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EAN : 9782354080075
478 pages
Editions Mnémos (23/05/2007)
3.99/5   67 notes
Résumé :
Fils du baron de Rochronde, le jeune Agone est contraint à la mort de son père de rejoindre le mystérieux collège du Souffre-Jour. Au terme d'une longue quête initiatique qui l'entraînera à travers tout le royaume d'Urguemand, il découvrira l'étrange magie des danseurs. Maspalio, ancien prince-voleur devenu Conjurateur, est engagé pour retrouver un démon Opalin dans la cité décadente d'Abyme. Mais un meurtre est commis et l'enquête se complique. Dans le dédale des ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Parmi les auteurs qui participèrent à l'essor et au renouveau de la fantasy française dans les années 1990, impossible de passer à côté de Mathieu Gaborit. Outre plusieurs ouvrages estampillés « steampunk », qui contribuèrent à populariser le genre en France (« Bohême » ; « Confessions d'un automate mangeur d'opium »), on lui doit également plusieurs romans de fantasy situés dans un même univers, celui des Royaumes Crépusculaires. Parus au milieu des années 1990, ces romans ont depuis peu fait l'objet d'une très belle intégrale éditée chez Mnémos et regroupant la trilogie des « Crépusculaires » ainsi que celle d'« Abyme ». L'occasion pour les non-connaisseurs de l'oeuvre de l'auteur de se familiariser avec ses deux héros les plus emblématiques : Agone de Rochronde et Maspalio d'Abyme.

La première trilogie intitulée « Les Crépusculaires » regroupe « Souffre-jour », « Les danseurs de Lorgol » et « Agone », et met en scène un jeune noble dont le père vient de décéder mais qui refuse d'assurer la succession à la tête de sa baronnie. En dépit des efforts de sa famille pour le dissuader, Agone de Rochronde est en effet bien décidé à intégrer l'école de Préceptorale, une communauté formant des professeurs itinérants chargés d'instruire les populations des campagnes. N'ayant pas renoncé à le faire changer d'avis, son père a toutefois tenu à ajouter une close à son testament et à lui imposer une dernière épreuve : il sera autorisé à rejoindre Préceptorale uniquement après avoir passé une semaine dans une autre école, celle de Souffre-jour, qui forme pour sa part des « éminences grises », hommes de l'ombre manipulant les puissants du royaume. Convaincu de la fermeté de son engagement, le jeune homme accepte. Mais le test va s'avérer bien plus difficile que prévu… Mathieu Gaborit met en scène un univers qui, en dépit de son cadre « médiéval-fantastique » traditionnel, se révèle follement original. le récit baigne dans une atmosphère très sombre, et on comprend tout de suite la pertinence du titre choisi pour qualifier ces royaumes qui servent de décor au récit. Car il règne bel et bien dans ces pages une ambiance crépusculaire qui ne peut que fasciner le lecteur. Même chose en ce qui concerne le bestiaire, puisqu'on a, à priori, affaire à des créatures qu'on retrouve fréquemment en fantasy : lutins, farfadets, fées, ogres… Seulement, là encore, l'auteur parvient à leur donner une complexité et une étrangeté envoûtantes qui feront totalement oublier au lecteur tout ce qu'il pensait savoir sur ces créatures.

L'intensité de l'immersion proposée ici par Mathieu Gaborit ne s'explique toutefois pas seulement par la singularité de son univers, mais aussi et surtout par la beauté de sa plume. Il n'est ainsi guère étonnant de voir l'art occuper une place aussi importante dans le récit, qu'il s'agisse de la musique, de la danse ou de la peinture. Accordés, chorégraphes, danseurs… : autant d'inventions qui enflamment l'imagination du lecteur et participent à enrichir encore un peu plus cet univers dont on comprend vite qu'on n'en cernera de toute façon jamais toute la complexité. le principal reproche que l'on peut faire à cette première trilogie concerne la manière dont l'auteur met en place son intrigue : chaque partie commence de manière assez lente afin de laisser au lecteur le temps de s'imprégner du décor et de comprendre les enjeux, et puis tout s'emballe dans les cinquante dernières pages qui offrent souvent une conclusion bien trop abrupte. Cela n'enlève rien au plaisir que l'on a à suivre les aventures d'Agone, aussi serait-il dommage de bouder son plaisir. Un mot, pour finir, concernant les personnages qui sont à l'image de l'univers dans lequel ils évoluent : ambigus, difficiles à cerner et imprévisibles. Agone est évidemment le plus marquant de tous, moins en raison de sa personnalité que de son évolution spectaculaire entre le premier et le dernier tome. Les autres personnages sont plus en retrait, même si certains parviennent à tirer leur épingle du jeu, à l'image de Pénombre, la rapière douée de conscience qui accompagne notre héros et qui fait naître évidemment quantité de références dans la tête du lecteur. Dommage en revanche que les personnages féminins soient aussi effacés ou cantonnés à des rôles très stéréotypés : la figure maternelle, la séductrice…

