Un peu de malaise m'a fait jeter sur ton lit, ce lit où tu as couché six mois dans la fièvre, où je t'ai vu si pâle, défait, mourant, d'où le bon Dieu t'a tiré par prodige. Tout cela s'est mis avec moi sur ce lit, j'ai vu, revu, pensé, béni, puis un petit sommeil et un rêve où je me trouvais seule dans un désert entre un serpent et un lion ; la frayeur m'a réveillée.
Jamais je n'ai vu de lion que celui-là, mais c'en était bien un. Comment nous arrangeons-nous pour créer ainsi en dormant, nous qui ne pouvons produire un atome ? Est-ce un reflet de la puissance divine qui passe alors en notre âme ?
Voyage enfin aux îles Pelew, ouvrage aussi intéressant que des étoupes. Je n'en ai pu rien tirer en contre-ennui. Qu'il demeure, cet inexorable ennui, ce fond de la vie humaine. Supporter et se supporter, c'est la plus sage des choses.
Quel homme que Hugo ! Je viens d'en lire quelque choses : il est divin, il est infernal, il est sage, il est fou, il est peuple, il est roi, il est homme, femme, peintre, poëte, sculpteur, il est tout ; il a tout vu, tout fait, tout senti ; il m'étonne, me repousse et m'enchante.
Oh ! Si nos espérances, comme dit saint Paul, étaient renfermées dans cette vie seule, nous serions les plus misérables des créatures.
On ne sait, mais on espère ; l'ignorance du bonheur en fait le charme ; c'est si vrai, que Dieu nous a fait un mystère du paradis. Ils ne savent pas être heureux, ceux qui veulent tout comprendre.