Le messianisme comme fin de l’Histoire
Tout aussi ésotérique ou irrationnelle que peut nous apparaître une vision du monde, elle doit être en parfaite cohérence avec sa propre logique interne. Dans le cas des pensées complotistes, foncièrement pessimistes et fatalistes, surtout celles qui ont subi le processus de délitement de la réalité au profit du mysticisme, le salut et le triomphe ne peuvent venir finalement que de forces extrahumaines. L’échec historique et politique de la Cause représente l’échec d’une humanité, qui au fond n’a jamais été en mesure de supporter cette vérité « trop sainte, trop pure et trop lourde » pour le commun des mortels. Il ne peut en être autrement puisque la Cause est par nature absolument infaillible (comme l’imam) dans son fond, sa forme et dans ses évolutions : l’échec n’est imputable qu’aux hommes et aux forces sataniques qui les maintiennent dans l’obscurité. Cette logique est foncièrement celle du chiisme, dont les lamentations mortifères lors des célébrations sanglantes et théâtralisées d’Achoura, cherchent l’impossible expiation d’une « faute historique impardonnable ».
Puisque dans l’élaboration de sa théologie dogmatique, le chiisme s’est débarrassé des analyses rationnelles, des principes tangibles et mesurables, de la relation logique de cause à effet, des explications évidentes et apparentes, il est normal qu’il ne puisse trouver d’autre solution au triomphe de sa Cause, que celle qui fait intervenir un élément hors du commun. Elément qui seul peut renverser de manière extraordinaire le cours de cette histoire subie et honnie :
Dans les représentations traditionnelles le monde apparaît comme foncièrement corrompu et mauvais. Si même les descendants du Prophète (paix et salut sur lui), ces êtres d’une nature surhumaine issue de la lumière divine, n’ont pu faire vaincre la vraie foi, la justice et la paix, ce monde est bel et bien voué au mal jusqu’au retour du Mahdi."
Aïssam Aït Yahya : "Sécularisation de la foi musulmane". Avec base le livre publié aux Editions Nawa : "Les origines chrétiennes d'une laïcité musulmane - L'Irja ou le chaînon manquant".