La deuxième moitié de l'intégrale se situe dans le même univers mais nous propose de découvrir un nouveau personnage, et surtout un nouveau décor. Cette seconde trilogie regroupe « Aux ombres d'Abyme », « Renaissance » et « La romance du démiurge », trois récits qui mettent en scène le farfadet Maspalio dont l'auteur vient de reprendre les aventures dans une nouvelle série (« Les nouveaux mystères d'Abyme »). Contrairement à la première trilogie qui nous proposait une intrigue de grande ampleur, avec des guerres entre royaume, des batailles ou des intrigues de cours et de mages, l'auteur opte ici pour un récit plus intimiste prenant la forme d'une enquête. Ancien chef de la guilde des voleurs, Maspalio est un farfadet vieillissant qui s'est retiré des affaires et se contente de quelques contrats en tant qu'invocateur. Notre héros va toutefois être contraint de sortir de sa retraite afin de résoudre un mystère qui rend de toute évidence nerveux les Advocatus Diaboli (ceux qui gèrent les contrats passés entre les invocateurs et les créatures qu'ils convoquent) : un démon n'a pas rejoint son invocateur à la fin de sa mission et se terre quelque part dans la cité. L'événement est déjà inquiétant en soi, mais les différents éléments que va soulever Maspalio au cours de son enquête le sont plus encore : le voilà entraîné dans une complexe machination dont il peine à cerner tous les enjeux et les dangers.

Si le rythme de la trilogie précédente pouvait parfois laisser à désirer, on sent ici que l'auteur possède davantage de maîtrise : les temps morts sont rares, les rebondissements bien réglés, et la conclusion amenée de manière moins abrupte. Pour ce qui est du décor, on retrouve toute la noirceur et l'étrangeté qui caractérisaient celui des aventures d'Agone, mais avec une flamboyance supplémentaire qui tient à la personnalité de la ville d'Abyme elle-même. Impossible en effet de ne pas être fasciné par cette cité hors du commun qui condense d'une certaine manière tout ce qui fait l'originalité de l'oeuvre de l'auteur. On y rencontre de nouvelles créatures encore plus déconcertantes que les précédentes (sirènes, méduses, salanistes…), tout en arpentant certains de ses endroits les plus emblématiques : la Grande place et ses auberges mobiles, le palais des Gros, le quartier des guildes… La ballade est d'autant plus captivante que la cité nous est dévoilée par le regard presque énamouré de Maspalio qui, bien que conscient de sa dangerosité et de ses excès, voue à Abyme une adoration sans borne. Si le récit présente autant d'attraits, c'est d'ailleurs aussi en grande partie grâce à ce personnage qui ne pourrait pas être plus différent que celui mis en scène dans « Les Crépusculaire ». A l'inverse du rigide et torturé Agone, Maspalio se distingue par son côté « mauvais garçon » que viennent renforcer un bagou et un culot à toute épreuve. En dépit des moments difficiles qu'il traverse ici, notre héros ne se départit jamais d'un certain panache qui le rend immédiatement sympathique aux yeux du lecteur. Cela se ressent notamment au niveau des dialogues, bien plus enlevés et ciselés que dans la première partie. Les personnages secondaires sont pour leur part toujours aussi en retrait, mais l'auteur parvient tout de même à les rendre plus attachants (même si les femmes sont toujours aux abonnées absentes ou presque).

Idéale pour découvrir la partie la plus réputée de l'oeuvre de Mathieu Gaborit, cette intégrale nous plonge dans un univers fascinant où se mêlent flamboyance et noirceur, beauté et brutalité. Difficile également de résister au charme des deux héros qui se partagent ici l'affiche, chacun représentant une facette différente de ces territoires crépusculaires qui nous sont dépeints avec une inventivité et une poésie remarquables. Un indispensable de la fantasy !
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LORSQUE DANSE LA MAGIE !

