AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782845901940
221 pages
Arfuyen (09/01/2014)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Les poèmes des dernières années

Quand en 1886, Hans Arp a vu le jour à Strasbourg, l'Alsace faisait encore partie du Reich wilhelmien, et cela marqua profondément et durablement son destin d'artiste et de poète.

Il a de la famille des deux côtés du Rhin. Dès l'enfance il parle l'allemand et le français. Il sait aussi l'alsacien. Adolescent, il écrit des poèmes dans ses trois langues. La peinture, les reliefs et la sculpture seront son q... >Voir plus
Que lire après La grande fête sans finVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« La Grande Fête sans Fin » de Jean Hans Arp « 2014, Arfuyen, 240 p.) est une édition bilingue de ses poèmes, initialement écrits en allemand après 1960, puis traduits et préfacés par Aimée Bleikasten.
On ne dira jamais assez de bien des Editions Arfuyen, qui s'efforcent de faire connaître la production littéraire alsacienne. Ni des traducteurs qui assurent la transmission de ces textes.
Hans Arp (1886-1966) est né à Strasbourg, au pied de la cathédrale. Comme tout alsacien, né après l'annexion, avec une mère, née Marie Joséphine Köberlé, qui n'a étudié « la langue de l'occupant » seulement après 1871. Il aime à se donner le double prénom de Hans et Jean, parlant français avec ses parents, allemand à l'école et surtout alsacien avec ses amis. Etudes des beaux-arts à l'École d'art de Weimar et à l'Académie Julian à Paris, sans que cela ne convienne à son envie de création. Trop académique. En 1908, la famille Arp s'établit en Suisse à Weggis, à côté de Lucerne. le père quitte sa fabrique de cigares et la « Kaiserliche Tabakmanufaktur » (Régie impériale des tabacs) installée à la Krutenau, dans l'usine qui sera ensuite propriété de la SEITA.
Etudes des beaux-arts à l'École d'art de Weimar et à l'Académie Julian à Paris. Mais celà ne convient pas à son envie de création. Trop académique. En 1908, la famille s'établit en Suisse à Weggis, à côté de Lucerne, où l'usine de cigarettes de son père, fabricant de cigares, a déménagé. Il raconte cette jeunesse dans « Unsern Täglichen Traum » (Notre rêve quotidien). C'est la genèse de sa vocation.
Il fait alors la connaissance de Paul Klee en 1909 et participe à des expositions, dont celle du « Blaue Reiter » en 1912. C'est un groupe d'artistes expressionnistes, qui s'est formé à Munich autour de Vassily Kandinsky, Franz Marc et August Macke.
Hans Arp épouse Sophie Taüber en 1921 et le couple s'installe à Clamart, en région parisienne en 1927-1928. Puis le couple, et l'architecte hollandais Theo van Doesburg décorent le bâtiment de l'Aubette à Strasbourg, complètement rénové. le premier étage qui est destiné à servir de foyer-bal, est conçu par Sophie Taüber-Arp et décoré de motifs rectangulaires de couleur. C'est un des lieux les plus significatifs de l'art de cette époque, qui fut qualifié de « Chapelle Sixtine de l'art moderne ». Deux campagnes récentes de restauration ont eu lieu pour la salle de ciné-bal et ont permis de remettre à neuf l'escalier d'accès au premier étage, la salle des fêtes et le foyer-bar.
Pendant la guerre, le couple se réfugie en Dordogne, puis à Grasse, avec Sonia Delaunay dans une « maison entourée d'oliviers dont la vue s'étend jusqu'à la mer ». Elle doit fuir pour Zurich où elle meurt en 1943, intoxiquée par un poêle au fonctionnement défectueux. Hans Arp lui rend hommage dans son recueil de poèmes, essais et souvenirs « Jours Effeuillés » (1966, Gallimard, 672 p.).
« Jours Effeuillés » (1966, Gallimard, 672 p.) est un recueil de poèmes, essais et souvenirs de Jean Hans Arp, écrits entre 1920 et 1963. Trois petits opuscules récents « Logbuch » (1983, Arfuyen, 47 p.), « Sable de Lune » traduit par Aimée Bleikasten (2005, Arfuyen, 197 p.), « La Grande Fête sans fin » traduit par Aimée Bleikasten (2014, Arfuyen, 240 p.).
« La Grande Fête sans Fin » de Jean Hans Arp est une édition bilingue de ses poèmes, écrits en allemand, puis traduits et préfacés par Aimée Bleikasten.
