase, atteindre presque un état second, vivre une sorte de rêve éveillé.
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Sanctuaire

Épouvantable ! Cette oeuvre est tout simplement épouvantable ! l'auteur est-il donc si misanthrope qu'il ne peut évoquer que des personnages dont l'ignominie le dispute à la veulerie ?

Le choix est large entre les bandits de la ferme, la femme à l'enfant, l'avocat, plein de bonnes intentions, et sa soeur, bourgeoise étriquée, le petit ami de Temple, étudiant bellâtre, enfin Popeye et Temple Drake, les figures principales de ce drame, celles par qui tout arrive.

Au temps glorieux de la Prohibition dans le sud profond, le lecteur se retrouve dans un repaire de bandits et de bootleggers. Il y croise la plupart des protagonistes de l'histoire, dont Temple Drake, la jeune fille pure, en réalité une jolie fille idiote qui se muera au fil du récit en minable putain déconnectée du réel. Abandonnée par son amoureux, qui ne songe qu'à se saouler la gueule en compagnie des mâles du lieu, la voilà devenue papillon affolé, à errer dans cette ferme sinistre et abandonnée, à se cogner maladroitement à toutes les aspérités, à se cacher comme un enfant malhabile et, à subir un destin contre lequel elle ne tente absolument rien, pas le moindre acte de rébellion chez cette stupide poupée !

Alors qu'elle le pourrait, elle ne fait rien pour s'éloigner de ce lieu de perdition, mais accepte sans la moindre velléité de lutte le sort abject qui lui est dévolu et pire va suivre, apparemment de son plein gré, l'homme monstrueux qui le lui a fait subir.



Au lecteur de débrouiller l'écheveau tendu par Faulkner et, au cours d'un récit haché, de suivre le fil d'Ariane qui lui permettra de comprendre la noirceur dont l'auteur lui propose le tableau et qui, bien évidemment se clôt en apocalypse ! Venez, venez "bonnes gens" et faites justice !



La terre ? un bouge immonde où grouille une humanité pervertie par les vices les plus ignobles. L'espoir ? Il n'existe tout simplement pas, puisque le seul être qui aurait pu inverser le cours des choses, soit se sent incapable d'agir, soit n'en a pas le courage ! allez savoir !

Point d'espoir en l'humanité dans ce récit parfaitement sinistre, où les êtres humains ne sont rien d'autres que pantins, manipulés par les forces obscures qui les animent.



Faulkner agit en entomologiste avec un talent magistral pour conter ces horreurs dans un style éblouissant, une langue riche, somptueuse qui laisse le lecteur stupéfié et épouvanté.

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Requiem pour une nonne

Challenge Nobel 2013-2014

15/15



J'ai essayé, j'ai presque réussi : abandon au début de l'acte 3, le dernier. Vraiment, ça ne passait plus. Le style, l'écriture que je trouvais lourde, inutilement alambiquée. Des personnages pas du tout attachants, pour lesquels aucune empathie ou sympathie n'est née, qui faisaient des tonnes d'un rien et mettaient du temps pour exprime ce rien. Tellement de temps et de digressions que le fil parfois se perdait dans toutes ces circonvolutions...
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Tandis que j'agonise

« Tandis que j’agonise » de Faulkner n’est pas classé dans ses grands romans. Pourtant il le décrit comme un « tour de force ». On parle aussi de farce, de roman du terroir, ce n’est pas ce que j’ai ressenti. Anse, le père, Darl, Dash, Jewel et Vardaman, les fils et Dewey Dell la fille accompagne la dépouille de la défunte Addie, femme et mère. Mais rien ne va se passer comme prévu, cela en devient même assez sordide ; les gens dans la rue se plaignent et les busards, eux, espèrent. On dirait une sorte d’épreuve initiatique, ou les protagonistes doivent la faire sans aide. C’est sombre, désabusé, triste et pathétique. La fin, heureusement, amène un trait d’humour. On est pris dans du pure Faulkner : de la folie, de la pauvreté. C’est un des romans de Faulkner les plus abordables, la narration au début peut dérouter (surtout du fait de l’absence de narrateur) mais moins que pour ses autres livres. Un vrai bon livre pour commencer avec un auteur de référence qui n’est pas facilement abordable.
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Sartoris

Dans l’Amérique du sud qui lui est familière, William Faulkner narre une nouvelle fois les thèmes qui lui sont chers: les grandes familles du Sud déchues par la guerre de Sécession, les communautés et la ségrégation, les drames familiaux et leurs lots de confusion, la passion des hommes qui leur donne ardeur et ambition, et leur folie, qui les en éloigne. Pour beaucoup, « Sartoris » est le roman le plus « représentatif » de Faulkner, s’il n’est pas son plus brillant.



