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EAN : 9782234052284
317 pages
Stock (01/12/1999)
4/5   3 notes
Résumé :
Balayé par l'implacable processus de modernisation qui touche depuis quelques années beaucoup de bourgades chinoises, Renhou, petit village de la grande cité de Xijing (un clone de Xian, la ville natale de l'auteur) tente de résister et de sauvegarder son caractère idyllique et campagnard. Mais les capitaux manquent et les promoteurs immobiliers convoitent les terrains. Certains habitants succomberaient volontiers aux sirènes.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le romancier chinois situe son histoire dans le village imaginaire de Renhou, dans la banlieue de la non moins imaginaire grande ville de Xijing…Imaginaires, mon oeil ! Enfin, disons que cette histoire, c'est celle de milliers de villages, et quartiers pauvres de villes chinoises, détruits et disparus en quelques mois sous le rouleau compresseur de la modernisation effrénée du pays.
Alors que la menace d'engloutissement commence à poindre, les habitants cherchent l'homme providentiel pour prendre les rênes de la bourgade. L'héroïne narratrice, la jeune femme Meimei, attachée à sa vie simple et à son village, prône l'élection comme maire de son vague parent Cheng Yi, revenu avec une greffe de main de femme d'un mystérieux périple de plusieurs mois au Tibet.
Une fois élu, il ne manque pas d'idées pour entraver les velléités des promoteurs immobiliers, soutenus par la municipalité de Xijing qui étend sa trame urbaine aux villages voisins. Dynamique et quelque peu autoritaire, il veut lui-même moderniser, n'hésitant pas lui-même à faire transformer le bâti pour jouer la carte touristique et commerciale (ouverture d'une pharmacie-herboristerie traditionnelle) pour arriver à peser face à Xijing. Dans une ambiance parfois chaotique, il tente de résister, soutenu par Meimei, femme de caractère devenue son adjointe et patronne heureuse de la pharmacie, même si elle ne le comprend pas toujours. C'est que ces villageois ne sont pas faciles à gouverner, souvent querelleurs, commères, jaloux ou intéressés, certains succomberaient volontiers aux sirènes de l'argent. Alors que la situation politico-financiere du village reste précaire, Cheng-Yi disparaît à nouveau pour aller trouver l'argent qui pourrait peut-être encore sauver le village. Quitte à prendre des risques insensés. le prix à payer risque d'être terrible, pour de très minces chances d'échapper aux bulldozers...

Ce livre, à l'instar de nombreux écrivains chinois « provinciaux » (par opposition à Pékin ou Shanghaï), que j'ai pu lire et chroniquer ces derniers mois, offre le même type de caractéristiques : la sensation d'un rythme endiablé du fait d'une très large place laissée à des dialogues pour le moins truculents. On s'amuse indéniablement. L'humour n'est pas toujours très fin, mais le style simple et direct fait mouche pour entretenir l'intérêt. Et puis dans ce roman comme dans ceux du même type, on en apprend beaucoup sur le pays, dans ses transformations profondes intervenues dans les années 1990-2000. Le phénomène de disparition des villages, et de pans énormes du patrimoine bâti parfois précieux de l'ancienne Chine (c'est bien triste), la corruption, la migration des paysans vers les villes, main d'oeuvre vivant souvent dans des conditions difficiles, mais aussi d'une manière plus souriante, et qui m'étonne à chaque fois, des femmes à la langue bien pendue qui ne se laissent pas faire, portant parfois la culotte dans le ménage ! Et puis une simplicité des rapports humains, ça plaisante pas mal, ça s'engueule énormément entre habitants, la communauté est vivante et fort sympathique, car les personnages sont typés (Meize l'amie d'enfance de Meimei, jolie et moderne bimbo, le vieux guérisseur Yunlin et ses potions, et même le chien Abing qui ne cesse de bander...). Tout se passe comme si à l'échelle municipale, la démocratie existait, car ça échange beaucoup ! Bon les représentants du pouvoir ne sont jamais loin pour remettre le maire dans le droit chemin s'il s'écarte trop de la voie officielle, mais cette vitalité est tout de même frappante.

Le récit de Jia Pingwa est plus ficelé, moins décousu et foutraque que certains autres parfois très fougueux mais quelque peu déstructurés. Un bon livre, qui se lit avec plaisir pour mieux appréhender l'essence du caractère chinois, ainsi que les enjeux et tensions générées par les mutations accélérées à l'oeuvre dans la société.

