Ouvrage recueillant plusieurs nouvelles. Deux premières puis une plus importante qui comprend elle-même trois chapitres. La première narre le combat d'une maman qui ne veut pas laisser son fils rejoindre l'armée et partir en guerre. La seconde, raconte les péripéties d'un homme à qui tout réussit mais à qui une seule femme résiste. La dernière nouvelle est la somme de trois témoignages fictifs de veuves confrontées à la solitude.
Des personnages juifs, dont la tradition et le folklore ponctuent le récit, des personnages baignant dans l'univers linguistique yiddish si cher à l'auteur, auteur lui-même qui ne serait que le messager de ces quelques acteurs au parcours sinueux et difficile. Récits existentialistes, questionnant la place au sein des hommes et au milieu du monde, ou finalement à la marge de ce monde qui marche sur la tête. C'est toute l'absurdité et la vacuité des situations difficiles à surmonter qui nous sont décrites avec un humour triste, une véhémence à demie résignée, et une révolte sonnant déjà la capitulation. On sourit, on est gênés de sourire. On est émus, on se demande pourquoi, mais l'on ne peut être indifférents à ces récits qui sont pourtant légers dans le style, et lourds dans le message.
Ce n'est pas son meilleur ouvrage mais c'est une bonne introduction à son oeuvre pour se faire une idée de sa façon d'écrire et de l'ambiance qui y règne. je conseille donc.
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Je ne m'effraie d'aucun écrivain, je ne me fais pas tout petit devant un quelconque docteur, je ne me sens pas inférieur au moindre avocat et ne me laisse pas impressionner si l'on me dit que quelqu'un poursuit des études d'ingénieur. Moi aussi j'ai fait des études autrefois, moi aussi j'ai été lycéen. Je n'est pas terminé le lycée, il est vrai, pour une histoire avec une fille. (33)
Je dis : où est-il écrit une telle loi qu'à un homme riche, à un richard, à un millionnaire, on ait réformé l'un après l'autre ses trois bâtards et qu'à cause d'eux, un fils, seul et unique soutien d'une pauvre veuve - grâce à Dieu d'abord, à Wissotzky ensuite-, soit au service militaire? Je vous en prie, montrez-moi cette loi. Dans une Douma avec,Dieu merci, tant de gens, et tous de parler et tous de crier et tous de s'injurier, pourquoi,dis-je, ne s'en trouverait-il pas ne serait-ce qu'un qui prenne fait et cause pour une pauvre veuve, grâce à Dieu d'abord, à Wissotzky ensuite ?
J'ai écouté tout ce qu'on disait à la Douma. Et pour ce qui était de parler, ils parlaient tous, mais celui qui parlait le mieux, c'était ce Pergament. Lui, quand il se mettait à parler, je vous le dis, un mur pouvait être touché, une pierre en être émue. Ce n'est pas rien, Pergament! C'est pour cela qu'il avait des ennemis à la Douma, vous comprenez ? Et qui attisaient le feu ! Et des hurleurs ! Comme des chiens, voilà comment ils l'attaquaient, et ils faisaient de tels scandales que je manquais tomber de là-haut (ma place était toujours en haut à la Douma).
Parce qu'il y a eu une enquête d'où il est ressorti qu'ils formaient une fabrique de billets blancs; Juifs et chrétiens, ceux qui étaient généreux et avaient de quoi en poche, étaient réformés,et les pauvres, des fils uniques,seuls et uniques, devaient aller au service. Maintenant, c'est fini, plus de privilégiés ! C'en est fini chez nous du laisser-aller d'avant et de l'arbitraire. Tous seront égaux chez nous.
Et surtout les riches, les privilégiés de Dieu, qui se sont persuadés que le monde entier a été créé à leur intention. Nous, nous devons nous échiner et en voir de toutes les couleurs, tandis qu'eux se sortiront de tous les tracas et de toutes les persécutions avec leur argent, et en plus, ils se moqueront d'une bonne femme, une pauvre veuve, qui vit du thé de chez Wissotzky.
Sholem Aleikhem : Gens de Kasrilevkè
Olivier BARROT présente "gens de Kasrilevké",
recueil de nouvelles écrites en
yiddish au début du siècle par
Sholem Aleikhem.