Par ces quelques six cent pages serrées, les éditions Mémos nous livrent l'intégrale absolument captivante, rédigée sur une vingtaine d'années, des Royaumes Crépusculaires de Mathieu Gaborit.

Les amateurs du genre et de cet auteur y retrouveront avec un immense plaisir les aventures ébouriffantes d'Agone de Rochronde, fils répudié par son père parce qu'il refuse de choisir la voie - la voix - du sang et de la guerre. De ce qui aurait pu n'être qu'un roman d'apprentissage comme il en existe tant, Mathieu Gaborit en fait une belle fresque épique, voyageuse, magique et même un rien mystique. S'y entremêlent magiciens - des plus macabres aux plus éthérés -, démons, fées, lutins, guerriers sanguinaires, prêtres fanatiques assoiffés de vengeance et musiciens étranges aux pouvoirs extatiques. Cependant, restreindre cette trilogie à ces deux dimensions épiques et pédagogiques serait injuste autant que réducteur car en toile de fond se profile une étonnante réflexion sur la filiation et l'héritage paternel, sur la succession des générations et les ingratitude des unes envers les autres (pas forcément dans le sens immédiatement attendu), sur l'importance de faire son chemin sans être invariablement tenu de suivre les conventions, etc. Preuve, s'il en est, que la littérature dite "de genre" peut bien souvent se lire à plusieurs niveaux et transcender un récit de pure aventure (ce qui explique par ailleurs qu'il nous semble vain d'en dévoiler beaucoup de la trame, au risque de gâcher tout plaisir au futur lecteur).

C'est ainsi que le lecteur pourra découvrir et retrouver l'intégralité de la saga intitulée Les Crépusculaires constituée de trois volets : Souffre-Jour, Les Danseurs de Lorgol et Agone auxquels une postface inédite de l'auteur vient donner une conclusion originale, spirituelle, quasi écologique, mais qui clôt toute possibilité de retrouver le jeune Agone dans quelque développement futur que ce soit.

Que le lecteur ne se trouble pas : après les rugueuses, parfois sombres - sans être jamais totalement noires : l'heure est crépusculaire, non pas nocturne, n'est-ce pas ? - pages consacrées à Agone, à cette terre remuante, emplie de bruits et de fureur, d'Urguemand, à ses barons belliqueux, à la fascinante ville de Lorgol (qui est, pour ainsi dire, l'un des personnages de cette trilogie) et à ses étonnants petits danseurs, source de toute magie, il est temps d'entrer au cœur des mystères fantasques et purement fantaisistes de l'incroyable cité d'Abyme. Baroque, abracadabrante, excentrique, affolante, décadente, rocambolesque, torpide, lumineuse ou monstrueuse : les qualificatifs manquent pour décrire parfaitement la citadelle aux trois cercles, la ville de toutes les ambassades, surmontée d'un immense palais habité par "les Gros" et leur foisonnante assemblée de courtisans, de parasites en tous genres et de serviteurs. On y découvre, surtout, cet incroyable farfadet - que l'on vient de retrouver pour un nouveau cycle nommé La cité exsangue -, Prince voleur à la retraite (à sa seule et impérieuse demande) mais qui va reprendre du service bien malgré lui : le rusé et intrépide Maspalio.

Là, c'est une véritable enquête qui va servir de fil conducteur à ce nouvel avatar des Cités Crépusculaires, une enquête dans les souvenirs du prince retraité, dans les bas-fonds comme dans les lieux les mieux lotis de la ville, une double recherche de vérités pas forcément bonnes à découvrir, à dire encore moins où s'entremêlent démons des abysses, êtres tout droit sortis de l'imagerie populaire du petit peuple mais aussi de la "grande" mythologie (grecque, scandinave, chrétienne) ou tout simplement issus de l'imagination fertile de l'auteur.