Pour illustrer ce type de situation, à l'échelle de la destruction d'un vieux quartier délabré de Chongqing (pour info ou mémoire, cette ville du centre de la Chine est la plus étendue du monde et affiche 35 millions d'âmes), je vous recommande chaudement le documentaire «Dernier jours à Shibati ». Ce remarquable film d'une heure, du français Hendrick Dusollier, bijou de grâce et d'émotion (dixit Télérama), témoigne avec éloquence des transformations violentes par leur rapidité et leur radicalité, mais aussi de la grande simplicité, de la gentillesse et de la dignité de ces oubliés de la croissance. Pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui, tous les jours et partout en Chine.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
"Chaque matin, distribue à tous les mâles du village un préservatif. Pas de préservatif, pas de relation sexuelle ! Nous ne pouvons certainement pas nous permettre de déroger à la politique gouvernementale de planification des naissances."
C'est à ce moment que Xingben entra.
"Et ta femme ?" rugit Cheng Yi, vert de rage, en tapant du poing sur la table.
Affolé, Xingben se tassa sur lui-même en tremblant.
"Quoi, ma femme ? Depuis hier soir je jouais au mah-jong chez Gao Feng. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Ton emploi du temps, je le connais, inutile de me le répéter, hurla Cheng Yi. Saurais-tu par hasard que ta femme est enceinte ?
- Oui, je sais.
- Pourquoi ne l'as-tu pas fait avorter ? Tu as déjà deux mômes et le troisième arrive ! Tu ne manques pas d'air. Que tu me prennes pour un con, soit, mais la justice d'Etat c'est une autre affaire ! Tu vas t'amuser, crois-moi !
- Mais je n'y suis pour rien, protesta Xingben. Après le premier accouchement, on lui a posé un stérilet, et pourtant elle est de nouveau tombée enceinte. On ne pouvait pas imaginer que les stérilets fournis par l'Etat ne servaient à rien. A l'époque, notre ancien maire qui avait cru que nous avions retiré le stérilet lui avait fait passer une radio. Il a bien vu que nous n'avions pas menti, le stérilet était toujours là. Elle est encore enceinte, mais on ne s'y attendait pas. Sans doute la volonté céleste ! Qu'est-ce que j'y peux, moi ?
- Arrête tes histoires, tu ne m'auras pas ! ricana Cheng Yi. Ecoute-moi, ce matin j'ai précisément emmené ta femme passer une radio. Tu sais aussi bien que moi que son stérilet était accroché à sa ceinture ! Va la chercher ! Elle est à l'hôpital près de la porte sud de la ville !
- On lui a fait un curetage ! s'écria Xingben avant de s'éclipser.
- Hé, reviens ! hurla Cheng Yi. Voici la facture du taxi qui nous a conduits à l'hôpital. Dix yuan, s'il te plaît !"
Ahuri, Xingben se vit contraint de poser sur le bureau un billet de dix yuan.
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Il existait une vaste terre, un pays abandonné, peuplé de pierres nobles et variées, sillonné de cours d'eau limpides. Y poussaient une végétation luxuriante, des fleurs éclatantes. Un éden et une nature idyllique. Un jour, quelques hommes et quelques femmes, d'une intelligence extrême, découvrirent cet endroit. Ils bâtirent une première maison et un âtre d'où s'éleva de la fumée. Pour vivre, ils labourèrent la terre. Puis ils se multiplièrent, les familles s'agrandirent. Ils construisirent de nouvelles maisons, et des chemins pour les relier. Des villages se formèrent ainsi, avec des écoles et des petits commerces. Mais les villages grossirent et se transformèrent en gigantesques métropoles avec leurs tours, leurs banques, leurs organisations politiques et leurs voitures de luxe. La civilisation se développa, mais au détriment de la beauté de la nature. La pollution était née : pollution de l'environnement, pollution intellectuelle, spirituelle. Les hommes durent affronter les turbulences de l'existence moderne, l'insécurité et les épidémies. En songeant au paradis perdu, le dimanche, ils retournaient se promener à la campagne, cultivaient des fleurs dans leur jardin. Les villes se ruinèrent pour construire de somptueux parcs zoologiques ou botaniques. Hélas, un jour, une ultime dispute éclata ; que faire pour arriver à franchir un second pas vers la civilisation ? Personne ne savait répondre, mais impossible d'esquiver la question. C'est alors qu'un génie...
