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Critiques de Émilienne Malfatto (427)
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Que sur toi se lamente le Tigre

« Je suis le Tigre […] Je suis le témoin silencieux des serments et des drames qui se jouent sur mes bords. Cette histoire-là finira mal, elle aussi. La mort viendra à temps ».



Un texte concis d’une fulgurance impitoyable. La chronique d’un crime annoncé.

Effroyable et révoltant.



Crime d’honneur, impuissance collective face au destin scellé, autorité masculine absolue dans une société ensanglantée.



A bas-bruits, derrière les murs de la maison familiale, la jeune fille attend la mort de la main de son bourreau.



L’insoutenable réalité funeste racontée dans ce très court roman choral se déroule dans l’Irak d’aujourd’hui.



Le récit, mélopée silencieuse du chœur funeste des membres de sa famille, est mêlé au mythique fleuve Tigre et à l’épopée poétique de Gilgamesh qui traversent cette tragédie.



Difficile de poser des mots sur ce que j’ai ressenti à la lecture de ce roman qui a déjà reçu de très nombreuses critiques et récompensé en 2021 par le Goncourt du premier roman, mais essentiel de le lire et le faire lire autour de soi, notamment par la jeune génération.





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Que sur toi se lamente le Tigre

Court roman ou longue nouvelle ? L’Académie Goncourt a tranché en lui attribuant le prix Goncourt du premier roman 2021.



Un peu moins de quatre-vingt pages où chaque mot est choisi pour exprimer une réalité qui peut encore malheureusement exister dans l’Irak rural d’aujourd’hui. Dans un pays encore empreint des conséquences de la guerre et des attentats, un magnifique récit choral qui dénonce un code de l’honneur plus important que la vie : « chez nous, mieux vaut une fille morte qu’une fille mère ».



Un destin scellé en une journée, au bord du Tigre, après une visite chez le médecin…



Que pourrait faire Baneen, « l’épouse, la femme soumise, la femme correcte, celle qui respecte les règles, qui ne les discutent pas » ?

Que pourrait faire Amir, « le frère, celui par qui la mort arrive » ?

Que pourrait faire Mohammed, celui qui est mort et dont la « mort en entraînera d’autres » ?

Que pourrait faire Hassan, « celui qui n’est pas encore un homme. Le petit frère, le garçon qui appartient encore au monde des femmes » ?

Que pourrait faire la mère qui « à chaque enfant, à chaque guerre, à chaque humiliation quotidienne de ce monde fait pour les hommes, [s’est] voûtée un peu plus, [s’est] tassée sous [ses] voiles noirs » ?

Que pourrait faire Ali, l’autre frère, « le lâche, celui qui désapprouve en silence » ?

Que pourrait faire Layla, « la femme à venir. Celle pour qui on tue. Celle dont il faut préserver l’honneur à tout prix » ?



Un jour, peut-être, à ces questions, la réponse sera agir plutôt que subir. Mais ce jour n’est pas encore arrivé.



Un prix mérité pour Emilienne Malfatto, autrice, journaliste, photographe engagée !

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Que sur toi se lamente le Tigre

"Je suis un homme bien mais je n'empêcherai pas mon frère de tuer ma sœur. Je suis en demi-teinte, enchaîné par des règles que je condamne, navré d'être un salaud. (p70)"



Irak - Temps de guerre mais il y a des guerres dont on ne parle pas, peu, pas assez. C'est une guerre silencieuse, qui se tait, se cache dans les maisons, au sein même des familles. Celle du déshonneur, celui qui rejaillit sur les femmes lorsqu'elles portent en elles le fruit de l'amour interdit, même si c'est celui de l'amour mort au combat, celui de l'ami estimé par tous. C'est une guerre qui se règle entre soi, qui arme la main de son propre frère, son propre sang, une mort au sein de sa famille qui se tait, qui accepte.



Elle porte et sent la vie en elle et elle attend la mort pour elle et pour son enfant,  la mort qui a emporté celui qu'elle aimait, la mort à laquelle elle se résigne car elle sait que personne ne viendra la délivrer de son funeste destin. Elle l'attend car tel est son destin : avoir aimé et mourir. 



