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EAN : 9791031203690
144 pages
Editions Ateliers Henry Dougier (07/06/2018)
4.58/5   6 notes
Résumé :
Prenez une carte du monde. Repérez la Méditerranée et essayez d'en tracer le centre. La Sicile est le nombril de cette mer-carrefour, centre historique de la planète. A la croisée des mondes, colonisés depuis plus de 3 000 ans, les Siciliens oscillent entre rationalisme occidental et tentations du désert. Parmi ceux que l'on rencontrera : Rosa Cassata est présidente d'un mouvement indépendantiste sicilien ; Salvatore Lupo est l'auteur d'une monumentale Histoire de l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je voudrais remercier Babelio (avec sa Masse Critique) et les Editions Ateliers Henry Dougier pour m'avoir permis de lire « Les Siciliens, Lignes de vie d'un peuple ».

Giovanni Privitera est un Sicilien ayant « émigré » à Marseille. Cette ville, que beaucoup comparent à une ville du Sud de l'Italie (en pointant très souvent les points négatifs). Il enseigne à Science Po, Aix-en-Provence.
Dans son livre, « Les Siciliens, Lignes de vie d'un peuple », il démonte en cinq grands chapitres, notamment, ces idées reçues qui ont la dent longue sur cette île. Il nous montre que la Sicile, avec un passé de 3 000 ans, a beaucoup changé durant les dernières années.
« Il est indéniable que, depuis l'unification italienne, nos conditions de vie générales ont largement progressé. » (page 18).
Il a pris le parti d'aller à la rencontre de ceux qui vivent et « font » la Sicile. Pour cela, il a privilégié de grands entretiens et des « histoires fortes ». Il a choisi, entre autres, des Siciliens comme : Rosa Cassata, présidente d'un mouvement indépendantiste sicilien « Sicilia Libera » ; Salvatore Lupo, auteur d'un livre monumental « Histoire de la mafia » ; « Pascale », le gamin du film Respiro ; U Zi' Peppe, habitant de Lampedusa.

Cinq grands chapitres donc :

Chapitre 1 : Un continent en miniature

La Sicile, la plus grande des cinq régions autonomes Italiennes, a eu l'apport de différentes cultures. Elle a été envahie par des peuples très différents les uns les autres. Il en résulte un brassage étonnant.

« Quand, au VIIIe siècle avant notre ère, les premières embarcations grecques arrivèrent en Sicile pour la coloniser, les Sicules, les Sicanes et les Elymes peuplaient la région. Ce sont là les traces les plus anciennes laissées par les populations qui ont précédé les Grecs sur l'île… Conjointement à la colonisation hellénique (essentiellement localisée dans la partie centre-orientale du territoire…), les Phéniciens fondèrent l'actuelle Palerme… et occupèrent la partie occidentale de la Sicile. C'est ici, au IIIe siècle avant J.-C., qu'éclata la première guerre punique, entre Rome et Carthage. Les Romains conquirent progressivement toute l'île qui devint ainsi la première des provinces romaines…. Après la chute de l'Empire romain, les Byzantins restèrent près de 250 ans avant que les Arabes, au début du IXe siècle, ne prennent possession de ce qui deviendra l'émirat de Sicile…. Sous domination islamique, Palerme devint la capitale et seule une minorité de la population se convertit à l'islam. Selon les historiens, ce fut une période de prospérité, aussi bien du point de vue économique que du point de vue culturel. Et bien que la conquête normande de la Sicile à la fin du XIe siècle coïncidât avec la période des croisades…, le nouvel Etat normand conserva de nombreux éléments de l'organisation islamique…. A la fin du XIIIe siècle, les Angevins occupèrent la Sicile pendant seize petites années, jusqu'en 1282 quand ils furent renversés par une révolte populaire… Les Aragonais profitèrent de ce soulèvement pour appuyer le peuple contre Charles d'Anjou et ils lui succédèrent jusqu'au début du XVIe siècle… Avec l'arrivée des troupes de Charles Quint, ce fut l'époque de la Sicile espagnole pendant deux siècles. Et, en 1734, après la brève succession des pouvoirs piémontais et autrichiens, les Bourbons s'emparèrent de la Sicile jusqu'à l'unité italienne, l'expédition des Mille menée en 1860 par le général Giuseppe Garibaldi et l'annexion de la Sicile au tout nouveau royaume d'Italie. » (pages 20 et 21).

