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Critiques de Émilienne Malfatto (427)
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Le colonel ne dort pas

Dans une Ville en guerre, jamais nommée, un Colonel est affecté pour diriger la Section spéciale sous les ordres d'un Général, enfermé dans son bureau et jouant aux échecs; le Colonel a à sa disposition une Ordonnance. Le Colonel est un tortionnaire zélé, qui exécute les ordres le jour sans se poser de questions et ne peut plus dormir la nuit, hanté par toutes ses victimes.

Le roman alterne la narration autour de ces trois personnages et les monologues hallucinés sous forme de poésie libre du Colonel dans lesquels il s'adresse à tous ceux qui sont morts sous la torture qu'il leur a infligée.

A aucun moment, n'apparaît le mot "torture" mais sont utilisés des vocables encore plus terriblement évocateurs : "il travaille, coupe, taille, sectionne, tranche, rompt, brise, arrache" qui banalisent l’horreur, en font une activité normale si on oublie que ces verbes concernent le corps d’hommes suppliciés.

Le roman baigne dans une atmosphère grise, humide, poisseuse, poussiéreuse ; la pluie tombe sans interruption conduisant à la déliquescence des êtres et des choses. Paradoxalement, la seule lumière de ce roman provient du halo lumineux sous lequel officie le Colonel et où des êtres humains meurent dans d’atroces souffrances.

L’absence de nom pour la Ville confère un caractère universel au texte, à la guerre et ses horreurs, quel que soit le lieu. Les trois personnages n’ont pas de nom, non plus, comme s’ils étaient déshumanisés. Les victimes sont chosifiées et perdent toute leur humanité en devenant des hommes-poissons ou des hommes-chiens.

Ce roman est un réquisitoire terriblement efficace contre la guerre, contre la torture. On ne peut manquer d’associer le Colonel à Paul Aussaresses, que Pierre Messmer qualifie en exergue de « spécialiste », qualificatif que l’on retrouve accolé au personnage du Colonel ; comme les militaires du roman, il portait un béret rouge, celui des Parachutistes, auquel il appartenait. Paul Aussaresses a pratiqué et justifié la torture en Algérie comme moyen de récolter du renseignement afin de faire avorter les opérations ennemies meurtrières.

Ce texte est glaçant, désincarné, déshumanisé, il donne la nausée mais il est d’une force évocatrice incroyable. La langue est magnifique et puissante. Je ressors secouée de ma lecture et admirative du caractère singulier et dramatique de ce court roman.

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Que sur toi se lamente le Tigre

Pour son premier roman couronné du prix Goncourt du Premier Roman 2021, Émilienne Malfatto nous plonge dans les dures réalités que vivent les femmes en Irak.

Dans cette société régentée par l'autorité masculine, les femmes de la famille doivent rester propres, pures, intouchées. "Car une femme déshonorée est une souillure que seul le sang peut laver."

C'est cette règle que va transgresser une jeune fille en ayant une relation amoureuse avec un garçon qui avant de pouvoir se marier avec elle va mourir sous les bombes à Mossoul.



A partir de là, c'est une mécanique implacable qui va se mettre en marche allant jusqu'à emporter l'acceptation de la sentence par tous les membres de la famille : «Mon fils va tuer ma fille et je ne m’y opposerai pas. … j’ai depuis trop longtemps accepté les règles».



Ce texte court (80 pages) est une alternance de portraits de la famille, de la voix du Tigre fleuve charriant la mort et le sang et du héros mésopotamien Gilgamesh porteur de la mémoire de ce pays et de ces hommes.

Dès les premières pages, les premières lignes, le lecteur connait la fin mais le choc des mots, la sobriété et la simplicité du style, la poésie nous emportent dans cette tragédie inéluctable.



Un très beau premier roman saisissant.
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Que sur toi se lamente le Tigre

Jeune femme irakienne.

Enceinte, non mariée, son amoureux meurt à Mossoul.

