C'est une bd coup de poing ayant pour thème l'immigration. Ce sujet déchaîne véritablement les passions dans notre pays. Cependant, de la rhétorique xénophobe à la réalité des chiffres : on va être plutôt surpris pour peu que l'on raisonne sereinement.
Les chiffres de l'OCDE montrent tout simplement que la France est bonne dernière, et de très loin, dans l'ensemble des pays européens de taille démographique comparable en matière d'entrée d'immigrants. La France stagne, depuis plus dix ans, à quelque 190 000 immigrants qui entrent sur son territoire par an, alors que le Royaume-Uni en accueille plus de 450 000 et que l'Allemagne dépassait, en 2011, les 800 000 immigrants. Même l'Italie et l'Espagne sont beaucoup plus ouvertes que la France. Cela représente en effet chaque année 0,3% de la population française en moyenne, contre 0,6% pour les pays de l'OCDE. C'est également la plus faible proportion d'Europe, rapportée à notre population.
Près d'un immigré sur deux est d'origine européenne. L'immigration d'origine européenne est majoritairement portugaise, britannique, espagnole, italienne ou allemande. Ces cinq pays représentent 57 % des entrées d'immigrés nés en Europe. La France n'est pas la première destination des immigrants en Europe mais la cinquième, derrière le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne.
63 % des immigrés entrés en France en 2012 sont au moins titulaires d'un diplôme de niveau baccalauréat. 40% des immigrés de plus de 16 ans, non étudiants, entrés en France en 2012, déclaraient avoir un emploi l'année de leur arrivée. La France a enregistré 66 265 demandes d'asile en 2013. C'est près de moitié moins que l'Allemagne (126 995). La France est donc loin de ployer sous le poids des demandes et des réfugiés, comme on l'entend trop souvent. En 2013, 95 196 personnes ont acquis la nationalité française.
Par ailleurs, faut-il s'étonner qu'un nombre croissant d'hommes et de femmes aient envie de venir étudier, travailler, investir sur le continent européen ? L'arrivée d'immigrants est un signe évident d'attractivité d'un pays. L'Europe est attractive pour les immigrants, et la France… ne l'est pas. Voilà la triste réalité.
Certains spécialistes ont une vision positive de l'immigration. Ils la jugent indispensable, vertueuse pour l'économie et inscrite dans le sens de l'Histoire. Bref, la réalité des chiffres nous permet de relativiser.
Au lieu d'aborder les questions fondamentales du partage des richesses et de la réduction des inégalités économiques et sociales, l'extrême droite française - désormais rejointe par la droite - préfère surfer sur la haine de l'étranger. En se basant sur des convictions racistes, elles stigmatisent ainsi une population, nommément celle originaire d'Afrique du nord et d'Afrique subsaharienne, et la rendent - à tort - responsable de tous les ravages engendrés par la doctrine ultralibérale. La bd en question nous montre d'ailleurs de nombreux exemples de cette hostilité vis-à-vis de l'étranger.
Ceci dit et il était utile de le dire dans un contexte de haine globale de la population, cette bd se penche sur les conditions effroyables de l'arrivée de ces immigrés en Espagne. Les passeurs n'hésitent pas à les jeter dans la mer. L'actualité récente de ces naufrages en pleine mer nous démontre toute l'horreur de ces situations. Il y a également cette propagande islamiste qui surfe sur cette misère humaine.
Le dessin table sur une bichromie plutôt réussie. J'ai bien aimé certains passages aériens pour nous présenter cette région de l'Espagne remplie par les serres agricoles. Par ailleurs, le scénario est plutôt dense. C'est une bd assez longue par moment et qui s'attarde véritablement sur les personnages pour leur donner une certaine épaisseur. Il y a une dimension réaliste que j'ai bien apprécié.
La fin de cette bd est désespérante, voire très sombre. On ne peut qu'être touché par tant de désarroi. Cela fixe les choses dans un contexte juste. C'est un récit poignant. A découvrir bien entendu.
Commenter  J’apprécie         40
Le sujet est grave, l'immigration africaine (Magreb et Afrique noire) vers l'Europe, et l'Espagne en particulier. le traitement, graphique et scénaristique, l'est aussi.
Le "héros" passe en Espagne à la recherche d'un monde meilleur. Il n'est pas naïf (quand même un petit peu) et il sait que faire fortune en Europe demandera des efforts, mais travailler dur, il est prêt.
Mais rien ne peut le préparer à ce qu'il va affronter. Notamment dans les exploitations agricoles espagnoles qui inondent le marché de fruits et de légumes dopés aux produits chimiques... Pas de protection, salaires de misère, asservissement, manipulation, coercition, papiers saisis...
Il découvre de l'amitié aussi. Une amitié de paumés, de rebuts, de laissés pour compte. Ceux qui n'ont plus que des ombres de rêves pour les soutenir dans l'existence.
Les choses ne s'arrangent pas quand il quitte les serres pour la grande ville. Duplicité, violence, envie, trahisons... on assiste impuissant, autant que lui, à une longue descente aux enfers, et au glissement vers la folie, qui sera sa perte.
À cela vient se greffer la femme restée au pays, à qui il promet d'envoyer de l'argent, qu'il berce (autant que lui-même) d'illusion, alors qu'elle veut qu'il revienne, tout simplement.
De ce voyage, on ne sort pas indemne.
Le traitement de l'histoire est glauque, tant pour le scénario que pour les dessins. Noirs, sombres, parfois difficiles à décrypter tant les ombres et les noirs l'emportent. J'ai été assez refroidi par les dessins et les choix graphiques, à l'exception des dernières planches où la lumière vient éclairer le drame final.
Commenter  J’apprécie         40
Les mains invisibles est une très bonne bande dessinée pleine d’humanité.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Ville Tietäväinen nous fait vivre de l'intérieur le parcours du combattant des immigrés clandestins.
Lire la critique sur le site : Auracan
Les gens qui fuient la terreur, il leur arrive des choses curieuses; Aux uns des cruautés amères et aux autres des choses si belles que leur foi se ranime pour toujours.
Mains froides, coeur chaud.