A côté d’un « Tandis que j’agonise« , d’un « Absalon!Absalon! » ou d’un « Lumière d’août« , « Sartoris » est un roman certes plus discret, mais il n’en n’est pas moins aussi fort et intense que les autres titres de l’écrivain. « Sartoris » est d’ailleurs son troisième roman, écrit en 1929, on dit que Faulkner eut du mal à le faire publier et reconnaître, alors qu’il le présentait comme « le » roman qui présageait tous les autres. Et pour cause. Matrice même de la conception familiale de la vieille Amérique aristocratique, les Sartoris sont le type de la famille réputée, renommée, mais au destin tragique, turbulant et surtout poussiéreux.



Descendant de soldats héroïques, les Sartoris sont des braves, des travailleurs, des valeureux…mais on dit qu’aucun d’eux n’est mort de fin naturelle. Dans cette confusion des générations qui est propre à Faulkner, les hommes se prénomment John et Bayard de père en fils, et ainsi semble descendre d’enfant, en petit-enfant, ce goût du risque et de la démesure. Car l’ubris est bien le propre de ces héros d’une autre époque, des héros qui ne seraient plus d’une réalité nouvelle, qui les rejette, et les fait paraître désuet.



Le vieux colonel Sartoris voit son petit-fils Bayard revenir après la guerre en Europe. Ce dernier, passionné d’aviation (comme Faulkner lui-même) fait face au deuil de son frère John, avec une attitude désinvolte et dangereuse, notamment en s’enivrant de la vitesse des nouvelles automobiles alors disponibles. Dans un engrenage douloureux, Bayard essaie de s’auto-détruire pour noyer sa culpabilité, entraînant malgré lui le colonel, et ceux qu’il aime.



Telle la Cassandre de la famille, Miss Jenny, la tante des Sartoris, prévoit avec pessimisme et rancune la fin de cette lignée de garçons d’un autre temps. Mais alors qu’une nouvelle ère s’ouvre, elle s’attache malgré elle à parler à ces fantômes, des hommes que l’on n’aime finalement mieux sur les portraits que l’on chérit, sur leurs tombes que l’on fleurit, que dans une réalité où ils sont finalement insupportables.



Faulkner dépeint avec intensité cette époque de mutation pour l’Amérique, qui peine à se dessiner une nouvelle cohérence sociale après la guerre de Sécession, et qui entre en guerre de l’autre côté de l’Atlantique. Les rapports entre les différentes communautés Noires et Blanches sont encore terriblement marqués par les ravages de l’esclavage, et la cohésion sera effectivement plus lente dans les Etats du Sud.



Figure d’une Amérique vieillissante, hésitante, « Sartoris » est la poussière d’une époque, la nostalgie poétique de grandes figures devenues détestables, la déchéance d’une classe qui n’en n’a pas moins marqué l’imaginaire américain.



« Sartoris » est donc sans conteste le roman d’un déclin douloureux, une fresque sociale juste et puissante, qui nous rappelle que bien souvent, la société préfère ses héros lorsqu’ils sont morts, sans quoi elle ne les assumerait pas.
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Sanctuaire

"Sanctuaire" est un roman intense, noir et dur, inspiré d'un fait divers sordide. L'habileté du récit consiste à faire admettre, sans les moraliser, le viol d'une jeune fille, le meurtre d'un homme, le lynchage d'un innocent, soit des formes de violence extrême, les faits, difficilement soutenables, étant énoncés sans jamais porter de jugement de valeur.