Le recueil est divisé en 5 sections « Chansons de Lys », « Mots », « Latin d'Arc-en-Ciel », « Journal du Capitaine des Rêves » et « Eternelles Fleurs de Rêve ». L'avant dernière section « Journal » reprend le texte du « Logbuch », mais sans y inclure la dernière section « Krambol ». Ce sont essentiellement des poèmes publiés en allemand et repris dans la dernière partie de « Gesamelle Gedichte III 1957-1966 » (1984, Arche Verlag, 266 p.). Par contre, ne sont pas inclus « Sinnende Flammen » traduit par Maxime Alexandre en « L'Ange et la Rose », ainsi que le long poème « Gislebertus d'Autun » écrit directement en français. C'est un des sculpteurs majeurs pour la cathédrale romane d'Autun, à qui on doit notamment la célèbre « Eve d'Autun » (vers 1130). La sculpture, qui ornait le linteau du portail, représente une femme nue (Eve) couchée se saisissant d'un fruit sur une branche tenue par une main griffue. Mais le reste du corps de Satan a disparu.
Les premiers poèmes font beaucoup appel à la notion d'identité. « Qui est qui ? : Who is who ? / Qui est-il ? / Qu'est-il ? / Où est-il ? » ou bien de questionnement « Que pourra-t-on lire sur la prochaine page ? […] Où me conduit mon vol ?». C'est la période de formation « Mais avant il me faut encore un peu me changer en chrysalide et me reposer ».
Suit un long poème « Worte » (Mots) qui s'étend sur 6 pages en petits vers courts (3-6 mots) dans lequel il y a toutes sorte de mots « mots flocons » et même des « mots flocons rêveurs », des « mots d'anges pour des anges », ou des « mots dits par les biches », et finalement « les mots des poètes ». Un poème aussi, dédié « Pour Marcel Janco », en souvenir de l'époque dada du « Cabaret Voltaire » à Zurich, tout en lyrisme « Si quelqu'un est attiré par une fleur / celle-ci ne s'épanouira-t-elle pas bien vite / ou s'il la dédaigne / ne va-t-elle pas faner bien vite ».
Puis « Regenbogenlatein » ou « Latin d'arc-en-ciel », après tout, il y a bien du latin de cuisine. de plus Hans Arp, bien que trilingue, avoue qu'il « ne parle hélas pas le firgel ». « La belle langue firgel / c‘est s'attarder rêver / penser et fantasmer », et il en donne un exemple « dogdpst pst pst runglidodi / glbsti i i glbsti sp nebst trullal / laladamad finf damd ding / bif ». Et il avoue plus loin « ce serait trop aimable à vous / de me traduire / une telle chanson ». Ce qu'il y a de bien dans une édition bilingue, c'est que le texte allemand comporte les mêmes mots en firgel, mais san plus de traduction. Il faut dire que les définitions données par Arp sont quelquefois sibyllines. Ainsi à propos de « Olmen » dont il prend soin de titrer ainsi deux poèmes qui se suivent, et ne se ressemblent pas « Olmen I » et « Olmen II », mais qui sont censés répondre à la question : « Olmen, c'est quoi ? » Eh bien pour réponse « Olmen est tantôt ceci tantôt cela / Olmen est aussi parfois l'un et l'autre à la fois / La plupart du temps Olmen est autre chose ». Généreux, il donne des exemples, comme un « Supercaruso » ou un « Pseodopuccini », à ne pas confondre avec un « vrai Caruso », cela va de soi. Mais, de fait, « Olmen est un liftboy / un lohengringoy ». C'est aussi « Olmen est un glouton […] un papillon / un fakir de nadir / un gondolier d'étoile ». C'est en fait un cousin de Odradek, personnage inventé par Kafka dans « le souci du père de famille » nouvelle tirée de « Un médecin de campagne » dans « Oeuvres Complètes II » (1980, Gallimard, La Pléiade, 1344 p.). Il est à la fois une poupée et un prodige tombé du ciel, une mécanique de l'horreur et une étoile, une figure du disparate et un microcosme. C'est le modèle réduit de toutes les ambiguïtés d'échelle de l'imaginaire, car selon Walter Benjamin « Odradek est la forme que prennent les choses oubliées ». Frank Kafka est plus concret qui affirme « Les uns disent que le mot Odradek vient du slave, et c'est pour cette raison qu'ils cherchent à établir la formation du mot. D'autres en revanche croient que ce mot vient de l'allemand, qu'il n'est qu'influencé par le slave. Mais en vérité le caractère incertain des deux explications permet de conclure à juste titre qu'aucune n'est exacte, d'autant plus qu'aucune d'entre elles ne permet de trouver un sens au mot. Naturellement, personne ne se consacrerait à de telles études s'il n'existait pas vraiment un être qui s'appelât Odradek. On dirait d'abord une bobine de fil plate en forme d'étoile, c'est un fait qu'il semble être vraiment couvert de fils, même si en vérité il ne peut s'agir que de bouts de fil de différentes sortes et couleurs, bouts de fil déchirés, anciens, noués ensemble mais aussi entremêlés. Cependant, ce n'est pas qu'une bobine, car du milieu de l'étoile ressort une tige transversale, et à cette tige se joint une autre dans l'angle droit. C'est au moyen de cette dernière tige et de l'une des pointes de l'étoile que l'ensemble se tient debout comme s'il était sur deux jambes ». On l'a dit Olmen est son cousin, tout comme le cousin d'Odradek est Olmen.