Bien que foisonnant, bien que trépidant, et, admettons-le, passant du farfelu le plus échevelé aux truculences les mieux construites, on ne se perd jamais dans les multiples rebondissements que Mathieu Gaborit impose à ses petits personnages de papier. C'est qu'il sait s'y entendre, cet homme, pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes, et le comble, c'est qu'on en redemande ! Car le style est enjoué, agréable, vif, sans effet de manche inutile mais jamais plat, direct et joyeusement imagé, ce cycle se lit avec un plaisir presque enfantin et permet de passer outre les quelques facilités narratives croisées ici où là, les solutions à l'emporte-pièce arrachées à l'ultime seconde, lorsqu'il semblait pourtant que l'histoire risquait d'aboutir à une impasse. On regrettera aussi certaines conclusions un peu trop rapidement réalisées et qui auraient largement résisté à des développements plus amples, plus approfondis... Mais baste ces détails sans réelle importance fondamentale ici : voici un bel objet regroupant ce qui se fait de mieux dans notre langue en matière de littérature populaire - avec tout ce que nous pouvons penser de bien de cette littérature-là, qui peut parfaitement vivre et se déployer avec grâce et poésie à côté d'une littérature supposément plus savante, plus intelligente -, et c'était une sacrément bonne idée que de regrouper l'intégralité de cette épopée (toujours vivante, avec ce très récent opus cité plus haut) imaginaire.

Ajoutons que les amateurs de jeux de rôles s'y trouveront certainement au mieux : Mathieu Gaborit en est un fertile créateur et bien des "solutions" empruntées par les différents personnages pour se sortir du pétrin du moment ou dans l'établissement d'une stratégie, ainsi que certaines de leurs "caractéristiques" personnelles pour le moins marquées semblent bien souvent directement issues de ce monde du jeu, transcendé avec passion et ingéniosité par le créateur. Ouvrage pour soirées calmes au coin du feu ou pour vacances au bord de mer, Les Royaumes Crépusculaires sont un excellent viatique pour s'introduire dans ce monde pléthorique et halluciné de la fantasy. On ne lui fera peut-être qu'un seul véritable reproche : que tout ceci a goût de trop peu et que chacun des royaumes évoqués, nombre des personnages ici secondaires auraient fort bien pu être l'occasion d'une autre saga !
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Après ma lecture du Nom du Vent, mon entrée dans l'univers de Mathieu Gaborit m'a semblé un peu rapide. A peine commencé, voici Souffre-jour terminé !
Si je me suis sentie un peu déphasée avec ce premier récit, c'est principalement pour deux raisons. Tout d'abord, car le séjour d'Agone de Rochronde au Souffre-jour est très bref. J'aurais aimé en savoir plus, mais, du fait de la narration à la première personne, cela aurait signifié une plus grande implication de la part d'Agone, ce qu'il se refuse à faire puisque ce passage au collège lui est imposé. C'est d'ailleurs assez original, me semble-t-il, ce refus du collège de la part du héros. Les autres élèves l'ont attendu et espéré, comme c'est souvent le cas en fantasy (difficile de ne pas penser à Harry Potter ou au Nom du Vent).
Ensuite, ce même héros s'est révélé très passif. Les intrigues se nouent autour de lui et il se contente le plus souvent de suivre le cours des événements sans savoir que ses prétendues décisions personnelles ne sont là que pour faire le jeu de ceux qui le manipulent.

Cet univers de manigance et de pouvoir constitue d'ailleurs la toile de fond de la trilogie : à de multiples reprises, divers personnages pensent en manipuler d'autres sans savoir qu'ils servent eux-mêmes de pantins à plus puissants, plus rusés ou plus clairvoyants qu'eux. Il faut dire que le premier tome prend place dans un collège qui a la particularité de former des éminences grises : le ton est donné.
C'est aussi un univers de magie assez fascinant qui se met en place : les souffre-jours, les Psycholunes, l'accouchement d'une rapière dotée d'une conscience (et d'instincts meurtriers), l'Accord, les fées noires… Tout un vocabulaire qui a capturé mon attention, stimulé mon imagination et régalé mon appétit de fantasy.
Mathieu Gaborit n'explique pas tout et nous laisse découvrir le monde dans lequel il nous plonge au fil des pages. Si généralement, tout finit par s'éclairer, cela donne parfois lieu à des étrangetés comme cette unique et solitaire mention des « Gros » dans Les Crépusculaires. Certes, on en apprend davantage sur eux dans la second trilogie, mais qui ne la lirait pas resterait dans l'expectative jusqu'au bout. Elle est toutefois annonciatrice d'un monde plus vaste et c'est peut-être là sa principale utilité.