Ceci a créé un métissage à tous les niveaux : culinaire, architectural, linguistique… Il existe aussi un fossé économique, culturel, social entre le Nord et le Sud. Mais toutes ces influences ont bien été assimilées et elles font partie intégrante de la culture et de l'identité siciliennes.

Chapitre 2 : Confusion d'identité

Chez certains Siciliens, il existe cette idée de nation sicilienne et d'indépendance. Cette indépendance serait la solution pour éviter l'extinction de la sicilianité. Il n'est pas un doux rêve. La Sicile est une île très riche : en matière d'énergies, de production agroalimentaire, de faune, de flore, du pétrole en abondance. Les siciliens pourraient être autosuffisants dans bien des domaines.
Les indépendantistes réclament des écoles bilingues. Ils veulent un enseignement général en sicilien, tout en gardant l'italien comme première langue étrangère.

Chapitre 3 : Théâtralité sicilienne

Cette théâtralité se retrouve dans les meetings politiques, à la messe, les matchs de football, dans la procession pendant la semaine sainte…

« ….tout ici acquiert une dimension théâtrale. La théâtralité sicilienne est l'un des principaux facteurs de la « sicilitude »… Elle fait partie de la condition du Sicilien….c'est dans leur ADN. » (page 66).
« Chez nous, tout est mis en scène. Même la mort…. Nous avons également une tradition de pleureuses professionnelles aux enterrements. » (page 67).

Chapitre 4 : La mafia, excroissance perverse d'une mentalité ?

Dans l'imaginaire collectif international, la Sicile et la mafia ne font qu'un. Mais ceci est un stéréotype, une exagération. Surtout qu'historiquement, la mafia ne caractérise qu'une partie de l'île, la Sicile occidentale. Par exemple, le cinéma a été un bon vecteur de ce stéréotype.

Pourtant une certaine mafia sicilienne, Cosa Nostra, existe bien. Les batailles livrées par les magistrats, depuis les années 70, se sont conclues par une victoire. Celles-ci ont été menées par le célèbre pool antimafia dont faisaient partie les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. Ceux-ci en ont payé de leurs vies, victimes d'attentats les visant expressément.
Dans l'histoire de l'Italie de ces vingt dernières années, cette victoire est l'un des succès majeurs.

« Cependant, quand j'affirme que la mafia a été vaincue en Sicile, cela ne signifie aucunement que nous vivons dans le monde du bien, de la moralité et de la justice. Je veux simplement dire que cette bataille a été gagnée. Mais la guerre ne se gagne jamais, puisque personne ne sait ce qu'il adviendra dans le futur. Et, si « mafia » est une façon de dire « actes criminels », « corruption politique », etc…, alors nous n'avons rien gagné du tout. Par contre, si nous prenons le terme dans son acceptation la plus stricte, nous pouvons affirmer que la mafia a été vaincue en Sicile. » (pages 86 et 87).

Chapitre 5 : Rêve américain, rêve européen

L'émigration sicilienne a été un flux ininterrompu vers l'étranger et vers le Nord de l'Italie, depuis un siècle et demi.
Les principaux pays de destinations étaient, alors, les Etats-Unis d'Amérique, l'Argentine, la France, la Suisse. Puis il y a eu la Première Guerre mondiale et la montée du fascisme. Les Siciliens se sont réfugiés en Tunisie, en Libye ou au Maroc.
La misère et l'absence de travail a, aussi, poussé la population à partir. Ils ont émigré aux Etats-Unis encore, la Belgique, l'Australie.