Un premier roman qui tient sa force par sa brièveté, par le poids des mots et surtout par le fait qu'il est le reflet d'une réalité vécue par des femmes vêtues de noir, des femmes cachées, vivant terrées sous la domination masculine et dont le destin ne réside que dans le silence et l'acceptation de celui-ci, des ombres furtives dont les visages seront à jamais cachés, oubliés.



Un court roman à la manière d'un conte noir mais ici il n'y a pas de "il était une fois" car ici c'est une réalité et elle nous est relatée à plusieurs voix, celles de chacun des membres de la famille, chacun argumentant ou justifiant l'acte qui va advenir, rythmé par les extraits des textes de Gilgamesh, héros des temps anciens, quand le pays portait un autre nom, la Mésopotamie, baignée par le Tigre, ce fleuve qui porte en lui la mémoire d'un pays fier et d'un honneur acquis par ses découvertes et son érudition.



Alors rien ne sert de baisser les yeux, de ne pas écouter les voix, de se voiler la face, écoutons à travers les mots d'Emilienne Malfatto, journaliste spécialiste de l'Irak, les femmes qu'on ne verra jamais, qu'on n'entendra jamais car elles vivent sous le joug de l'obscurantisme et disparaissent sans bruit, à peine un murmure.



Un roman poignant dans sa simplicité, dans sa brièveté parce qu'il contient en moins de 80 pages toute l'inhumanité, toute la violence et la cruauté du monde, parce qu'il résume en moins de 80 pages la condition féminine dans ce qu'elle a de plus terrible au XXIème siècle dans un pays ravagé par les conflits et le pouvoir des hommes.



J'ai retrouvé une écriture semblable à Laurent Gaudé, avec un rythme, un phrasé à la manière d'une légende, avec des phrases courtes, rythmées, interrogatives à travers cette jeune fille qui n'a pour seul crime que celui d'avoir aimé, qui tente de vivre ses dernières heures en cherchant à comprendre pourquoi celui avec qui elle a grandi et été élevée va être celui qui lui ôte la vie



Une mention particulière pour la qualité du livre, de sa mise en page et une photo de couverture de l'auteure qui à elle seule résume tellement le contenu, ces femmes dans l'ombre,  de toutes générations qui se dissimulent pour parler, rire avec, si l'on observe attentivement, sur la droite, la présence pesante d'une main masculine tenant une cigarette.
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L'absence est une femme aux cheveux noirs

Dans ce texte puissant,Emilienne Malfatto interroge et s'interroge sur la mémoire et l'amnésie,sur les souvenirs qui donnent sens à la vie et l'oubli qui paralyse, sur les disparitions et les reapparitions, sur le doute qui assaille quant à sa réelle identité, tout ceci dans le contexte de la dernière dictature en Argentine. En une nuit de 1976 cette dictature s'est férocement concrétisée dans le sang. Elle oeuvrait déjà perfidement depuis plusieurs années et a duré jusqu'en 1983. La démocratie reprend alors ses droits non sans peine, pendant que les grands mères de la place de Mai ainsi que tous ceux qui refusaient l'amnestie pour " le monstre"continuent à lutter pour que justice soit rendue .

Ce texte mêle brefs mais poignants témoignages, rêves ou plutôt cauchemars, pensées, questions et constats de la narratrice.

Ce mélange dans lequel s'entremêlent les photos de Rafael Rosa,aurait pu aboutir à un ouvrage décousu mais loin d'être le cas,il est au contraire magnifique car il informe et instruit de façon factuelle mais apporte aussi toute la réalité émotionnelle et la souffrance d'un peuple victime des pires horreurs.

Certaines précisions ont agit sur moi comme un coup de poignard au cœur. Comme ces grands mères, " ces folles" qui tournaient en rond sur la place de Mai pour réclamer leurs disparus ,avec ce foulard blanc ridicule sur la tête...et bien ces foulards étaient les langes des enfants disparus!