Mais plus que de l'histoire elle-même, la puissance du récit vient de sa construction, magistrale, et de son style, chaotique, tendu, qui ne laisse aucun répit au lecteur. Sa technique narrative est subtile, les chapitres se focalisent à tour de rôle sur le destin des différents protagonistes, et le noyau de l'intrigue n'est révélé qu'à la fin du roman. Pas même révélé d'ailleurs, puisque le lecteur doit plutôt le déduire, ce qui s'est réellement passé n'étant jamais dit explicitement, mais évoqué par bribes. Ce n'est que peu à peu que, l'intrigue se resserrant, les clés pour comprendre le déroulement des faits sont données. Cette construction non linéaire, avec sa chronologique bouleversée et sa narration disloquée, déroute certainement, mais force l'admiration devant son habileté, le lecteur restant incertain jusqu'au bout sur les faits. C'est un livre difficile, qui requiert une attention soutenue et qu'on lit partagé entre fascination et répulsion.



« Temple ne vit pas, n'entendit pas s'ouvrir la porte de sa chambre. Au bout d'un instant, elle tourna par hasard les yeux de ce côté et y aperçut Popeye, son chapeau sur l'oreille. Sans bruit, il entra, ferma la porte, poussa le verrou, se dirigea vers elle. Tout doucement, elle se renfonça dans le lit, remontant jusqu'au menton les couvertures, et resta ainsi, anxieusement attentive aux gestes de Popeye. Il s'approcha, la regarda. Elle sentit son corps se contracter insensiblement, se dérober dans un isolement aussi absolu que si elle eût été attachée sur le clocher d'une église. Elle sourit à Popeye d'un pauvre sourire humble et gauche, découvrant l'émail de ses dents. »



On referme ce livre sonné, à bout de souffle, exsangue, sans savoir comment en parler... J'ai attendu quelques jours, quelques semaines même, le temps de reprendre mon souffle et de chercher mes mots. Je ne suis pas sûre de les avoir trouvés. Mais l'impression généralement qu'il m'en reste aujourd'hui est un sentiment diffus et persistant de violence, de bassesse, de corruption, d'impuissance, de désespérance et... de consternation.
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Sanctuaire

Sanctuaire, où le récit d'un fait divers sordide qui entraine la déchéance d'une jeune fille de la bonne société sudiste. Un récit à mi-chemin entre une littérature hermétique et roman noir façon Chandler ou Hammett. Ou plus exactement un texte qui s'apparente à ces deux genres à la fois.

Une fois de plus, Faulkner produit une œuvre difficile d'accès, où le lecteur parfois se perd, mais qui laisse une saveur forte et persistante. Je ne suis pas fumeur, mais j'imagine que le plaisir de fumer un cigare corsé s'apparente à celui de ce type de lecture. On referme le livre en étant marqué, un peu ivre et écœuré par cet univers pesant et sombre que l'auteur excelle à créer.
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Lumière d'août

Pas facile de s’attaquer à Faulkner quand on ne l’a jamais lu. Quand je me suis lancé dans la lecture de « Lumière d’août », j’étais rempli de préjugés. Pas tant sur le style, j’avais lu abondamment Hemingway et Steinbeck, je me disais que ce ne serait pas un obstacle majeur, (ce en quoi j’avais tort, pas pour Faulkner, mais quand j’ai voulu attaquer Dos Passos, mamma mia !) mais j’avais lu que Faulkner était un « écrivain du Sud ». De ce que j’en savais (ou ce que je croyais en savoir), les Sudistes étaient racistes, intolérants, bigots j’en passe et des meilleures, et je me disais, qu’ayant grandi dans ce milieu, Faulkner devait avoir tété à cette source comme à son premier « mint-julep » (cocktail du Sud à base de menthe, avec ou sans alcool) ...

Eh ben non, j’avais tout faux : Faulkner est un Sudiste, mais il porte le Sud comme une malédiction, précisément, à cause de ce passé marqué par l’esclavage et l’oppression des noirs. Cette prise de position, à contre-courant de ses compatriotes, lui valut d’être qualifié « d’ami des nègres » et seul le prix Nobel le racheta aux yeux, on le salua alors de « Fils illustre de la cité ». Et pourtant Faulkner ne peut nier ses origines, et toute son œuvre est marquée par ce déchirement entre l’héritage et les convictions.

« Lumière d’août » illustre à merveille cette double influence sur une œuvre unique.

L’histoire se passe à Jefferson, comté de Yoknapatawpha, état du Mississippi (c’est-à-dire à Oxford, comté de Lafayette, état du Mississippi). C’est une histoire très ramifiée, avec trois fils narratifs principaux : le premier concerne une jeune femme, Lena Grove, elle vient de l’Alabama, elle est enceinte, et elle recherche le père de son enfant. Le second fil concerne Joe Christmas qui vient de tuer sa patronne et maîtresse. Le troisième concerne le révérend Gail Hightower, un prêtre borné et raciste. Et bien entendu, personne n’est exactement ce qu’il a l’air d’être. Joe, surtout, est un métis qui, on ne le dirait pas à le voir, a du sang noir dans les veines.