Les second et troisième tomes (Les Danseurs de Lorgol et Agone) se poursuivent sur cette même voie. Côté magie, on rencontre les Lutins, les Nains, les Défroqués et surtout les Danseurs, les artisans de la magie, des créatures de mouvement et de grâce manipulées par les mages pour faire naître les enchantements. Une idée originale qui m'a émerveillée… et qui est aussi la source de mes plus puissants dégoûts lorsque l'on rencontrera les Obscurantistes qui ont une façon assez sanglante de traiter avec les Danseurs.
L'intrigue devient de plus en plus complexe et stratégique. Les différents acteurs font leur apparition : le Cryptogramme-magicien, les trois ordres de mages (les Jornistes, les Eclipsistes et les Obscurantistes), les royaumes voisins… Tous ont leurs projets pour l'Urguemand, tous se mentent, se manipulent, se tirent dans les pattes et se trahissent. Complots et ambition sont au programme avec Agone au milieu. Agone qui gagne en maturité, qui apprend et qui devient enfin décisionnaire après avoir longtemps subi. Il faut dire qu'il a à sa disposition des talents lui conférant des avantages certains. Magie, musique et excellence au combat grâce à sa rapière constitue son trio d'atouts… qui semblent parfois trop vite acquis à mon goût. En fort peu de leçons, le voilà qui maîtrise tel ou tel art de manière tout à fait admirable (sauf pour la magie où l'on nous fait bien comprendre que son don n'est pas de taille à affronter d'autres maîtres). Non non non, c'est trop facile !
Finalement, l'histoire est plus creusée stratégiquement qu'humainement parlant. A l'exception d'Agone dont nous partageons les pensées, les autres personnages ne sont pas forcément d'une grande profondeur psychologique, bien que des excursions pendant lesquelles on suit un autre personnage d'Agone (comme Amertine, Lerschwin ou Amrod) permettent d'en savoir un peu plus sur leur intériorité, leurs pensées et leurs plans.
Dans un univers globalement masculin, quelques femmes parviennent toutefois à tirer leurs épingles du jeu et leur présence se révèlent cruciales pour Agone. Il y a Amertine, la fée noire capable de donner vie au métal et à la pierre : Ewelf, sa soeur digne d'une Eowyn, qui dirige la baronnie, tire à l'arc et se bat sans avoir rougir devant un soldat ; et Eyhidiaze, une magicienne de grand talent.

Si la fin est peut-être à l'image du début un peu trop rapide, un peu trop facile dans son dénouement, assez peu surprenante, ça n'en reste pas moins une trilogie qui m'a entraînée dans un monde magique riche et complexe doté d'un aspect stratégique globalement fascinant.

Nous montons ensuite un peu plus au nord pour découvrir la tentaculaire et abracadabrantesque ville d'Abyme. Là, après les mages qui utilisaient une créature pour faire fonctionner leurs pouvoirs, nous rencontrons des conjurateurs qui invoquent quant à eux des démons venus des abysses. Il en existe toute une tripotée – Opalins, Incarnat, Azurins, Vermillons, Obsidiens… – plus ou moins puissants, plus ou moins exigeants, chaque invocation donnant lieu à un contrat auprès d'un Advocatus Diaboli définissant la mission du démon et le paiement promis par le conjurateur.
Dans cette histoire, l'intrigue est plus resserrée autour de notre héros et une machination complexe contre Maspalio se met lentement en place. Qui ? Pourquoi ? Comment ? Autant de questions sans réponses. L'univers fascine, les mystères s'épaississent, et nous sommes sans tarder happé·es par ce roman.
Maspalio est un personnage charmant, même s'il est le seul dans ce cas-là. Encore une fois, il est le seul que l'on apprend à connaître suffisamment bien pour qu'il puisse y avoir un quelconque attachement. Ancien Prince-voleur aux désirs parfois contradictoires – retraite vs plaisir des défis – il nous fait visiter sa ville dont il connaît tous les recoins. Les palais, les canaux, les souterrains, les rades, les différents visages de la ville se dessinent peu à peu. Les noms de rues et de lieux sont évocateurs et porteurs en eux-mêmes de toute une histoire parallèles. Il nous permet également de rencontrer tout un bestiaire mythologique : après les nains et les lutins d'Agone, voici des sirènes, satyres, méduses et autres minotaures.

