Ce tout petit livre (180 pages pleines d'illustrations) contient trois parties. [Éditions Autrement Littérature, 2018 (original 1938)
Préface de
Philippe Claudel]
Tout d'abord une superbe nouvelle présentée sous la forme de lettres échangées entre 1932 et 1934 entre deux associés d'une galerie de peinture de San Francisco, tous deux d'origine allemande, mais dont l'un vient de quitter la Californie pour rentrer vivre à Munich tandis que l'autre, juif, reste aux USA. L'auteure qui a imaginé ces lettres, car c'est une femme, décrit avec une extraordinaire concision le terrible abîme qui s'ouvre entre les deux amis au fur et à mesure que Martin est phagocyté par l'idéologie nazie tandis que Max assiste terrifié (mais pas impuissant) depuis l'autre continent à la métamorphose de celui avec lequel il avait partagé une amitié désormais pourrissante.
Précédant ces lettres, comme il se doit, la préface de
Philippe Claudel éclaire le tableau qui nous est offert. Comme pratiquement toujours, je n'ai lu la préface de ce livre qu'après en avoir atteint la dernière page et, comme son auteur, je partage l'impression d'actualité permanente de cette nouvelle : elle décrit l'impossibilité de comprendre la radicalisation aveuglée de personnes proches qui, rapidement et sous l'effet d'une pression à laquelle on pensait qu'ils auraient su résister, disparaissent de notre cercle en se vouant à une cause totalitaire. Elle illustre aussi la puissance de l'écrit qui peut devenir l'instrument d'un assassinat par procuration.
La dernière partie du livre raconte l'histoire du livre, l'écho qu'il a reçu lors de sa parution, sa longue période de discrète rémanence et sa nouvelle émergence par la réédition de l'opuscule et son adaptation au théâtre. Elle laisse entendre la permanence du caractère universel et intemporel de l'analyse proposée.
Nous sommes tous, peu ou prou, des Martin et des Max.