Elle est condamnée.



Elle est entourée de sa mère, de sa sœur, de sa belle sœur… de ses frères. Le choix de ce roman choral permet de s’immiscer dans les pensées de chacun : la soumission des femmes, la volonté et la lâcheté des hommes.



La place de la femme

La liberté

Le patriarcat

Le poids de la religion

Le poids de la culture



Ce 1er roman est vertigineux. Le drame annoncé rend nauséeux. En tant que lectrice, on espère… alors qu ils semblent tous résignés, hommes et femmes…



A lire.

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Que sur toi se lamente le Tigre

Impossible de rester indifférent après lecture de ce court roman.

Émilienne Malfatto relate la condamnation et l'avant exécution d'une jeune femme en Irak rural de nos jours.

Son crime : Être une femme et avoir fait l'amour avec celui qu'elle aime hors mariage et être enceinte.

Le bourreau : Son frère ainé qui a pris le rôle du père et qui règne sur les femmes.

Les différents témoignages des frères, soeurs, belle-soeur et mère sont poignants de vérité, de bêtise au nom de l'honneur, de lâcheté, de trahison.

"Je suis le frère qui a pris le rôle du père. Je règne sur les femmes. Je suis l'assassin. Je vais tuer tout à l'heure et je l'ignore encore... Je vais tuer tout à l'heure et je penserai que je n'ai pas le choix. Sa vie ou notre honneur à tous. Ce n'est pas moi qui tuerai, mais la rue, le quartier, la ville. le pays."

Roman court mais intense, plein de poésie, telle celle du fleuve Tigre dont les eaux se meurent car depuis longtemps les hommes ont cessé de l'aimer.
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Que sur toi se lamente le Tigre

« Que sur toi se lamente le tigre » est comme un coup de poing : bref, percutant, douloureux, et qui coupe le souffle. 80 pages pour raconter le vécu des femmes en Irak à travers le quotidien d’une famille et les évènements politiques vécus dans ce pays. Emilienne Malfatto a une écriture qui nous percute. Avec une grande économie de mots, donc chacun compte, elle nous conduit dans l’intime de ses personnages. Je dirai que ce roman est une fulgurance qui bouscule intensément notre confort, et qu’il se place au-dessus de beaucoup d’autres par la qualité de son écriture.
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Que sur toi se lamente le Tigre

Ces quelque quatre-vingts courtes pages sont un long cri déchirant, lancé par une jeune irakiennne pour maudire son sort. Elle se retrouve enceinte avant son mariage, et la mort de son fiancé à la guerre n’arrange rien : il n’y a pas de fille-mère en Irak et elle sait que son frère ainé va venir sauver l’honneur de la famille en la tuant et en supprimant même toute trace de son existence passée. Cela sous l’œil impassible du fleuve Tigre, qui prend la parole de temps en temps :

« Je suis la vie et la mort. Je suis le début et la fin » « Je suis le témoin silencieux des serments et des drames qui se jouent sur mes bords. Cette histoire-là finira mal, elle aussi.La mort viendra à temps. »

Un roman de mort et de sang, écrit dans un beau style poétique

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Le colonel ne dort pas



Voici un texte aussi court qu’intense. Il est d’une grande beauté, alliant le style narratif et la poésie en prose. Ces choix plongent le lecteur dans un maelstrom d’émotions. Ils lui permettent au sens propre t’entendre le cri de détresse du colonel qui, sous nos yeux, perd son humanité.

Bien sûr, de prime abord, on est perplexe. Cet homme, qui torture à longueur de journée, de semaines, de mois, a-t-il une conscience ?

Ce colonel est un tortionnaire. Chaque nuit, il est poursuivi par ses victimes qui le hantent. La nuit, c’est son âme qui prend les commandes, oubliant le conditionnement militaire, la place que la société lui a assignée.

