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EAN : 9782923682389
224 pages
Les Allusifs (15/04/2015)
3.88/5   8 notes
Résumé :
Les rêves volent comme les mites et pondent des oeufs dans les meubles, le linge, les seuils de porte, partout. Dans son village perdu de l'Alentejo, Rosa, quinze ans, rêve à ses héros de romans policiers tout en suçant des cailloux qui lui rappellent des moments plus ou moins heureux de son existence. Avec sa sensualité brute, elle enflamme aussi la libido des autres habitants et subsiste tant bien que mal comme bonne chez de riches entrepreneurs. Aux petits soins ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce petit livre tout à fait inclassable s'est retrouvé dans ma PAL, une fois de plus, par le biais des nombreux challenges auxquels je participe. Besoin d'un auteur portugais, qui était à l'honneur il y a plusieurs mois, mais j'ai « découvert » ce titre trop tard par rapport au challenge concerné : je l'ai donc entamé en sachant que je ne le terminerais pas dans les temps. À peu près à la même époque, un autre challenge proposait de pouvoir écrire le mot « scrabble » avec les lettres du titre… et tout à coup j'ai repensé à ce titre-ci !

Je l'ai entamé comme on se promène : puisque la nouvelle échéance était assez lointaine, je n'ai pas essayé de le lire vite, et ça tombe bien, car on furète dans un tel livre plus qu'on ne s'attache à une histoire passionnante. Certes, il y a une histoire, plus probablement un vrai fil conducteur, qui est bel et bien présent de bout en bout, mais assez souvent il est quand même plus ou moins masqué par les méandres de nombreuses pensées, diverses et variées, cocasses ou profondes, dénuées de tout sens / intérêt ou au contraire qui font tout à coup écho à un ressenti profond du lecteur…

On rencontre ainsi toute une série de personnages très typés et extrêmement bien présentés, parfois à la limite de la caricature, mais on sent tellement que c'est voulu, tout à fait délibéré, qu'on ne se pose aucune question sur cet aspect « cliché ». Nous sommes dans l'Alentejo au Portugal, on ne nous dit pas l'époque mais on est au moins au XXe siècle. C'est une terre agricole aride et dure, qui voit naître des habitants à sa mesure, tandis que ceux qui s'en éloignent, par exemple pour aller « à la ville », se dessèchent peu à peu.
C'est là que vit Rosa, élevée par sa grand-mère Antónia. Rosa grandit comme une jolie fleur des champs, peu instruite, quelque peu ingénue, mais pétrie de cette sagesse paysanne simple que lui a transmise Antónia, qui quant à elle décline de plus en plus, perdant peu à peu sa mobilité ou son ouïe, ne se déplaçant plus que pour aller de sa pauvre ferme à l'église, et retour. Rosa est une jeune fille trop belle, qui attire le regard des hommes sans trop s'en rendre compte, son seul souci étant de veiller sur sa grand-mère autant que possible, car elle lui est profondément attachée.

Autour d'elles gravitent plusieurs de ces personnages aux vies plus ou moins compliquées, qui se croisent, se frôlent, sans jamais vraiment se rencontrer réellement, du moins dans un premier temps. On a ainsi le professeur Borja, ancien prof d'université qui a dédié sa vie entière à la science (dit-il lui-même), volonté exacerbée par un drame familial qui ne sera révélé que bien tard. Miss Whittemore, vieille Anglaise excentrique et fortunée, a acheté un village entier abandonné de cette région désertique, et vit elle-même dans une immense maison aux pièces si grandes qu'on pourrait y loger des familles entières. Elle accueille chez elle un sage africain et un brahmane hindou, pour leurs échanges d'idées… tandis que les deux (qui ne s'avéreront finalement que des personnages très secondaires) profitent surtout d'une situation inespérée et de richesses qui leur sont offertes au jour le jour. Notons aussi le père Teves, curé du village, le genre même traditionnel qui voit partout le péché et n'hésite pas à condamner ses ouailles pour tout et n'importe quoi… tous ces péchés qu'il cristallise lui-même dans une relation SM régulière avec une prostituée. Et bien sûr Ari, le jeune berger un peu rustre mais profondément amoureux de Rosa, amour qu'elle lui rend d'ailleurs, jusqu'à un certain point.