Toutefois, tout au long de ma lecture et encore après, maintenant que je l'ai finie depuis quelques semaines, je ne parviens pas à me défaire de cette sensation de trop peu. J'aurais souhaité davantage d'épaisseurs, davantage de détails. Tant sur le monde que sur les personnages. Mathieu Gaborit a pourtant créé des personnages prégnants qui fascinent ou rebutent, c'est selon, comme les Lithurges ou les Gros, sauf que. Sauf que voilà, on ne les côtoie pas assez, on n'en sait pas suffisamment à mon goût. Certes, ils contribuent à donner de l'ampleur à l'univers créé, mais ça ne suffit pas à me rassasier et j'ai encore des questions en tête, une grande soif de détails.
De même pour les personnages. Une simple description ne suffit pas à leur donner corps. Je pense par exemple aux compagnons de Maspalio : à l'exception d'un voire deux d'entre eux, je les ai immédiatement mélangés et oubliés. Et lorsqu'un personnage est bien campé, la description physique est tout à fait accessoire. Pour résumer, je préfère qu'on me raconte qui il est intérieurement que à quoi il ressemble, chose qui m'importe peu.
J'avais déjà fait ce reproche au tome 1 des Nouveaux mystères d'Abyme, mais je les avais mis sur le compte du fait qu'il ne s'agissait justement que d'un premier tome. Il semblerait que ce ne soit pas lié finalement.

C'était vraiment une très bonne lecture, je me suis régalée, je ne peux pas dire le contraire. L'intrigue est efficace et, allant doit au but, nous pousse à tourner les pages à toute allure. L'univers imaginé par Mathieu Gaborit est vraiment riche et captivant. Il en ressort des idées assez originales – les Danseurs artisans de la magie, le Souffre-jour, collège atypique, les chasseurs de feux follets, le « code couleur » démoniaque, les Salanistres, etc. – et des ambiances fortes – sombres et délétères dans Agone, magiques et excentriques dans Abyme. Au fil des pages, il a généré chez moi de très belles images tandis que, soulignant cette imagination foisonnante, la plume de l'auteur s'est révélée agréable et soignée.
Cependant, on ne se refait pas, j'aurais aimé quelque chose de plus bavard : plus de détails, de précisions, d'anecdotes presque insignifiantes pour l'histoire. Je disais que le Nom du Vent n'était pas un livre qui explicitait tout, celui-là l'est encore moins. Six livres en cinq cents pages, l'on n'a pas le temps de se perdre dans des digressions pour tout décortiquer, débrouillez-vous un peu, faites travailler votre imagination.
Un peu mitigée donc, même si je lirai la suite des Nouveaux mystères d'Abyme si elle sort un jour parce que j'ai bien envie d'avoir le fin mot de l'histoire.
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Connaissant déjà Matthieu Gaborit pour avoir adoré son recueil de nouvelles D'une rive à l'autre, je me suis plongée dans Les Crépusculaires avec délectation.

Le début m'a beaucoup plu. Tout était prenant : la découverte des personnages, les luttes de pouvoir à l'intérieur de la famille Rochronde, les blocages psychologiques d'Agone – que s'est-il passé dans son enfance pour qu'il refuse de voir son père ? Pourquoi embrasse-t-il avec autant de conviction la cause de Préceptorale ?
Et puis Agone est envoyé au célèbre collège Souffre-Jour sur ordre testamentaire de son père. Six jours. Six jours seulement, ensuite il aura le droit de choisir sa voie. La tournure des événements m'a un peu moins enthousiasmée à partir de là, mais c'est contrebalancé par l'incroyable imagination de l'auteur.

Voilà pour la première partie ! Suite à certains événements, Agone sera contraint de quitter le collège et de retourner à Lorgol – la ville qui lui a causé tant de traumatismes. Là-bas, il y apprendra la magie, perfectionnera sa maîtrise de l'Accord et s'évertuera à déjouer un complot. Mais désormais connu comme le loup blanc, de nombreuses personnes sont à sa recherche : certains pour l'aider, d'autres pour le tuer.
Suite aux événements du premier tome, il est accompagné d'une rapière consciente, Pénombre, ainsi que de celle qui lui a donné la vie, la vieille fée noire Amertine, et même d'un Danseur.

J'ai déjà utilisé trois mots dont vous ne connaissez pas le sens : Danseur, Accord et fée noire.


