Après mes coups de coeur pour La petite boutique aux poisons et A un souffle du passé, je continue à découvrir peu à peu les parutions de la maison d'éditions Faubourg Marigny avec
le traducteur des lettres d'amour.
Le traducteur des lettres d'amour, c'est Kondo Sensei, professeur dans un collège de Tokyo. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la vie quotidienne au Japon est compliquée; sous occupation américaine, le pays manque de tout, le marché noir est florissant, les Japonais dans le besoin. Alors Kondo arrondit ses fins de mois dans le quartier de Ginza, où il passe ses nuits à traduire les lettres d'amour que les jeunes Japonaises envoient aux GI qu'elles ont rencontrés.
Mais malgré ce titre, Kondo n'est finalement pas le personnage principal de cette histoire. Dans ce roman choral, le rôle central est tenu par Aya et Fumi, deux jeunes étudiantes de la classe de Kondo Sensei. La première a grandi au Canada mais sa famille a dû rentrer au Japon après la guerre; la seconde souhaite retrouver sa soeur disparue, et pour cela, les deux filles décident d'écrire au Général MacArthur, qui gère l'occupation du pays, pour lui demander son aide. Autour d'elles, vont graviter Kondo Sensei, mais aussi Sumiko, la soeur de Fumi, Matt, un GI d'origine japonaise qui traduit les lettres qui arrivent au général, et bien d'autres personnages plus ou moins liés les uns aux autres.
J'ai trouvé ce roman très original dans son traitement de cette part de l'histoire. Je crois que je n'avais jamais lu de roman sur l'Occupation post-guerre mondiale du Japon; grâce à la construction du récit, à ses nombreux personnages qui ont tous des parcours très différents, on découvre un grand nombre de situations particulières, et j'ai vraiment trouvé ça passionnant.
On découvre des Japonais complètement désorientés, placés sous une autorité étrangère qui transforme leur modèle de société à une vitesse vertigineuse; ils ont tout perdu avec la défaite, et sont contraints à des choix difficiles pour survivre. le personnage de Sumiko en est un bon exemple.
Je savais que les ressortissants japonais en Amérique avaient été internés pendant la guerre; j'ignorais que c'était également le cas au Canada et surtout, qu'ils avaient ensuite dû choisir entre partir dans une région plutôt hostile du pays, ou rentrer au Japon. le père d'Aya a fait ce choix et on se rend bien compte que la position de ces "rapatriés" dans ce pays dont les habitants manquent de tout est très compliquée. Mais Aya n'est pas la seule à avoir un parcours difficile: avec les personnages de Matt et de Nancy, on perçoit bien combien la guerre a bouleversé la vie des nippo-américains.
J'ai trouvé très attachants ces personnages qui luttent pour leur survie, pour retrouver une place dans la société, prouver qui ils sont ... Même Fumi, que je trouvais très agaçante au départ, a fini par me toucher. Cette galerie de personnages est le gros point fort du roman.
Si je devais en citer le point faible... je dirais que le roman, à mon goût, a souffert d'un petit manque de rythme au milieu du récit. J'ai trouvé le début très addictif, mais à un moment je me suis quand même un peu ennuyée. Heureusement, mon intérêt pour l'aspect historique, et mon attachement aux personnages, ont compensé ce petit défaut, maintenant mon attention jusqu'à ce que le rythme du récit reprenne.
Cette lecture n'est donc pas un coup de coeur, mais quand même une très bonne découverte. Aucun doute que je vais continuer à me plonger dans les parutions de Faubourg Marigny car le bilan jusqu'à présent est plus que positif.