Emilienne Malfatto ne mâche pas ses mots et dans une langue qui sait être tout autant caustique que poétique, elle n'oublie pas d'interpeller les responsables du massacre. Tous les responsables! Les français si prompts à transmettre leur art de la torture,Washington qui encourageait l'extermination des " subversifs", et puis cette belle alliance transfrontaliere, Bolivie,Brésil,Chili, Uruguay,Paraguay,"une internationale de l'horreur".

En peu de page,l'ecrivaine dresse toute l'étendue de la barbarie et va même plus loin en interpellant sur les risques toujours présents dans le monde d'imposer le pouvoir par la force. Les photographies de Rafael Rosa illustrent avec pudeur les paroles de la narratrice et ajoutent de l'émotion sans jamais être violentes.

Ce duo ouvre l'esprit et le cœur sur l'horreur et pourtant c'est magnifique ! Cela est possible grâce à leur talent dont celui d'Emilienne Malfatto que j'avais déjà beaucoup aimé dans Le colonel ne dort pas, mais aussi parce qu'à chaque fois qu'une voix s'élève pour dénoncer la barbarie c'est l'humanité qui renaît.



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Les serpents viendront pour toi

Maritza Quiroz Leiva, 61 ans, a été assassinée le 5 janvier 2019 en Colombie : Son tort ? Être défenseuse des droits humains.



Factuel !

Aucune fioriture !



Ce récit est l'histoire de sa vie méticuleusement restituée par une enquête d’investigation menée par l'autrice dont j'ouvre ici le troisième ouvrage, les deux précédents étant des références pour moi.



Intriguée par ces assassinats plus nombreux chaque année, Emilienne Mafalto choisit de rendre hommage à ces héros du quotidien, éliminés méthodiquement par un système bien institué, en allant écouter, dès 2019, ceux qui avait connu Maritza pour lui livrer, posthume, le fruit de son travail appliqué, comme pour faire une offrande à une suppliciée.



Lui livrer, parce que c’est bien à elle qu'elle s’adresse, directement, sans filtre, factuellement, sans même corriger les incohérences que les divers souvenirs, lointains pour certains, ne manquent pas de mettre en évidence.



En évidence aussi, les différences qu’elle constate entre les faits qui lui sont racontés et la perception qu'en gardait son ‘sujet d’étude’ comme pour lui démontrer que n'existe pas une seule vérité quand plusieurs personnes vivent l’apparent même moment.



Et c’est PASSIONNANT !



Un monde à part, la Colombie où règnent le chaos, la guérilla, les narcotraficants et les paramilitaires qui font leur loi qui n’en respecte aucune sinon celle de la jungle que l'on parcourt avec l’autrice dans son enquête en terrain miné.

Le danger reste omniprésent.



Elle dissèque, c’est clinique, aucune place n'est laissée à l’interprétation, les faits, rien que les faits, et même multiples si tels ils sont dans les souvenirs recueillis de première main.



C’est taillé à la machette !



Elle ronge sont os pour ne laisser qu'un récit expurgé de toute contradiction qu’elle dépose sur la dépouille oubliée de celle dont elle a choisi de raconter le destin malheureusement banal dans une contrée sans foi et sans cœur.



Si le squelette de l'ouvrage est le parcourt de cette femme investie à qui on a ôté la vie, il n'en reste pas moins organique. Il sent le sang et la terre mouillée, il colle au terrain dont il extrait le terreau d'une terreur installée, l’essence d'un système enraciné dont le pays n’est pas prêt de se défaire.



A l’instar de ces prédécesseurs, c’est un livre très court (137 pages) mais c’est luxuriant, touffu, invasif et donc taillé à la machette, celle qui arme la main des guérilleros qui se donnent le droit, pas de vie, mais de mort sur ceux qui se mettent en travers de la route qu’ils se sont tracée, qu’importe le droit, qu’importe la morale, puisque droit au but telle est leur morale qui est décriée ici.



