Nous pouvons déduire avec certitude de ces prémisses que les qualités les moins contestables de M. Denis sont une énergie singulière, un esprit de suite qui ne connaît pas de défaillance et une incomparable puissance de travail. On peut aussi inférer de cette suite considérable de grands travaux que M. Maurice Denis a su s'imposer la plus stricte des disciplines morales, qu'il a su choisir et maintenir une méthode de travail excellente et rigoureuse, qu'il a eu enfin la chance (qui n'advient jamais qu'à ceux qui la méritent) d'avoir su découvrir, dès le début de sa carrière, dans quelle direction il devait développer sa personnalité.
La surprise admirative des artistes et le souvenir exceptionnellement net que chacun garde de cette immense composition prouve qu'elle répondait d'une manière éclatante et complète à une excellente conception de la peinture décorative : exprimer avec clarté par des moyens purement picturaux, un sujet si simple et si saisissant que le spectateur puisse le comprendre entièrement d'un coup d'oeil, s'y complaire, le revoir indéfiniment en imagination et en réalité, ne jamais s'en fatiguer, et recueillir enfin de cette contemplation un enseignement moral. Bien peu de peintures décoratives modernes peuvent supporter un examen fait de ces divers points de vue.
M. Maurice Denis a écrit « Ni la qualité de l'émotion, ni ce répertoire sublime de formes et de couleurs qu'est la Nature ne suffisent lorsque l'artiste n'a pas l'intelligence des moyens, des limites, des conditions et de l'objet durable de son effort. Je veux qu'il ait encore une volonté, une méthode et des idées générales. »
Enfin en 1901 — sans préjudice de son envoi à la Société Nationale — il décorait entièrement de peintures et de vitraux la chapelle de la Sainte Vierge dans l'église du Vésinet. Cette chapelle — visitée par tous ceux qui s'intéressent à l'évolution de la peinture moderne méritait les suffrages les plus flatteurs. Par cette suite de peintures d'un accent sincèrement religieux, composées avec science et exécutées avec amour M. Maurice Denis se classait comme l'un des artistes français les mieux doués pour la grande décoration.
D'année en année Henri Martin travaillait à se découvrir lui-même. Il n'y parvint qu'après avoir dépassé la quarantième année. Parvenu à la maturité de son âge, ayant mérité par d'inlassables et d'incessants efforts de mettre enfin d'accord ses motifs, sa technique et son propre tempérament, il conçut et exécuta le vaste triptyque pour le Capitole de Toulouse qu'il exposa au salon de 1903 et qu'on appelle communément « les Faucheurs ». Ce fut le chef-d'oeuvre. Le succès fut immense, retentissant, unanime et inoubliable.