Tout bascule quand Antónia, définitivement au crépuscule de sa vie, émet le souhait de voir la Terre sainte. Bien entendu, ni sa situation financière (ni celle de Rosa !), ni même son état de santé bien trop défaillant désormais, ne lui permettent un tel voyage. Mais qu'importe ! Poussés par des moteurs propres à chacun, peut-être l'Amour, ou une certaine ironie, les différents acteurs de ce livre vont faire le nécessaire : puisque Antónia ne peut aller à Jérusalem, c'est Jérusalem qui viendra en Alentejo.

Attention cependant : si cet événement est central dans l'histoire, ce serait une erreur de croire que c'est là le fil conducteur du livre. Comme je disais plus haut, on est bien davantage dans un petit roman jubilatoire, fait de 1.001 pensées et autres réflexions que l'on pourrait toutes retenir en citations – je n'en ai noté que quelques-unes, car sinon on n'arrête plus : on peut ainsi s'arrêter presque à chaque page ! -, tout en nous contant la vie quotidienne de quelques habitants typiques de cette région où il ne fait pas tout à fait bon vivre (à moins de jouir d'une certaine fortune), mais à laquelle les habitants profondément enracinés tiennent plus que tout.
Et cette histoire de Jérusalem, qui survient assez tardivement en plus, est surtout un catalyseur qui va conduire à un dénouement assez inattendu et pourtant parfaitement orchestré !

Pour moi ce livre a donc été un vrai bonheur à savourer par petits bouts. Sa langue poétique n'exclut pas quelques longueurs, notamment quand l'auteur part dans les divagations de ses trois « penseurs », qui m'ont bien un peu perdue et qui sont, paradoxalement, bien moins intéressantes que les réflexions très terre-à-terre mais autrement justes d'une Rosa, par exemple. Mais ce ne sont que quelques passages, tandis que le reste du livre oscille entre cette fable poétique plein de vérités que l'on pourrait retenir comme autant de citations, et une histoire sympathique, néanmoins empreinte de fatalité, d'une jeune fille qui aimait sa grand-mère plus que tout, malgré des conditions de vie bien difficiles. Un petit bijou !
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Ce sont les vies de Rosa, d'Antonia, d'Ari, de Miss Whitemore et du professeur Borja. Des histoires qui se frôlent et se heurtent dans une campagne absurdement jubilatoire, enduite de fatalité. C'est peut-être surtout Rosa, jeune fille en fleurs qui sucent des cailloux pour se souvenir des sentiments passés, laissant la haine côtoyer l'amour au creux de la même main. Qu'elle le veuille ou non, Rosa attire sur elle les regards des hommes et en tombe facilement amoureuse. le regard chargé d'innocence feinte et de fraicheur, elle consacre une énergie folle à Antonia, sa grand-mère malade qui voit mal, entend mal et parle peu.

Dans cette histoire là, les personnages sont des blessés de vie, bousculés par elle et par l'épée de la fatalité qui entaille leur dos. La vie a le goût de rouille et n'épargne aucun de ceux qui foulent la terre.Alors quand la grand-mère de Rosa lui demande cet ultime voyage en terre sainte, elle ne peut refuser. Mais ils sont pauvres, Antonia est faible et le voyage à Jérusalem est une folie impossible. Mais comme dirait le professeur Borja, l'impossible c'est de la merde, alors si le petit groupe ne se rend pas à Jérusalem, c'est Jérusalem qui viendra à eux.

