Tout peut s'oublierOlivier Adam
roman 2021 264p
Flammarion
dédicacé à Karine
On -les critiques- ne s'était pas trompé il y a une vingtaine d'années quand on voyait en
Olivier Adam un grand écrivain. Ce dernier construit une oeuvre avec les thèmes des douleurs familiales, du manque, de l'inadaptation.
Olivier Adam est lui-même un inadapté .
Si le livre est une histoire, un travail sur la langue, un questionnement sur la société,
Olivier Adam sait écrire des livres, quoi qu'en pense
Olivia de Lamberterie.
Ici, l'histoire est claire et douloureuse : c'est celle d'un père, Nathan, à qui son enfant est enlevé par son ex-femme. le couple est divorcé et la mère, Jun, est japonaise. le fils ressemble à sa mère. Sans le prévenir, Jun est repartie au Japon. Ce pays ne reconnaît pas le partage de l'autorité parentale d'un parent étranger, la garde alternée, ni même le droit de visite.
Le père enquête. Il va voir les amies japonaises de Jun mariées à des Européens, se connecte sur Internet pour connaître des cas semblables au sien, part au Japon. Il y rencontre les deux frères de Typhaine Véron, la touriste qui y a disparu mystérieusement. Mais dans ce pays les disparitions volontaires sont fréquentes. Cette histoire vraie, qui côtoie celle de la fiction, laisse très peu d'espoirs à Nathan, d'autant moins que les parents de Jun font appel à la police pour le faire arrêter.
Nathan est un exploitant de cinéma à Saint-Malo. Il a rencontré Jun au Japon, une jeune céramiste qui apprend le français. Les jeunes gens s'entendent bien, et Jun part avec lui pour la France. Elle est entreprenante et désire voir le pays dont elle apprend la langue. Elle aime les gens et les paysages, ce qui aux yeux de Nathan sont les seuls ressorts possibles du sentiment d'appartenance. Nathan, lui, ne sait pas s'amuser, être léger, plaisanter, participer à une conversation légère. Il aime les films à essai japonais. Sa première femme l'a quitté déjà, voici que la seconde le quitte aussi : qu'a-t-il qui ne va pas ? Pourquoi Jun qui avait un logement donnant sur la mer et avait créé un atelier de céramique a-t-elle divorcé puis est repartie dans son pays ? Ce n'est pas que Nathan ne voit pas les peines des gens, c'est qu'il est taiseux, et laisse les choses se faire.
Il est l'ami d'une femme, divorcée et mère dont le fils est politiquement radicalisé et renie ses parents. Ensemble ils écoutent
Dominique A.
Ce livre nous ramène au Japon où on pratique l'origami. On apprend qu'à Kyoto on ferme rarement la porte à moins de partir plusieurs jours. On se balade à Sagano, quartier que Nathan aime beaucoup. On est à Miyajima, l'île des dieux où les daims sont sacrés. Mais le pays rebute, avec ces policiers qui chassent l'intrus sous de fausses accusations, et la forêt de Sagano perd en beauté.
En France, le portrait n'est pas flatteur non plus, avec le syndrome de Paris et sa brutalité, son impolitesse, sa frontalité, sa mauvaise humeur, sa saleté, son incivilité. le président Macron est un professeur qui gronde ses élèves et fait preuve d'impassibilité. L'Education Nationale n'aime que les films à histoire ou « à sujet », et ne voit pas l'intérêt de sensibiliser les enfants au cinéma comme une fin en soi. L'Extrême Droite progresse et prône le repli sur soi. Les manifestations sont nombreuses.
D'un style nerveux, sec,
Olivier Adam décrit les personnages, les ambiances, les gênes des amies japonaises de Hun, l'insouciance du Danois, le voisin de Nathan, qui se promène en slip sur sa terrasse. Il décrit poétiquement le littoral de Saint-Malo, et avec émotion le génocide des tilleuls de la rue où habite sa mère.
Olivier Adam a toujours une tristesse dans sa voix. « On reprend sa vie là où on l'a laissée. Et on tente de se convaincre qu'elle ne va pas si mal », dit son personnage. Il écrit avec simplicité comment la vie se fait, il dit des choses qu'on voit, nous aussi mais sans qu'on s'y attarde, même si elles nous ont choqué.
Tout peut s'oublier est un beau livre qui donne envie de continuer la route avec
Olivier Adam.