Ceux-ci faisaient des économies et envoyaient ce qu'ils pouvaient à la famille restée au pays. Cette émigration a été bénéfique à la Sicile d'alors et par ricochet à celle d'aujourd'hui. Ces familles se servaient de l'argent d'abord pour se nourrir, puis pour acheter des terres, pour construire, ensuite, leur propre maison ; afin de s'émanciper des grands propriétaires terriens.

Surtout les Italo-Américains, en rentrant au pays, ont apporté de la modernité dans la façon d'envisager l'agriculture. L'identité italienne s'est renforcée, une sorte de sentiment d'appartenance nationale.
L'aspect négatif, aujourd'hui, est la « fuite des cerveaux ». Les jeunes sur-diplômés ne trouvent pas de travail. Mais, ceux-ci partent définitivement et ne feront pas comme leurs aînés. Et puis, la Sicile souffre d'une crise démographique sans précédent. La Sicile est une des régions d'Europe ayant un taux de fécondité le plus bas.

Une île très proche des ports tunisiens et libyens, Lampedusa, est devenue le rêve européen pour tous les migrants qui aujourd'hui fuient l'Afrique et ses régimes dictatoriaux. Ceux-ci trouvent, pour un temps, une terre accueillante. Ce n'est pas sans risque pour eux : passeurs véreux, noyades, morts…. Mais rien ne pourra les arrêter. Symboliquement, la Sicile leur rend ce que ses habitants ont tant cherché ailleurs.

Giovanni Privitera, dans son livre « Les Siciliens, Lignes de vie d'un peuple » est arrivé à nous présenter la Sicile, avec une culture encore authentiquement populaire. Il s'est attardé sur les spécificités du peuple sicilien…. Car méfions-nous des standardisations, de l'universalité, de l'ethnocentrisme.

« Voyager, décaler la perception, dépayser notre regard, désorienter les certitudes. » (page 131).
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L'identité Sicilienne... son histoire, son actualité, son ressenti auprès des Siciliens d'ici et d'ailleurs, un thème qui résonne tout particulièrement après ce voyage où nous avons pu sentir bien des contrastes avec l'Italie "continentale", mais aussi d'une région à l'autre de la Sicile, tantôt tournée vers l'Afrique, tantôt vers l'Europe.

En interrogeant plusieurs Siciliens, l'auteur dresse un portrait complexe des habitants de l'île, loin des clichés et loin de la vision carte postale ou tristement déformée par l'actualité.

On ne peut bien sûr pas ne pas parler de la Mafia, ni des différentes migrations de l'histoire, mais il est aussi question de cuisine, de musique, de langue, de sport... tout ce qui peut construire une identité et comment elle évolue chez les Siciliens partis en Belgique ou à Paris et qui portent désormais un autre regard sur leurs origines et les coutumes de leurs ancêtres.

J'ai appris également des choses que j'ignorais sur l'île, comme l'existence d'une importante communauté Arbëresh en particulier dans le village de Piana degli Albanesi. L'interview de Madame le Maire et des habitants de Lampedusa est un passage particulièrement intéressant.