C’est le tour de force de ce roman, apporter de l’humanité à celui qui la nie, amener le lecteur à faire un pas de côté et à oublier le jugement rapide que l’on a tous face à ces bourreaux.

Une autre façon de rappeler que les monstres n’existent pas, ces tortionnaires appartiennent aussi au genre humain. Avec toute l’horreur qui accompagne cette prise de conscience.

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Que sur toi se lamente le Tigre

Les mots me manquent après la lecture de ce petit livre bouleversant, un véritable coup de poing. J'ai été saisie par cette tragédie contemporaine que l'auteur nous raconte tel un choeur antique, révoltée par les conditions de vie imposées aux femmes dans l'Irak rural d'aujourd'hui, le droit de vie et de mort exercé par les hommes chefs de famille, le désespoir des unes qui subissent et l'absence d'empathie des autres pour qui seul prévaut l'honneur de la famille, la lâcheté, l'impuissance, la résignation de tous.

Un livre magnifique à faire lire largement autour de soi.
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Que sur toi se lamente le Tigre

Je suis bouleversée par cette lecture courte et terriblement angoissante. L’espace de quelques pages, je vis dans la peau de cette jeune femme punie pour avoir transgressé des règles établies par l’homme. Pour un moment sans véritable plaisir, son destin sera tragique.

Chaque membre de la famille exprime son ressenti, mais tout est inéluctable. Rien ne pourra la sauver.

Malgré le thème totalement différent, ce récit me rappelle « Inconnu à cette adresse » de Taylor Kressmann, du fait de son dépouillement et de sa fulgurance.

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Le colonel ne dort pas

Dans une ville dont on ne connaîtra pas le nom, dans l’atmosphère liquéfiée d’un pays en guerre, des militaires sont les acteurs dociles et serviles de la Reconquête. Dans cette ville, ce bâtiment aux statues décapitées qui prend l’eau, les hommes obtempèrent aux ordres des états majors qui ne pensent qu’a faire bouger leurs pions sur la carte des vainqueurs. Ils agissent sur ordre, sans jamais se soucier des hommes qui meurent, de ceux qu’ils brisent, et agissent hors de toute conscience, sans aucune humanité.

Le général, le colonel et l’ordonnance sont de ces hommes en uniformes uniformément gris.



Mais désormais le colonel ne dort plus.



Car le colonel a trop de morts, d’actes de torture, d’hommes brisés sur la conscience pour que ses victimes le laissent dormir en paix. Chacun de ceux qu’il a brisé pour ce qu’on lui avait annoncé comme une noble cause viennent tour à tour hanter ses nuits à tout jamais.

Car soudain, le colonel a une conscience.



Les chapitres alternent entre ces trois hommes et leur conscience, ou manque de conscience sans doute, et les pensées du colonel. Ce colonel qui a une âme, une conscience du mal fait, de l’horreur vécue au quotidien, c’est aujourd’hui un homme qui ne souhaite qu’une chose, mourir sans doute et dormir enfin, apaiser sa mauvaise conscience et oublier les multiples morts sont il est coupable, lui dont les yeux sont enfin dessillés, qui voit enfin ce qu’il a fait en obéissant aux ordres, en voulant gagner ses guerres fort de son droit et de la justesse de ses actions. La reconquête avait un prix, celui de la vie des hommes.



Un roman que j’ai trouvé difficile à écouter, et à lire sans doute, particulièrement en ces mois où la guerre est devenue une réalité au quotidien dans un pays si proche de nous. Mais aussi en pensant à la réalité de ces mots dans le quotidien de tant d’hommes et de femmes dans l’histoire y compris récente. De fait, je l’ai écouté à dose homéopathique pour en absorber toute la force du texte. Il faut dire que les mots d’Émilienne Malfatto claquent et heurtent nos consciences endormies, donnant une autre réalité aux actes de guerre, de torture, de conquête au nom de qui et par qui. Car c’est aussi une réalité, les militaires sont avant tout des hommes, et obéir n’est pas sans risque pour les consciences le jour où elles s’éveillent enfin.



