Citations de Xavier de Moulins (348)
C’est un comble : dans son sommeil, mon petit chat rassemble mes idées !
Tu salues au drapeau de mon spleen, entonnes cet hymne devant moi en dormant, celui du souffle créateur.
Les chats créent toujours quelque chose quand ils ne font rien.
Souvent les humains ne font rien de ce qu’ils créent.
J’approche de toi mon ordinateur.
Je suis au garde-à-vous de ta tendresse, une main sur les touches, l’autre sur ton dos, te regarder rêver me stimule.
Montagnes russes.
Ton dos monte et descend au rythme de ta respiration. J’aperçois ce que je cherche, je parviens à saisir quelques lignes, je me rends.
À mes côtés, le petit chat est un phare, une illumination. Un talisman.
Et le roi des boulets.
Il m’arrive d’écrire allongé et de laisser mon ordinateur ouvert sur le lit.
En manque d’exercice, tu as décidé d’enjamber mon écran, de marcher sur les touches, et, de là, de sauter sur la commode pour mieux t’élancer pour rebondir sur le couvre-lit, apprenti Yamakazi.
C’était l’un de tes plus grands plaisirs.
T’enrouler dans la couette, bondir sur la table de chevet, glisser entre tous les bouquins, en faire tomber la moitié et recommencer le gymkhana.
Ça t’arrivait surtout le soir, quand ta testostérone était au plus haut ou ton inquiétude au sommet, de défier les lois de la gravité.
Entre deux saltos de champion du monde, tu as renversé mon ordinateur.
L’ordinateur portable a volé dans la chambre.
J’ai entendu un bruit sourd.
La machine gisait sur le dos, l’écran fendu, amputée de la touche F8 dont j’ignore toujours la fonction.
Le disque dur était mort.
J’ai cru ta dernière heure arrivée quand, très en colère, je me suis agenouillé pour constater les dégâts de tes agitations.
Mais une fois de plus tes yeux jaunes et ton air de minet ont eu raison de mon autorité.
C'est inutile d'anticiper nos chagrins, on a toute la vie pour la peine.
Elle n'a pas de chat à la maison , elle n'a jamais fait de place à cette expérience-là, à cette joie merveilleuse d'avoir contre ses jambes un chasseur de spleen, un attrape-coeur délicieux, un masseur de l'âme, une bête à chagrin.
C'est inutile d'anticiper nos chagrins, on a toute la vie pour la peine.
Imagine, mon petit chat, si les humains vivaient "chats".
_Ce que je vais te dire, je ne le répéterai pas. J'ai décidé de te confier mon enfant, jusqu'à la fin de tes jours. Je ne l'abandonne pas, je te le confie.
Après tout, cette mascarade ne le concerne pas vraiment. Tout juste a-t-il-prêté son image à ce jeu, à l'organisation du mirage, à l'obsession de l'artiste qui a décidé que c'était lui la preuve qu'elle cherchait, l'autre visage de la banlieue, plus posé, plus rassurant, tout simplement plus beau que le gris épais des tours, l'odeur du shit, le bruit des altercations, le parfum de poudre des vents violents.
Dix ans. Pour rien. Une route dont on ne voit pas la fin. S'arrêter et reprendre, se décourager et espérer, laisser tomber et éperonner de plus belle les flancs de cette volonté, puis reculer, abandonner, essayer d’appréhender la vie autrement. Et recommencer. S'accrocher toujours.
A l'école, les filles se sont depuis longtemps simplifié la vie. Quand on leur demande le métier de leurs parents, elles répondent artiste peintre énervé et banquière d'Angleterre, et ça leur suffit.
Abdelkrim ne connaît rien à la vie. Apprends-lui l'amour et le respect du prochain. Apprends-lui la patience. Enseigne-lui la paix. Fais de lui un homme juste et bon.... promets-moi d'en faire un homme heureux, et libre, et surtout de ne pas le pourrir par l'argent. Alors, je prierai pour lui, pour toi, et pour vous trois tous les jours....
Je te jure de prendre soin de lui jusqu'à ce que la mort nous sépare.
C'est crucial pour une mère, l'odeur de son enfant.
Ce soir, sa conclusion est sans appel. La guerre nous enseigne beaucoup de choses, vivre l'instant présent, se méfier, anticiper, mais rien, absolument rien ne nous prépare jamais à vous entendre annoncer, un soir dans le couloir blême d'un hôpital parisien, que votre petit garçon aurait pu mourir.
on ne parle pas aux pauvres et aux domestiques, dans ces cercles-là. On n'a pas un regard pour le petit personnel. Pas plus qu'on ne sympathise avec les chauffeurs de taxi.
Ne le gâte pas. Ne fais pas comme tous les parents français qui offrent des jouets à leurs enfants lorsqu'ils pleurent. On éduque les enfants en parlant avec eux, pas en leur donnant du matériel.
Le temps efface presque tous les chagrins, se dit-elle, seuls les plus terribles demeurent et reviennent à la charge, semblables à des fantômes posés sur votre épaule.
C'est une histoire banale d'immigration et de va-et-vient entre les siècles, la nostalgie du bled, le travail de forçat, la vie dans la cité, les efforts et les économies. Tahar est né et a grandi en France. Un père ouvrier, une mère femme de ménage, des vacances au bled un été sur deux. Des privations, des valeurs, une intégration, une éducation, le souci de l'exemplarité, l'apprentissage du français, la reconnaissance, l'amour de la France, la fierté du pays, la nostalgie de la terre fauve, l'étau et chaque mois le peu d'argent sauvé, mis de côté pour ce rêve, construire une grande maison loin de bled, sur la côte Atlantique
Personne ne se doute alors de ce que leur réserve l'avenir. Des années qu'il faudra pour mourir ou donner la vie. Personne ne se doute, ils ont encore le temps, ils sont encore innocents. Ça ne dure jamais longtemps, l'innocence.
Les autres fois, elle avait tenu grâce à sa collection de cartes postales imaginaires. elle avait feuilleté cet album avec le plus grand soin, tourné les pages de la vie de son futur bébé en rajoutant chaque jour de nouveaux souvenirs inventés, la naissance, l'allaitement, le premier biberon, la première sortie, le kangourou, la poussette, les premiers pas, la première dent, les premiers mots, et surtout ce son inédit de la vie, cette formule magique, ces quelques lettres redondantes comme les bosses d'un chameau : "maman".
Les vraies vies sont celles qu'on invente.
Le petit chat est mort.
Les mots sont une détonation.
Les choisir pour l'annoncer aux enfants n'a pas été chose facile, alors je me suis résigné à faire simple, cinq mots et un point final. Court, cruel, monstrueux.