Magnifique essai sur l'art et la spiritualité du Japon
Yoko Orimo est une chercheuse japonaise vivant et enseignant en France, et Bouddha sait combien pour un Français il est difficile et délicat de comprendre l'esprit japonais. Alors, quoi de mieux lorsqu'une native nippone vous parle de l'art et de la spiritualité japonais ?
Pourtant, j'ai longtemps tourné autour de ce livre, avant de m'y plonger – et je n'ai pas regretté de m'y être plongé. Mais j'avais mis des freins, à cause de cette difficulté à appréhender la pensée japonaise, qu'il serait bien prétentieux de comprendre si l'on n'étudie et parle pas, a minima, la langue. La langue est civilisatrice. Et le japonais, c'est du chinois pour moi !
Bref, j'ai fini par plonger dans cette eau où se reflète la lune… je n'ai pas attrapé la lune, je n'y suis pas allé, mais j'ai pu m'enfoncer dans ce lac cristallin, immobile, offert par
Yoko Orimo.
Et j'ai savouré !
Christian Bobin – quel honneur ! – préface en deux pages ce livre avec de bons mots et une dose de sagesse, puis en une dizaine de pages,
Yoko Orimo nous brosse le paysage intellectuel et artistique du Japon, si riche, si puissant, à l'image de cette nature, des légendes, de la mythologie et des kami qui sont les graines de cette magnifique civilisation. Si la Nature est omniprésente dans cet ouvrage de la chercheuse, l'impermanence est également dans chaque page de cet opus.
Puis l'auteure nous sert un épais chapitre sur la poésie japonaise, « hymne à la nature et aux saisons » : wakas et haikus s'enchaînent, et d'illustres inconnus (pour moi !), poètes japonais du cru, nous donnent le meilleur d'eux-même dans leurs petites poésies pourtant si profondes – car en quelques mots, en quelques traits, en quelques formes, l'artiste japonais sait exprimer l'invisible et le visible de façon surprenante, équilibrée et déséquilibrée… « Tout un art » !
Vient ensuite un chapitre fort intéressant sur la religion naturelle du Japon : « Nature et spiritualité : la Nature, le fondateur du Shintô, « la voix des dieux ». Ici
Yoko Orimo nous expose cette très belle religion animiste (qui me fascine !), avec ses rites, sa relation avec l'au-delà, et « la permanence de l'impermanence »…
Le troisième chapitre s'intitule « Esthétique de l'éphémère », et rassemble plusieurs essais : sur « la fleur est munie d'un coeur » et « la fleur, miroir du temps », puis 2 pages sur le wabi-sabi [lisez ma recension de
Leonard KOREN –
Wabi-sabi à l'usage des artistes, designers, poètes & philosophes], et enfin un plus long article sur la cérémonie du thé [Nanpô-roku], et ses maîtres fameux.
Le quatrième chapitre parle foncièrement de l'art comme « pratique de la voie et du non-moi », où
Yoko Orimo, très habilement, dénoue les idées propres aux spiritualités japonaises (fortement imprégnées de bouddhisme zen il ne faut pas l'oublier) afin de nous montrer à voir et à penser qu'art et voie ne font qu'un, que l'un inspire l'autre et inversement, ils sont inséparables, comme samsara et nirvana. C'est le plus gros du livre et c'est la partie qui m'a le plus intéressé – comme s'il avait fallu attendre la fin de l'ouvrage pour que Yoko orimo nous expose vraiment le Japon, ses habitants, ses pensées… Magique !
On trouve deux annexes en fin d'ouvrage, que les spécialistes apprécieront : 1) la liste récapitulative des poèmes en version bilingue avec transcription phonétique en caractères romains (26 pages !), 2) la liste des auteurs japonais cités et 3) une bibliographie simplifiée.
Ne faites donc pas comme moi : lisez ce livre sans attendre plus longtemps ! Si vous avez envie de lire un ouvrage de référence sur le sujet, écrit par une native, n'attendez nullement ! Sully ne publie que des bons livres et il ne s'est pas trompé – une fois n'est pas coutume – avec celui-ci !
Bonne lecture !
Zui Ho
PS : Peut-être une version « Beau livre », où seraient ajoutées des photos d'oeuvres d'art et des calligraphies serait à tenter et tester…
Lien :
https://livresbouddhistes.co..