J’ai vraiment aimé la lecture par Feodor Atkine, sa puissance sonore, sa force, sa tonalité entrent en symbiose avec le texte d’une façon magistrale. Il se coule dans la tête de ce colonel insomniaque et presque repenti pour le faire vivre à travers les intonations et la puissance de sa voix.



Chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2022/10/25/le-colonel-ne-dort-pas-emilienne-malfato/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Que sur toi se lamente le Tigre

Chronique d’une mort annoncée

Et le fleuve pour témoin, dans l’Irak d’aujourd’hui…

Récit polyphonique, court et fulgurant, une jolie plume mais surtout un regard.

C’est la guerre, elle est là, partout. Une jeune fille a cédé à son fiancé avant qu’il ne reparte au combat.

Il meurt, elle est enceinte.

Le père de la jeune fille est décédé quelques mois plus tôt, c’est donc Amir, l’aîné, le frère d’armes du fiancé, qui fera le nécessaire pour préserver l’honneur de SA famille.

« Il a dit que ça ne comptait pas, qu’il repartait au combat, que de toute façon nous allions nous fiancer à sa prochaine permission. On pouvait se donner un peu d’avance, a-t-il dit, il s’agissait de vivre sans attendre.

Chez nous, mieux vaut une fille morte qu’une fille mère. »

L’auteur a construit son texte comme une bombe qui explose, chaque voix est une déflagration pour le lecteur.

Le sort de cette jeune fille est scellé.

L’homme fort est celui qui règne sur les femmes et j’ajouterai avec la complicité des autres femmes et l’inertie de bien des hommes qui sont plus modernes mais qui préfèrent fermer les yeux sur ces pratiques des plus obscures.

Car c’est bien d’obscurantisme qu’il s’agit, il est perpétué par l’absence de doute chez certains et la jouissance de régner par la peur.

La mort est partout, les mères enterrent leurs fils en inhumant des cercueils vides.

A travers les lignes de ce récit, le lecteur peut sentir cette odeur de charogne.

Ici, tout est cadenassé, surtout l’amour maternel.

La mort avance inéluctablement vers cette jeune fille et son bébé qui ne verra pas le jour.

La solitude est un vêtement encore plus hermétique que l’abaya traditionnelle.

A chaque prosopopée, j’ai souhaité que ce fleuve Tigre déborde et envahisse tout, pour tout ravager, effacer.

Un livre bouleversant, tranchant.

Un prix Goncourt du premier roman très mérité.

©Chantal Lafon




Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
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Que sur toi se lamente le Tigre

Emilienne Malfatto est journaliste, c’est du côté du réel qu’elle travaille et porte sa parole (juste) et ses regards (aigus). Mais peut-être certaines histoires ont-elles besoin du léger recul qu’offre la fiction pour mieux se dire et se lire, pour permettre à la douleur de revêtir, par l’entremise d’une plume respectueuse et poétique, des habits de lumière. Salué par l’Académie Goncourt qui lui remit son Prix du Premier Roman en 2021, Que sur toi se lamente le Tigre est indubitablement un grand, un magnifique Premier Roman, malgré son petit nombre de pages, malgré la douleur bien réelle dont il se fait l’écrin.

Au cœur d’une famille d’Irak, le drame se noue là même ou sourde la vie : une jeune fille, cédant aux instances de son « presque fiancé » la veille de son départ pour la guerre qui le tuera, découvre, pour son malheur et celui de sa famille, qu’elle est enceinte. La réparation doit se faire dans le sang et la mort, par la main de son propre frère. Ce sont des êtres sidérés par leurs obligations et leur désespoir qui vont tour à tour prendre la parole, en quelques pages, au cours de chapitres brefs et percutants qui parviennent à brosser le tableau d’une famille aux liens codifiés mais baignés d’une forme de tendresse, nourrie de souvenirs endoloris mais partagés, ancrée dans un pays meurtri mais chéri. Il n’en est pas un dont les mots ne soient bouleversants de sincérité, d’horreur ou de tristesse devant l’inéluctable dénouement qui se dessine, la sentence qui s’avance. Et nous, lecteurs, lectrices, témoins fascinés et impuissants, nous retenons nos cris, notre souffle et nos larmes, et nous nous inclinons pour saluer tant de talent à décrire tant de violence avec une telle poésie, comme un murmure qui hurlerait à la mort.


