Les deux écoles, alors, malgré les nuances décisives qui les séparent, apparaissent comme un organisme complet et complexe, dont il est téméraire de détacher la moindre parcelle. Il est, en physiologie, de ces organes que l'on nomme des parenchymes, et qui contiennent toutes sortes d'éléments vitaux, des veines, des nerfs, du tissu musculaire, des vaisseaux sanguins et des vaisseaux lymphatiques, tout cela si profondément, si intimement mêlé et entremêlé que cela se dérobe à la définition laconique. Les deux écoles, flamande et hollandaise, peuvent être comparées, dans leurs adhérences comme dans leurs séparations, à un ensemble de cette sorte. Les origines se mêlent, se confondent; on croit parfois pouvoir signaler une bifurcation, et l'on s'aperçoit bientôt que c'est un parallélisme. Des influences communes amènent des résultats différents; des influences différentes produisent des effets analogues.
La Hollande, la vie intérieure? .Mais au XVIe siècle, contre sa propre nature, l'art hollandais se livre aux plus superficielles exagérations. Et plus tard, à la belle époque, comment qualifier de vie intérieure les ébandissements des rustres de Van Ostade, les pavanements et les prises d'armes des fringants cavaliers de Frans Hals? Et plus loin encore, comment dire que les « conversations » de Ter Borch, de Pieter de Hooch, de Vermeer, appartiennent à la vie purement méditative? L'est encore la vie organique, bien qu'étudiée entre les murs. Les comédies merveilleuses de Jean Steen participent de la vie organique, par les ripailles, de la vie intérieure aussi, et bien profondément, par la pénétrante observation de l'humanité.
Rembrandt, avons-nous dit, est profondément homme, comme il est profondément peintre. Ce talent unique est mis exclusivement au service d'une pénétrante observation, d'une imagination saisissante, et d'une vive sensibilité. Considérer Rembrandt surtout comme nue espèce de poète ou de philosophe est également alourdir sou rôle et dénaturer sa mission, sa poésie et sa philosophie étant toutes d'instinct et étroitement liées à son métier.
On dira volontiers qui Rembrandt est le plus humain de tous les grands peintres, et on aura ainsi posé deux ternies essentiels, à savoir que chez lui la peinture est inséparable du profond sentiment humain, et que l'humanité s'exprime toujours par de surprenants moyens, mais seulement des moyens de peintre.