Comme le dit Maurice-Edgar Cointreau, le traducteur (magnifique) dans une lumineuse préface sur laquelle je vous conjure de ne pas faire l’impasse : il ne faut pas perdre de vue que Faulkner est un puritain (« Mais un puritain, dans le bon sens », aurait corrigé Faulkner). Ce qui donne au roman une résonnance religieuse qui contraste avec les débordements crapuleux et érotiques qui parsèment l’ouvrage. Le personnage de Joe Christmas (dont le nom et les initiales sont hautement symboliques) est en soi un être spécial qui est d’emblée promis à la tragédie, et qui le sait. Faulkner touche à la fois à la Bible et à la tragédie antique. Autres preuves du puritanisme de Faulkner : la peinture des femmes, comme étant des monstres de lascivités, pratiquant « l’instinct de la dissimulation » ou pire « l’infaillibilité pour concevoir le mal » (ces dames apprécieront) ; le dégoût provoqué par l’acte sexuel (y compris quand c’est un acte d’amour) ; ou encore les allusions nombreuses à l’homosexualité.

Faulkner dresse un tableau impressionnant de son pays et des êtres qui le peuplent. Pour autant, si les personnages sont souvent torturés et même parfois brisés, il en est (de ces sudistes, justement) qui sont humains et aimables, et s’inscrivent dans un courant de vie « normal » où la tragédie ne les atteint pas.

A lire impérativement dans cette traduction de Maurice-Edgar Coindreau (comme tous les grands auteurs américains qu’il a traduits et présentés) (La Pléiade, si vous avez les moyens, sinon Folio)



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Tandis que j'agonise

Deuxième lecture de Faulkner, après l’incontournable Le bruit et la fureur, et deuxième coup de maître pour l’auteur, même s’il ne s’agit pas complètement d’un coup de cœur. Avec un récit uniquement basé sur les monologues intérieurs des personnages, l’auteur nous invite à partager le convoi mortuaire d’Addie Bundren jusqu’à la ville de Jefferson, accompagnée des membres de sa famille. Nous suivons ainsi les péripéties qui entravent le bon déroulement de ce trajet. Mais ce sont surtout les pensées, pas toujours clairement exprimées, des personnages et leurs différents secrets cachés qu’il convient de découvrir au fil de l’avancée du récit.



Faulkner excelle dans les portraits qu’il dresse des hommes de la campagne. Leurs caractères et leurs pensées sont retranscrits dans leur façon de s’exprimer. Il réussit à faire de chacun de ces hommes du quotidien un héros digne des grandes tragédies grecques. Tour à tour, j’ai compati et je me suis révoltée face aux comportements des enfants d’Addie mais surtout de son mari Anse, qui apparaît bien souvent comme un monstre d’égoïsme. Mais il faut toujours garder à l’esprit le contexte dans lequel ils évoluent : l’Amérique rurale et pauvre du début du XXème siècle. Avec eux, ce sont toutes les bassesses de la nature humaine que l’auteur nous donne à voir pour mieux nous questionner nous-même.



Il s’agit d’une lecture très exigeante pour bien comprendre tous les liens entre les personnages et les événements. J’aime l’écriture de Faulkner qui garde un goût de reviens-y dès le livre terminé. Je me dis que je pourrai le relire plusieurs fois et que je découvrirai de nouvelles subtilités à chaque relecture. Et j’ai envie d’en lire un autre pour retrouver ce plaisir de l'exigence de la lecture.
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Lumière d'août

Un roman superbe, mais qui secoue.



Superbe par le savoir faire romanesque dont fait preuve Faulkner, qui refusant la linéarité de l’intrigue, bouscule le temps et l’espace, fait se croiser des personnages, des générations, tout en conservant au roman unité et équilibre interne.

Superbe par l’écriture dense, qui fait parfois se superposer, au sein d’une même phrase, le présent d’une action, le passé qui l’explique et ce qu’il en adviendra dans le futur; ou fait se mêler ce que sait un personnage et ce qu’il ignore, permettant ainsi au lecteur de saisir tout ce qui détermine les démons intérieurs de ce personnage .