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Que sur toi se lamente le Tigre

"L’honneur est plus important que la vie. Chez nous, mieux vaut une fille morte qu’une fille mère."

Tout est dit dans ces deux phrases... Dès le début, on sait...

Ils se sont aimés hors mariage, il est mort au combat, avant d'avoir pu l'épouser et elle se découvre enceinte. Elle porte la vie en elle, et pourtant c'est la mort qui l'attend, de la main de son propre frère...

"Les femmes de la famille doivent rester propres. Pures. Intouchées. Au prix du sang. Notre corps ni notre honneur ne nous appartiennent. Ils sont la propriété familiale. La propriété de nos pères et de nos frères."

Racine n'aurait pas fait mieux, une vraie tragédie antique...



Et pourtant c'est ce que vivent les femmes de nos jours dans certains pays, ici l'Irak, pays en guerre, pays en ruines dans lequel les femmes vivent sous la loi de Dieu et des hommes...



Chapitre après chapitre, nous entendons les membres de la famille :

🔹La belle-soeur, Baneen

"Je suis l’épouse, la femme soumise, [...] Je suis celle qui observe, qui juge et qui condamne. Celle qui approuve la société, qui glorifie son époux. "



🔹Le petit frère, Hassan

"Je suis le garçon dont l'avenir n'est pas encore écrit. Je suis celui qui, peut-être, ne sera pas un assassin"



🔹L'autre frère, Ali

"Je suis un homme bien mais je suis un homme lâche, et ces règles que je condamne, que je déplore, sont mon excuse"



🔹La mère,

"Je suis vieille et le monde de mes enfants m’est étrange. J’ai consciencieusement appliqué à mes filles les règles qui m’avaient été imposées. J’ai bâti autour d’elles la même prison que pour moi."



🔹 Le grand frère, Amir

"Je suis le frère, celui par qui la mort arrive [...] je règne sur les femmes"



🔹 La voix de l'amoureux, Mohammed, d'outre tombe : "Dans ce pays de sable et de scorpions, les femmes payent pour les hommes."



Mais aussi le Tigre, fleuve témoin de la folie des hommes en guerre et quelques passages de l'histoire de Gilgamesh, personnage mi-roi mi-dieu, qui deviendra homme, puni par les dieux pour sa tyrannie envers son peuple.

"Les dieux, en forgeant l'Homme, ont implanté en lui la mort."



Quant à elle, son prénom n'est pas cité, car elle n'existe déjà plus...



Ce court roman est d'une puissance sans nom...

L'écriture est magnifique, poétique et théâtrale...

On imagine sans aucun mal les membres de cette famille se rapprocher d'elle au fur et à mesure qu'ils prennent la parole, l'entourer, lui cacher le peu de ciel bleu qu'elle peut encore espérer, la priver du peu d'oxygène qu'il lui reste encore à inspirer avant le coup fatidique.

"Et l'univers s'est écrasé sur moi"

J'aurai pu annoter toutes les pages tellement cette lecture est forte et prenante.

Elle est aussi révoltante, hélas, et j'ai refermé cette lecture le cœur lourd et plein de chagrin...


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Que sur toi se lamente le Tigre

Très très beau texte !



Il raconte un moment dans la vie d'une femme en Irak, une toute jeune femme enceinte hors mariage, d'un jeune homme mort à la guerre... c'est la mort qui l'attend, elle le sait.