Comme le ‘chante' Orelsan, « c'qui compte c'est pas l'arrivée, c'est la quête », ici, c’est  l’enquête et si elle mène à une voix sans issue (on est en plein monde du silence), elle nous est racontée quand même, l’échec fait partie intégrante du chemin et sans cesse, sur le métier il faut remettre l'ouvrage.



Lauréate du prix Albert Londres pour cet ouvrage, Emilienne Mafaltto, une fois de plus a enfilé ses gants de boxe pour appuyer là où ça fait mal, ici c’est un reportage quand ses autres publications étaient des romans mais le plaisir de lecture reste intact une fois dissipée la douleur d'un propos toujours choisi difficile.

 
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Le colonel ne dort pas

Lorsque le colonel arrive dans cette ville en ruines, alors que les combats font rage, il est suivi par les ombres, les fantômes, les spectres des hommes à qui il a ôté la vie. De simple soldat porteur d’un fusil, il est devenu le spécialiste. Il est armé désormais de ces mains et de tous les outils à sa portée pour que les prisonniers parlent… Ses êtres suppliciés le hantent et gardent avec eux son sommeil réparateur…



J’ai découvert l’écriture d’Emilienne Malfatto avec son roman Que sur toi se lamente le Tigre. Et ce fut une bombe…



Elle ne change rien à son style épuré, incisif, poétique dans l’histoire de ce colonel à l’âme brisée et tourmentée. Elle connaît la magie des mots, leurs poids, leurs forces et les effets qu’ils portent en eux. Elle maîtrise la mélodie des phrases courtes, rythmées. Elle captive par ses personnages fragilisés par un monde qui s’effondre…



Qu’ils se nomment colonel, général ou ordonnance, les trois visages de ces hommes meurtris par une guerre sans nom nous touchent par leur solitude. Et que dire de cette violence qui les suit, qui les étouffe et qui lentement les rend fou…



Le colonel ne dort pas est un roman dont la poésie n’a de cesse de nous frapper par sa sincérité. C’est une flamme qui tente encore de briller dans la grisaille de la brutalité humaine, l’espoir fragile qu’un jour la pluie cessera…
Lien : https://lire-et-vous.fr/2022..
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Les serpents viendront pour toi

Les serpents viendront pour toi, un titre qui résonne comme une funeste prédiction...



Je lis habituellement peu de livres de non-fiction, mais cet ouvrage a retenu mon attention lors de la dernière opération masse critique de Babelio pour deux raisons :

- d'abord car il a été écrit par Emilienne Malfatto, l'auteure de « Que sur toi se lamente le Tigre » qui a reçu le prix Goncourt du Premier Roman et qui a fait l'objet de très belles critiques de la part de certains amis babéliotes,

- ensuite car le thème abordé, l'assassinat des « leaders sociaux » en Colombie, m'était inconnu, et j'étais curieuse d'en apprendre davantage à ce sujet.



Car en Colombie, malgré l'accord de paix conclu entre les FARC et le gouvernement en 2016, des centaines de leaders sociaux, (responsables associatifs, travailleurs sociaux, syndicalistes... ou pour reprendre la définition de l'auteure : « toute personne qui se consacre à la défense ou à la promotion de droit ») sont assassinés chaque année sans que les responsables soient retrouvés ou condamnés. Ces vies brisées semblent avoir bien peu de valeur aux yeux des autorités qui tentent de minimiser ce phénomène : « En décembre 2017, le ministre de la Défense a déclaré publiquement que l'immense majorité des assassinats de leaders sociaux étaient le résultat de disputes de voisinage et d'affaires de jupons ».



Pour incarner toutes ces victimes qui meurent dans la quasi-indifférence et qui retombent aussitôt dans l'anonymat, ne représentant qu'un numéro parmi les statistiques, Emilienne Malfatto a choisi de raconter l'histoire de Maritza, assassinée en 2019 dans sa ferme perdue au milieu de la jungle de la Sierra Nevada. L'auteure va mener une enquête minutieuse au plus près du terrain, en visitant les lieux dans lesquels elle a vécu et en rencontrant ses proches, les personnes qui l'ont côtoyée, et peut-être même son meurtrier, pour tenter de démêler les fils de cette histoire et comprendre les raisons de ce meurtre révoltant.



