Citations de Yann Queffélec (604)
"Avant avec Adrien on parlait souvent à deux voix sur le répondeur, chacun un mot ou chacun une phrase en même temps tellement on était contents d'être ensemble, contents et fiers, deux imbéciles contents et fiers de leur bel amour, ah on va leur montrer, ah ils vont voir, ah on va leur balancer notre grand amour à la gueule..."
C'est être joueur, prêt à perdre.Aimer ce n'est pas garder, posséder.Aimer c'est l'autre avant toi.
« Dire oui, c’était contraire à ses principes. Elle faisait des choses, éventuellement elle agissait, mais dire oui, c’était plier, s’aligner, commencer à demander pardon à quelqu’un qui méritait qu’on lui tranche les nerfs, pour la peine. Dire oui, c’est balancer. Dire oui, c’est perdre et elle était déjà assez perdue comme ça. » (p. 168)
« Les femmes savent tout, mais elles veulent des mots. Tant que les phrases n’ont pas franchi nos lèvres, elles n’existent pas. » (p. 130
Il est sous son emprise ; elle le sait, elle le plaint.
Elle est à lui mais il ne possède rien.
Il chérit une ombre, une énigme.
Ils ont beau s'aimer, vivre peau contre peau,
c'est chacun pour soi,
chacun replié dans une histoire où l'autre lui fait plus ou moins
l'effet d'un rôdeur
« Plus le temps passait, plus Nicole évitait son fils, et plus il cherchait à la voir. »
Ludo se baignait dans ces cortèges familiaux parfumés dont il guettait les gestes et les secrets. Tel un voyageur solitaire qui ne peut s’empêcher d’espérer dans la foule une retrouvaille, il regardait chaque mère avec des yeux suppliants. L’eût-on pris par la main, il suivait la première venue.
"Cette allégorie du malheur : la main comme une gifle au néant, les cheveux laqués rouges pareils à du vrai sang."
"À treize ans, bientôt quatorze, elle en paraissait dix-huit avec ce corps déjà mûr, cette bouche sanguine, ces yeux bleus en amande, et ces longs cheveux vermeils comme un feu sur les épaules." (p. 13)
En défaisant ma valise j'ai retrouvé le soutien-gorge de Sibylle au fond, rangé entre mes deux boxers gris. Je l'avais oublié, celui-là. C'était la meilleure cachette que j'aie trouvée le soir du tournoi. Je l'ai déplié, respiré une dernière fois.
Pour mon malheur, mes yeux sont tombés sur deux étiquettes blanches superposées, cousues près des agrafes. L'une portait la marque Princesse Tam Tam, l'autre les instructions de lavage et sous la dernière, écrit proprement au stylo-bille bleu, on lisait le numéro 06 69 96 69 96 dont vous conviendrez qu'il est enfantin à mémoriser pour un homme doué d'érection.
Et vous conviendrez que j'étais tombé sur une sacrée louloute, une manipulatrice de douze ans. Elle m'avait espionné dans les vestiaires. Elle avait laissé son soutif accroché sur la patère à mon intention. Elle avait fait exprès de m'en exhiber la plénitude en renouant son lacet. C'était elle, probablement, qui s'était proposée pour jouer en double. Mal à l'aise, j'ai fourré le soutif dans ma veste avec l'impression d'empocher les mues d'un serpent mort et je suis parti découvrir la ville.
Elle avait presque crié ; d’une main tremblante elle alluma une cigarette, le regard agité comme un oiseau qui ne sait pas où se poser.
L’enfant …. Il était donc là. Elle avait beau dépérir, l’enfant bourgeonnait. C’était affolant, ce corps dans son corps, ces deux cœurs emmurés, ce duel aveugle au plus noir du sang.
Et les soirs d’hiver, quand la mer ne se montre plus, confisquée par la nuit noire et par la bourrasque, il ne faut pas avoir l’ouïe bien fine pour entendre les karaokés tempêter à l’unisson du vent.
J’ai bien envie d’aligner des comparaisons générales entre le désert et l’océan, ces jumeaux contrastés, ces deux géants du même lit. L’océan : un désert de goutte d’eau. Le désert : une marée basse sans illusion.
Un bateau est un voyage en soi, un grand voyage.
La durée n'ayant lieu d'être qu'à l'indicatif présent, pour autant que vivre c'est d'aller d'une seconde à l'autre, j'ai bien envie de couper court au suivi chronologique de l'histoire et de vous offrit un coq-à-l'âne en guise de récréation.
L'homme se fait en se faisant, c'est sûr, aussi vraiment qu'il se défait en ne faisant rien.
D'accord, Éric a la solution. Et tout au long de ces pages il aura la solution.
Bonne catholique, elle aime interdire, prendre en faute, humilier publiquement les fautifs, accorder son pardon.
La mer descend et descendait déjà du temps des vénètes, quand ces doux gaillards flanquaient la pile aux brigades marines de César qui n'avaient jamais vu çà : la mer se dérober sous les pieds, le niveau du fleuve baisser.