Cette saga est donc dotée de bien des qualités.
Mais aussi de quelques défauts.
Ce que je lui reproche le plus, c'est de n'avoir pu m'identifier à Agone. Il a trop de prédispositions : au Souffre-Jour, aux combats, aux Danseurs… Il est la personne idéale pour bien trop de gens : Lerschwin, les professeurs du Souffre-Jour, Diurne, etc. Par ailleurs, je n'ai pas spécialement ressenti de compassion quand on nous dévoilait petit à petit son enfance. J'avais même plusieurs fois envie de dire : « Et c'est tout ? » Ça me paraissait un peu léger pour un tel traumatisme.



Et puis, j'ai apprécié les relations entre les différents personnages. le lien qui unit Agone et Amertine est fusionnel, presque sensuel, et pourtant définitivement familial. Orchal, l'Obscurantiste, est un être complexe et étrange. Au début antipathique, on finit par se laisser convaincre. Il ne cesse jamais d'être un odieux connard, mais on l'aime bien malgré cela et c'est ce qui en fait un personnage réussi. Agone et lui sont sans cesse sur la défensive, l'un voulant prendre le pas sur l'autre. Ce sont des rivaux, mais des rivaux qui apprennent à se respecter.

Une bonne saga, bien qu'imparfaite. La fin est arrivée très vite et l'épilogue m'a laissée quelque peu dubitative, le personnage principal et quelques longueurs dans le texte m'ont ennuyée, mais finalement j'ai passé un bon moment. Il y a une grande richesse d'imagination, un univers qu'il est agréable de découvrir.
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Parmi les lecteurs de Fantasy ou de Science-Fiction, genres où les cycles à rallonge ont pignon sur étagères ou sur présentoirs, il y a principalement deux écoles dans lesquelles vous trouverez:

* ceux qui lisent les préquelles ou les nouvelles se situant dans l'univers d'un cycle pour se donner une idée avant de tenter le grand plongeon. Ceux là sont plutôt rares : bien souvent la parution de tels volumes s'effectue une fois que la série a connu un certain succès, ce qui suppose un nombre déjà important de titres.

* ceux qui lisent les tomes au fur et à mesure de leur parution, quitte à relire le ou les volumes précédents pour chacune d'entre elles, histoire de tout se remettre en tête.

* ceux qui attendent qu'un cycle soit terminé pour entamer sa lecture tout en ayant conscience qu'on n'est jamais à l'abri d'un phénomène de lassitude en cours de route ou de la parution post-mortem d'un manuscrit oublié au fond d'un tiroir et miraculeusement retrouvé.

Je fais pour ma part partie de la dernière catégorie, tout en ayant pratiqué la deuxième pendant un certain temps. Après tout, avec une intégrale, on est en droit de se dire que l'histoire est terminée, que l'on aura son début, son milieu, sa fin, et point barre. Quoique je dis ça, je dis ça, et le dernier tome du Trône de Fer de George R.R. Martin n'est toujours pas paru en langue originale tandis que les premiers tomes de son intégrale sont déjà sortis. Mais peut-être faut-il y voir là le signe de l'exception qui confirme la règle...

Enfin bref, quand est enfin venue l'heure de réunir l'ensemble des oeuvres de Mathieu Gaborit gravitant autour des Royaumes crépusculaires, j'ai été plutôt enthousiaste. de cet auteur, je n'avais lu que les [réussies] Confessions d'un automate mangeur d'opium, écrites conjointement avec Fabrice Colin. Avec cette intégrale, c'était donc pour moi l'occasion de découvrir un univers dont je ne savais rien, sinon qu'il avait déjà rencontré un succès certain lors de ses premières éditions.

Seulement, je n'ai pas été emporté aussi loin que ce que j'aurais pu imaginer de prime abord même si le début était plus que prometteur. le père d'Agone vient de mourir. A cette occasion, le jeune homme revient à la baronnie de Rochronde où l'accueil qui lui est réservé est à la hauteur de ses attentes : glacial. Agone avait depuis longtemps signifié sa volonté de ne jamais succéder à son père. Il avait préféré rejoindre la fraternité de Préceptorale, devenir itinérant et enseigner la lecture et l'écriture dans les campagnes. Autrement dit, il avait choisi la voie diamétralement opposée à celle que son père lui destinait. Cependant, en guise de testament, aux allures de dernière volonté, ce dernier l'enjoint de rejoindre le collège de Souffre-jour. Au bout de six journées d'enseignement, Agone sera libre de choisir entre la baronie ou Préceptorale, sans que personne ne puisse revenir sur sa décision.

