Tout d'abord, je remercie Babelio et les éditions le Mot et le Reste pour l'envoie de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique Littérature.
Dans un monde dystopique qui voit s'opposer deux Territoires aux visions diamétralement opposées, Tessa est une enfant qui essaye de survivre à la guerre et ses atrocités. Lors d'une attaque, elle tombe par hasard sur trois combattantes de la faction opposée et décide de les aider.
Pour commencer,
l'Ultime Guerre est un très beau livre, avec un papier crème assez épais que j'ai trouvé très agréable au toucher. J'ai beaucoup aimé cette couverture également, cette rouille traduit à merveille l'ambiance horrible de ce monde.
Sur la forme,
Anna Raymonde Gazaille a une jolie plume. Les premiers chapitres recèlent beaucoup de phrases courtes, parfois non verbales, qui offrent un rythme nerveux et saccadé qui colle parfaitement à la situation. Ensuite, le style redevient plus classique, marquant la longue fuite en marge des affrontements. Par contre, l'autrice alterne les points de vue d'une manière brouillonne et non maitrisée. Les chapitres sont écrits à la première personne, du point de vue de Tessa, pour ensuite passer à de très courts chapitres (à la 1ère ou 3e personne) du point de vue de quelqu'un d'autre. La forme du roman choral ne me dérange pas, au contraire j'aime beaucoup, mais là ça n'intervient que dans un tout petit nombre de chapitre, pour relater d'événements auxquels n'assistent pas Tessa, ce qui n'a que peu d'intérêt où les personnages en question auraient pu lui raconter à leur retour ce qui s'était passé. Pire, ça met à mal le suspens puisqu'on lit des chapitres où Tessa se demande où sont ses amies alors que nous lecteurs le savons très bien. Arrivé vers le milieu du livre, l'autrice se met alors à écrire à la troisième personne en focus sur Tessa, sans aucune raison. Et vers la fin, changement encore puisqu'on passe sur de la troisième personne omnisciente. Je peux comprendre que l'autrice se soit rendu compte en cours de route qu'une troisième personne aurait été plus appropriée, mais dans ce cas pourquoi ne pas avoir modifié la moitié du livre écrite à la première ? Ces changements m'ont agacées.
Sur le fond, l'histoire nous entraîne dans les pas de Tessa, une jeune adolescente qui fuit vers les Territoires du Nord afin de pouvoir vivre en paix, libre. L'idée de se positionner ainsi en marge des conflits est une très bonne idée, ça permet d'alterner les moments de tensions et ceux de relâchements, mais aussi de croiser des personnes qui sont impactées différemment par la guerre. le lecteur se retrouve ainsi pris dans une folle fuite vers le nord, où Tessa doit survivre comme elle peut, nouer des amitiés, quelque fois renoncer à tout pour avancer encore.
Malheureusement, cette histoire a aussi des points négatifs qui sont venus gâcher cette lecture.
Déjà, il n'y a aucun background. En note, l'autrice précise qu'elle a volontairement omis d'identifier l'époque et les lieux ''dans l'esprit des romans dystopiques''. le souci c'est qu'au contraire, la majorité des romans dystopiques précisent ces éléments, qu'ils soient réels ou fictifs d'ailleurs. En lieu et place, nous avons droit aux Territoires du Sud où règne une secte religieuse avide de massacres, et aux Territoires du Nord, qui sont athées et qui respectent la démocratie (avec quelques allusions à des Territoires de l'Est et de l'Ouest qui eux aussi sont dans le camp des gentils). Ce manque d'informations plongent donc l'histoire dans un flou manichéen, puisque nous assistons à un combat entre le Bien (Nord, Est, Ouest... oui tous les habitants sont très gentils) et le Mal (le Sud, qui manifestement ne compte que des méchants). D'ailleurs à chaque fois qu'un des personnages doit faire une référence à ce climat géopolitique, c'est pour sortir une niaiserie. L'autrice n'a strictement rien prévu, elle-même ne semble pas savoir où elle va (ça se sent particulièrement à la fin d'ailleurs, avec
cette histoire de mallette et de savant qui pourrait mettre fin à la guerre mais en fait non, sans compter la ville qui se situe à la frontière avec le Sud, simplement séparée par une montagne dotée de route, mais où tout le monde vit sans aucun stress). Je peux comprendre que l'autrice ait souhaité se focus sur l'histoire de Tessa et sa fuite, mais dans ce cas, pourquoi ne pas avoir écrit un roman pseudo historique en se basant sur une guerre existante ?
On pourrait également penser qu'il s'agit d'un flou artistique et voulu, mais si c'est le cas, c'est raté là encore. L'autrice nomme en effet clairement les armes utilisées, ce qui permet de dater l'histoire à une époque actuelle. Côté géographique, elle nomme également le médicament que prend Cum, et comme il s'agit de l'un des médocs les plus consommés aux USA, il n'est pas compliqué de comprendre (alors qu'il aurait suffit d'écrire le psychotrope à la place de la marque, et la mitraillette à la place de sa référence exacte). Bref, l'argument de l'autrice paraît donc bancal, j'ai surtout l'impression qu'elle ne voulait pas trop se creuser la tête à élaborer de background et qu'elle ne voulait pas admettre qu'il s'agissait des USA modernes afin qu'on ne lui reproche pas la ressemblance avec d'autres livres (comme La Servante Ecarlate par exemple).
Au-delà de ça, j'ai trouvé les personnages mal exploités, on ne sait au final quasiment rien sur eux, et assez manichéens. Cum est un peu plus décrite que les autres, mais en dehors d'elle : Manu et Pat sont lesbiennes (c'est la seule chose qu'on connaît d'elles en dehors de leur couleur de peau et du fait que Manu soit grande), le peu qu'on apprend sur Sara et Leo tient plus de l'anecdote qu'autre chose, idem pour Clem ou Hancke. A noter d'ailleurs que le seul homme gentil de tout le bouquin est homosexuel, ce que j'ai trouvé très cliché.
Enfin, la quatrième et dernière partie du livre est bancale, les événements manquent de logique, on a l'impression que l'autrice ne savait pas trop comment avancer et terminer son aventure.
Au final, j'ai trouvé Tessa et Cum sympathiques, j'ai aimé suivre leurs épopées, mais le livre a de nombreux soucis. A ne rien vouloir définir clairement, l'autrice offre surtout un gros fourre-tout pas toujours logique, très manichéen et peu consistant. Les lieux communs s'enchaînent, les clichés aussi. le tout rend le côté dystopique bancal et peu crédible.