A travers cette enquête, l'auteure nous fait découvrir le contexte politique complexe de ce pays. Si depuis la fin officielle du conflit avec les FARC, certaines villes côtières de Colombie sont devenues une destination prisée des touristes, derrière l'image de carte postale et de sécurité apparente, se cache une réalité plus sombre.



De son écriture à la fois sobre et percutante, Emilienne Malfatto dépeint cet univers de violence dans lequel la population se retrouve prise en étau entre les FARC et les paramilitaires. Un monde dans lequel les narcotrafiquants règnent en maîtres, et dans lequel la recherche de la vérité peut s'avérer dangereuse.



Merci à Babelio et aux éditions les Arènes pour cette lecture puissante et poignante.
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Les serpents viendront pour toi

La ferme.

Je suis restée bloquée sur ce mot tout au long de la lecture. Avec un point d'exclamation à sa suite, l' expression prend un tout autre sens... et pourtant c'est ce qui a été. On t'a fait taire Maritza. Pourtant la ferme était tout ce que tu voulais. C'était à peine une ferme, « une masure de béton et de bois perdue » un lopin de terre pour avoir un toit et y nourrir tes enfants après tant de souffrances. La ferme s'est refermée sur toi. En pleine nuit. Deux coups de feu.

Un récit hommage au courage des femmes. Celui d'une mère, celui d'une journaliste qui ne veut pas que cette mère soit à jamais oubliée, en Colombie et par-delà les mers. Maritza, aujourd'hui je connais une partie de ton histoire. Une page se referme, pas l'espoir. Il en faudra tant que la drogue aura plus de prix que la vie humaine, que les hommes privilégieront la violence à l'amour.

« Là-haut, depuis cette maison d'où on a la sensation de dominer le monde, j'ai pensé que, peut-être, les gens pouvaient changer. »
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Le colonel ne dort pas

Lecture en audio - Après que sur moi se lamente le Tigre et la découverte d'une écrivaine qui évoquait de façon réaliste et poignante un thème si difficile à évoquer j'avais une certaine hâte à me plonger dans cet ouvrage pour voir s'il était du même acabit. Portées par la voix de Féodor Atkine, les confessions de ce colonel bourreau, un tortionnaire que l'on pourrait situer en Irak où la journaliste - écrivaine a couvert l'actualité voire encore plus proche de nous actuellement en Ukraine avec les exactions russes, font appel à ce que l'on pourrait penser comme sa conscience même s'il ne remet jamais en question son "job". Allant à l'essentiel, suscitant en nous les images des monstruosités commises de façon encore plus forte à travers une certaine forme de "poésie" que le narrateur emploie, l'autrice décortique, imagine ce que peut ressentir un tel tortionnaire si toutefois sa conscience est encore présente, si la lucidité n'a pas été occultée par ses actes. Encore une fois une évocation forte, ne pouvant laisser indifférent, magnifiquement portée par une écriture puissante abordant les consciences : celle du narrateur mais également la nôtre.
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Le colonel ne dort pas

Soyons honnêtes : le nouveau Malfatto est de la trempe des livres qui ne peuvent pas inspirer de la tiédeur à leurs lecteurs. Ainsi, je vais faire partie de ceux qui ressortent peu chamboulés de cette lecture, puisque celle-ci n'a jamais réussi hélas à me surprendre tant au niveau de la forme qu'au niveau du fond. Ce qui n'est pas grave en soi.



En temps de guerre, la mort, la folie et la lâcheté rôdent partout. La nuit, le jour. A l'extérieur, à l'intérieur. En haut, en bas. Symboliquement parlant, je sais bien que la fin est proche quand « la barque » commence à prendre l'eau de toutes parts, et que le plus fort est sans aucun doute l'ennemi intérieur qui se cache au fond de chaque individu.