Superbe aussi par la richesse des notations sensorielles. Faulkner y révèle comment la perception d’une situation s’effectue par les sens en éveil et se répercute dans l’ensemble du corps.



Roman magistral et qui a le pouvoir de réveiller la conscience.

Le lecteur y entend la voix collective de ce Sud des Etats Unis où le plus obscur des puritanismes prêche la haine et la discrimination.

Cette voix collective fait du Noir l’être qui porte sur son corps, tel un stigmate « la noire malédiction du Dieu Tout –puissant ».

Elle ne voit dans la femme qu’une source de péché, une femelle dont la chair est « le signe de l’abomination divine », « la forme ambulante de la chiennerie », dont l’esprit est porteur de « l’instinct de dissimulation et l’infaillibilité pour concevoir le Mal »,

Femme que le révérend Hightower réduit à l’état de « Chose passive et anonyme que Dieu avait créée pour être non seulement le récipient, le réceptacle de la semence de son corps mais également de son esprit qui est Vérité »

Il octroie à l’homme - le mâle-, le droit de faire « couler le sang, à la manière des inquisiteurs », le droit d’être l’instrument de la volonté de Dieu, un Dieu de colère, de vengeance et de haine .

Tant de mal au nom de Dieu !



Une saison en enfer, dans un monde de fous mystiques, de redresseur de torts figés dans la certitude inébranlable du bien fondé de leurs actions.



En contrepoint, les passages où apparaît le personnage de Léna, dont la candeur rayonne et suscite autour d’elle des comportements de bons samaritains, ménagent des moments de respiration et projettent sur cet univers sombre comme une lumière d’août bienvenue.



Un roman qui en dépit de son titre m’est apparu comme celui d’un monde étouffant et d’une noirceur absolue.



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Lumière d'août

Faulkner est un grand metteur en scène. Dans ce roman, on est subjugué par la construction du récit à plusieurs voix, par l'agencement de scènes qui trimbalent le lecteur d'un temps à un autre, d'une époque à une autre, d'un personnage à un autre, d'un espace à un autre. Mais contrairement à ce que j'ai pu lire des critiques précédentes, tout est fait pour que le récit rebondisse à chaque chapitre. On en ressort abasourdi. Comme des frissons nous parcourent l'échine face à la beauté du monde, ils nous assaillent à la lecture de Lumière d'août. Un roman sur l'incroyable et irraisonnée obsession des hommes. Chaque personnage avançant coûte que coûte vers son malheur. Un roman du déclin, comme cette lumière du titre, une lumière qui n'est déjà plus celle de l'été flamboyant et généreux, et qui annonce la morne vieillesse de l'automne.
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Le bruit et la fureur

L'un des romans les plus célèbres de Faulkner et pourtant l'un des plus difficiles à lire. Les quatre premières parties sont bien conformes au titre shakespearien, elles créent un monde déstructuré, éparpillé et furieux. Différents narrateurs d'une famille du Sud des Etats-Unis nous entraînent dans leur lente décrépitude. C'est par la vision de Benjamin, le demeuré de la maisonnée, que l'on entre dans cet univers grotesque et tragique. Roman exigeant mais qui, au bout du compte, ouvre à de nouveaux mondes et rend la littérature si essentielle à notre existence.
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Lettres choisies

Ouvrage remarquable que ces lettres choisies de Faulkner. Doublement choisies comme le précise l'avant-propos de Michel Gresset. C'est en effet le biographe officiel de Faulkner Joseph Blotner qui a établi cette édition des lettres publiée en 1977 dans sa version originale, et en 1981 par Gallimard.

Un travail documenté et référencé. En plus du texte des lettres, on y trouve une chronologie reprenant les principaux événements de la biographie de Faulkner entre 1897 et 1962, un index des noms renvoyant aux différents lettres dans lesquelles ils sont cités, et un arbre généalogique de la famille du romancier.

Cinq cent lettres environ figurent dans ce volume qui est, selon Gresset, une réduction des sept cent trente lettres de l'édition originale.