Ici, les savants et curé délurés exposent leur science dans des thèses qui surgissent complètement détraquées mais qui au fond, lorsqu'on y regarde d'un peu plus près, transportent leur écho à travers nous, de manière bien étrange comme s'il fallait gratter la première couche d'absurde pour laisser émerger la vérité. Les débats métaphysiques touchent gravement à la mort, interrogent au passage le sens de nos existences et écorchent la question de Dieu, avec humour, cynisme et perfection. Jésus-Christ buvait de la bière fut un moment parfait de lecture. Afonso Cruz, magistral, et Marie-Hélène Piwnik par la traduction qu'elle offre, délivrent un condensé de très belle littérature. Une littérature inclassable, surprenante, philosophique et poétique. Un détonnant mélange des genres, une littérature qui parle du monde et de sa complexité. Un incroyable must, un joyeux bordel, assourdissant et terriblement puissant. Pur plaisir, sourires et larmes garantis…
Lien : http://www.undernierlivre.ne..
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« Jésus Christ buvait de la bière » est le titre évocateur d'un roman court d'Afonso Cruz, auteur portugais multi-primé. Poétique et violent, cette oeuvre littéraire inclassable réussit un tour de force magistral. D'une puissance rare !
Dans un petit village perdu du Portugal, Rosa, une jeune fille élevée par sa grand-mère vieillissante, suce des cailloux qui lui rappellent des moments heureux ou malheureux de son existence. Belle comme un coeur, elle fait tourner la tête des hommes. Autour d'elle, gravitent des personnages caricaturés et caricaturaux qui dialoguent ensemble sans vraiment se comprendre. Une riche héritière qui dort dans une carcasse de baleine, un prête maso, un professeur qui ne vit que de science, un ami-amant aux petits pieds, etc… La vie de la jeune fille bascule comme un métronome, oscillant entre profond ennui et désir de ne pas sortir de cette monotonie qui est la sienne. Et puis, jusqu'au jour où un événement peu ordinaire vient bouleverser un destin bien rangé.
La mort, la condition paysanne, la religion ou encore la science, sont autant de sujets explorés dans ce livre. Incisif et percussif, les théories des uns s'opposent à celles des autres. Certaines réflexions philosophiques font réfléchir et d'autres, risibles ou absurde, font sourire.
« Notre mort ne se produit pas quand nous sommes enterrés, elle se produit continûment : les dents tombent, les genoux durcissent, la peau se ride, les amis s'en vont. Tout cela c'est la mort. le moment final n'est que cela, un moment. »
Le style de l'auteur est tantôt chantant, tantôt sinistre mais reconnaissable et fort. Une patte d'expert qui s'est posé maintes fois des questions qui nous sont communes à tous. Ou comment amplifier le sentiment que les êtres humains ont tous les mêmes préoccupations obsédantes.
« Rosa se met à crier, elle s'accroche aux jambes de sa grand-mère, en disant qu'elle ne veut pas s'en aller. Qu'elle ne veut pas s'en aller. Qu'elle ne veut pas s'en aller. Qu'elle ne veut pas s'en aller. »
En résumé, ce roman est une oeuvre à la fois très réaliste et onirique qui ne laissera personne indifférent. A ne pas lire en cas de déprime car c'est loin d'être un livre léger pleins de bons sentiments.

Lien : http://www.chroniquesdurenar..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
« Rosa suce des petites pierres comme des bonbons. Ce sont des pierres qu’elle a ramassées dans des endroits où elle a connu une certaine forme de joie, ou de douleur, des moments qu’elle ne veut pas oublier. […] Certaines de ces pierres sont pointues et Rosa se blesse la bouche en les suçant comme des bonbons, mais elle aime cette sensation de douleur mêlée au souvenir de la joie, et cette saveur rouillée, celle du sang, de la vie . »
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Pour avoir de la bière, il fallait cultiver. Et c'est ainsi qu'est née la société que nous connaissons. Grâce à la bière, nous avons des hôpitaux et des bibliothèques. Il n'y aurait pas de livres sans la bière.
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Les singes n'ont pas des derrières comme les nôtres, et comme celui de Rosa, le plus rond de tous. Nous avons un cerveau capable de penser selon la logique d'Aristote et la théologie de Thomas d'Aquin seulement parce que nous avons des fesses extraverties.
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- On travaille, mais on reste dans la misère.
- Évidemment. Si le travail rapportait de l'argent, les pauvres seraient riches.
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Le sacré est partout. Non pas tant par sa valeur intrinsèque que par la valeur que nous lui accordons.
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