Mais l'omniprésence du religieux (sous forme de déluge, purgatoire et expiation) et le niveau d'abstraction atteint ici ont agi sur moi à la manière d'un repoussoir, tout en me donnant la furieuse envie de relire « La mort est mon métier » et « Le désert des tartares ».
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Que sur toi se lamente le Tigre

Un petit roman(80 pages) ,mais qui vous donne un gros coup de poing, qui vous assomme !

Roman ayant remporté le prix Goncourt 1er roman en 2021.

Nous sommes en Irak,Mohamed va partir se battre,le coeur empli de haine et la tête haute mais avant de partir il veut revoir celle qu'il aime,et avec qui ,il se mariera à son retour.Par faiblesse,cette jeune fille ,va céder à son amour.

Hélas,une bombe, un immeuble qui s'effondre, Mohamed ne reviendra pas ,enseveli sous des tonnes de gravats. le cercueil sera vide ,la famille n'ayant pu récupérer son corps.

Après cinq mois de doute ,cette jeune femme va aller à l'hôpital consulter : le verdict tombe : elle est enceinte de cinq mois et elle le sait aussi : c'est son arrêt de mort .Elle ne choisira pas ,elle obéira,répondant aux codes d'honneur de ce pays où une jeune fille morte vaut plus qu'une fille mère : son frère la tuera .

L'auteure,à chaque chapitre nous présente les membres de sa famille et surtout leurs réactions face à ce drame. Si sa belle-soeur ,épouse de son frère, approuve,et rejoint. son mari ,il n'en est pas de même de son autre frère : Ali ,le modéré, qui ne dira rien par lâcheté mais pleurera comme un enfant.Layla,elle ,la petite dernière, sera consolée et ne devra jamais prononcer le nom de cette soeur qui a humilié la famille

《Je suis celle qu'on consolera ,qu'on cajolera. Et puis on me dira de ne plus évoquer un nom,de cesser de mentionner cette soeur qui n'aura jamais existé.

Dans cette famille, une femme déshonnorée est une souillure que seul le sang peut laver.On jettera des pelletés de sable sur son corps et sur son souvenir ,on l'oubliera au vent du désert et aux pluies de décembre, jusqu'à ce que tous,nous puissions prétendre qu'elle n'a jamais été. ( Page 74).》

Un roman choc,dur,violent, qui fait réfléchir sur la condition des femmes dans certains pays.⭐⭐⭐⭐

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Que sur toi se lamente le Tigre

J'ai refermé ce livre avec la gorge serrée.

Très court, de la taille d'une nouvelle, mais suffisamment long et poignant pour exprimer simplement toute la douleur d'hommes et de femmes confrontés au terrible poids des traditions couplé à la folie de la guerre.

Devant tant de souffrance, on ne peut que se dire que nous n'avons pas tous les mêmes chances selon l'endroit où l'on naît. Pour certain(e)s, le sort se montre vraiment cruel, il y a vraiment de quoi se lamenter.

Ça rend vraiment très triste...
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Que sur toi se lamente le Tigre

Je suis dans une série de lectures féministes.



Ici c’est un premier roman coup de poing sur la condition des femmes dans l’Irak des Imams. 80 pages pour réveiller nos consciences. On a tous les points de vue qui expliquent pourquoi le silence, pourquoi la lâcheté, pourquoi la reproduction des modèles.



L’édition scolaire, la sobriété du texte en font un ouvrage que les jeunes doivent lire.





.



Je veux terminer avec une pensée pour ces jeunes iraniennes et iraniens qui se révoltent pour sortir du carcan. Courage à eux

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Les serpents viendront pour toi

On démarre fort avec une prédiction : Maritza va mourir! que Dieu la protège! Très vite, on se demande pour quel motif cela est-il arrivé?