Tout cela pour en arriver au « Logbuch des Traumkapitäns » ou « Journal du capitaine des rêves ». Cette vingtaine de poèmes était déjà parue, également traduits par Aimée Bleikasten sous le titre de « Logbuch » (1983, Arfuyen, 48 p.), avec 8 illustrations en noir et blanc. le petit recueil comporte aussi, en plus de ces poèmes, le cycle des poèmes « Krambol », paru dans la revue « Recherches Germaniques », traduit par Andrée Bleikasten « KRAMBOL ou les Petites Madeleines de Hans Arp » 1981, Revue Germanique, Strasbourg, p. 246-258).
Avec ces textes de jeunesse, si l'on peut dire, on peut comparer l'évolution de l'écriture de Hans Arp, avec la réutilisation des phrases ou des idées, en les polissant à chaque fois, c'est un peu aussi sa façon de procéder en sculpture. Il réutilise un même vers dans plusieurs textes ou des versions différentes d'un même texte selon des publications successives.
Il y a en plus sa sempiternelle interrogation « qui suis-je » « Who is who », « Je tu il nous vous ils » dans laquelle il écrit « Qui suis-je ? / Si je suis moi / n'est pas facile à dire ». « Qui suis-je ? » qui revient encore, et toujours. Son interrogation sans cesse dans « Jours effeuillés » et sa réponse « un hideux lambeau / du sabbat sanglant des mères-patries ». Il en appelle à la réconciliation. « Je crois qu'il est plus commode / que Toi et Moi / nous ne fassions qu'Un de nouveau ». Il est indéniable que la guerre a marqué Hans Arp. Plusieurs textes de « Jours Effeuillés » y font allusion. Notamment, en 1933 « La Cigogne enchaînée », sous-titrée « Nouvelle patriotique et alsacienne ». Cela débute fort. « L'Alsace, comme son nom l'indique, est un pays appelé aux plus hautes destinées. C'est le pays le plus propre du monde : il change de chemise tous les trente ans ». C'est alors le brun qui domine.
Un fragment d'écriture manuelle avec signature de Hans Arp ouvre le dernier chapitre « Ewige Traumblumen » ou « Eternelles fleurs de rêve ». On y lit « Orte worte / Welt all worte / tiraden voller / tittel voller / betittle den voller / worte sprung lauf / worte welt all / worte / worte sprung lauf », que Aimée Bleikasten traduit pas « mots de lieux / mots d'univers / course à saute-mots / riche de tirades / riche de titres / riche d'intitulés / univers de mots / mots / course à saute-mots ». L'écriture n'est pas facile à lire. Les mots sont peu ou pas séparés entre eux. Par contre, la signature « Hans Arp » débute par un très joli H dont la barre horizontale est une vague, vague qui termine aussi le p de Arp, ce dernier s'écrivant arp
Ceci dit, ces ouvrages que sont « Jours Effeuillés » « Sable de Lune » et « La Grande Fête sans fin » offrent une grande variété de poèmes, souvenirs et essais de Jean Hans Arp, accessible aux lecteurs francophones. Et c'est une très bonne chose. Si l'on connait relativement bien son oeuvre de plasticien, son oeuvre poétique est encore mal connue, malgré l'admirable « Jours Effeuillés ». Ce qui est paradoxal, car l'artiste a toujours privilégié son travail d'écriture. Si par impossible j'étais obligé de choisir entre l'oeuvre plastique et la poésie écrite, si je devais abandonner, soit la sculpture, soit les poèmes, je choisirais d'écrire des poèmes. Si dans ses derniers textes, il fait preuve d'une plus grande spiritualité, sa poésie reste toute empreinte d'humour. Et comme il aimait à la dire. « L'humour c'est l'eau de l'eau-delà mêlée au vin d'ici-bas ».
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
La belle langue firgel
c‘est s'attarder rêver
penser et fantasmer

dogdpst pst pst runglidodi
glbsti i i glbsti sp nebst trullal
laladamad finf damd ding
bif

ce serait trop aimable à vous
de me traduire
une telle chanson
Commenter  J’apprécie          00

Video de Jean Arp (5) Voir plusAjouter une vidéo

René Char : Lettera amorosa
Dans une pièce de la Cité internationale universitaire de Paris dans le 14ème arrondissement, Olivier BARROT s'entretient avec Marie Claude CHAR, épouse de René Char dont le livre "Lettera amorosa" vient d'être réédité aux éditions Gallimard. Olivier BARROT lit un passage du livre illustré par Jean Arp et Georges Braque.
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (2) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1228 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}