Astor

Il percevait les entités parasites toujours en train de rôder autour des humains, cherchant de nouvelles victimes pour s'en nourrir. Astor était envahi par un flot de sensations, de visions, de stimulations, le plus souvent déplaisantes. Il avait sous son regard le spectacle du monde tel qu'il était, tel que peu de personnes étaient capables de le voir, et c'était un triste spectacle.

La chambre baignait dans une obscurité bleutée.
Astor se sentait bien réveillé mais ne pouvait pas bouger. Il était allongé sur son lit, complètement paralysé, il ne sentait plus son corps. Malgré toute sa volonté il ne pouvait esquisser un geste. La panique commença à l'envahir. L'ambiance elle-même était anormale sans qu'il sache pourquoi.

Parfois il se sentait lui-même irréel. Il était né un 29 février, une année bissextile ; il n'avait donc pas de vraie date d'anniversaire trois années sur quatre, et le père ne faisait aucun effort pour organiser des fêtes, d'ailleurs Astor n'était jamais invité aux anniversaires des autres. C'était un peu comme s'il n'existait pas, et il s'était habitué à cet état de choses.

Astor avait envie d'aller discuter tous les jours avec le bouquiniste. En peu de temps, il avait pris une place importante dans sa vie. Cependant il se retint de retourner trop rapidement le voir. Il avait des livres à lire et ne voulait pas y retourner en ayant l'air ignorant. Il chercha la signification de son prénom et découvrit qu'Astor voulait dire « faucon » en Occitan. Personne ne lui avait jamais dit, et cette idée lui plut. Il se sentit d'un coup plus léger avec comme une envie de voler.

La longue silhouette encapuchonnée et légèrement voûtée avançait à grands pas en rasant les murs, noir sur noir, invisible dans la nuit. Effleurant à peine les trottoirs de la ville endormie, le personnage aux formes indistinctes avait appris depuis longtemps l’art de la dissimulation. Il savait évoluer sans attirer l’attention. Il ne suscitait pas la méfiance car personne ne remarquait son existence. Lui, en revanche, remarquait tout. Les moindres changements dans la ville, les portes laissées entrouvertes, les clefs oubliées sur les serrures; il aurait pu faire tant de choses, et bien pire encore.