Il s'agit en fait de "l'histoire à l'envers" de Maritza

Ça manque de personnages masculins forts

FARC, militants et drogue... Quasiment un génocide... Et c'est une histoire vraie. Le pire? La pédophilie (à dénoncer!).
Lien : https://fr.ulule.com/charles..
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Que sur toi se lamente le Tigre

Cette jeune femme d'une trentaine d'années a obtenu le prix Goncourt du premier roman(bien mérité à mon humble avis) pour ce très court texte d' une cinquantaine de pages.

Elle raconte l'Irak démoli, à genoux, par la voix de son fleuve, le Tigre: de courtes pages poétiques d'entrée de chapitre en italique.

Et la tragédie qui va se passer dans une famille rigoriste où les femmes ne doivent être que des ombres et où les traditions sont respectées jusqu'au crime qu'on appelle d'honneur.

C'est une jeune fille qui se donne à son fiancé avant qu'il ne parte à la guerre, il se fait tuer, elle est enceinte, le Tigre absorbera du sang une fois de plus.

J'ai aimé cette écriture concise, pas froide non, elle dit le sang, la détresse, et le destin tragique des femmes .

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Que sur toi se lamente le Tigre

Un livre sublime malgré toute l’horreur qu’il recèle. La plume magnifique d’Emilienne Malfatto sublime l’indescriptible.



Publié aux Éditions Elyzad, ce petit livre court, trop court, a tous les ingrédients d’un excellent livre.



Une histoire glaçante mais tellement réaliste, car ce n’est pas une histoire, mais bien la réalité de la condition de la femme, dans certains endroits du monde.



Les points de vue des différents protagonistes éclairent, non seulement sur le ressenti de ces femmes, mais aussi sur celui de ces hommes, qui sont portés par la société et les diktats qu’elle leur impose. J’ai aimé ce regard, qui, sans être accusateur, montre qu’il n’est pas simple de s’extraire de la folie qui nous entoure, alors même qu’on y aspire. L’honneur des hommes, c’est la préservation de la femme.



L’honneur des hommes, c’est l’honneur des femmes. L’honneur des hommes, c’est l’horreur que les femmes portent en elles. L’horreur des femmes, c’est d’être femme.



On ne referme pas ce livre comme on en referme un autre… Il laisse une empreinte indélébile en nous.



A lire, à faire lire…
Lien : https://julitlesmots.com/202..
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Que sur toi se lamente le Tigre

Court, poétique, magistral.

Bluffée par la plume d'Emilienne Malfatto qui séduit malgré toute l'horreur contée.

Photojournaliste, étrangère, elle retranscrit pourtant avec beaucoup de réalisme, l'intimité d'une famille irakienne encore aux prises sous les bombes. Une jeune femme sait qu'elle va mourir ce soir. Ce ne sera pas la guerre qui la prendra mais son frère Amir. Frère et bourreau. Famille mais meurtrier. Car elle a fauté. Elle a cédé à Mohammed avant qu'il ne parte au combat et elle se retrouve enceinte. Enceinte mais hors mariage, hors tradition. Enceinte d'un mort car Mohammed n'est jamais rentré du combat, mort sous une bombe qui ne lui était pourtant pas destinée. On appelle ça une erreur. Une erreur de trajectoire. Une précipitation d'un jeune couple qui va conduire à la mort.



L'auteure prendra le temps de revenir sur chacun des membres de la famille. Sur leurs pensées, sur la place qu'ils occupent et surtout la place qu'ils doivent tenir. Malgré les liens du sang, la mort au bout des pages. Irréfutable. Et le Tigre qui brasse inlassablement la boue et le sang.



Un roman coup de poing.
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Que sur toi se lamente le Tigre

C’est le premier roman d’une jeune journaliste et photographe, auteure de reportages. L’ouvrage qui s’appuie sur son expérience de l’Irak, a été couronné par le prix Goncourt du premier roman.



C’est une trame très classique : une jeune femme, enceinte alors qu’elle n’est pas mariée et que le père de l’enfant est mort, sait qu’elle sera tuée par son frère. Tous les personnages partis prenant au drame viennent s’exprimer à leur tour sur l’affaire. Le Tigre, fleuve majuscule, mêle sa voix au récit, qui comporte aussi quelques extraits de la traduction de l’Epopée de Gilgamesh, le texte millénaire, fondateur pourrait-on dire.