Et l'autrice déroule un récit qui exprime les sentiments de tous les acteurs de ce drame : le grand frère, la belle soeur, le petit frère, la maman, ...



Une grande lecture pour un petit livre très poétique ! un grand moment dont je me souviendrais longtemps

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Que sur toi se lamente le Tigre

Sur les rives du Tigre en Irak, un crime d’honneur va être commis. Une jeune fille a eu des relations sexuelles hors mariage et, aux yeux de sa famille, de sa communauté, elle doit disparaitre pour laver l’affront, effacer la honte. Elle va mourir et plus personne ne prononcera son nom.



Un à un, les chapitres nous livrent le ressenti de chaque membre de la famille avant l’irréparable. La future victime, sa mère, sa fratrie et son frère ainé, le futur assassin. Sans haine ni colère, ils racontent l’inévitable et leurs liens avec cette jeune fille.



C’est un livre glaçant, intense et totalement bouleversant. Un livre qui laisse des traces comme les doigts d’une gifle sur un visage.


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Que sur toi se lamente le Tigre

Sobre et court, ce roman bouleverse. Peu d'émotions (pas?) sortent visiblement noir sur blanc. Réalisme et poésie se mêlent. Ces codes en Irak nous sont mis sous les yeux, incontournables. Chacun enfermé dans sa condition, a sa voix au travers des chapitres, et nous on lit, on sait tous très bien comment se déroulent les faits mais on continue d'être happé, pendant que ces tragédies sont encore à lamenter.

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Que sur toi se lamente le Tigre

Alerte coup de cœur !

Nous sommes dans l’Irak d’aujourd’hui, au bord du Tigre, une jeune fille va bientôt se fiancer. Son amoureux, ami de son frère, doit repartir au combat. Il insiste pour assouvir son désir, de toute façon à son retour ils se fianceront. Leurs familles ont déjà donné leur accord. Mais l’histoire se complique ensuite, car il ne revient pas. Il meurt dans l’effondrement d’un immeuble bombardé et elle découvre quelques mois plus tard qu’elle est enceinte.

Etre fille-mère en Irak est inconcevable. Il en va de l’honneur de la famille. Son père étant mort, elle sait qu’elle va mourir de la main de son frère aîné et que personne ne va s’y opposer. C’est ainsi.

Les hommes décident de tout : père, frère, mari. Les femmes n’ont aucun droit. Elles obéissent, résignée. En espérant toutefois que les mœurs évolueront pour les futures générations.

Tous les membres de sa famille prennent la parole, tour à tour, pour exprimer leur douleur de savoir qu’elle va mourir. Tous disent qu’ils voudraient éviter cette mort. Et tous avouent qu’ils ne bougeront pas et laisseront faire. Une tragédie qui peut paraître incompréhensible pour nous, Français, mais qui est une réalité.

Emilienne Malfatto est photojournaliste. Elle connait très bien cette réalité. Elle vit en Irak. Elle retranscrit avec justesse la complexité de la situation, les émotions des personnages. Un roman fort et émouvant qui ne laissera personne indifférent. Elle a écrit ce texte de 79 pages en quelques jours seulement et il est d’une authenticité incroyable puisqu’Emilienne n’est pas irakienne.

Le roman alterne entre les personnages et les paroles du Tigre, le fleuve.

Le titre fait référence à l’épopée de Gilgamesh.

Quant à la couverture, elle est magnifique. Il s’agit d’une photo prise par Emilienne en Irak. Elle a eu l’autorisation de l’homme, du chef de famille, pour prendre cette photo. Elle paraît encore plus extraordinaire, lorsque l’on sait que les photos sont dans la plupart des cas interdites.

Ce roman m’a permis de découvrir les éditions Elyzad et donné envie de lire d’autres titres de cette maison d’édition tunisienne. Elle publie essentiellement de la fiction, toujours en français, d’auteurs du sud.

