J'ai connu
Mariana Valéan il y a quelques mois déjà, grâce à nos racines communes. Comme moi, elle est née en Roumanie et très attachée encore à sa langue maternelle, le roumain. À noter aussitôt qu'ici, le tout est traduit également en roumain, par
Amalia Achard.
C'est
Didier Manyach, dans sa préface (p. 5), qui décrit le mieux ce livre (à la fois album d'art et recueil de poésie) : « Ce corpus est une suite de poèmes dont l'émotion est le témoignage. Chaque jour Mariana met en mots, d'une langue à l'autre, sa quête intime devant ce qui la questionne et ne peut répondre : la peinture, sa soeur affamée, avec qui elle communique ».
En effet, elle traduit en paroles un ressenti surgit de l'admiration d'oeuvres, reproduites ici (sur la page de droite) de Roger Come Esteve, Michel Fourquet, Odile Marot, Gilles Orly, André Robèr, Jaume Saïs. En fin d'album, des courtes fiches biographiques présentent ces artistes.
Mariana conçoit sa création comme en perpétuelle mouvance, elle façonne et fait briller ses poèmes jusqu'à obtenir un résultat qui la contente. Voici un exemple (un de mes poèmes préférés). Une toile d'Odile Marot lui inspire ceci :
« Sur la scène de la vie, parfois le violon tremble, l'archet se débat dans les notes et le bois vibre sous les cordes.
La passion monte au paroxysme, et quand la partition devient histoire fortissimo, un trémolo efface les doutes.
C'est élan et regret, errance et découverte, vie et mort.
Le poème chanté coule vers un murmure de tendresse, une étreinte secrète entre un homme et son instrument.
Le violon gémit, crie, appelle et rejette.
Et comme dans la vie, la musique enfante le miracle de l'éveil sur une corde et dans une étincelle d'amour. »
Elle modifie et réécrit pour au final publier (cf. p. 48) la version suivante :
« La vie est parfois un violon qui frissonne
archet tendu vers les notes
et bois vibrant sous les cordes
quand sa musique a la couleur d'un arc-en-ciel
passion poussée jusqu'au paroxysme
et quand la partition devient forte histoire
un vibrato essuie les doutes.
C'est élan et le regret, l'errance et la découverte, la vie et la mort.
La vie se transforme alors en un poème sans mots
juste un murmure de tendresse,
dans l'étreinte secrète entre l'homme et son instrument.
Le violon gémit, crie, appelle et rejette.
Alors, comme dans la vie, sa musique naît,
miracle de l'éveil sur une corde
dans une étincelle d'amour. »
En refermant ce livre qui est aussi un très bel objet je me souviens de
Charles Baudelaire « Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau », car la poésie de Mariana est fraîche, très musicale (cf. le titre), « nouvelle » et savoureuse. Un arc-en-ciel (mot qui revient souvent dans ces vers) d'émotions.
J'ai énormément aimé les photos de Jaume Saïs, qui sous une apparente simplicité dévoilent toute une narration poétique. de Michel Fourquet je retiens l'aquarelle page 25. Mais l'ensemble vaut le détour.
Un chant d'amour donc, adressé à la beauté dans « le creux de la vie ».