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Je regagnai la ruelle où j'habitais. Assises devant leur porte, les femmes s'affairaient dans le calme, qui à éplucher les légumes, qui à coudre, tout en commentant les derniers potins : la querelle qui avait tourné en pugilat entre Gao Feng et Sanwa ; les jours heureux et la vie douce que coulait la famille Unetelle. Pourtant le couple n'avait que deux filles, pas fichu d'enfanter un mâle, malgré toute sa richesse. On ne pouvait pas tout avoir, la perfection n'existait pas. Et la ribambelle de gamins de la famille Machin-Truc ? Tiens, et la femme de Wei Xiaoxiao, ce n'était pas sa faute, corrigea une autre, mais celle de son mari. On dit que quand un homme, un vrai, va uriner, il a besoin de ses deux mains pour tenir son engin. Eh bien, à lui, le brave garçon, deux doigts suffisaient largement vu qu'il avait une quéquette grosse comme une cigarette ! Sa femme n'avait qu'à recourir à un géniteur, c'était pas compliqué ! Les cancanières laissèrent tomber leurs ouvrages et se mirent à passer en revue ceux qui pourraient faire l'affaire. Celui-là, oui, d'accord ; celui-ci, surtout pas ; éventuellement celui-là, non, en fait, ce n'était pas le parti idéal. L'énumération achevée, elles éclatèrent de rire.
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Cheng Yi avait donc été au Tibet. Pour quelles raisons ? Mystère. Il se refusait à tout récit de son voyage. Les villageois qui adoraient, sans malveillance d'ailleurs, les commérages ne se privaient pas d'émettre toutes sortes de supputations quant à ses aventures. L'endroit privilégié pour commenter ou colporter des ragots n'était autre que les latrines publiques du village. Construites à l'époque où les campagnes devaient prendre pour modèle la commune populaire de Dazhai, elles ne comptaient pas moins de quarante-huit trous. On imagine l'animation des débats ! Les toilettes avaient beau regorger de merde, dégouliner de pisse, les vers y frétiller en colonies et les mouches y voler en escadrilles, les gens prenaient plaisir à venir y polémiquer et palabrer. Dans ce lieu privilégié, on débattait aussi des sujets de plus haute importance, des grandes questions politiques, tant nationales qu'internationales : à savoir si l'Organisation des Nations Unies était un pays ou un bâtiment, si l'ère de Mao Zedong avait été meilleure que celle de Deng Xiaoping, ce qu'il en était du problème de l'indépendance de Taiwan ou de son rattachement au continent par la force armée...Finalement, les villageois accroupis au-dessus de leurs trous, tout en ronchonnant que cette posture était fatigante et qu'il fallait suggérer au Comité du village de prévoir un budget pour l'installation de cuvettes confortables, avaient tiré la conclusion suivante : Cheng Yi était allé au Tibet faire du trafic d'objet anciens et y avait laissé la main. Car, vu l'état de la médecine et des soins dans le reste de la Chine, il n'y avait que là-bas, dans cette région lointaine, qu'on avait pu greffer une main de femme à un homme. Cheng Yi ignorait les trois quarts des racontars qui couraient sur lui. Sitôt le seuil des latrines franchi, les gens se montraient discrets. La seule chose que les villageois se permettaient, histoire de s'amuser et bien que ce ne fût pas dans nos coutumes, c'était de lui serrer cette fameuse main en le saluant. En effet, la main réagissait, affirmait-on, de manière différente selon qu'il s'agissait d'une femme ou d'un homme : elle étreignait avec beaucoup plus d'ardeur celle d'un homme...
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"Vous croyez peut-être que personne ne soupçonne ce que vous manigancez ? Tandis que nous nous échinons à préserver notre village, vous attendez avec impatience qu'il soit rayé de la carte et que, sitôt les vieilles maisons démolies, les neuves poussent comme des champignons après l'averse. Et vous avez la conscience tranquille ?
- Exact, c'est ce que j'espère, tonitrua-t-elle. Quel est l'intérêt de s'obstiner à conserver ces vieilles bicoques en ruine, sans air conditionné, sans eau courante, sant tout-à-l'égoût ? Tu préfères vivre dans ces taudis plutôt que dans des maisons à l'occidentale ? Réponds-moi franchement, tu aimes mieux être une campagnarde ou une citadine ?
- Même si vous habitez à la ville, vous resterez toujours une paysanne.
- Parfaitement ! Mais dès qu'on acquiert un peu de savoir, une fois en ville, on trouve un travail ! Pas vrai ? C'est pas toi qui étudies à longueur de journée qui vas le contredire ?
- J'arrête d'étudier ! déclarai-je. Et puisque vous êtes si maligne, adressez-vous directement au maire !"
Écumante de colère, je rentrai dans la maison.
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