Le récit a une allure de tragédie, une tragédie séculaire, qui s’est produite de cette manière depuis la nuit des temps, et dont on se demande ce qui pourrait l’empêcher à l’avenir. Il exprime l’impossibilité pour les femmes d’exister, tout simplement, de fixer leurs règles, être autre chose que justement des choses des hommes.



Sans être original, cela devient vite prenant et convaincant, l’auteure a une belle écriture, et arrive à intéresser son lecteur, à donner de l’épaisseur à ses personnages, qui pourraient n’être que des symboles.



C’est prometteur en tout les cas, et donne envie de suivre Emilienne Malfatto dans ses prochaines livres.
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Que sur toi se lamente le Tigre

Une jeune irakienne se sait condamnée. Une seule étreinte avec celui qui serait devenu son fiancé si une bombe ne l’avait tué, et le sang a cessé de couler: elle est enceinte, la pire chose qui pouvait lui arriver, son sort est scellé. Elle n’est jamais nommée, contrairement aux autres personnages : elle sera effacée de sa famille, on n’aura plus le droit de prononcer son nom, elle ne s’appartient pas. La mort viendra de son frère aîné. Tour à tour, chaque personnage nous fait part de sa représentation du crime d’honneur qui se prépare, d’une manière qui n’est pas sans rappeler un chœur antique, tant les voix de toutes les mères, frères, sœurs, belles-sœurs semblent résonner à travers ces archétypes. Tout cela sous l’œil du Tigre, témoin des horreurs que vit son peuple. Personne n’arrivera à dépasser sa culture. Tout cela raconté en soixante-dix-neuf pages, d’une écriture fulgurante et douloureusement belle, pour reprendre une expression lue quelque part. Un prix Goncourt bien mérité, dans ce récit qui nous donne à ressentir ce qu’il en est de vivre sous un régime où ceux et celles qui devraient vous protéger deviennent vos bourreaux.
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L'absence est une femme aux cheveux noirs

Un choc . Cette lecture est un choc , de par son fond et de par sa forme .

Le fond ?

L'auteure revient sur la dictature en Argentine de 1976 à 1982 et particulièrement sur l'élimination des "rouges" et le vol de leurs bébés .

Le sujet est déjà poignant, mais la forme du récit lui donne encore plus de puissance . Des chapitres courts, entre récit et poésie, agrémentés de magnifiques photos qui saisissent admirablement l'âme , d'un être ou d'un lieu.

Tout est bien ici . Il y a une accroche récurrente autour de Victoria , bébé volée, qui est devenue Marie Sol, une fois appropriée par un couple de militaires. C'est d'une puissance absolue.

'Victoria, qui est encore Marie Sol' ou

"Pour que Marie Sol

tout doucement

devienne Victoria

redevienne Victoria"



Au delà du texte , sublime donc, il y a l'histoire , sombre au possible , de cette Argentine aux mains de la "panthère rose", il y a ces mères et grands mères à qui on a dit de circuler et qui circulent encore chaque semaine 45 ans plus tard sur la place de Mai.



Il y a sans doute un peu d'histoire personnelle derrière ce vol d'identité, dont ont pâti au moins 500 enfants, pour cette auteure dont la famille a fui le bruit des bottes en Italie.

Enfin , il y a la peur avec l'arrivée au pouvoir argentin d'un descendant du pire.



Je finis par quelques lignes , presque au hasard



Aujourd'hui, elle adore se présenter, bonjour, je suis Victoria,et dans ces mots banals il y a des années de douleur de lutte et de résilience, comme renaitre à vingt ans, trente ans ou quarante ans, comme un jeu de construction qu'il faudrait entièrement refaire, avec les mêmes pièces, tu démontes et tu remontes, ce sont les mêmes matériaux mais agencés différemment. Et il ne faut pas se briser dans l'entreprise.



Une vraie expérience de lecture , avec qui plus est un très bel objet entre les mains.
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