"L’honneur est plus important que la vie. Chez nous, mieux vaut une fille morte qu’une fille mère."
Tout est dit dans ces deux phrases... Dès le début, on sait...
Ils se sont aimés hors mariage, il est mort au combat, avant d'avoir pu l'épouser et elle se découvre enceinte. Elle porte la vie en elle, et pourtant c'est la mort qui l'attend, de la main de son propre frère...
"Les femmes de la famille doivent rester propres. Pures. Intouchées. Au prix du sang. Notre corps ni notre honneur ne nous appartiennent. Ils sont la propriété familiale. La propriété de nos pères et de nos frères."
Racine n'aurait pas fait mieux, une vraie tragédie antique...
Et pourtant c'est ce que vivent les femmes de nos jours dans certains pays, ici l'Irak, pays en guerre, pays en ruines dans lequel les femmes vivent sous la loi de Dieu et des hommes...
Chapitre après chapitre, nous entendons les membres de la famille :
🔹La belle-soeur, Baneen
"Je suis l’épouse, la femme soumise, [...] Je suis celle qui observe, qui juge et qui condamne. Celle qui approuve la société, qui glorifie son époux. "
🔹Le petit frère, Hassan
"Je suis le garçon dont l'avenir n'est pas encore écrit. Je suis celui qui, peut-être, ne sera pas un assassin"
🔹L'autre frère, Ali
"Je suis un homme bien mais je suis un homme lâche, et ces règles que je condamne, que je déplore, sont mon excuse"
🔹La mère,
"Je suis vieille et le monde de mes enfants m’est étrange. J’ai consciencieusement appliqué à mes filles les règles qui m’avaient été imposées. J’ai bâti autour d’elles la même prison que pour moi."
🔹 Le grand frère, Amir
"Je suis le frère, celui par qui la mort arrive [...] je règne sur les femmes"
🔹 La voix de l'amoureux, Mohammed, d'outre tombe : "Dans ce pays de sable et de scorpions, les femmes payent pour les hommes."
Mais aussi le Tigre, fleuve témoin de la folie des hommes en guerre et quelques passages de l'histoire de Gilgamesh, personnage mi-roi mi-dieu, qui deviendra homme, puni par les dieux pour sa tyrannie envers son peuple.
"Les dieux, en forgeant l'Homme, ont implanté en lui la mort."
Quant à elle, son prénom n'est pas cité, car elle n'existe déjà plus...
Ce court roman est d'une puissance sans nom...
L'écriture est magnifique, poétique et théâtrale...
On imagine sans aucun mal les membres de cette famille se rapprocher d'elle au fur et à mesure qu'ils prennent la parole, l'entourer, lui cacher le peu de ciel bleu qu'elle peut encore espérer, la priver du peu d'oxygène qu'il lui reste encore à inspirer avant le coup fatidique.
"Et l'univers s'est écrasé sur moi"
J'aurai pu annoter toutes les pages tellement cette lecture est forte et prenante.
Elle est aussi révoltante, hélas, et j'ai refermé cette lecture le cœur lourd et plein de chagrin...
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