Blotner a retenu la correspondance entre Faulkner et sa mère, et toutes les lettres qui ont trait à la réédition du Bruit et de la Fureur, ainsi que celles relatives à la mise en scène de Requiem pour une nonne, ou encore la réalisation d'un ouvrage sur le Mississipi…

C'est donc la continuité qui a été retenue, en excluant toutes les lettres ponctuelles qui ne présentaient pas d'intérêt dans la recherche pour le lecteur d'une meilleure connaissance du contexte dans lequel Faulkner écrivait ou traitait des questions relatives à ses écrits et à leur publication.


Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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Lumière d'août

Lumière d'août : analyse de la genèse d'un meurtre.

Voilà ce que l'on peut lire en dessous d'un court extrait sur le quatrième de couverture de cette oeuvre écrite par William Faulkner.

Cela reste vague, flou, alors pourquoi lire ce livre ? Est-ce parce que la couverture m'a plu ? Le titre peut-être ? Ou bien le nom de Faulkner tout simplement ?

Quoi qu'il en soit il s'agit bel et bien de la genèse d'un meurtre, mais pas seulement.

Faulkner s'attache à la genèse d'une meurtre mais également à celle des relations, rencontres et décisions qui ont des répercussions sur plusieurs années, voire décennies.

Il est difficile de décrire ce livre car il ne faut pas trop en dire.



Cet un ouvrage a plusieurs voix et voies, construisant une histoire, des destins.



La lecture est lente, parfois laborieuse, on ressentirait presque la chaleur oppressante du livre s'abattre sur nos épaules, une oeuvre dont on ne se rend compte de la puissance qu'en ayant atteint la dernière page. Car en effet, lorsque l'on ferme le livre on se sent presque habité : dans le sens où Faulkner et sa plume ont réussi à s’immiscer au plus profond de nous, nous laissant en tête des images brutales, une ambiance moite et sexuelle, et une poésie à couper le souffle.

Nous sommes ainsi abandonnés avec le sentiment dérangeant de s'être fait avoir.



Je le recommande sans réserve.





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Le bruit et la fureur

Un texte très difficile et très neuf à l'époque dans la littérature américaine.

La chronique d'une famille du Sud qui se défait.

"Tout a commencé par une image mentale" disait Faulkner, l'image de Caddy, une enfant jouant dans le ruisseau.

Le roman comprend quatre parties, trois parties qui sont des monologues des trois frères de Caddy: Benjy (simple d'esprit), Quentin et Jason. La quatrième partie est un récit à la 3ème personne.

Caddy se marie, le frère Quentin se suicide.

Le monologue de Quentin est le plus poignant: centré sur le temps qui passe inexorablement; la perte de la soeur (qui se marie), la sexualité et la mort.

Un récit difficile qui consacre les multiples talents de Faulkner pour l'expérimentation langagière et technique.
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Tandis que j'agonise

⚰ Une odyssée macabre ⚰



Plus j'avançais dans le livre de Faulkner, plus une question revenait !

C'est qui celui-là encore ?!



J'avoue, il m'en a fallu du temps pour tout saisir, parce qu'il s'agit d'un roman polyphonique, à plusieurs voix, où chaqu'un fait la narration, dans un monologue, une introspection singulière, qui nous place au plus près des pensées de tous les protagonistes.



"Tandis que j'agonise" est le portrait d'une famille rurale, du Mississippi, une mère agonisante fait promettre à son époux de l’enterrer près des siens & demande à l'aîné de ses fils de lui construire son cercueil.

Anse, l'époux honorera cette promesse, et dans une vieille charrette chargera la dépouille, aidé de ses fils & sa fille, ainsi commence une marche funèbre pour emmener la défunte vers le cimetière qu'elle a choisi ...

Un cortège périlleux, semé d'embûches, d'inattendu, d'aventures plus au moins bibliques (l'inondation, le feu, la maladie) et une famille déjantée où chacun est animé par des sentiments différents & un but personnel, tous y seront affectés d'une manière ou d'une autre !



Écrit en un temps record, dans une soute à charbon, sans apporter la moindre modification, Faulkner aborde des sujets tels que la mort, la pauvreté, l'avortement, la peur & la solitude.

Le poétique titre est inspiré d’Homère.

C'est une lecture qui demande une grande concentration mais une fois dedans, c'est une expérience extraordinaire qui s'apparente à un long & rude voyage vers un pays inconnu, dont on ne peut être qu'émerveillé une fois arrivé.



La voix d'Addie, d'outre-tombe dans le dernier chapitre est consternante !



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