Un seul reproche à ce livre ? Trop court! J'aurais aimé creuser d'avantage certains thèmes tant ils sont nombreux à être abordés en si peu de pages, le tout de façon très claire et très accessible. C'est en tout cas un ouvrage à conseiller largement!
Lien : https://lecture-spectacle.bl..
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À la croisée de la sociologie, du livre d'histoire et du routard! Traditions, culture, us et coutumes. L'actualité de ce peuple à l'aune de son Histoire raconté avec finesse et sensibilité. Les clichés sont pris à contre-pied; les thèmes sont variés: de l'émigration et des diasporas siciliennes dans le monde à l'immigration et aux enquêtes de terrain à Lampedusa; de l'idée qu'on se fait de la mafia à la réalité; les influences multiples dont a hérité la Sicile, île à la croisée des mondes! La question méridionale, le clivage nord sud et en même temps le profond attachement à l'Italie; la culture foot de ce peuple, les croyances ancestrales... Bref, lisez-le!!
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Militairement, Cosa Nostra a été battue, mais il reste la mentalité et la mentalité ne se combat pas avec des carabiniers et des juges antimafia, mais avec l'éducation et un véritable Etat qui fonctionne.
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La mafia n'est pas un cancer arrivé par hasard en Sicile. Elle est une excroissance perverse et violente de la mentalité d'une population. La preuve est que l'organisation criminelle a été plus ou moins vaincue, mais l'esprit mafieux perdure. Et j'ajoute : il est justifié ! C'est une réaction à l'absence de l'Etat. Quand tu n'as pas le soutien de la famille, du clan ou de je ne sais quoi, comment vis-tu dans une société où tout fonctionne sur la base de ces appuis ? La mafia est une espèce de superstructure qui résume une logique de fonctionnement qui est générale.
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Le loup-garou est une figure légendaire dans une multitude de pays. Mais dans l'imaginaire collectif sicilien, le lupunaru est ici perçue comme une maladie, un délire à la croisée du réel et du fantastique. Partout, fables, romans et films de tous genres et de toutes origines s'accordent sur les modalités de contamination : on se transforme que si l'on a été mordu par un loup-garou. En Sicile, la malédiction du lupunaru touche les hommes conçus pendant la nouvelle lune, ou la nuit de San Giovanni, mais également ceux qui s'endorment le visage tourné vers la lune.
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L'amour des Siciliens pour le football n'a pas d'égal. Ici, les supporters sont appelés tifusi, mot qui signifie littéralement "malades du typhus". Car les symptômes de cette maladie contagieuse, une fièvre intense et une agitation nerveuse, sont bel et bien à leur paroxysme lorsque joue l'équipe nationale italienne. Il suffit de voir comment Palerme s'embrase après chaque victoire de la Nazionale. Et si le football est un bon baromètre des passions populaires, il est clair que les Siciliens ne sont en rien indépendantistes.
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Ce qui est moins probable, c'est de trahir son équipe de football. Un supporter de la Juventus ne portera jamais de grenat ou de violet, les couleurs des ennemis de toujours, le Torino et la Fiorentina. Bon, généralement, en Sicile on s'adapte. On peut changer d'orientation politique, de travail, d'amis, de femme ou de mari. Mais le football est l'exception qui confirme la règle : une équipe c'est pour la vie !
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Vidéo de Giovanni Privitera
Safi Mohammad a traversé près d'un quart du globe. Soixante-dix jours passés à marcher, dans des bus ou dans la benne d'un pick-up, qui vont marquer sa vie et le changer à tout jamais. de Kaboul à Marseille en passant par Téhéran, Istanbul, Sofia, Belgrade, Vienne, Milan, Nice, ce jeune Afghan a parcouru près de 10 000 km, sans le choisir. Sur son chemin, il rencontre Giovanni Privitera, enseignant et bénévole au centre d'accueil pour demandeurs d'asile de Saint-Charles à Marseille. Les deux hommes se lient d'amitié. Ensemble, ils décident de faire de son histoire un livre. Ils retracent son périple, les raisons de son départ, les villes traversées, les paysages découverts, les passeurs et les compagnons de route rencontrés, la demande d'asile, sa nouvelle vie sur ce territoire inconnu, loin des siens. Un voyage à la fois dramatique et terriblement banal, peut-être aussi extrêmement formateur. Une immersion authentique dans l'univers d'un migrant ordinaire, dans les méandres de l'exil et de l'impossible retour en arrière.
Plus d'infos : http://ateliershenrydougier.com/exil_jeune_afghan2.html
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