Les Royaumes crépusculaires est un ouvrage original par bien des aspects. Mathieu Gaborit est parvenu à créer un univers à part entière, à la fois fouillé et intrigant. Malheureusement, je n'ai pas été transporté. Ce n'est pas ce monde si particulier et si riche qui m'a rebuté mais bien le style de l'auteur que j'ai trouvé trop descriptif, trop chargé. A tel point que j'ai eu l'impression de ne jamais vraiment avancer dans ma lecture, comme si chaque action était par trop décomposée et, paradoxalement, empêchait mon cerveau de générer des images précises, celles que cet univers méritait sans doute et que d'autres ont par ailleurs su puiser. de même, je n'ai pas été sensible à la psychologie d'Agone, tantôt très maître de lui, tantôt d'une naïveté désarmante, ce qui lui a fait perdre de la crédibilité à mes yeux. Certes un personnage n'a pas à être trop tranché, mais quand sa psychologie est à ce point si disparate, cela a tout de même de quoi décontenancer.

Néanmoins, ne lisez ici qu'un avis de lecteur rencontrant en général bien des difficultés avec la Fantasy. Je suis sûr que les Royaumes crépusculaires trouveront un lectorat bien plus... éclairé ?
Lien : http://bibliomanu.blogspot.com
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
- J'ai le courage de douter de moi.
- Vous manquez d'orgueil.
- Vous tenez le même discours que mon père.
- Il vous obsède. Quel merveilleux bouc émissaire, n'est-ce pas ? Mais vous l'accusez à votre place, vous le reniez parce qu'il a eu le malheur de voir clair dans votre cœur. Vous vouliez mettre un visage sur votre culpabilité, sur ce dégoût de vous-même. Au lieu de vous battre pour admettre la vérité, vous avez inventé un père qui puisse cristalliser votre lâcheté.
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Je m'engage dans un lacis de ruelles dont la pente s'accentue à chaque carrefour. L'odeur devient presque irrespirable. Je suis obligé de ménager mon souffle avec soin. À l'heure qu'il est, la nourriture périmée ne va pas tarder à pleuvoir du toit des greniers disséminés dans le quartier. Elle nourrira les sans-logis, des silhouettes qui peinent sous le poids de leurs grands chapeaux de paille destinés à recueillir fruits et légumes avariés qui tomberont du ciel. Leurs yeux sont déjà morts et les miens se détournent.
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Une proie, une victime.
Acculée, les mains meurtries à force de vouloir escalader le mur qui clôt l'impasse. Je revois ma main, les phalanges qui blanchissent, je me souviens de l'excitation mais aussi de l'angoisse qui bouillonnent dans mes veines. Je n'obéis qu'à une seule idée : séduire, le séduire lui, ce père tutélaire, pour qu'enfin il consente à me laisser en paix.
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J’observe avec curiosité l’étrange balance posée sur la table. Sur l’une des coupelles brillent de petites pierres aux reflets irisés. Le mage a surpris mon regard et dit :
– Ce sont ses lectures.
– Ses lectures ?
– Des mots volés à ceux qui nous entourent, fait-il en montrant la perspective vertigineuse de la bibliothèque. Des écrivains, des poètes, des troubadours.
– Tâche d’être plus explicite, grimacé-je.
– Ma voix réveille ces histoires, intervient l’Opalin. Ces perles, devant toi, sont des passages qui m’ont marqué, qui m’ont ému. Une ligne, un paragraphe, une strophe, qu’importe. La magie les façonne comme un bijoutier. Lorsque la coupelle sera pleine, le philtre contiendra mes émotions, mon cœur.
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Les arbres, les fleurs, les saisons et les tempêtes dessineront les contours de leurs enchantements et briseront leurs chaînes.
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Vidéo de Mathieu Gaborit
À l'occasion de la sortie du tome 2 de la Cité exsangue et de notre mois d'avril entièrement dédié son auteur, Mathieu Gaborit a répondu à nos questions dans ce nouvel épisode à découvrir dès maintenant.
*** En librairie le 15 avril 2022 : Les Royaume Crépusculaires (Intégrale) La Cité exsangue, tome 2 : Flamboyance Bohème (Hélios poche)
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