« Que sur toi se lamente le tigre » a eu une mention spéciale du Prix Hors Concours 2020 et le prix Goncourt du Premier roman 2021.
Lien : https://joellebooks.fr/2021/..
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Que sur toi se lamente le Tigre

Elle va mourir.

Elle va mourir et on le sait dès le début.

Le destin est scellé.

Elle va mourir de la main de son propre frère.

L’ainé, celui qui doit veiller sur l’honneur de la famille.

Elle est coupable.

Elle a franchi l’interdit absolu.

Elle accepterait presque sa punition.



Dans cette marche inexorable vers la mort, le récit se fait polyphonique.

La victime, le bourreau, les complices qui se taisent, un fantôme, le fleuve, Gilgamesh.

La nouvelle génération et l’ancienne.

Chacun avec sa vérité, ses nuances.

Mais aucun ne gouverne sa destinée.

Ce qui doit être, sera.



Et puis il y a toi, lecteur, toi qui tournes les pages, le cœur en morceaux, les yeux humides.



Emilienne Malfatto nous amène dans l’intimité d’une famille irakienne,

Au cœur d’une société où les femmes ne sont maitres ni de leur corps ni de leur honneur,

Où les hommes ne semblent guère plus libres de remettre en cause une morale immuable,

Où guerre, violence et fatalité règnent.

77 pages qui se lisent en apnée et qui ne s’oublient pas.
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Que sur toi se lamente le Tigre

Un court récit bouleversant.



Une jeune femme a fait l'amour avec celui qu'elle aime. Elle tombe enceinte.

Une belle histoire.

Sauf qu'elle se passe en Irak...

ils ne sont pas mariés...

Son frère doit la tuer.



Comme dans une tragédie antique, la fatalité plane sur la malheureuse narratrice.

Dans les pièces antiques, il y a des alternances entre passages avec les personnages et des passages durant lesquels le choeur s'exprimait. Dans ce récit, c'est le fleuve Tigre, témoin immuable des tragédies qui secouent l'Irak, qui se lamente et observe, impassible, les histoires des hommes.



Ce court roman est un roman polyphonique : les chapitres, très courts, donnent la parole aux différents protagonistes de l'histoire.

La jeune amoureuse ...

Baneen, la belle-soeur, la soumise, celle qui vivra car elle a accepté de vivre à la mesure de la société.

Amir, le frère, celui par qui la mort arrive.

La mère, vieillie prématurément, qui a bâti la même prison autour de ses filles que celle qui l'a emprisonnée toute sa vie...

D'autres frères...



J'ai refermé ce roman avec une infinie tristesse.

L'écriture est très belle, très poétique, d'une grande justesse.

Je me rappellerai longtemps de ce court récit, qui, en quelques pages, fait entendre la voix des femmes qu'on essaie de museler.



Mon seul bémol concerne les passages tirés de Gilgamesh, qui m'ont moins intéressée...

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Que sur toi se lamente le Tigre

Goncourt du premier roman 2021 amplement mérité.

Parfois, nul besoin de plus de 70 pages pour secouer le lecteur.

Cet(te ?) Irak, dont on a l'impression, la certitude intérieure qu'elle n'a rien connu d'autre que la guerre.

Cet(te ?) Irak ou les femmes subissent la dure loi des hommes, frères, pères. Où les filles sont élevées par les mères qui les maintiennent dans ce qu'elles ont elle-même connu. Une vie monacale, carcérale.

Cet(te ?) Irak ou un frère devenu chef de famille à le droit, accordé par la loi islamique, de tuer sa sœur qui a, soi-disant perdu son honneur.

Cet(te ?) Irak qui se partage entre victimes et assassins.

Ce petit récit est une image très dure, trop dure, de l'horreur.

A lire absolument pour que nous, Européens arrêtions de nous plaindre pour des choses futiles de notre confortable vie.



J'entends trop souvent dire que les Irakiens(iennes) la veulent bien de cette vie. Je suis personnellement loin d'en être sûr.
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